I.INTRODUCTION
L
e tabagisme est à l'origine de maladies et de
décès dont la première cause est la dépendance
induite par cette consommation qui rend son arrêt difficile. 67 % des
fumeurs développent une dépendance au tabac. Cela fait de lui la
substance psychoactive la plus addictive devant l'alcool (23 %), la
cocaïne
(21 %) et le cannabis (9%) [1].
Les notions de dépendance sont définies dans le
manuel de classification des troubles mentaux américain : American
Psychiatric Assocation - 2013 (DSM-5) [2] et par la classification
internationale des maladies : Organisation Mondiale de la Santé - 1992
(CIM-10).
La dépendance tabagique se caractérise par la
fréquence des rechutes. Le symptôme le plus spécifique du
sevrage du tabac est le « craving » [3]. Il se définit par
l'envie irrésistible, le désir compulsif, urgent et
impérieux de fumer. Ce critère est repris depuis 2013 parmi les
symptômes du sevrage du DSM-5.
La quasi-totalité (96 %) des fumeurs de tabac estiment
que le « craving » a contribué à la reprise de la
consommation (76 % en cas de consommation de Tetra Hydro Cannabinol) [4].
Il s'agit de la première raison de reprise du tabac
citée par 45 % des fumeurs de la FOCUS study devant le stress et
l'anxiété [5].
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Il paraît donc primordial en tabacologie
d'évaluer le « craving ». Cette mesure s'effectue avec des
échelles spécifiques : [3, 6]
- QSU (Questionnaire of Smoking Urge) 32 questions
- FTCQ (French version of the Tobacco Craving Questionnaire) 47
questions - FTCQ-12 (French version of the Tobacco Craving Questionnaire - 12
items)
- SUTS (Strengt of Urges to Smoke) en 1 question
Le FTCQ et le FTCQ-12 sont des échelles validées
en français par Berlin et al. en 2005
et 2010 [7]. Elles explorent quatre dimensions :
- l'émotion : fumer pour anticiper le soulagement du
syndrome du sevrage
ou des aspects négatifs,
- l'attente : fumer pour anticiper, les effets positifs du
tabac,
- la compulsion : perte de contrôle de la consommation,
- l'anticipation : envisager de fumer pour avoir des effets
positifs.
Six questions du FTCQ-12 (facteurs « attente » et
« anticipation ») permettent de prédire la probabilité
de fumer chez les fumeurs y compris les femmes enceintes [8]. Plus le «
craving » est important en intensité et en fréquence, plus
la probabilité de réussir le sevrage à long terme est
faible [9,10].
Lagrue et al. ont montré que les troubles du sommeil
peuvent rendre le sevrage tabagique plus difficile et favoriser les rechutes.
Chez le fumeur très dépendant de la nicotine, certains
symptômes tels que les réveils nocturnes pour fumer et
l'asthénie au réveil pourraient correspondre à des
manifestations d'hypoglycémie [11].
Parmi d'autres symptômes du sevrage, on retrouve la
faim, l'irritabilité, et les difficultés de concentration [12].
Ces symptômes sont aussi communs à ceux d'une
hypoglycémie.
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La nicotine élève rapidement la glycémie
car elle stimule les récepteurs cholinergiques nicotiniques des neurones
post-ganglionnaires sympathiques des ganglions de la chaîne sympathique.
Les fibres postganglionnaires des nerfs glucosécréteurs
libèrent la nor-adrénaline au contact des hépatocytes, qui
produisent très rapidement du glucose à partir du
glycogène [13].
Au cours de la nuit et au petit matin, la privation de
nicotine entraîne une diminution de la glycémie. Pendant la
journée, une élévation prolongée de la
glycémie sous l'effet de la nicotine pourrait expliquer que
l'hémoglobine glyquée soit plus élevée chez les
fumeurs alors que leur glycémie à jeun est plus basse. Par
ailleurs, les fumeurs dont la glycémie à jeun est plus basse
arrêtent plus difficilement de fumer [13].
De nombreux travaux démontrent une résistance
à l'insuline chez le fumeur. L'insulinémie de base ainsi que le
peptide C sont plus élevés, la réponse insulinique
à la charge orale en glucose est plus forte [14, 15, 16, 17].
Pendant la grossesse, l'insulinémie et
l'insulinosensibilité augmentent. Les glycémies baissent surtout
la nuit et au réveil. On note aussi une discrète
insulinorésistance au 3ème trimestre favorisée par les
hormones placentaires (hormone lactogène placentaire [HLP] et
progestérone) et l'augmentation des hormones maternelles de
contre-régulation glycémique (cortisol, leptine, hormone de
croissance). On observe une diminution de la tolérance au glucose au
cours de la grossesse normale [18]
Dans une publication d'avril 2016 du Journal of Substance
Abuse Treatment, Berlin et coll. montrent que les symptômes du
sevrage sont davantage marqués pendant la grossesse [19].
La cigarette est souvent décrite comme un «
coupe-faim » et la prise de poids est une réalité à
l'arrêt du tabac. Il s'agit d'ailleurs d'un motif de consultation
auprès d'un diététicien. Pourtant, il n'existe pas de
recommandation diététique spécifique à la prise en
charge du fumeur en période de sevrage. Les règles
hygiéno-diététiques du Programme National Nutrition
Santé [20] applicables à la population générale
sont reprises pour ces malades chroniques du tabac.
7
L'objectif de ce travail est d'étudier
chez les fumeurs non diabétiques, s'il existe un lien entre
l'intensité du « craving » et la glycémie. Ce lien
n'ayant pas encore été traité à ce jour.
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