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Lutte contre le grand banditisme au Burkina Faso: bilan et perspectives.

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par Marcel KAFANDO
Ecole Nationale de Police - Commissaire de police 2015
  

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A. Le renforcement de la prévention

La répression du grand banditisme est caractérisée par son caractère hautement répressif. Cependant, les limites de la répression conduisent à préférer la prévention.

1. La répression et ses limites

La répression du grand banditisme est fortement marquée par des textes hautement répressifs. L'action policière et judiciaire régie par le code pénal et le code de procédure pénale, renforcée par la loi 017 portant répression du grand banditisme est le principal moyen de la répression. Cette action conduit au prononcé de grandes peines criminelles sans autres mesures alternatives. Les plus grandes peines sont de 50 ans, voire l'emprisonnement à vie. Or, il est constant que l'effet de la répression est très limité. D'abord, elle ne permet pas une véritable réparation du dommage causé par l'infraction. «Ainsi, les conséquences physiques, psychologiques, économiques et sociales de la criminalité sont vivement ressenties, sans possibilité réelle pour le système pénal de les réparer. Elle est presque sans effet sur le caractère criminogène des délinquants et de certains milieux spécifiques et par conséquent inefficace quant à la réduction de la criminalité »81. C'est pourquoi « même s'il est indiscutable que les méthodes répressives doivent maintenir plus que jamais la pression sur la criminalité, il importe désormais de faire une plus large place à la prévention »82.

2. La prévention et ses avantages

La prévention est certainement le meilleur moyen dans les démocraties pour vaincre la criminalité, donc le grand banditisme. L'expérience au Burkina Faso montre que les zones où le système de prévention est mis en oeuvre, la criminalité a considérablement reculé. Le tableau des attaques à mains armées indique l'influence positive des actions de patrouilles des corps de sécurité. La criminalité des zones rouges répond favorablement aux actions préventives qu'on y applique. Il faut empêcher par tous les moyens le passage au crime. Aussi, faudra-t-il démultiplier les services de sécurité et rendre les corps de patrouilles et les postes de service de sécurité omniprésents sur tout le territoire national. Il faut arriver à un niveau de redéploiement du personnel de sécurité tel qu'il est quasi impossible pour les auteurs d'une opération de grand banditisme de parcourir plus de deux kilomètres sans être arrêtés.

81 KABRE Olivier, op.cit.

82 Politique ministérielle en prévention de la criminalité, pour des milieux de vie plus sécuritaires, Québec, Novembre 2001, p.6.

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L'intérêt de la prévention est multiple. D'abord, elle permet le déroulement normal de la vie sociale et économique qui n'est guère troublée par l'infraction. Ensuite, elle permet d'économiser en évitant la procédure judiciaire très coûteuse et longue. Elle permet enfin, de réduire la population carcérale dont la gestion coûte chère à l'Etat ; sans compter les questions morales soulevées par l'emprisonnement. C'est pourquoi, la prévention reste le meilleur moyen de lutte contre le grand banditisme.

B. Rationalisation de la répression.

La nécessité de rationaliser la répression est liée aux problématiques soulevées par les longues peines.

1. Problématique des longues peines

L'article 8 de la Déclaration Française des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDH) du 02 octobre 1789, 1er texte à poser les principes fondamentaux du droit pénal, dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Deux principes sont ainsi énoncés : la légalité et la nécessité. La nécessité veut que la peine infligée soit le strict nécessaire et ne prenne pas d'autres formes de torture.

Les peines applicables dans le cadre de la répression du grand banditisme peuvent poser problème quant au principe de la nécessité de la peine. En infligeant des peines hautement criminelles à l'issue d'une procédure correctionnelle, la loi 017 pèche contre les principes fondamentaux de la proportionnalité et de la nécessité du droit pénal classique.

Les longues peines sont souvent sources de problèmes pour nos sociétés. Elles posent des problèmes éthique et économique. Economique parce qu'elles coûtent chères à l'Etat ; éthique parce qu'elle met en jeu la capacité d'une société dite civilisée à moderniser son système pénal.

Dans le contexte burkinabè, les bandits condamnés à des longues peines allant de dix à cinquante ans, et même à perpétuité sont souvent à l'origine des mutineries, des tentatives d'évasions et de tous autres troubles dans les maisons d'arrêt83. Conscient du caractère incompressible de leurs peines, ces condamnés qui réalisent qu'ils n'ont plus rien à perdre tentent le tout pour le tout dans les centres de détention. La construction récente de la prison de

83 Témoignages du personnel de la GSP, recueillis lors des enquêtes qualitatives, mars 2015.

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haute sécurité a été réalisée pour permettre de résoudre au mieux certains de ces difficultés pénitentiaires.

2. La nécessité de la modération.

Il faut revoir le mécanisme de la répression du grand banditisme dans le sens de l'allègement afin de se conformer aux exigences de l'Etat moderne. Cette exigence de la révision s'invite à un double niveau. Au plan de la durée de la garde à vue et au niveau de la procédure qui conduit au prononcé de la peine.

Les délais légaux de la garde à vue qui sont de 15 jours maximum, méritent d'être revus à la baisse. En rappel, la garde à vue est une « mesure par laquelle un OPJ retient dans les locaux de la police, pendant une durée légalement déterminée, toute personne qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester à la disposition des services de police »84. Cette mesure a lieu dans du droit étroit car elle porte atteinte de façon irréversible à la présomption d'innocence et au droit d'aller et de venir. C'est pourquoi, sa durée doit être réduite au maximum au juste nécessaire. L'efficacité de la répression pourrait justifier le maintien de la quinzaine, mais l'étude vient de révéler que les mesures sévères ne font pas reculer la criminalité. Le maintien de la quinzaine est donc sans objet. Cette exigence est commandée davantage par la tendance internationale qui est la baisse. En France, le délai légal de la GAV est passé de 72 heures à 24 heures. Il serait donc convenable que le Burkina Faso ne se mette pas en marge de la tendance internationale.

Les peines criminelles qui s'appliquent à l'issue des procédures correctionnelles ne donnent pas l'idée d'une bonne administration de la justice. Cet alliage nouveau qui chamboule un ordonnancement juridique ingénieux hérité de pratiques immémoriales de la science criminelle est source d'erreurs judiciaires. Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un délai impératif et incompressible s'impose. C'est une garantie de la bonne administration de la justice. Sinon, comment être sûr que le condamné à 50 ans d'emprisonnement ferme à l'issue d'une procédure pénale qui n'a duré que deux semaines a bénéficié d'une justice équitable ?

Il faut donc aménager le système, même au prix d'une reconsidération des droits fondamentaux de l'individu.

84 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13ème édition

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Paragraphe I : Une reconsidération des droits fondamentaux

Les nécessités de la répression face aux exigences des droits de l'Homme commandent la recherche permanente d'un équilibre, lequel ne peut se réaliser qu'au prix d'un compromis entre la teneur actuelle de la loi portant répression du grand banditisme et une interprétation contextuelle des libertés individuelles.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery