2- La protection des ressortissants français
L'espace sahélo-saharien, d'une manière
générale, et le Mali en particulier, constituent des foyers, qui
résorbent un effectif considérable des ressortissants
français. Cette importante implantation de la communauté
française au sein de cette sous-région étant
exposée aux représailles djihadistes, leur sécurité
a constitué l'un des mobiles de l'intervention militaire
française au Mali. En effet, dans le Livre blanc de la défense de
2008121, la protection de la population française aussi bien
interne que celle installée hors des frontières de la France,
constitue une priorité dans la stratégie de défense et de
sécurité de l'Hexagone. De ce fait, la présence des 6000
ressortissants français dans un territoire malien en proie à la
menace des groupes armés rebelles et terroristes, caractérisait
une grande préoccupation pour la France. Puisqu'ils sont devenus la
cible potentielle des actions des GAD, leur protection au Mali
représentait donc l'un des enjeux non négligeables de ce
déploiement militaire français. Cette défense des
ressortissants français allait au-delà du Mali et concernait
toute la région sahélo-saharienne (avec près de 70000
Français), qui constitue un espace fragile enregistrant, des prises
d'otages d'européens résidants ces pays. Ainsi, à travers
la Politique Européenne de Sécurité et de Défense
(PESD)122, l'intervention militaire française avait
également pour objet de défendre et de protéger les
communautés européennes présentes au Mali et dans la
sous-région.
Cette intervention militaire avait donc un caractère
géostratégique. Car, elle permettait de poursuivre la
stratégie dictée par le Rapport de l'Assemblée Nationale
Française de 2012 : « réduire le risque de nouvelles
prises d'otages au Sahel en mettant en place des outils de sécurisation
de la communauté française et de tous les Européens
» 123. Cependant, derrière la protection des
ressortissants français, se cachait la volonté de la France de
faire du Mali son verrou stratégique.
121 Livre blanc, 2008, op.cit., p.62.
122 Ibidem, p.84.
123 Rapport Assemblée nationale française,
n°4431, 6 mars 2012, p.60.
55
3- Le Mali comme verrou stratégique de la France
Le Mali fait parti d'un continuum d'Etats de la région
sahélo-saharienne dont les actions terroristes et djihadistes menacent
particulièrement la sécurité de la France et partant celle
de l'Europe toute entière, au regard de leur proximité. De ce
fait, le développement d'un islamisme radical dans ces territoires ; la
mise en réseau de ces groupes terroristes124 qui s'est
accompagnée depuis plusieurs années de la nouvelle
stratégie terroriste de déterritorialisation dont parle P.
Boulanger125, et la formation d'une base terroriste
sahélienne dans le proche voisinage de l'Europe, constituent
également autant d'éléments qui ont amenés la
défense française à se mobiliser sur le
théâtre malien. En effet, à travers cette intervention
militaire, la France visait à éviter ce que le Livre Blanc de la
défense française de 2008 qualifiait de « risque d'une
connexion d'attaques vers les territoires européens » 126 et
particulièrement le sien. Dès lors, l'enjeu du déploiement
militaire consistait à créer une profondeur stratégique
à la France. Il s'agissait pour la puissance hexagonale de concevoir un
intervalle conséquent à la menace terroriste, en empêchant
que ces différents groupes armés djihadistes du désert
sahélo-saharien se mettent aux portes de l'Europe. L'engagement des
troupes françaises au Mali, ambitionnait donc de faire du Mali un verrou
stratégique, en ce sens qu'en brisant le sanctuaire islamiste, qui se
constituait au Mali et en réduisant considérablement la
logistique (armes, véhicules etc.) dont disposaient les GAD, la France
aurait plus de facilité, non seulement à restreindre la
possibilité des terroristes à migrer vers les frontières
européennes, mais également la possibilité de
contrôler les réseaux djihadistes qui s'étaient
déjà implantés au Sahel et au Sahara. La construction d'un
verrou au Mali permet à la France de mettre son territoire hors de
portée des bandes terroristes du Sahel et de les combattre très
loin du territoire français.
Tout porte donc à croire que la France ne s'est pas
déployée au Mali pour des raisons diplomatiques, mais pour des
raisons à la fois économiques et stratégiques. Le Mali n'a
pas intéressé la France pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il
représente. En somme, cette intervention militaire ne
représentait qu'un camouflage des réelles motivations
géopolitiques et géostratégiques de la France.
124Livre blanc, 2008, p.43.
125 P. Boulanger, op. cit., p.205-206.
126 Livre blanc, op.cit., p.44.
56
Au terme de cette partie, nous retenons que l'engagement
militaire de la France dans le conflit malien a répondu à
plusieurs préoccupations, particulièrement la
déstabilisation du Mali et de la sous-région. Cependant, le cadre
juridique de cette intervention reste sujet à débat, en ce sens
que plusieurs contradictions y apparaissent. Il est clair que les motivations
de la France dépassaient le simple conflit malien et les simples
idées de sécurisation de l'Etat malien énoncés par
le président français, François Hollande. L'action
militaire française recherchait tout d'abord à sauvegarder les
intérêts de l'Hexagone au Mali et dans les régions
sahélo-saharienne et ouest-africaine, à étendre la lutte
de la France contre le terrorisme et, à sécuriser sa diaspora au
sahel. Ces différentes raisons ont amené la France à se
projeter sur le théâtre malien par une action militaire efficiente
et limitée dans le temps.
57
|