2.3.
Acteurs de la contrebande des médicaments dopants à Maroua
La contrebande des médicaments dopants dans la ville
de Maroua est coordonnée par un certain nombre d'acteurs. Il s'agit des
grossistes, des détaillants, des vendeurs ambulants et des
consommateurs.
2.3.1. Grossistes fournisseurs des
détaillants, des vendeurs ambulants et des populations
Lorsque les médicaments arrivent à Maroua, les
grossistes ravitaillent les détaillants et les vendeurs ambulants, qui
vont à leur tour parcourir tous les quartiers de la ville afin de
ravitailler les populations. Dans le cadre des enquêtes sur le terrain,
l'échantillon de 100 vendeurs de tous types sur lesquels nous avons
menés des enquêtes, nous ont révélées un
pourcentage de 12% grossistes, dont 11% affirment s'approvisionner au Nigeria.
La photo 1 présente à cet effet l'installation d'un grossiste qui
se ravitaille au Nigéria.
Photo 1. Installation des médicaments de
contrebande au marché central de Maroua
Cliché : Djomo, mars 2016.
C
B B
A
Sur la photo 1 apparaissent trois personnes dont deux sont
debout entrain de regarder une installation des médicaments tandis que
la troisième est accroupie et fouille les produits dans
l'étalage.
Sur la photo 1 un grossiste (A) coordonne l'installation de
la marchandise faite par son employée (B), et un détaillant (C)
venu se ravitailler. Il est important de souligner tout de même qu'ici on
ne retrouve qu'une partie de la marchandise car la grande quantité des
produits est stockée dans les magasins, pour problème d'espace au
niveau de l'étalage et problème de sécurité du fait
des contrôles inopinés des agents régulateurs. Parmi les
médicaments qu'ils installent se trouve forcement des médicaments
dopants tels que le tramol, le viagra, le diazépam, la passion et bien
d'autres ; dans la mesure où les détaillants et les vendeurs
ambulants se ravitaillent auprès des grossistes. La vente des
médicaments dopants en gros est une activité pratiquée par
une minorité de vendeurs. Dans la mesure où tous ces
commerçants n'ont pas les moyens de s'approvisionner en grande
quantité au Nigéria.
A cet effet, on enregistre un nombre d'acteur limité
à l'amont qui approvisionne les marchés de Maroua et ses environs
(Tableau IV).
Tableau IV. Types de vendeurs des médicaments
dopants de contrebande à Maroua
Types de vendeurs
|
Nombre de vendeurs
|
Pourcentage
|
Ambulants
|
45
|
45%
|
Détaillants
|
36
|
36%
|
Grossistes
|
12
|
12%
|
Grossistes/détaillants
|
07
|
7%
|
Total
|
100
|
100%
|
Source : Enquêtes de terrain mars 2016.
Le tableau IV présente les types de vendeurs et le
pourcentage occupé par chacun. La lecture de ce tableau amène
à comprendre qu'il existe très peu de grossistes qui ravitaillent
la ville de Maroua. Car, il s'agit d'un cercle fermé dans lequel chaque
grossiste a ses clients habituels qui viennent se ravitailler auprès de
lui. Toujours selon les résultats obtenus des enquêtes et faisant
une lecture spatiale de la vente des médicaments dopants dans la ville
de Maroua, il en ressort la configuration spatiale des vendeurs des
médicaments dopants de contrebande en fonction des quartiers (figure 4
).
Source :
Enquêtes sur le terrain, mars 2016.
Figure 4. Distribution
spatiale des vendeurs des médicaments dopants de contrebande par
quartiers
La figure 4 présente les quartiers Kakataré,
Mbarmaré et Dougoi comme étant les principaux lieux
d'approvisionnement des autres quartiers en médicaments dopants de
contrebande. Dans la mesure où 90% de grossistes qui ravitaillent la
ville s'y trouvent. Ainsi, l'on peut affirmer que ces quartiers sont le moteur
de la contrebande des médicaments dopants. Le marché central est
le lieu où l'on rencontre les grossistes à cause de plusieurs
facteurs dont les plus notoires sont l'étalement en termes de
superficie car, c'est le plus grand marché de la ville de Maroua, mais
aussi c'est le lieu où l'on trouve tous les produits de première
nécessité. Ainsi, ce marché regorge les commerçants
qui font dans la vente en gros des produits de nature différente. De ce
fait, le marché central est le centre commercial de Maroua.
