III. SANTE/HYGIENE :
1. SUR LE PLAN PSYCHOLOGIQUE :
Je souhaite introduire ici les constats issus des services
agréés de l'aide à la jeunesse, qui ont été
présenté dans le Diagnostique Social 2014 du CAAJ de Tournai. Au
sein de l'arrondissement, s'est créée il y a quelques
années, une plateforme de l'aide à la jeunesse. Chaque service
agréé de l'aide à la jeunesse est invité à y
envoyer un représentant. Elle se réunit au moins quatre fois par
an et poursuit sa réflexion sur des thèmes d'actualité et
sur des pratiques du secteur. Un questionnaire a été
envoyé à chaque service de la plateforme. Une séance a
été consacrée à cette partie du diagnostic social
du CAAJ et à la mise en commun des réponses. En voici les
principaux thèmes :
· Famille et Santé Mentale :
- problèmes individuels d'ordre psychiatrique chez
certains parents,
- troubles du comportement des jeunes,
- troubles de l'attachement, relations sociales et affectives
perturbées avec compensations affective débridées,
57
- violences intrafamiliales et institutionnelles familles
recomposées : problème de la place du jeune.
? Précarité :
- privation par rapport aux besoins
élémentaires,
- manque de structuration des enfants, - problèmes
identitaires des familles, - sentiments de honte.
· Isolement social (désaffiliation)
:
- stigmatisation des familles,
- exclusion sociale, stigmatisation des jeunes et
décrochage scolaire, redoublement
- inadéquation de l'offre scolaire
- manque de souplesse par rapport à l'obligation
scolaire
- politiques d'exclusion des jeunes au niveau scolaire mais
aussi au niveau
communautaire.
Après la lecture de ces constats, il est aisé
de se rendre compte que les difficultés rencontrées par les
enfants ne sont pas seulement économiques ou matérielles. Comme
je l'ai expliqué plus haut, elles sont aussi, et même de
manière très prégnante, d'ordre familial. Pour bon nombre,
le couple parental est séparé, le père est absent, et le
ou les enfants, vivent seuls avec la mère (56,25% des enfants
interrogés vivent seuls avec leur mère, contre 25% avec les deux
parents présents). Pour les aînés, la charge peut
s'avérer très lourde puisqu'ils sont souvent investis d'une
fonction familiale qui n'est pas la leur : 18,75% des enfants admettent que le
plus souvent, ce sont eux qui s'occupent de leurs frères et soeurs. On
peut donc facilement imaginer que cette situation les pousses à vive
allure dans ce que j'appellerai une « maturité précoce
». Comment un enfant de 10 ans peut-il s'épanouir dans son enfance
si le parent seul (père ou mère), lui délègue le
rôle du parent absent ? A long terme, n'y a-t-il pas un risque de trouble
du comportement provoqué par le surinvestissement de ce « mauvais
» rôle ? Puisque s'il est investi de la sorte, c'est que le parent
seul ne s'en sort plus, et/ou que
58
l'enfant ressent une angoisse qui le pousse à penser
que c'est à lui de prendre les rênes. Mais dans ces deux cas, ce
n'est jamais une question de choix.
J'ai en mémoire ce jeune garçon de 11 ans qui
se montrait très violent, mais aussi très protecteur avec sa
petite soeur de 6 ans. J'avais rencontré le père lors du
questionnaire : un homme sans emploi et fortement alcoolique, en rupture totale
avec son ex-femme depuis plusieurs années. Il avait l'air
littéralement perdu, ayant pour seule arme éducative un chantage
favorisant pour le jeune garçon. Lorsque le père venait les
chercher à la Maison de Jeunes, on voyait très clairement le
manque d'autorité qu'il avait sur lui, et par le corollaire,
l'impressionnante domination que l'enfant avait sur le père. Ce
même enfant était sans cesse en défiance de
l'autorité, et tenait des propos qui témoignaient d'une certaine
expérience de vie d'adulte, surtout dans sa façon de s'adresser
à sa soeur. Et on pouvait deviner que derrière cette «
maturité précoce », se cachait une incroyable
incompréhension.
Comme pour l'adulte, toutes ces difficultés
sont plus des problèmes de construction identitaires que de
véritables pathologies psychologiques. Mais il est
évident, en tout point, que ces freins psychologiques entravent
grandement le développement psychique idéal de l'enfant. Et je ne
parle pas du sentiment de stress que j'ai évoqué dans l'impact
global de la précarité sur l'adulte, car il est absolument
certain que ce stress pèse aussi sur les épaules des enfants.
