II. LA VISION DU ROLE PARENTAL
DANS LES MOEURS :
1. LE DEVOIR DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES :
Le premier grand rôle qui me vient à
l'esprit, est celui de la transmission des connaissances, en voyant la famille
comme le lieu des premières expériences. Elle est le point de
départ du processus de socialisation, essentiel à l'apprentissage
des règles du vivre ensemble, et à la formation de
l'identité de l'adulte en devenir. La famille transmet à
l'enfant, dès son plus jeune âge, le langage et les codes sociaux
les plus élémentaires, mais aussi les valeurs et les normes qui
l'aideront ensuite à développer des relations
sociales.
i. La famille comme premier lieu d'apprentissage des
règles :
Au-delà de la transmission du langage, la famille a
pour rôle d'éduquer l'enfant dans le sens « d'élever
vers le haut ». En effet, comme l'indique la Convention Internationales
des Droits de l'Enfant, à l'article 29 : « Les Etats parties
conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à favoriser
l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le
développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques,
dans toute la mesure de leurs potentialités ».
D'emblée, l'éducation est perçue comme la
nécessité de développer la personnalité de
l'enfant, cela passe évidemment par l'apprentissage des codes et des
règles sociales en vigueur dans son pays. A la maison, les parents ne
font pas la loi, mais ils la représentent. Ils se soumettent aux
règles communes de la société dans laquelle ils vivent, et
c'est donc au nom de quelque chose qu'ils respectent également, qu'ils
peuvent prendre des décisions. Ainsi, les adultes introduisent l'enfant
à la vie sociale dans laquelle il devra s'insérer. C'est tout
simplement ce que l'on nomme l'autorité parentale, qui ne doit jamais
être une soumission de l'enfant, mais une compréhension. Lui faire
comprendre que certaines choses ne sont pas acceptables dans notre
société (se marier avec son père, frapper son camarade,
prendre ce qui
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n'est pas à soi, etc.) est plus éducatif que de
lui interdire fermement, car il peut apprendre les règles de
façon extérieure sans les avoir intégrées
intérieurement.
Mettre des limites à l'enfant, c'est lui faire
comprendre qu'il ne peut pas vivre dans l'illusion qu'il peut toujours avoir
davantage. C'est le canaliser. Tel est le premier grand rôle des parents,
instaurer un cadre de base inspiré de la Loi dans l'optique de favoriser
au mieux son intégration sociale future.
ii. Ce que les parents DOIVENT transmettre à leurs enfants
:
Arrivent ensuite ce que les parents doivent idéalement
inculquer à leurs enfants. Une fois encore, la Convention Internationale
des Droits de l'Enfant déclare que l'éducation de l'enfant doit
viser à :
- « Inculquer à l'enfant le respect des droits
de l'homme et des libertés
fondamentales, et des principes consacrés dans la
Charte des Nations Unies;
- Inculquer à l'enfant le respect de ses parents,
de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que
le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il
peut être originaire et des civilisations différentes de la
sienne;
- Préparer l'enfant à assumer les
responsabilités de la vie dans une société libre, dans un
esprit de compréhension, de paix, de tolérance,
d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les
peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes
d'origine autochtone;
- Inculquer à l'enfant le respect du milieu
naturel. »15
Il y a ici l'idée d'une éducation morale de
l'enfant, parallèlement à l'apprentissage de la culture dans
laquelle il vit. Lui enseigner d'où il vient, lui apprendre les valeurs
de son pays, de ses coutumes, c'est l'élever vers une citoyenneté
intelligente et responsable dès le plus
15 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 29, 1989.
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jeune âge. Connaître l'endroit où l'on vit,
et le respecter, c'est poser des repères qui le rassurent, et lui ouvrir
une route à suivre. Favoriser l'ouverture aux autres,
l'égalité et tous les concepts idéologiques et
philosophiques de notre société, c'est donner du sens à sa
vie.
Outre les principes énoncés ci-dessus, les
parents doivent aussi permettre à l'enfant de se développer le
plus convenablement possible, et ce, dans un environnement rassurant.
En premier lieu, j'évoquerai ici le concept de «
confiance », dans le sens d'instaurer une confiance en soi à
l'enfant. Le nouveau-né ne vient pas au monde avec un mental de fer.
Comme toutes capacités, il les acquiert au fil des expériences et
des stimulations externes de l'entourage. La confiance en soi est quelque chose
qui se construit au contact des autres, et en premier lieu, au contact de ses
parents. Se sentir en sécurité et en confiance, c'est pouvoir
compter sur la présence et l'attention de ses parents, pour ensuite oser
explorer le monde. Car comme l'a dit Nathaniel BRANDEN, psychothérapeute
et écrivain américain :
« C'est l'image que nous avons de nous-mêmes qui
fait notre destin. »16
2. LE DEVOIR D'ASSURER UN EQUILIBRE PHYSIQUE ET PSYCHOLOGIQUE
:
Le préalable de la confiance en soi n'est-il
pas le maintien du lien affectif entre parents et enfants ? Vivre dans un
climat de bien-être et d'amour mutuel, semble être le point de
départ du développement psychologique et physique idéal de
l'enfant. Car « c'est aux parents ou autres personnes ayant la charge
de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité d'assurer, dans
les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les
conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant
»17. Mais comment y parvenir ?
16 BRANDEN Nathaniel, L'estime de soi : une force
positive, 2011.
17 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 27.2, 1989.
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i. Du point de vue de l'esprit :
Si un enfant n'est pas stimulé activement par ses
parents dès la naissance, le risque de retard mental est alors
décuplé. D'où la véritable importance d'offrir
à l'enfant toute une variété de possibilités
d'expérimenter, d'explorer et de jouer avec les choses autour de lui. La
stimulation concerne ainsi tous les mouvements du corps et l'utilisation de
tous les sens, et en particulier de la vue, de l'ouïe et du toucher.
Mais assurer un équilibre psychologique à
l'enfant, ce n'est pas seulement se limiter à ces stimulations, c'est
aussi montrer que l'on s'intéresse à lui et à ce qu'il
fait. Montrer que l'on est investi dans le suivi de son travail scolaire, mais
aussi extra-scolaire. C'est passer du temps avec lui en lui accordant des
moments privilégiés de discussions, de jeux, de tendresse, etc.
Remarquer et encourager ses progrès dans tout ce qu'il entreprend.
Instaurer des rituels familiaux. Laisser l'enfant à l'écart des
disputes conjugales. Tout cela, c'est ainsi préserver les liens dans la
famille.
ii. Du point de vue du corps :
L'équilibre psychologique va aussi de pair avec un soin
particulier accordé au corps de l'enfant. J'entends par là tout
ce qui est relatif à sa santé physique.
En premier lieu réside l'assurance de la prodigation
des soins médicaux : « Les Etats parties reconnaissent le droit
de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de
bénéficier de services médicaux et de
rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit
privé du droit d'avoir accès à ces services.
»18 Ainsi, les parents doivent s'efforcer de garantir la
surveillance, et si nécessaire, l'amélioration, de l'état
de santé de leur enfant. Il s'agit ici
18 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 24, 1989.
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d'un devoir parental, non négociable aux yeux des
autorités publiques. La non application de ce devoir, entraîne
irrémédiablement une réponse juridique.
Les parents ont notamment le devoir de nourrir leur enfant de
la meilleure façon qu'il soit, et dans la mesure de leurs ressources
financières. Car manger sainement aujourd'hui, comme cité au
point 4-3 du premier chapitre, est bien plus souvent une question de
portefeuille, que de volonté.
Enfin, jusqu'à 7 ans, le système immunitaire
d'un enfant n'est pas mature. L'hygiène est donc plus que jamais
essentiel. Se laver les mains, les dents, se moucher, etc. Tant de
réflexes d'hygiène corporelle que les parents doivent inculquer
à l'enfant. Un enfant doit aussi pouvoir avoir des vêtements
propres et ajustés à sa taille en fonction de son âge.
3. QUELLE DISTRIBUTION DES ROLES PARENTAUX ?
Je ne pouvais pas aborder l'ensemble des devoirs des
parents envers l'enfant, sans parler de la manière dont les fonctions
parentales sont distribuées.
Comme je l'ai brièvement expliqué au
début de ce chapitre, la place du père et de la mère a
toujours évoluée au fil des siècles. La toute-puissance
paternelle et le surinvestissement maternel d'autre fois, se gomment peu
à peu, laissant place aujourd'hui, à une véritable
difficulté de dissocier ces deux rôles tant ils deviennent
égaux. L'évolution des lois et la promotion de
l'égalité des sexes tendent vers ces nouvelles constructions
familiales.
