A. Le renforcement de la prévention
La répression du grand banditisme est
caractérisée par son caractère hautement répressif.
Cependant, les limites de la répression conduisent à
préférer la prévention.
1. La répression et ses limites
La répression du grand banditisme est fortement
marquée par des textes hautement répressifs. L'action
policière et judiciaire régie par le code pénal et le code
de procédure pénale, renforcée par la loi 017 portant
répression du grand banditisme est le principal moyen de la
répression. Cette action conduit au prononcé de grandes peines
criminelles sans autres mesures alternatives. Les plus grandes peines sont de
50 ans, voire l'emprisonnement à vie. Or, il est constant que l'effet de
la répression est très limité. D'abord, elle ne permet pas
une véritable réparation du dommage causé par
l'infraction. «Ainsi, les conséquences physiques, psychologiques,
économiques et sociales de la criminalité sont vivement
ressenties, sans possibilité réelle pour le système
pénal de les réparer. Elle est presque sans effet sur le
caractère criminogène des délinquants et de certains
milieux spécifiques et par conséquent inefficace quant à
la réduction de la criminalité »81. C'est
pourquoi « même s'il est indiscutable que les méthodes
répressives doivent maintenir plus que jamais la pression sur la
criminalité, il importe désormais de faire une plus large place
à la prévention »82.
2. La prévention et ses avantages
La prévention est certainement le meilleur moyen dans
les démocraties pour vaincre la criminalité, donc le grand
banditisme. L'expérience au Burkina Faso montre que les zones où
le système de prévention est mis en oeuvre, la criminalité
a considérablement reculé. Le tableau des attaques à mains
armées indique l'influence positive des actions de patrouilles des corps
de sécurité. La criminalité des zones rouges répond
favorablement aux actions préventives qu'on y applique. Il faut
empêcher par tous les moyens le passage au crime. Aussi, faudra-t-il
démultiplier les services de sécurité et rendre les corps
de patrouilles et les postes de service de sécurité
omniprésents sur tout le territoire national. Il faut arriver à
un niveau de redéploiement du personnel de sécurité tel
qu'il est quasi impossible pour les auteurs d'une opération de grand
banditisme de parcourir plus de deux kilomètres sans être
arrêtés.
81 KABRE Olivier, op.cit.
82 Politique ministérielle en
prévention de la criminalité, pour des milieux de vie plus
sécuritaires, Québec, Novembre 2001, p.6.
52
L'intérêt de la prévention est multiple.
D'abord, elle permet le déroulement normal de la vie sociale et
économique qui n'est guère troublée par l'infraction.
Ensuite, elle permet d'économiser en évitant la procédure
judiciaire très coûteuse et longue. Elle permet enfin, de
réduire la population carcérale dont la gestion coûte
chère à l'Etat ; sans compter les questions morales
soulevées par l'emprisonnement. C'est pourquoi, la prévention
reste le meilleur moyen de lutte contre le grand banditisme.
B. Rationalisation de la répression.
La nécessité de rationaliser la
répression est liée aux problématiques soulevées
par les longues peines.
1. Problématique des longues peines
L'article 8 de la Déclaration Française des
Droits de l'Homme et du Citoyen (DDH) du 02 octobre 1789, 1er texte
à poser les principes fondamentaux du droit pénal, dispose que
« la loi ne doit établir que des peines strictement et
évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée ». Deux principes sont
ainsi énoncés : la légalité et la
nécessité. La nécessité veut que la peine
infligée soit le strict nécessaire et ne prenne pas d'autres
formes de torture.
Les peines applicables dans le cadre de la répression
du grand banditisme peuvent poser problème quant au principe de la
nécessité de la peine. En infligeant des peines hautement
criminelles à l'issue d'une procédure correctionnelle, la loi 017
pèche contre les principes fondamentaux de la proportionnalité et
de la nécessité du droit pénal classique.
Les longues peines sont souvent sources de problèmes
pour nos sociétés. Elles posent des problèmes
éthique et économique. Economique parce qu'elles coûtent
chères à l'Etat ; éthique parce qu'elle met en jeu la
capacité d'une société dite civilisée à
moderniser son système pénal.
Dans le contexte burkinabè, les bandits
condamnés à des longues peines allant de dix à cinquante
ans, et même à perpétuité sont souvent à
l'origine des mutineries, des tentatives d'évasions et de tous autres
troubles dans les maisons d'arrêt83. Conscient du
caractère incompressible de leurs peines, ces condamnés qui
réalisent qu'ils n'ont plus rien à perdre tentent le tout pour le
tout dans les centres de détention. La construction récente de la
prison de
83 Témoignages du personnel de la GSP,
recueillis lors des enquêtes qualitatives, mars 2015.
53
haute sécurité a été
réalisée pour permettre de résoudre au mieux certains de
ces difficultés pénitentiaires.
2. La nécessité de la
modération.
Il faut revoir le mécanisme de la répression du
grand banditisme dans le sens de l'allègement afin de se conformer aux
exigences de l'Etat moderne. Cette exigence de la révision s'invite
à un double niveau. Au plan de la durée de la garde à vue
et au niveau de la procédure qui conduit au prononcé de la
peine.
Les délais légaux de la garde à vue qui
sont de 15 jours maximum, méritent d'être revus à la
baisse. En rappel, la garde à vue est une « mesure par laquelle un
OPJ retient dans les locaux de la police, pendant une durée
légalement déterminée, toute personne qui, pour les
nécessités de l'enquête, doit rester à la
disposition des services de police »84. Cette mesure a lieu
dans du droit étroit car elle porte atteinte de façon
irréversible à la présomption d'innocence et au droit
d'aller et de venir. C'est pourquoi, sa durée doit être
réduite au maximum au juste nécessaire. L'efficacité de la
répression pourrait justifier le maintien de la quinzaine, mais
l'étude vient de révéler que les mesures
sévères ne font pas reculer la criminalité. Le maintien de
la quinzaine est donc sans objet. Cette exigence est commandée davantage
par la tendance internationale qui est la baisse. En France, le délai
légal de la GAV est passé de 72 heures à 24 heures. Il
serait donc convenable que le Burkina Faso ne se mette pas en marge de la
tendance internationale.
Les peines criminelles qui s'appliquent à l'issue des
procédures correctionnelles ne donnent pas l'idée d'une bonne
administration de la justice. Cet alliage nouveau qui chamboule un
ordonnancement juridique ingénieux hérité de pratiques
immémoriales de la science criminelle est source d'erreurs judiciaires.
Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un
délai impératif et incompressible s'impose. C'est une garantie de
la bonne administration de la justice. Sinon, comment être sûr que
le condamné à 50 ans d'emprisonnement ferme à l'issue
d'une procédure pénale qui n'a duré que deux semaines a
bénéficié d'une justice équitable ?
Il faut donc aménager le système, même au
prix d'une reconsidération des droits fondamentaux de l'individu.
84 Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13ème édition
54
Paragraphe I : Une reconsidération des droits
fondamentaux
Les nécessités de la répression face aux
exigences des droits de l'Homme commandent la recherche permanente d'un
équilibre, lequel ne peut se réaliser qu'au prix d'un compromis
entre la teneur actuelle de la loi portant répression du grand
banditisme et une interprétation contextuelle des libertés
individuelles.
|