Mais s'il existe un trouble assez fréquent chez ces
enfants de pauvres, c'est la carence affective. En effet, bon nombre des
enfants que j'ai pu rencontrer me semblaient être souvent mis de
côté par leurs parents, comme s'ils passaient au second plan dans
les préoccupations familiales. Ce n'est pas un blâme, et je
comprends à quel point cela peut être complexe de jongler entre
démonstration affective et problèmes du quotidien liés
à la précarité. Ainsi, j'ai pu observer certaines des
caractéristiques que Michel LEMAY a relevé chez l'enfant
carencé, telles que :
- des troubles de la relation, avec l'adulte comme avec les
pairs,
- une fuite du regard, particulièrement significative du
manque de confiance en soi,
- des troubles alimentaires, un surpoids et des repas pris de
façon sporadique,
- des difficultés scolaires, problèmes de
concentration, invention de subterfuges pour
sécher les cours (professeurs absents, maladie, erreur
d'emploi du temps, etc),
59
- de l'agressivité verbale, et parfois physique, avec
une agitation excessive (passent
par des phases de grand calme à des phases
d'excitation sans état intermédiaire), - un sentiment
d'insécurité, dû à un climat instable dans le foyer
familial, 25% des
enfants interrogé avouent ne pas se sentir en
sécurité chez eux,22
- ainsi que certaines difficultés liées au retard
dans l'acquisition cognitive.
S'ajoute à toutes ces caractéristiques, des
facteurs aggravant tels que le logement insalubre ou trop petit pour accueillir
la fratrie entière. 56,25% des enfants interrogés ont plus de
trois frères et/ou soeurs, et 43,75% d'entre eux doivent partager leur
chambre avec un autre. Et on sait combien il est important pour le
développement intellectuel de l'enfant de pouvoir aussi se retrouver
seul avec lui-même, pour se concentrer, et pour se recentrer.
Deux autres chiffres qui témoignent de l'importance du
milieu de vie dans la construction identitaire de l'enfant m'ont
particulièrement marqué : 4 enfants sur 16, soit 25% des enfants
interrogés, avouent ne pas se sentir en sécurité chez eux,
et 18,75% d'entre eux n'ont pas suffisamment chaud l'hiver dans la maison.
De l'anxiété, un sentiment
d'insécurité et parfois une honte de soi, tel est le lourd tribut
payé par les enfants de la pauvreté et de la
précarité. Car au-delà d'un certain dénuement
matériel, le renfermement sur soi est souvent du a une carence affective
:
« L'allongement du temps de travail, le
manque d'aide à la maison et l'abandon d'activités
récréatives peuvent affaiblir les liens familiaux, ce qui
perturbe les enfants à des étapes clés de leur
développement intellectuel et affectif. »23
Mais puisque certaines maladies mentales prennent
racine dès l'enfance, les adultes en devenir qu'ils sont, sont ainsi
plus exposés aux risques de développer par la suite une
souffrance psychique, des troubles du comportement, des états
dépressifs et autres problèmes de santé mentale, ce qui
ressort d'ailleurs constamment des travaux sur la santé des plus
démunis.
22 Cf : Annexe Tableau des résultats des
réponses aux phrases enfant
23 Bilan Innocenti 12, Centre de recherche Innocenti de
l'Unicef, octobre 2014.
60
2. SUR LE PLAN PHYSIQUE :
61
Si très peu d'études se sont penchées sur
les véritables conséquences de la précarité sur
l'état de santé physique des enfants qui en souffrent, j'ai
cependant relevé quelques pathologies qui me semblent relativement
importantes, car il est évident que ce sont des indices que je ne
pouvais pas relever sur le terrain. L'impact général de la
précarité sur l'enfant du point de vue physique est
quasi-identique à l'impact sur l'adulte puisque c'est par le ou les
facteurs de risques des parents qu'arrivent les pathologies, ce sont les
conséquences de la transmission intergénérationnelle.
Les inégalités sur le plan de la santé touchent
les enfants avant la naissance et continuent de se manifester durant l'ensemble
de leur développement.
Premièrement, le taux de prématurité est
fortement corrélé avec des facteurs sociaux. En classant les
communes en 5 catégories sur base d'indicateurs de pauvreté
(niveau de chômage, d'instruction et revenu), une étude
menée en 2008 par le SPF Economie et le SPF Affaires Sociales, a
observé une croissance du taux de prématurité avec le taux
de pauvreté de la commune : 7,35 % pour les communes les plus riches
contre 8,75 % pour les communes les plus pauvres.
