Politique budgétaire en RDC: instruments, moyens et efficacité.( Télécharger le fichier original )par Alain NZANZU TAVULYANDANDA Université Catholique du Graben - Licence 2015 |
II.2. PROBLÈMES MACROÉCONOMIQUES ET POLITIQUE BUDGÉTAIRE EN RDCII.2. 1. Croissance et dépenses publiquesLa macroéconomie surtout keynésienne enseigne que même un budget équilibré, notamment à partir du théorème de Haavelmo, a un effet de même ampleur sur le revenu global d'une nation que n'en varient ses dépenses publiques. Toutes choses restant égales par ailleurs, les dépenses publiques et le PIB varient donc dans le même sens. La RDC connait depuis 2003 des performances au niveau de ses indicateurs macroéconomiques entre autre un taux de croissance élevé. L'on sait que, l'un des objectifs de la politique budgétaire est de promouvoir la croissance économique. Ainsi, est-il normal de se poser la question de savoir la contribution de la politique budgétaire adoptée (de 2003 à 2014) à cette croissance enregistrée. Graphique n°6 : Évolution du ratio dépenses publiques/PIB (en %)s Source : Construit à partir des rapports de la BCC Comme le montre le graphique ci-dessus, le niveau du ratio des dépenses publiques au Produit Intérieur Brut a eu une tendance d'évolution en dents de scie durant la période 2003-2014. Excepté 2015, où il se remarque une véritable diminution de ce ratio. Globalement, ce ratio est encore faible situé entre 6 et 14 %. Le taux de croissance de ces deux variables (croissance du PIB et de dépenses publiques se présente pour la période 2003-2014 comme suit : Graphique n° 7 : Évolution des taux de croissance du PIB et des dépenses publiques Source : Construit à partir des rapports de la BCC Ce graphique montre un taux de croissance du PIB quasi-stable se situant entre 5 et 10 % sur la période sous étude exception fait de 2009 où ce taux a chuté jusqu'à 2,9%. Au niveau de toute la période, les dépenses publiques évoluent à un rythme nettement différent à celui du PIB. À voir l'allure de la croissance des dépenses publiques, il ressort une forte indépendance entre celles-ci et la croissance du PIB ou vice versa. En effet, si en 2010 le taux de croissance des dépenses publiques est passé dans le négatif, celui du PIB s'est relevé après avoir chuté en 2009. Cette chute de 2009 est la conséquence de la crise financière internationale de 2008 et les crises énergétique et alimentaire de 2009, étant donnée l'économie de la RDC est dépendante de l'extérieur. De même en 2015, alors que la croissance de dépenses publiques a chuté de 45% suite à la diminution des prix des matières minérales, la croissance du PIB est restée positive situé à 7,7%. Il n'y a donc pas de liaison constante entre les variations de deux variables. Si l'un des deux variables augmente, l'autre n'augmente pas ou ne diminue pas nécessairement. Cette situation est contraire à l'idéal qui voudrait que le PIB et les dépenses publiques fluctuent dans le même sens. Cette fluctuation indépendante de ces deux variables témoigne de l'absence de l'incidence de l'une sur l'autre. L'analyse de la corrélation entre la croissance des dépenses publiques et celle du PIB prouve d'avantage l'inexistence d'une dépendance entre elles. En effet, telle que nous pouvons le lire sur le graphique n° 8, et d'après les résultats de l'analyse de la régression entre ces deux variables, il n'existe pas une influence significative entre elles. D'où, pas d'incidence de la variation des dépenses publiques sur celle du PIB. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation, notamment l'orientation même des dépenses publique et l'ouverture de l'économie congolaise ; tel que démontré dans la suite de ce travail. L'analyse serait élargie sur la détermination du lien de causalité entre ces variables si elles étaient en corrélation. Graphique n° 8 : Corrélation Croissance du PIB / Croissance dépenses publiques Source : Construit à partir des rapports de la BCC Équation de la droite de régression : y = 0,000x + 6,632 repris sur le graphique ci-dessus signifie : Croissance du PIB = 0,000 * Croissance dépenses publiques + 6,632. Y représente donc la croissance du PIB et x celle des dépenses publiques. Formellement cette équation s'écrit : y = â1*x + â0 avec â1 le coefficient de régression ou du taux de croissance des dépenses publiques et â0 le terme constant. Le coefficient du taux de croissance des dépenses publiques est égal à zéro et donc la croissance des dépenses publiques n'influence pas le taux de croissance du PIB. Les dépenses publiques n'ont aucune influence sur la croissance économique congolaise. Quels peuvent être les déterminants de cette indépendance PIB-dépenses publique ? A. L'ouverture de l'économie de la RDC et balance de paiement L'on sait que l'incidence de la politique budgétaire est d'autant moins importante que l'économie est ouverte et la demande intérieure par rapport aux importations est forte. Ceci est le cas de la RDC où la quasi-totalité des biens en valeur ajoutée élevé sont importés. Certes, les dépenses publiques augmentent, mais pas la production, car ces dépenses étant des dépenses de consommation et que les biens de consommation achetés sont en grande partie des biens importés, d'où le faible impact sur la production intérieure. Tableau n° 7 : Solde de la balance de paiement rubrique biens et services
