L'intervention militaire française au Mali. Essai d'analyse géopolitique.( Télécharger le fichier original )par SATUTNIN NDONG NDONG Université Omar Bongo - MASTER GEOSCIENCES POLITIQUES 2015 |
Section2 : La sécurité extensive de la FranceTrois déterminants permettent de comprendre l'enjeu sécuritaire de l'opération Serval. Il s'agit de la lutte contre le terrorisme(1), la protection des ressortissants français(2) et l'utilisation du Mali en tant que verrou stratégique(3). 1- La lutte contre le terrorisme et les trafics mafieuxLa présence des groupes terroristes dans la région sahélo-saharienne a constitué l'une des grandes motivations du déploiement de l'armée française au Mali. En effet, la France lutte depuis plusieurs années contre les groupes terroristes et les trafics mafieux de tout genre, qui sont perpétrés par ces différentes bandes armées terroristes dans le monde et particulièrement au Sahel et au Sahara, deux sous-régions qui constituent son proche voisinage. De ce fait, la France craignant, à en croire le rapport de l'Assemblée française de juillet 2014109, de voir se constituer un Etat terroriste aux portes de l'Europe, a spontanément engagé une intervention militaire au Mali dans le but d'empêcher ces groupes de s'étendre dans son continent. Cette volonté de lutter directement contre les groupes terroristes présents proche de la France et du continent européen, trouve son essence dans le Livre Blanc de la défense française de 2008 dans lequel il est inscrit que « la France et l'Europe sont directement visées par le djihadisme et ceux qui s'en réclament. Cette source de terrorisme demeurera pour de longues années l'une des principales menaces physiques dirigées contre l'Europe et ses ressortissants dans le monde»110. Par conséquent, la question de la lutte contre le terrorisme dans l'intervention militaire française au Mali répondait d'après la description du nouveau Livre Blanc français 109Rapport Assemblée nationale française, n°2114, 9 juillet 2014, p.112. 110 Livre blanc de la défense française, 2008, p.49-63. 51 de 2013 à « une approche globale qui vise
à prévenir les risques en détectant et en neutralisant les
flux illicites en protégeant le territoire contre les intrusions
hostiles, et en développant le dispositif gouvernemental de lutte contre
la radicalisation , En effet, selon A. Abdelkader115, le Sahel devient une plaque tournante pour le trafic international de drogue. Cette vaste sous-région dont le contrôle échappe souvent aux autorités étatiques, est devenue depuis plusieurs années, l'un des territoires de transit le plus importants du monde. Ainsi, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Sahel et l'Afrique de l'Ouest sont devenus des voix par excellence de flux de stupéfiants en provenance de l'Amérique du Sud et de l'Asie vers l'Europe116. Les Etats transitent majoritairement la cocaïne, la marijuana et l'héroïne. Ces différents produits dont le tonnage diffère, convergent dans plusieurs pays de l'Europe parmi lesquels, la France. Cette dernière faisant de la lutte contre la drogue, une priorité dans les livres blancs de la sécurité et de la défense de 2008 et 2013, s'est employée à réduire ces flux de transit à travers cette intervention. Avec le basculement du Mali dans l'insécurité et le chaos de la Libye, le trafic de stupéfiants à destination de l'Europe s'est accru. Selon l'ONUDC, le transit en Afrique de l'Ouest est passé de 6,5tonnes de cocaïne en 2009 à 18tonnes en 2012117. Cette croissance du trafic fait des régions sahélo-saharienne et ouest africaine, un « véritable `'hub» en matière 111 Livre blanc de la défense française, 2013, p.104. 112 Livre blanc, 2008, p.63. 113 Idem, 2008, p.43. 114 Livre blanc, 2013, op.cit., p.43. 115 A. Abdelkader, Terrorisme et trafic de drogue au Sahel, le monde, 2012, http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel_1735046_3232.html , consulté le 10/07/2015 116 G. Berghezan, Panorama du trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest, GRIP, 2012, p.6. 117 Rapport du Sénat français, 3juillet 2012, n°720 52 de trafics et de contrebande »118. Ces régions deviennent des plates-formes commerciales de drogue en provenance de l'Amérique du Sud, et de l'Asie. Cet état de fait, qui constitue une source de menace pour les Etats européens et particulièrement la France, était certainement inscrit dans les priorités de l'intervention française, en ce sens qu'elle permettait de réduire les flux de stupéfiants à destination de l'Europe et de la France particulièrement. Outre ce trafic de drogue, le Sahel est également devenu un lieu idéal pour le trafic d'armes. En effet, selon M. Cuttier : « 8millions d'armes, composées de fusils d'assaut, des pistolets automatiques, des mitrailleuses, des canons anti-aériens et des missiles antichars et sol-air circulent régulièrement chaque année dans ce milieu»119. Ce trafic d'armes qui s'est développé dans les régions du Sahel et du Sahara, est entretenu par les bandes armées qui s'y trouvent et qui, naturellement, échangent avec les groupes mafieux internationaux. Ce trafic d'armes que combat la France, constituait sans doute l'une des nombreuses zones d'ombres de cette intervention militaire. Car, la réduction du trafic d'armes entraine inéluctablement l'affaiblissement des groupes armés djihadistes au Mali et dans l'ensemble de la région sahélo-saharienne. Quant au trafic d'êtres humains, M. Cuttier120 en identifie deux types régulièrement pratiqués dans la région sahélo-saharienne. Le premier est celui des migrants clandestins qui, passent par le Mali à Gao, le Niger Agadez ou la Mauritanie. Cette forme de trafic fait transiter 120000 personnes par an vers le continent européen. Le second type de trafic d'êtres humains est celui des otages occidentaux détenus par les groupes armés qui sévissent dans la région. Ces deux formes de trafics menacent plusieurs Etats Occidentaux dont la France. La lutte contre ses trafics d'êtres humains constituant un enjeu majeur de la sécurité française dans cette sous-région, son application dans cette intervention militaire constituait également l'un des objectifs non déclarés par la France. Cette dernière, visait sans doute, à briser stratégiquement à travers cette OPEX, voire à fragiliser l'ensemble des réseaux de contrebandes qui se sont déjà formés dans ces vastes territoires. La carte ci-dessous présente les multiples formes de trafics qui se pratiquent dans la région sahélo-saharienne, à proximité des territoires européens. 118 Rapport Assemblée nationale, op.cit., p.25. 119 M. Cuttier, Les ressorts structurels de la crise au Sahel, RES militaris, vol 3, n°3, 2013, p.4. 120 Ibidem, 53 Carte 3: Les trafics de drogue, d'armes et d'humains en Afrique de l'Ouest et dans l'espace Sahélo-saharien. Cette carte présente les réseaux de trafics multiformes dans l'espace sahélo-saharien et en Afrique de l'Ouest. Les flux de ces trafics sont de trois ordres : les trafics à destination de la région, ceux en partance de la région vers les Etats européens et, ceux qui se déroulent entre les Etats africains. Ainsi cette carte montre une intense activité mafieuse dans la région sahélo-saharienne, aux portes l'Europe. Tous ces trafics qui ont un impact considérable sur la France et l'Europe d'une manière générale, constituaient l'un des problèmes auquel venait répondre l'intervention 54 militaire française au Mali. Ainsi, la lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux sous-tendait la nécessité de la protection des ressortissants français au Mali et dans l'ensemble de la région où, les prises d'otages étaient récurrentes. |
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