Le mode de vie des parents a une influence
considérable sur l'état de santé du foetus in
utero. Ainsi, si la mère fume et/ou consomme
régulièrement de l'alcool, ou qu'elle évolue dans un
milieu empreint de ces addictions, le bébé en paiera nettement
les conséquences. En effet, les spécialistes ont relevés
une série d'incidences liée à la consommation d'alcool
durant la grossesse, telles que :
· retard de croissance du foetus,
· risque de fausse couche,
· accouchement prématuré,
· malformations de la boîte crânienne,
· troubles psychiques ou du comportement de l'enfant,
· troubles d'apprentissage,
· troubles de la mémorisation,
· troubles de l'attention, etc.
Deuxièmement, si les enquêtes font état
d'une stabilisation globale de l'augmentation de l'obésité chez
les enfants, elles montrent un creusement des inégalités sociales
sur cette question. La surcharge pondérale apparaît comme le
miroir des inégalités sociales aussi bien chez les adolescents
que chez les jeunes à l'entrée de l'âge adulte.
En France par exemple, 26% des enfants scolarisés en
Zone d'Education Prioritaire sont en surcharge pondérale contre 19 % en
dehors de ces zones.24 Cela s'explique notamment par les mauvaises
habitudes alimentaires des parents, et la faible mobilité des enfants,
qui sont très peu à pratiquer une activité sportive :
56,25% des enfants interrogés ne pratiquent aucune activité
sportive ou extra-scolaire.
24 VERSINI Dominique, Conséquence sur le
développement affectif de l'enfant des situations de
précarité familiale, avril 2011.
62
|
Troisièmement, au
niveau de la santé bucco-dentaire, les enfants issus de
milieu pauvre ont plus de carries que les enfants issus de milieu aisé.
Il est simple de relier ce constat aux problèmes de malnutritions.
Ainsi, 11% des enfants les plus pauvres souffrent de caries contre 6 % du reste
de la population.
|
Quatrièmement, les enfants de pauvres vont moins
souvent chez le médecin, et surtout chez les spécialistes. Ils
sont également moins bien couverts : 22 % d'entre eux n'ont pas
de complémentaire santé contre 7 % du reste de la
population25.
Enfin, pour illustrer de façon concrète la
prévalence des risques pathologiques chez l'enfant en situation de
précarité, voici un tableau de la part des enfants souffrant des
pathologies les plus fréquentes réalisé par l'INSEE :
25 DE SAINT PAUL Thibault, La santé des plus pauvres,
INSEE Première, n°1161, octobre 2007.
63
Ainsi, je peux dire qu'il n'y a pas réellement
de maladies des enfants pauvres, mais il est certain que le risque d'en
contracter, et bien plus important en milieu précaire qu'en milieu
stable. Et une chose est sure : la pauvreté rend malade, et la maladie
rend pauvre.
64
3. DES DIFFICULTES DANS LE PARCOURS SCOLAIRE :
Comment ne pas évoquer l'impact de la
précarité des familles sur l'enfant sans parler des
difficultés que celle-ci engendre dans le parcours scolaire de ce
dernier ? L'école qui doit être le deuxième lieu de
socialisation de l'enfant, après la famille, se doit d'être
porteuse de valeurs d'égalités et de respect, en veillant au bien
être de l'enfant au sein de l'institution éducative qu'elle
représente.
Mais comme le dit Julie CHUPIN26 : « Ce qui
est promesse de plaisir pour la plupart devient source d'angoisse pour d'autres
dès lors que les difficultés s'accumulent ». Le redoublement
en est le premier signe : 37,5% des enfants interrogés ont ainsi
déjà redoublé au moins une fois. Le stress vécu
dans la famille, et les prédispositions de celle-ci vis-à-vis de
la transmission des savoirs, sont autant de facteurs qui mettent un frein
à l'envie d'apprendre.
Si la famille ne porte pas les valeurs et les bienfaits de
l'école, si un parent est fortement malade, ou si les espoirs envers
l'enfant sont trop grands, alors comment l'enfant peut-il être
suffisamment en confiance au point d'accepter qu'on lui transmette quelque
chose sans qu'il ne soit préoccupé par d'autres sujets ? Car pour
qu'un enfant puisse apprendre, il faut des conditions qui ne soient pas
exclusivement scolaires.
Dans l'idéal, l'école devrait être un lieu
d'ancrage essentiel pour les enfants issus des familles précaires.
