Valeurs et et relativisme moral dans la généalogie de la morale (1887) de friedrich nietzsche( Télécharger le fichier original )par Daniel Blaise BITECK Université de Yaoundé 1 - DIPES II 2013 |
CONCLUSION PARTIELLEDe ce qui précède, les tenants de la « Théorie critique » et de la post-modernité se caractérisent par leur incrédulité à l'égard des grandes utopies qui ont fait le monde. En effet, les utopies du progrès, de l'humanisme, de la liberté, du bonheur et de la rationalisation du monde, selon cette perspective, sont des mythes qui ne valent pas mieux que ceux qui les ont précédés et qu'ils tentent de remplacer. Radicalement, le scepticisme des partisans de la « Théorie Critique », parmi lesquels Paul Karl Feyerabend prône un relativisme absolu, un véritable anarchisme épistémologique. Mais la question qui demeure reste celle de la pertinence épistémologique, non seulement de la haine de la raison et de la science, mais aussi de ce relativisme post-moderne. Partant de l'examen de la thèse de la « Théorie critique », nous pensons que l'idée selon laquelle la raison et la science ont finalement « instrumentalisé » l'homme n'est pas pertinente. Il convient de remarquer, en effet, que l'instrumentalisation de l'homme ne dépend pas directement de la raison ou de la science, mais bien plutôt de ce que l'homme lui-même pourrait faire des résultats des progrès scientifiques. Aussi, la raison et la science ne se convertissent en obstacle à la libération et ne prennent la forme de « l'instrumentalisation » de l'homme que si elles ont été « instrumentalisées » par l'homme lui-même. A notre avis, la raison et la science sont fondamentalement libératrices. Elles libèrent des préjugés, des mythes et des superstitions qui maintiennent l'homme dans la « Minorité »85(*). De ce fait, nous ne comprenons pas comment la post-modernité a pu postuler la parité entre toutes les formes de connaissances, toutes les théories, toutes les méthodes, y compris les plus aberrantes et les plus absurdes. Le relativisme moral et épistémologique auquel conduit la pensée de Nietzsche est suspect, car il veut séduire et entraîner l'humanité dans le contingent, l'instant, le singulier, le précaire, et le relatif. En rejetant l'idée de loi et de prévision historique, il apparaît comme une théorie de la désorientation, de la démobilisation et de la diversion. Ainsi, il n'est pas question pour nous d'accepter de retourner dans la caverne du mythe platonicien du même nom, car la science et la raison sont la vraie mesure de l'homme. CONCLUSION GENERALEAu terme de notre étude où il était question des valeurs et du relativisme moral dans La Généalogie de Friedrich Nietzsche, il ressort que la philosophie nietzschéenne est une critique radicale des illusions des valeurs traditionnelles qui se voulaient obligatoires, nécessaires et universelles. Nietzsche a en effet souligné que la crise de l'autorité des valeurs est, à la vérité, une crise des fondements, car les fondements sur lesquels on avait fait reposer la force obligatoire des valeurs se sont révélés fictifs. C'est ainsi que l'invention d'une transcendance absolue, d'une raison législatrice ou normative, l'absolutisation du sentiment et précisément du sentiment de pitié par les hommes pétris de ressentiment apparaît, non seulement comme une volonté manifeste de niveler la société par le bas, mais aussi comme la manifestation de l'incapacité des esclaves à vivre seuls et sans appui. Pour Nietzsche, l'homme doit trouver un nouveau chemin à l'écart de la morale nihiliste pour retrouver de nouvelles valeurs positives et créatrices. D'où la postulation par notre auteur de la transmutation des valeurs. Il a ainsi été question, dans la seconde partie de notre réflexion, de l'exposition de la théorie nietzschéenne des valeurs. Ainsi, il nous est apparu que l'auteur de Ainsi parlait Zarathoustra a posé comme absolue la thèse d'un relativisme des valeurs en déconstruisant, pour les reconstruire ensuite à sa manière, les origines et les valeurs autrefois attribuées aux évaluations morales telles que le « Bien », le « Mal », le « Bon », le « Méchant » par les généalogistes de la morale tels que Paul Ree, Schopenhauer etc....Après avoir présenté ces dernières comme faisant partie de la morale dite des esclaves, entendons par-là les faibles, les individus incapables de créer, de faire éclore leur géni, et qui s'inventent toutes sortes de « sottises » telles que la pitié, la divinité et l'esprit de vengeance pour masquer leur impuissance, Nietzsche valorise contre ceux-ci la morale des maîtres ou des aristocrates caractérisée par des valeurs telles que la guerre, la domination du faible par le fort bref, le retour au respect du droit naturel qui pose comme le dit Spinoza dans L'Ethique que les gros poissons mangent les petits. Notre auteur n'a ainsi reconnu comme valeurs que celles qui concourent à l'émergence d'un type d'homme créateur, innovateur de valeurs car celles-ci sont perpétuellement appelées à muter selon les aspirations du sujet. D'où il ressort qu'il y a une ample valorisation de la thèse protagoricienne selon laquelle l'homme serait la mesure de toutes choses. Toutefois, l'évaluation conceptuelle de la critique nietzschéenne du caractère absolu des valeurs morales nous a permis de mettre en lumière des préjugés ontologique, épistémologique et anthropologique qui compromettent la pensée de l'auteur de La Généalogie de la morale. Il nous est apparu, en plus de ces préjugés que la réflexion de Nietzsche est émaillée de contradictions qui menacent le discours philosophique. En effet, non seulement Nietzsche ne respecte pas le principe héraclitéen du devenir qu'il a lui-même postulé, mais retourne subrepticement aux formes de remplacement de la transcendance qu'il a récusé. Par ailleurs, nous avons aussi noté que la pensée de Nietzsche aboutit à des dérives pratiques et logiques, car, d'une part l'institution d'une morale sans obligation, ni sanction ouvre nécessairement la voie à l'immoralisme, et que d'autre part, la « misologie » engendre le relativisme moral et même le relativisme épistémologique. Néanmoins, malgré notre réticence à suivre Nietzsche sur le sentier du relativisme moral et épistémologique, nous lui savons gré d'avoir fait preuve d'un esprit critique, puisqu'il s'est évertué à remonter à l'origine des choses pour déterminer ce qui s'est réellement passé. Cette remontée génético-historique qui récuse « les arrières-mondes » a fortement influencé l'existentialisme. Aussi, la portée philosophique nietzschéenne jusqu' aujourd'hui n'est plus à démontrer. Nietzsche a exercé une influence considérable sur l'esprit de son époque. * 85 E. Kant, La philosophie de l'histoire, Traduction de Stéphane Piobetta, Paris, Editions Gonthier, 1947, p. 45. |
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