2- Objet et champs d'étude
Cette étude s'articule autour de deux concepts majeurs
: la géopolitique et l'intervention militaire.
La géopolitique dispose d'une pluralité
d'approches définitionnelles. Selon Yves Lacoste, la Géopolitique
peut se définir comme « une analyse des rivalités de
pouvoir étatiques et non-étatiques, opposant des acteurs internes
et externes sur un espace déterminé, en vue de maintenir ou de
modifier le rapport de force en présence(population, territoire
système politique, ressources religion, culture etc.) par la force ou la
négociation, selon leur représentation du
monde(idéologique, imaginaire collectif) »4 . Pour
Pierre George, il s'agit des «rapports de force entre Etats, ou entre
groupes nationaux ou ethniques à l'intérieur des
2R. Luckham, Le militarisme français en
Afrique, volume 2, Paris, Politique africaine, p.98.
3 P.Chaigneau, op.cit., p.44.
4 Y. Lacoste, Dictionnaire de
Géopolitique, Paris, Flammarion, 1993, p.3-4.
10
Etats »5. C'est donc une discipline
qui s'intéresse aux acteurs, leurs mobiles leurs objectifs et les
rapports de force qui s'instaurent dans un espace convoité. Ce dernier
pouvant être un territoire stratégique de par sa position
géographique ou un territoire doté de plusieurs ressources.
L'intervention militaire, quant à elle, est un concept
des relations internationales et du droit international dont un exercice
sémantique permet d'en saisir le sens. Il s'agit d'une part
d'intervention qui vient du verbe intervenir c'est-à-dire «
user de son influence »6, et de militaire qui concerne
l'armée, les soldats, la guerre. Ainsi, en relations internationales
l'intervention militaire désigne « l'utilisation de la force
armée en territoire étranger d'un Etat ou d'un groupe d'Etat dans
le but de prévenir ou de faire cesser des violations graves et massives
des droits fondamentaux touchant des individus qui ne sont pas des nationaux de
l'État (ou des États) intervenant(s), et ce sans l'autorisation
de l'Etat cible dans lequel ont lieu ces violations» 7. En
droit international public, l'intervention militaire est le « fait
d'un Etat qui cherche à pénétrer dans la sphère de
compétence exclusivement réservée à un autre Etat,
soit pour l'aider à régler ses affaires propres, soit pour les
régler à sa place ou l'obliger à les régler
conformément à ses voeux »8. De ce fait,
l'intervention militaire s'assimile à une ingérence militaire.
Cette dernière qui, se traduit également par l'usage d'une
intervention armée directe, est maquillée dans la Charte des
nations unies au chapitre 7 intitulé `'Action en cas de menace contre la
paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression» , comme l'un des
mécanismes de la coercition qui vise à garantir le respect des
droits de l'homme, des peuples à disposer d'eux-mêmes et
d'empêcher l'aggravation d'une rupture de paix, des conditions de
violence et d'agression. Cette ingérence militaire qui vit de quelques
conflits intérieurs des Etats souverains et indépendants,
notamment ceux de l'Afrique, est orientée par le Conseil de
sécurité dans l'article 42 de la charte de l'ONU: « le
conseil de sécurité [...], peut entreprendre au moyen
des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationale»9. La mise en
exécution d'une ingérence militaire par une puissance
siégeant dans le Conseil de sécurité est ponctuée
par plusieurs mesures relevant du droit international public. Ainsi, les
ingérences militaires se confondent aux interventions militaires et
s'identifient comme des actions à vocation humanitaires et
sécuritaires dans les conflits intra-étatiques.
5 P. George, Dictionnaire de la
Géographie, Paris, puf, 1990, p.226.
6Petit Robert, Dictionnaire de langue,
p.256.
7Critique internationale, n° 39,
avril-juin 2008, p.161.
8P. Daillier, & A. Pellet, Droit international
public, Paris, 7e édition, LGDJ, 2002, p.47-48.
9Charte des nations unies, (juin 1945),
San Francisco
11
L'intervention militaire, a connu sur le plan
définitionnel une nouvelle orientation après les affrontements
par interposition des Etats-Unis et de l'URSS dans plusieurs Etats du monde. En
effet, s'appropriant les modalités de la gestion des crises
internationales, le Conseil de sécurité, organe régulateur
du maintien de la paix et de la sécurité internationale avait
ainsi recadré les interventions. Ces dernières qui se
pratiquaient unilatéralement, se font dorénavant de façon
« multilatérale en effectuant des interventions collectives
audacieuses»10. Cette évolution conceptuelle a
abouti en relations internationales à la classification des
interventions en dix modèles. Il s'agit particulièrement des
modèles d'interventions punitives et collectives, ceux des interventions
humanitaires, liées à la guerre froide, en légitime
défense et de l'autodétermination ; puis ceux de
l'idéologie, de la préservation de l'équilibre des forces,
de l'impérialisme et du colonialisme11. En effet,
ces deux derniers modèles intéressent notre étude. La
France, colonisateur de l'Etat malien et puissance internationale, exerce une
certaine influence, sur l'ensemble des pays qu'elle a colonisé et par de
suit protège ses intérêts. Cette influence qui date bien
avant les indépendances, est perceptible aussi bien sur les plans
diplomatiques, économiques que militaires.
Ce sujet qui s'inscrit particulièrement dans le champ
d'étude des géosciences politiques12, fait
également intervenir plusieurs concepts et théories d'autres
sciences sociales connexes. Ainsi, afin de comprendre cette intervention
militaire dans ses dimensions territoriale ; économique ; militaire et
stratégique, et de connaitre les acteurs, les enjeux le
théâtre, les intérêts et les dépenses
économiques qui sous-tendent, Il revient de mettre un accent sur la
géographie politique, la géopolitique la
géostratégie, la géoéconomie et les relations
internationales. Outre ces disciplines, ce sujet recommande de
s'intéresser à l'histoire pour retranscrire les faits et à
la sociologie pour mesurer l'impact de cette intervention militaire sur le
terrain.
L'étude que nous menons a un double objectif
scientifique. Elle vise d'une part à comprendre les fondements et les
enjeux de l'intervention militaire de la France au Mali. D'autre part, il
s'agit de permettre à la communauté scientifique notamment les
étudiants, de mieux analyser les interventions militaires des puissances
étrangères particulièrement celles de la France en
Afrique.
10M. Ortega, L'intervention militaire et
l'Union Européenne, Paris, Cahiers du Chaillot, n°45,
Mars 2001, p.2122.
11Modèle colonialiste : Les
intérêts nationaux des grandes puissances coloniales sont
imposés par la force à des Etats faibles nouvellement
indépendants.
12Terme développé par l'école
gabonaise de géographie politique pour désigner La filiation
entre géographie politique, géopolitique,
géostratégie, géoéconomie et aujourd'hui la
géoécologie
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