Chapitre II : les effets de l'intervention militaire
française et ses limites
Le déploiement de l'armée française au
Mali a occasionné plusieurs effets, aussi bien sur le
théâtre, que dans la socio-politique malienne. De ce fait, ce
chapitre analyse les conséquences de l'intervention militaire et ses
insuffisances en s'appuyant sur deux domaines illustratifs: le domaine
militaro-humanitaire et, le domaine socio-spatial. Cet examen, nous permettra
d'envisager les limites de cette intervention armée de la France au
Mali.
Section1 : Les effets militaro-humanitaires et
socio-spatiaux
Cette section se focalise essentiellement sur trois champs
pour comprendre les effets de l'intervention militaire française. Il
s'agit des champs militaire (1), humanitaire (2) et spatial(3).
1- Les effets militaires de l'intervention
L'intervention militaire française au Mali a
déstabilisé sur le front, l'ensemble des groupes armés
rebelles et terroristes de la partie septentrionale de l'Etat malien. En effet,
cette OPEX qui a stoppé les manoeuvres djihadistes et leurs
avancées vers le sud, se présente comme un succès
militaire de la France. A travers cette opération, la France avait ainsi
empêché la « contagion du conflit
»150 vers d'autres Etats de la région
sahélo-saharienne, et avait également anéanti le
dispositif militaire des groupes rebelles et terroristes installés dans
le septentrion. Cet anéantissement des insurgés avait permis
à la France d'empêcher la constitution d'un « djihad
globalisé »151 au sahel et l'instauration de la
charia voire le sécessionnisme de l'Azawad. L'action militaire
française avait entrainé ce que P. Gros, J-J. Patry et N.
Vilboux152 qualifiaient de mécanisme de défaite
des groupes armés djihadistes. Ce mécanisme consistait
à affecter les efforts des insurgés sur le théâtre
d'opération et au niveau tactique à travers le principe
d'attrition et de décapitation ; principe qui recommandait une action
française de destruction massive du matériel et
l'étouffement des différentes katibas.
Sur les plans récupératif et destructif, les
effets de l'intervention militaire française se résument à
la saisie et à la destruction du matériel des groupes
armés. En effet, selon les
150 P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
2e édition, Paris, éditions SEDES, 2009, p.146.
151 J-C. Notin, op. cit., p.565.
152P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, Serval :
bilan et perspectives, Fondation pour la recherche stratégique,
n°16, 2013, p.10.
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statistiques du ministère de la Défense
française153, environ 160 bâtiments et
dépôts logistiques et 120 véhicules appartenant aux groupes
terroristes ont été détruits. Cette destruction s'est
accompagnée d'importantes saisies de 220 tonnes de munitions (dont 30
tonnes reversées aux FAMA), 1 300 grenades , 1 000 roquettes , 7 700
obus, 500 mortiers, 200 mines et engins explosifs improvisés, 20 bombes,
100 fusils, 150 mitrailleuses, 30 roquettes, 20 mortiers, 20 canons et 3
missiles SA7 et des matières actives composées de 12 tonnes de
nitrate d'ammonium.
Cette saisie s'est accompagnée de la
récupération par les soldats français, de nombreuses
villes anciennement occupées par ces différentes factions
rebelles et terroristes. A cet effet, la perte de la totalité des
localités sous contrôle des groupes djihadistes et le «
fractionnement des katibas »154 ont également
constitué des victoires majeures de l'opération Serval. En effet,
le rapport de force et le rapport d'armes imposés par l'armée
française aux différents groupes du Nord, durant les
premières phases de l'opération serval avaient abouti à la
récupération des principales villes du Nord Mali, parmi
lesquelles Gao, Tombouctou et Kidal, et des villes secondaires dont Tessalit et
Aguelhok. Ces libérations qui se succèdent à la «
neutralisation de leaders clés »155 comme Abou
Zeid responsable du groupe AQMI, ont amené les factions armées du
Nord à se scinder en « groupuscules moins influents et moins
opérants sur le territoire»156.
Au regard de ce qui précède, il ressort que
l'intervention militaire française a véritablement diminué
la capacité de nuisance des groupes rebelles et terroristes, qui
dominaient le nord du Mali. Cet affaiblissement des GAD, qui s'est
matérialisé par la récupération des villes
occupées, traduit la victoire des soldats français car, à
en croire Clausewitz, « la destruction des forces armées de
l'ennemi est le principe suprême de la guerre, et la voie principale vers
le but pour tout ce qui concerne une action positive »157,
donc la victoire.
Au-delà de ces différentes actions militaires,
l'intervention française a occasionné des conséquences
humaines et humanitaires multiformes.
153 Dossier de presse, ministère de la défense
française, p.8.
154 P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, op.cit.,
p.10.
155 Ibidem
156 Ibidem
157 C-V. Clausewitz, op.cit., p.279.
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