En effet, notre société actuelle laisse la part
belle à la paternité, qui est de plus en plus reconnue et
valorisée, plaçant également l'homme au coeur des soins et
de l'éducation de l'enfant. Bien que la responsabilisation des
mères reste toujours très orientée, le déclin du
père dans son rôle de « celui qui fait vivre la famille
», lui donne aujourd'hui une place privilégiée, où
pères et mères accordent leurs violons pour l'éducation de
leurs enfants.
Ces profondes modifications comportementales, sociales et
psychologiques créent d'ailleurs des déséquilibres
importants sur le plan intergénérationnels, dans la mesure
où ces
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nouveaux parents « ne peuvent que difficilement se
référer aux représentations d'antan (de leurs propres
parents, qui ont des conceptions archaïques) et du coup
réinterrogent leur place et leur rôle au sein de
l'éducation de leur enfant. »19
Mais il est une dualité, qui a faibli certes, mais qui
résiste dans le fait que l'enfant en a terriblement besoin pour se
construire, c'est que le père est souvent la figure d'autorité
(infligeant les punitions, imposant les règles, etc.) et la mère,
la référence affective (celle qui console, celle qui raconte les
histoires, celle qui donne les soins, etc.). Cette dualité sexuée
semble dans certains cas s'échanger, où le père devient
affectif, et la mère « sanctionneuse », mais je pense
sincèrement que ces deux rôles doivent être présents
bien que nuancés : que l'un ne soit pas borné à rester
dans l'autorité, et que l'autre ne fasse pas uniquement figure
d'affection. Un équilibre vaut toujours mieux qu'un extrême.
Tout cela est vrai pour ce qui est du couple parental
qui survit au temps. Mais qu'en est-il des parents seuls ? Des parents
divorcés ? Comment établir des rôles distincts dans un
couple divisé ?
Il est essentiel d'évoquer le fait qu'il est souvent
très difficile pour un couple qui se sépare, de maintenir des
liens familiaux forts. Et c'est pourtant ce qu'il est vivement conseillé
de faire par les psychologues et autres spécialistes, et ce, notamment
vis-à-vis du développement de l'enfant. Cela diminue, en effet,
les angoisses liées à la séparation de ce que l'enfant
vénérait le plus : l'amour de ses parents. Le maintien des
routines et du cadre éducatif posé antérieurement à
la séparation est aussi très recommandé. Mais
contrairement aux idées reçues, aucune étude ne prouve que
les enfants de familles monoparentales ou séparées soient,
à long terme, plus fragiles que les autres. L'idéal voudrait que
les enfants aient des contacts réguliers avec leurs deux parents, se
sentent aimés par chacun d'eux et soient placés à
l'écart des conflits.
Le parent seul, qu'il le soit d'une séparation ou d'un
abandon, doit garder la tête haute, et assurer tous les rôles qu'un
couple aurait eu : sécurité, équilibre, cadre,
éducation, etc. Au niveau de la gestion du temps, le plus simple
étant de demander de l'aide à son entourage
19 BIDON-LEMESLE Céline, Thérapie Familiale,
2011.
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lorsque ce n'est plus tenable. Et côté budget, si
un salaire ne suffit pas, les aides gouvernementales sont, pour certaines,
bonifiées pour les familles monoparentales.
Cette partie, intitulée « Vision du
rôle parental dans les moeurs », se veut être un exemple de ce
qui est admis par la société comme devant être ce que
doivent faire les familles envers leur enfant. C'est ici une vision
idéale de l'éducation de l'enfant en milieu sain, avec des
parents jouissant de toutes les assurances leur permettant de vivre dignement
dans notre société.
La prochaine partie sera consacrée à ce
que j'ai pu observer sur le terrain, et ce, au regard des idéaux
cités plus haut. Car comment une famille peut-elle accomplir pleinement
ses devoirs de parents dictés par nos moeurs et nos lois, alors qu'elle
se trouve dans une situation de précarité ? Comment
éduquer ses enfants aussi idéalement que possible, lorsque leur
propre éducation a été le fruit de la pauvreté de
leurs parents ?
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1. DES DIFFICULTES LIEES A L'EDUCATION DES PARENTS EUX-
MEMES
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