Source : Construit à partir des rapports annuels 2013, p 169 et 2014, p 151 de la BCC L'une des conclusions retenues dans la première section de ce chapitre est que la priorité du gouvernement consiste dans l'exécution des dépenses de consommation (courantes). Vu que la plupart des biens de consommation sont importés (balance déficitaire sur toute la période de 2003 à 2014), il parait logique qu'une telle politique n'ait pas eu d'incidence significative sur la croissance économique. En permettant l'acquisition des biens a grande partie importés, ces dépenses constituent une fuite de fonds du circuit de paiement intérieur. En effet, l'on sait que le PIB se calcul par trois optique différentes mais conduisant au même résultat. Ces approches sont : Production, Revenu et Dépenses. Suivant cette dernière le PIB est donné par : PIB = C+I+G+(X-M) Avec : C= la Consommation des privées I= l'investissement G= les dépenses publiques X =les exportations et M= les importations Il s'en suit que les importations influence négativement le PIB et en conséquence la croissance économique. Bien que les dépenses publiques aient représenté, durant toute la période d'étude, une moyenne de 11 % du PIB, cette proportion a dû être évincée par l'incidence négative de l'ouverture de l'économie et la nature des dépenses. A. Nature et Composition des dépenses publiques L'orientation des dépenses vers les dépenses courantes peut aussi compromettre l'efficacité de la politique budgétaire. Certes, les dépenses courantes d'un État sont une composante de la demande globale comme toutes les autres. Mais est-il que, quels que soient les besoins et les circonstances, qui varient d'un pays à l'autre, l'efficacité de la politique budgétaire dépend dans une large mesure du niveau et de la composition des dépenses. Une conclusion capitale des études consacrées à cette question est que l'investissement est associé à la croissance de façon plus robuste que ne le sont les dépenses courantes.44(*) Cette conclusion peut être nuancée, du fait que les dépenses courantes ne sont pas toutes les mêmes et que d'autres sont évidemment indispensables à la prestation de services, surtout en matière de santé et d'éducation. Néanmoins, la réalité congolaise vis-à-vis de ces dernières n'est pas du tout convainquant suite à la part allouée à la santé et à l'éducation. En plus, à voir les ministères et institutions de la RDC les plus dépensiers, ils ne reflètent nullement un caractère de soutien à la croissance économique qui tire sa plus grande partie du secteur primaire : agriculture et des industries extractives. Quel a été la part du budget consacrée au soutient de ce levier de la croissance réalisée en RDC ? Cette part se lit dans le tableau qui suit : Tableaux n°8 : Allocation de l'agriculture et au ministère des Mines, industries et artisanat
Source : Construit à partir des rapports de la BCC De 2003 à 2014, le gouvernement congolais a consacré moins de un pour cent de ses dépenses à l'agriculture et au ministère des mines, industries et artisanat exception faite de 2008, 2009 et 2014 où l' agriculture a reçu au moins un pour cent. Cette situation est déplorable vu que le secteur primaire reste le poumon de la croissance économique enregistrée en RDC et qui, malheureusement, ne bénéficie pas de l'encadrement du gouvernement en termes d'allocations des ressources. En effet, comme une entreprise finance ses branches d'activités les plus productives, la logique voudrait que ce soit le secteur primaire qui puisse bénéficier du concourt du gouvernement, hélas c'est un secteur laissé à son triste sort. Au-delà d'être l'un des poumons de la croissance économique dans ce pays ; il faut noter que la plupart de la population congolaise est rurale et tire plus de revenu des activités agricoles. Mais, l'action du gouvernement est quasi absente pour soutenir ce secteur. Pourtant l'agriculture crée des possibilités génératrices de revenus pour les pauvres et elle réduit les prix des aliments qui sont prédominants dans le panier de consommation des populations à faible revenu.45(*) De lors, la possibilité d'une telle orientation des dépenses publiques de contribuer non seulement à la croissance mais aussi à l'amélioration de conditions de vie est remise en cause. Certes, de nos jours, l'on ne peut pas se contenter du seul secteur primaire vue l'évolution des économies modernes qui sont en train de passer d'ailleurs du secteur secondaire au secteur tertiaire. Ces deux secteurs étant productifs de biens et services élaborés ou en grande valeur ajoutée. En considération de cet aspect non négligeable de l'évolution de économies modernes, dans son plan d'action quinquennal, le gouvernement congolais ne s'est pas passé du secteur secondaire notamment