A. Les attributions de la police judiciaire dans la lutte
contre le grand banditisme
L'article 11 de la loi portant répression du grand
banditisme dispose que « lorsque le Procureur du Faso est saisi d'une
infraction relevant de la présente loi, il procède comme en
matière de flagrant délit ». Ainsi, commise à
l'enquête, la police judiciaire voit ses attributions habituelles
doublées de pouvoirs exceptionnels.
1. Les attributions de la Police Judiciaire dans
l'enquête de grand banditisme
Aux termes de l'article 14 du CPP, la police judiciaire est
chargée « de constater les infractions à la loi
pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant
qu'une information n'est pas ouverte... ». L'enquête de police est
donc la mission de la Police Judiciaire dont les pouvoirs sont très
étendus en cas de flagrance. Toute flagrance permet en effet à
l'Officier de Police Judiciaire de :
? Procéder à des constations, perquisitions et
saisies, au besoin en utilisant la force ; ? Procéder à des
auditions de toute personne susceptible de fournir des renseignements
sur les circonstances de l'infraction ; empêcher toute
personne de s'éloigner des lieux
de l'infraction jusqu'à la fin des
opérations40 ;
? Procéder à des arrestations et garder à
vue (les simples témoins peuvent être gardés à
vue.)41
La loi portant répression du grand banditisme est venue
renforcer ces pouvoirs habituels en relevant la durée de la garde
à vue (GAV) à quinze jours (10 jours de principe plus 5 sur
prolongation) et en autorisant le recours à l'arme hors du cadre strict
de la légitime défense. Ainsi, en ce qui concerne la GAV,
l'article 5 autorise une durée de dix jours tandis que l'alinéa
2ème précise que « ce délai peut être
prolongé d'un nouveau délai de cinq jours sur autorisation du
Procureur du Faso ».
40 Art. 60 et 61 CPP
41 Art. 60, al. 1
26
En ce qui concerne le droit de recourir à l'arme à
feu, il est donné par l'article 9 qui dispose que « en cas
d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police
judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour
neutraliser un délinquant. »
Ces pouvoirs ont permis à la police judiciaire d'atteindre
de meilleurs rendements.
2. Contribution de la police judiciaire à la
lutte contre le grand banditisme
Les actions de la Police Judiciaire (PJ) dans la
répression du grand banditisme sont essentiellement les constatations,
les investigations et les arrestations, et les procédures.
L'évolution de l'activité de la PJ en matière de
constations se présente comme suit42 :
Quatre ans avant l'adoption de la loi. Tableau
1
Année
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Total des
attaques
|
137
|
312
|
598
|
513
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Quatre ans après l'adoption de la loi. Tableau
2
Année
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Total des
attaques
|
501
|
475
|
1050
|
2054
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Observations. Les interpellations des
quatre années qui ont précédé l'adoption de la loi
sont relativement faibles. Cela peut s'expliquer entre autres par les
difficultés propres aux enquêtes de police dans le régime
classique de la flagrance ou des enquêtes préliminaires. La loi
ayant circonscrit l'enquête sur les actes de grand banditisme à la
flagrance et ayant étendu les pouvoirs des OPJ, elle explique une bonne
partie des données élevées dans le 2nd
tableau.
42 : Seul le tableau 2 contient des données
statistiques de la police et de la gendarmerie cumulées. Les
données statistiques de la gendarmerie avant 2009 ne sont pas
disponibles.
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B. Le contrôle et la censure des activités
de la police judiciaire
La police judiciaire exerce son activité sous le
contrôle de quelques acteurs judiciaires que sont le Procureur du Faso et
la chambre d'accusation(1) qui peuvent être amenés à
censurer les actes de procédure accomplis au mépris des
règles de procédure (2).
1. Les autorités de tutelle de la police
judiciaire
Les autorités de tutelles de la Police Judiciaire sont
le Procureur du Faso et de la chambre d'accusation. Aux termes de l'article 13
du CPP « elle est placée sous la surveillance du procureur
général et sous le contrôle de la chambre d'accusation
».
Le procureur du Faso est le directeur de la police judiciaire.
C'est à lui que revient la direction des enquêtes et le pouvoir de
prescrire ou proscrire tel ou tel acte dans l'intérêt de
l'enquête.
La chambre d'accusation est la juridiction disciplinaire des
membres de la police judiciaire. L'article 224 CPP dispose en effet que «
La chambre d'accusation exerce un contrôle sur l'activité des
fonctionnaires civils et militaires, officiers de police judiciaire, pris en
cette qualité, à l'exclusion des magistrats
désignés à l'article 16, des maires et de leurs adjoints
».
Leur rôle de garant des libertés individuelles
explique cette mission à eux confiée. Etant donné la
fragilité des droits de l'Homme sous la répression des
actes de grand banditisme, leur responsabilité dans l'exécution
de cette mission est plus que jamais en jeu.
2. La censure des actes de la police
judiciaire
Les autorités hiérarchiques sont constamment
amenées à contrôler l'activité de la Police
Judiciaire pour éviter les débordements. Le pouvoir judiciaire
est, aux termes de l'article 125 de la Constitution, le gardien des
libertés individuelles et collectives. A ce titre, il veille au respect
des droits et libertés garantis par la Constitution. Il reçoit et
tranche les recours formulés par les citoyens et sanctionne les
violations de leurs droits.
En tant que garants des libertés fondamentales, le
procureur et le juge d'instruction doivent constamment veiller à ce que
ceux travaillant sous leurs ordres ne transgressent pas les principes
sacrés de la procédure. La répression du grand banditisme
offre de nombreux pouvoirs aux OPJ. Il y a donc constamment le risque
d'atteinte aux libertés. La garde à vue et le recours à
l'arme à feu en dehors du cadre strict de la légitime
défense sont des portes privilégiées des
débordements. C'est donc aux autorités de tutelle de veiller au
respect des délais de quinze jours de la GAV, de s'assurer que les
suspects interpelés jouissent de leurs droits civils tels que garantis
par les textes, etc. Ils doivent surtout surveiller de près, le recours
à l'arme qui débouche
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sur, non seulement des atteintes au droit à la vie mais
aussi sur d'autres droits fondamentaux non négligeables comme le droit
à la présomption d'innocence, à un procès
équitable, etc.
Cette situation a conduit à des concertations
récentes entres acteurs des répressions qui a abouti à des
réformes. Désormais, l'OPJ a l'obligation de signifier à
l'individu interpellé dans le cadre des actes de grand banditisme son
droit à l'assistance d'un avocat. Le projet de réforme
prévoit également, la modification des délais de la GAV
dans le sens du rabais43.
Par ailleurs, le procureur peut intervenir afin de suspendre
une procédure déjà entamée. Cette intervention du
procureur est tout à fait discrétionnaire et peut même
intervenir pour des raisons qui peuvent être qualifiées de «
considérations politiques »44. Rien n'interdit donc au
procureur général d'ordonner un nolle
prosequi45 dans un dossier parce qu'il est insatisfait du
travail des policiers affectés à l'affaire.
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