Cependant, il est important de signaler que dans les
quartiers tels que Dougoi, on retrouve également des vendeurs grossistes
et détaillants qui s'approvisionnent eux aussi au Nigéria. Ces
derniers assurent donc de ce fait le ravitaillement des détaillants et
des vendeurs ambulants qui résident et effectuent leurs activités
dans les quartiers environnants. Ainsi, les grossistes sont au coeur même
du trafic illicite des partenariats entre eux les autres vendeurs
(détaillants et ambulants) ; c'est-à-dire qu'ils offrent la
marchandise aux détaillants qui vont soit payés en cash ou encore
payés une partie lorsqu'ils prennent ces médicaments et le reste
lorsqu'ils vendent. D'où les propos de Saïdou Ousmaila, vendeur en
gros des médicaments dopants au marché central «Je vends les
médicaments aux détaillants. Ceux qui peuvent payé
directement le font, et ceux qui n'ont pas l'argent me paient après
avoir vendu. Je leur donne la marchandise à crédit parce qu'on
évolue ensemble depuis des années dans ce
métier ». Le marché des médicaments dans la
ville de Maroua est dominé par l'ethnie Mandara car elle est la plus
représentative dans la vente des médicaments. Le tableau V met
ainsi en exergue les différentes tribus qui pratiquent la vente des
médicaments dopants dans la ville de Maroua.
Tableau V. Ethnie
d'origine des vendeurs des médicaments dopants dans la ville de
Maroua
Tribu d'origine
|
Nombres
|
Pourcentage
|
Peul
|
18
|
18%
|
Mandara
|
44
|
44%
|
Haussa
|
10
|
10%
|
Kanouri
|
10
|
10%
|
Autres
|
18
|
18%
|
Total
|
100
|
100%
|
Source : Enquêtes sur le terrain,
mars 2016.
Ce tableau permet de constater que, 44% des vendeurs des
médicaments dopants que l'on retrouve dans la ville de Maroua sont
Mandara, 18% sont des peuls tandis que 20% de ces vendeurs sont respectivement
haussa et Kanouri. Quant aux autre 18%, ils sont constitués des
plusieurs tribus parmi lesquelles les guizga, les arabe choua, les bayas et les
moundang.
Les Mandara occupent ainsi le premier rang dans le classement
des ethnies qui effectuent la vente illicite des médicaments dopants
à Maroua. Après eux se trouve les Peuls, les Haoussas et les
kanouri. Dans le but comprendre pourquoi ces ethnies dominent ce marché,
des analyses historiques et spatiales ont été faites, afin de
comprendre l'affinité que ces ethnies ont avec le Nigéria voisin
et même la raison pour laquelle ils se sont lancés dans la vente
des médicaments de la rue.
Les Mandara et les Haoussa appartiennent à la grande
famille linguistique Afro-asiatique dont la sous famille sémitique est
le Sahel Plateau et le Biu Mandara dans laquelle on retrouve non seulement les
Mandara et les Haussa, mais aussi des ethnies telles que les Mafa et les
Kanouri (les groupes ethniques et les langues, 1983). Quant aux peuls, on les
retrouve au Nord et dans l'Adamaoua.
Aujourd'hui, on retrouve le peuple Mandara beaucoup plus
autour des villes de Mora et Mémé. Cependant, une lecture
historique de leur parcours révèle qu'il s'agit d'un peuple
appartenant au sultanat wandala qui se trouve pratiquement à la
frontière entre le Cameroun et le Nigéria. Les peuls, les
Haoussas et les kanouri sont des peuples qui pratiquent le commerce et
l'élevage comme principales activités. Les deuxièmes
c'est-à-dire les Haoussas sont une ethnie d'origine Nigériane car
la langue Haoussa très utilisée à des fins commerciales
dans les villes Nigérianes. De ce fait, il apparait clairement que, ces
trois ethnies ont des affinités plus ou moins poussées avec le
Nigéria parce que les commerçants appartenant à ces
ethnies parlent les mêmes langues que les Nigérians. C'est donc
cet aspect qui facilite les échanges entre les peuples des deux pays.