Puisqu'à la maison, rien ne va vraiment, l'école devrait
représenter un temps où les enfants se retrouvent et peuvent
évacuer le stress familial qu'ils subissent. Mais bien souvent,
l'influence des facteurs liés à la précarité, tels
que le manque de sommeil, l'impossibilité de faire ses devoirs à
la maison, le surpeuplement du foyer familial, ou encore le
désintérêt des parents face à la sphère
scolaire, est synonyme d'inégalités en matière de
réussite. Ainsi, 25% des enfants interrogés déclarent ne
pas pouvoir faire leurs devoirs dans le calme, 50% avouent que leurs parents ne
les aident pas à faire leurs devoirs lorsque l'Ecole Des Devoirs est
fermée, et 4 enfants sur 16 admettent que leurs parents ne
s'intéressent pas à ce qu'ils font à l'école.
26 CHUPIN Julie, Echec scolaire, la grande peur,
éditions Autrement, Paris, 2013.
65
Voici comment l'école, vecteur de socialisation
est d'intégration, devient peu à peu une problématique
supplémentaire dans le parcours et le développement psychosocial
et psycho-affectif de l'enfant, renforçant de façon continue, les
sentiments d'angoisse et de honte qu'il pouvait alors déjà
ressentir.
Dans ces trois dernières partie, je me suis
donné comme objectif de mettre en lumière les processus de
précarisation et de pauvreté, et notamment leurs impacts sur le
corps familial et sur l'enfant. J'ai ainsi pu démontrer que notre
société, aussi développée soit-elle, laisse la part
belle à l'émergence de nouvelles situations d'exclusions
sociales, où la précarité et la pauvreté affectent
tous les domaines de la vie de l'enfant, et portent atteintes à ses
droits les plus fondamentaux.
Il est certain qu'il existe une spirale «
infernale » et négative dans laquelle sont entraînés
les enfants et les familles défavorisées. Notre
société riche, se voulant égalitaire et fraternelle,
laisse de côté un grand nombre de ces citoyens. Je dis qu'elle
laisse de côté parce que c'est vraiment le sentiment que j'ai eu
en écoutant les parents et les familles, mais aussi en rédigeant
ce travail. Comme si une certaine fatalité s'acharnait sur les
épaules de certains enfants à travers leur situation familiale,
et que celle-ci les forçait à s'asseoir à une place
où leur intelligence, leur créativité, leurs
capacités, leur désir d'apprendre, de s'intégrer, de
s'inventer une vie à la hauteur de leurs espoirs et de leurs ambitions,
finalement, ne compteraient pas.
Je ne veux pas tomber ici dans le
misérabilisme, et c'est d'ailleurs pourquoi ma dernière partie se
veut être une « réponse », ou tout du moins, des
hypothèses de réflexions, à ces problématiques
sociales que l'éducateur spécialisé est à
même de rencontrer dans sa carrière professionnelle. Dans un souci
d'objectivité et de cohérence, je me concentrerai uniquement sur
l'action que peut mener un éducateur au sein d'une Maison de Jeunes
puisqu'il m'est impossible, avec le peu d'expérience que j'ai dans ce
domaine, de dresser une série d'actions dites « efficaces et
indiscutables » qui permettraient aux enfants et aux familles de sortir de
cette spirale.
66
E. LES OUTILS DE L'EDUCATEUR OU L'EDUCATEUR-OUTIL EN
MAISON DE JEUNES :
La Maison de Jeunes est un lieu où les enfants
et les adolescents doivent se respecter entre eux. La mise en place d'un
règlement fortement inspiré de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme et du Citoyen, les inscrit d'emblée dans un
contexte de liberté où chacun à des droits et des devoirs.
Si le fonctionnement de la MJ est basé sur l'autonomie et la
participation active des jeunes, les éducateurs qui y travaillent sont
d'abord des référents adultes, des piliers stables et droits dans
leur démarche éducative, assurant le rôle de point de
repère pour ces jeunes en difficultés.
Il est évident que le rôle premier d'une
Maison de Jeunes n'est pas de régler les problèmes de
précarité et de pauvreté des familles et de ceux qui la
fréquente. Mais dans un sens, elle ne peut pas non plus fermer les yeux
sur la déshérence de ces personnes, tout en prétendant que
son action est dirigée vers une prise de conscience citoyenne. Son
rôle est justement de prendre en compte les difficultés sociales
de chacun, et de tenter de les contourner, de les supprimer, ou au moins, de
donner une chance aux enfants, de prétendre à une vie faite de
partage et de dignité.