en envisageant orienter ses actions vers l'acquisition des industries agroalimentaires et industrialisantes suite à la vulnérabilité de l'économie congolaise aux chocs extérieurs et tributaires de l'aide internationale du fait de l'orientation de cette économie vers l'exploitations des produits primaires. En à croire le gouvernement congolais : « Le développement des industries de transformation, en particulier dans les secteurs de l'agro-industrie et de la transformation des produits primaires, et des industries structurantes ou industrialisantes, constitue le socle du progrès social et économique de notre pays... le programme se propose aussi de développer et/ou de renforcer les industries structurantes existantes et à créer. Un accent particulier sera mis sur les industries structurantes qui soutiennent en amont le processus de reconstitution. Il s'agit particulièrement de : l'industrie de ciment, du bois, du cuivre, de l'acier, du sable siliceux, de l'industrie de construction des routes et ouvrages et de celui de construction ferroviaire. »46(*) Un fameux objectif comme celui-ci exige au gouvernement de consacrer des fonds importants aux dépenses en capital. Dès lors, qu'elles ont été les actions concrètes, en termes d'allocations des ressources, orientées vers la rencontre de cet ambitieux souhait ? Il est vrai qu'il existe un fond spécial pour l'industrie en RDC : Fond de promotion de l'industrie dont le financement provient principalement de la taxe de promotion de l'industrie et dont la mission47(*) principale est de promouvoir l'essor de l'industrie congolaise par : w la promotion d'industries nouvelles en veillant à réaliser l'équilibre industriel au plan national; w la promotion de la petite et moyenne industrie; w la promotion de l'intégration industrielle, notamment entre les grandes et petites unités et l'implantation des industries de production des produits semi-finis; w la promotion des activités de recherche appliquée permettant le développement et l'amélioration du secteur industriel. Ceci n'empêche à rien au gouvernement de pouvoir intervenir dans le secteur de l'industrie. Dans le tableau n° 8 nous avons présenté la part allouée au ministère de mines ; industrie et artisanat, part globale (c'est à dire en dépense courante et en capital) qui correspond à moins d'un pour cent sur toute la période sous étude. Globalement réitérons-le, la part des dépenses en capital est encore insignifiante pour permettre de stimuler l'industrialisation tel que l'envisage le gouvernement. S'il faut parler de la tertiairisation des économies modernes, cette dernière tire ses origines des innovations, lesquelles sont les résultats de la recherche. La RDC ne manifeste aucune volonté d'apporter son soutien à la recherche. Au point II.1.2.3 de la première section de ce second chapitre nous avons présenté l'importance relative de ce secteur dans les dépenses totales exécutées. Il s'est révélé que durant toute la période considérée, le ministère de la recherche scientifique a reçu moins de 0,5 %. Avec un pourcentage aussi faible que celui-ci la RDC ne peut aspirer aucunement à un développement du secteur tertiaire, en termes d'innovations, de son économie. Celui-ci ne peut donc rester en forte dépendance du commerce qui, malheureusement est basé sur les importations, lesquelles constituent une fuite des capitaux et une source de détérioration de la balance commerciale. Se passer de la recherche c'est aussi compromettre le secteur secondaire qui entretient des relations avec les innovations. De 2003 à 2014 la politique budgétaire mise en oeuvre par la RDC n'a significativement pas contribué à la croissance économique alors que cette politique économique s'est voulue expansionniste dans l'accroissement des dépenses publiques et dans les ambitions du programme du gouvernement. La relation d'indépendance entre le taux de croissance des dépenses et du PIB en est la preuve. Cet état de lieu ne s'accommode pas avec l'existence d'une relation d'entrainement entre ces deux variables tel que l'enseigne la macroéconomie. Le niveau et la composition des dépenses face à une balance de paiement déficitaire en sont les principales causes. L'analyse aurait dû être élargie à une modélisation macro-économétrique surtout si les données étaient mensuelles, ce qui permettrait d'avoir plus d'observations pour une meilleure mesure de cette relation entre PIB et Croissance, hélas nous n'avons eu des données annuelles. * 44Easterly and Rebelo, 1993; Gupta et al., 2005, cite par FMI dans Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, Octobre 2009, pp 46-47 * 45 KAMBALEMIREMBE, O, RD Congo : Une croissance sans développement ?, IOB working Paper 2013-06, p.17 * 46Gouvernement central de la RDC, Programme d'action du gouvernement 2012-2016, pp.17-19 * 47 Article 4 de l'Ordonnance 89-171 portant création et statuts d'une entreprise publique dénommée Fonds de promotion de l'industrie, en abrégé «F.P.I». (J.O.Z., n°16, 15 août 1989, p. 36) |
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