Les Mandara ont donc développés le commerce de tout genre avec le
Nigéria avec qui on partage la frontière.
La vente des médicaments dopants de contrebande
à Maroua est devenue une profession de plus en plus rependue car elle ne
nécessite pas forcement une formation. Il s'agit d'un commerce que les
commerçants pratiquent pour deux principales raisons à
savoir : le manque d'emploi et la pauvreté. La figure 5 vient
consolider les informations soupçonnées par rapport au niveau
d'étude et à la formation reçue par les vendeurs.
Source :
Enquêtes sur le terrain, mars 2016.
251567616
Figure 5. Avis des
vendeurs des médicaments dopants de contrebande sur leur formation en
médecine à Maroua
Les enquêtes révèlent que, 16% des
vendeurs des médicaments dopants dans la ville de Maroua affirment avoir
subi une formation en médecine auprès d'un Infirmier
Diplômé d'Etat (IDE) en service à l'Hôpital
Régional de Maroua (HRM) pour certains et pour d'autres en service
à l'Hôpital de la Police (HP). Tandis que 84% de ces vendeurs
déclarent n'avoir subi aucune formation leur permettant d'exercer ce
métier. Il s'agit donc des pseudos pharmaciens. A cet effet, les
chiffres parlent d'eux même, la situation est telle que bon nombre de
vendeurs n'ont même pas été scolarisé. Ce qui veut
dire qu'ils n'ont aucune capacité de dispenser des médicaments
aux patients. Même s'ils le font, ils devraient en principe vendre juste
lorsque les acheteurs précisent ce dont ils ont besoin. Il est tout
aussi important de prendre en compte le mode de conservation des
médicaments par les grossistes. Toujours parlant du mode de
conservation, il s'agit de comprendre comment ils gèrent leur stock de
médicaments étant donné que leur vente est interdite au
Cameroun.
La vente des médicaments de la rue étant un
phénomène illicite strictement interdit, celle des
médicaments dopants de contrebande est donc doublement
sanctionnée par les lois internationales et camerounaises. Ainsi, la
livraison des médicaments dopants se fait de façon très
prudente à l'abri des regards étrangers à l'environnement
du vendeur. En général, les grossistes cachent les
médicaments de nature dopante sous leurs étalages. Mais la plus
grande quantité est souvent sécurisée dans leurs
magasins et ne sort que sur commande. Cependant, on s'est également
penché sur le flux générés par cette
activité. La figure 6 ci-dessous présente donc le revenu moyen
journalier des vendeurs de médicaments dopants de contrebande dans la
ville de Maroua.
Source : Enquêtes de
terrain, mars 2016.
251568640
Figure 6. Types des
vendeurs et leurs revenus journaliers sur les médicaments dopants de
contrebande
La figure 6 montre le revenu journalier des différents
types de vendeurs des médicaments dopants dans la ville de Maroua. Ici
les grossistes qui détaillent en même temps gagnent entre
10 000 - 20 000f CFA (Francs des Colonies Françaises
Africaines) par jour occupent 5%. Ceux faisant uniquement dans la vente en gros
ont les revenus journaliers différents. Ainsi, les grossistes ayant
entre 1000 - 10000f CFA ont un pourcentage de 4%, ceux qui gagnent entre 10000
- 20000f CFA par jour occupent 3% tout comme ceux gagnant entre 3000f CFA et
plus. Parmi les détaillants, ceux qui gagnent entre 1000 - 10000f CFA
représentent 33% et ceux qui gagnent entre 10000-20000f CFA, 20000
-30000f CFA, 30000F CFA et plus représentent respectivement 2%, et 1%.
Tandis que les détaillants qui affirment gagner entre 1000-10000f CFA
ont 44%. Ce revenu leur permet de mieux assurer le maintien de leurs chiffres
d'affaire, de nourrir leurs familles et de subvenir à leurs besoins. On
a également les vendeurs détaillants qui constituent un autre
type de vendeurs également très sollicitée par les
consommateurs des médicaments dopants.
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