I. SUR LE PLAN FAMILIAL :
1. ETRE A L'ECOUTE DES SITUATIONS FAMILIALES :
Comme son nom l'indique, une Maison de Jeunes est faite pour
les jeunes, et non pour les parents. C'est d'ailleurs une des raisons pour
lesquelles certains d'entre eux s'y rendent :
67
pour échapper aux contraintes familiales, ou au stress
qui en découle. C'est pourquoi, bien souvent, certains d'entre eux
évoquent facilement leurs relations avec leurs parents, et il est
inutile de préciser à quel point elles sont compliquées.
Ils recherchent, auprès des éducateurs, un climat de confiance
qui puisse leur donner le sentiment d'être entendu et compris.
Pour ma part, je pense qu'il serait vraiment
intéressant de renforcer le lien entre les familles de ces jeunes, et
les membres de l'association, sans prétendre à une quelconque
aide à la parentalité. Mais seulement pouvoir les recevoir de
temps en temps, pour faire le point sur leur situation, savoir ce qu'il en est
avec leurs enfants, les diriger vers des services d'aides
spécialisés si besoin, et même, pourquoi ne pas
créer des ateliers où parents et enfants participent ensemble ?
Utopique peut-être. Mais nécessaire à mon sens, car ce sont
bien les familles qui ont un impact direct sur l'enfant, et si l'on veut
changer, ou du moins influencer, les habitudes négatives de ce dernier,
il faut alors absolument prendre en compte la fonction parentale dans son
ensemble.
Cela me parait essentiel d'introduire une sorte de
continuité dans la relation parents/éducateurs, en leur montrant
qu'on les respecte, qu'on ne les convoque pas mais que nous sommes des
alliés dans leur situation, qu'on leur permette de parler, qu'on les
écoute et que leur parole ne soit pas disqualifiée. Car la
plupart des enfants qui fréquentent la Maison de Jeunes, arrivent
dès qu'ils sont en âge de la fréquenter,
c'est-à-dire 4 ans, et la quittent lorsqu'ils n'y sont plus
acceptés, c'est-à-dire à 21 ans. S'il n'y a pas de
déménagement ou de conflits trop importants, pour ceux qui
s'inscrivent dès qu'ils le peuvent, il se passe donc en moyenne plus de
16 années avant qu'il n'y ait une réelle rupture avec eux.
En ce sens, je ne peux pas concevoir que l'importance
de la prise en considération des parents ne soit pas faite, et c'est une
des raisons qui justifie la mise en place de mon questionnaire : apprendre
à les connaître, c'est aussi mieux connaître leurs enfants,
et donc améliorer et mieux cibler les actions éducatives et
culturelles.
68
2. FIXER DES OBJECTIFS A COURT ET A LONG TERME :
Un autre point qui me semble important d'évoquer, est
la mise en place d'objectifs à court et à long terme dans la
démarche de mise en relation avec la famille. En effet, puisque le lien
entre parents et éducateurs est quasi-inexistant, pourquoi ne pas
proposer, comme je l'ai dit plus haut, des activités où parents
et enfants s'attèlent à une tâche commune, et ce dès
le plus jeune âge de l'enfant, et où l'éducateurs servirait
d'accompagnateur dans cette démarche ? Il est vrai que la Maison de
Jeunes propose des soirées thématiques où les enfants
préparent le repas pour les adultes. Mais les inscrits sont, le plus
souvent les partenaires sociaux et le voisinage, que les parents
eux-mêmes. Des sorties culturelles sont aussi organisées pour les
jeunes, alors pourquoi ne pas inviter, de temps en temps, les parents à
se joindre à eux ? Cela ne renforcerait-il pas le lien affectif
parents/enfants, et le lien parents/éducateurs ?
Et comme objectif à long terme, il pourrait être
intéressant de créer des groupes de paroles, ou même des
groupes d'entre-aide entre parents. Je pense à cette mère
illettrée et au chômage, élevant seule son enfant, qui
chaque jour venait une heure avant la fermeture de la MJ pour discuter, et
essayer de rattraper un niveau correct en mathématiques et en
français. Elle avait le souci de vouloir passer son diplôme du
secondaire, et elle me disait le faire pour son fils, pour lui montrer que sa
mère ne baisse pas les bras. La tâche est lourde, et
s'étend sur la durée. Et si des parents dans la même
situation se joignaient à elle ? Et s'ils se rendaient compte qu'ils ne
sont pas les seuls ? Alors ne s'entre-aideraient-ils pas ?
Peut-être utopique encore une fois, mais
l'espoir ne vaux-t-il pas la peine d'essayer, au moins pour un temps
?
69
|