A. L'effet de la loi sur l'évolution de la
criminalité
Cet effet ne peut être mesuré qu'à travers
une étude de la demande de sécurité comparée avec
l'offre.
1. Le besoin de sécurité
Le besoin de couverture sécuritaire contre le grand
banditisme s'évalue en termes de prise en charge d'une population
résidente de 18 450 494 habitants des villes et des
campagnes dont 9 546 238 femmes et 8 904 256
hommes46, répartie sur 270 764
km2 du territoire à travers treize (13)
régions, quarante-cinq (45) provinces et trois cent cinquante-un (351)
départements. L'offre de sécurité est constituée de
l'ensemble des acteurs de la sécurité et des services qui
interviennent dans la lutte contre la criminalité en
général. En effet, la réduction des distances par
l'implantation de services de police décentralisés à 60
kms de rayon environ les uns des autres, ainsi que l'abaissement du ratio de
surveillance sécuritaire passé de 3 386 habitants par policier
à 2 386 en 2010 grâce à l'appui des comités locaux
de sécurité, pourraient faire baisser les tensions dues à
l'insécurité. Encore faut-il signaler que, le ratio optimal de
surveillance sécuritaire est de 360 à 400 habitants par
policier47.
Comment ces populations vivent-elles la situation des attaques
à mains armées qui couvrent les actes de grand banditisme? Depuis
2009, avec l'adoption de la loi spécifique sur le grand banditisme, les
espoirs étaient de voir le phénomène mourir de sa belle
mort. Mais qu'en est-il de la situation aujourd'hui ?
2. L'effet de la loi sur le phénomène du
grand banditisme
Quels effets la loi portant répression du grand
banditisme a-t-elle pu produire sur le phénomène du grand
banditisme ? Contrairement à ce que l'on a pu espérer avec
l'avènement de la nouvelle loi, les actes de grand banditisme n'ont
guère reculé devant la sévérité de la
répression à eux opposée. En effet, les données
statistiques indiquent une augmentation fulgurante du niveau des attaques
à mains armées au lendemain de l'entrée en vigueur de la
loi. Cette augmentation est disproportionnelle à l'évolution
normale démographique. De l'ordre de deux (2) attaques à mains
armées par jour en 2010, le pays connaît en 2013, 6 attaques au
quotidien. Dans le même temps, le nombre de détenus pour actes de
grand banditisme connaît une hausse constante. C'est dire donc que
l'effet dissuasif de la loi et le niveau élevé de la
répression résultant de
46 Projections démographiques nationales
-données de 2015/INSD.
47 BAYALA Jean-Pierre, op.cit.
30
l'allègement des procédures n'ont guère
joué favorablement sur la tendance de la criminalité du grand
banditisme.
Courbe évolutive du niveau des attaques à
mains armées de 2009 à 201348
2500
2000
|
Evolution des attaques à mains armées
|
|
|
|
|
|
|
1500 1000 500 0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2010 2011 2012 2013
|
|
|
Total des attaques
|
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Tableau des condamnés pour vols aggravés
(actes de grand banditisme) dans les maisons d'arrêt au
31/12/201349
Année
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Nombre de détenus
|
07
|
06
|
12
|
42
|
100
|
104
|
202
|
263
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Commentaire : le nombre de condamnation augmente chaque
année depuis 2009. Cela peut être attribué à
l'impact de la loi portant répression du grand banditisme sur les
procédures judiciaires.
Cependant, des objectifs spécifiques de la loi sont
atteints. En effet, la loi portant répression du grand banditisme a pu
résoudre la lourdeur de la procédure criminelle et a permis de
décongestionner les cabinets d'instruction et les cours d'appel,
même si de cet allègement procédural, il en est
résulté des atteintes à des droits fondamentaux.
B. Les libertés individuelles sous la loi
017
On arrive donc à la conclusion que la loi 017 portant
répression du grand banditisme qui est le texte de base de la
répression n'a pas produit les effets escomptés sur
l'évolution du grand
48 Données statistiques police/gendarmerie.
Sources archives des DGPN et GN.
49 Ministère de la justice, Annuaire
Statistiques 2013, p. 171.
31
banditisme. Cependant, c'est au prix de nombreuses
libertés fondamentales chères à l'éthique des Etats
démocratiques que ce système de répression est mis en
place. En effet, les exigences de l'Etat de droit veulent que les politiques
recherchent en permanence un équilibre entre les exigences de la
répression et l'épanouissement social de l'individu qui ne peut
avoir lieu que dans un environnement favorable à l'exercice des droits
individuels. Cependant, la loi portant répression du grand banditisme
sacrifie de nombreux droits de la personne au nom de l'intérêt
général. La célérité de la procédure
a sacrifié les droits de la défense. En effet, l'absence du
double degré d'instruction, du collège des jurés,
l'absence de l'avocat commis d'office, etc. ont largement contribué
à fragiliser les droits de la défense sous la loi 017.
D'autres droits du mis-en-cause subissent le même sort.
Du coup, l'enquête de personnalité qui permet d'individualiser la
peine par une meilleure connaissance du délinquant est
écartée dans la procédure. Or, comme le disait R.
SALLEILLES, « c'est le crime que l'on punit, mais c'est la
considération de l'individu qui détermine le genre de mesure qui
lui convient. La responsabilité, fondement de la peine, et
l'individualisation, critérium de son application : telle est la formule
du droit pénal moderne »50.
Le droit à la vie, à la présomption
d'innocence, le droit à la vie privée n'ont jamais
été si éprouvés que sous la loi 017.
On est alors tenté de se demander, pourquoi faut-il
consentir à une double perte quand le choix est possible entre une ou
même de sauver les deux ? Pourquoi maintenir un système inefficace
au prix des droits de l'Homme, valeurs universelles qui fondent l'orgueil des
nations civilisées ?
Dans tous les cas, les actes de grand banditisme triomphent
des méthodes très répressives et se complexifient au
lendemain de l'entrée en vigueur de la loi 017.
Paragraphe II : Le triomphe du phénomène
de grand
banditisme sur les méthodes
employées
La situation des attaques à mains armées sur le
terrain et les conséquences liées à la répression
témoignent de l'inadéquation du système de
répression. Le phénomène triomphe des stratégies
50 SALLEILLES Raymond, L'individualisation de la
peine, 1898.
32
employées et révèle davantage les limites
de la politique répressive. Non seulement le grand banditisme
continue de s'épandre (A) mais il utilise des modes opératoires
les plus évolués (B).
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