Les stratégies de l'engagement organisationnel à l'épreuve du turnover infirmier.( Télécharger le fichier original )par Stéphane LE ROUZIC Université Paris XIII - Master 2 - Gestion et management des institutions et organisations sanitaires et sociales 2011 |
Conclusion de partieCette première partie sur la pénurie et le turn-over de la profession infirmière illustre un phénomène complexe et multidimensionnel. Des disciplines diverses rendent compte du phénomène (GRH, management, psychologie, sociologie). Les études sur le turn-over des soignants sont relativement récentes et sont encore peu développées en GRH. La pénurie de main d'oeuvre infirmière est une préoccupation à l'échelle mondiale. Les effets de la démographie et des mutations sociologiques amplifient cette pénurie de manière durable. Enfin, la mise en concurrence des établissements de santé et sociaux favorisent des comportements de nomadisme et d'opportunisme professionnel. Par ailleurs, cette partie du travail a permis d'aborder partiellement les concepts d'engagement organisationnel et professionnel en rendant compte de certaines études. Cet état des lieux permet d'orienter le choix de notre cadre théorique. En sciences de gestion, les problématiques de turn-over du personnel ont été souvent traitées par le biais du concept de l'engagement. Le choix du cadre théorique de la seconde partie est construit et argumenté dans la continuité de cette première partie de l'état des lieux. SECONDE PARTIE Cette seconde partie est consacrée à la présentation et l'argumentation de la méthodologie retenue pour traiter le sujet du turn-over. La présentation de la méthodologie commence par la description de la phase exploratoire et de la question de recherche. Puis les hypothèses et la problématique et le cadre théorique sont décrits. Enfin, le choix de l'outil est argumenté. La phase exploratoire « La meilleure manière d'entamer un travail de recherche en sciences sociales consiste à s'efforcer d'énoncer le projet sous la forme d'une question de départ QUIVY et CAMPENHOUDT (1995)». Cette question doit présenter plusieurs qualités. Elle se doit d'être claire, réaliste (faisable) et pertinente (intention de compréhension des phénomènes étudiés). La phase exploratoire, pour être initiée, doit donc être formulé sous la forme d'une question départ. Simultanément, le travail de recherche de la phase exploratoire se décompose en deux grandes parties : lectures et entretiens exploratoires. L'analyse de documents et l'observation complètent cette phase. Les lectures exploratoires permettent de s'informer sur les recherches déjà menées sur le thème. Avec les premières lectures, je me suis aperçu que le phénomène de turn-over a été très largement traité dans le domaine de sciences de gestion. Néanmoins, les recherches traitant de la GRH dans le monde sanitaire, et plus particulièrement au niveau infirmier, sont encore rares et récentes. En sciences de gestion, le concept d'engagement organisationnel a été largement mobilisé pour étudier les phénomènes d'attractivité et de fidélisation du personnel. Parallèlement à la recherche d'un concept mobilisable en sciences de gestion, je me suis intéressé au contexte de mutation des établissements de santé. Comme nous l'avons vu, les établissements subissent un contexte fort de mise en concurrence. Les ressources pour faire face à ces contraintes sont à rechercher au sein de l'organisation. L'engagement organisationnel est le lien qui unit l'employé à son entreprise. L'organisation peut développer des stratégies susceptibles de renforcer cet attachement. Ces stratégies, pour certaines, ne sont pas dépendantes de l'environnement de l'entreprise. Notre question de départ initie donc notre recherche ainsi : « Quelles stratégies mettent en place les organisations afin de rencontrer l'engagement organisationnel ? » Le concept d'engagement organisationnel a donc retenu mon attention pour notre recherche car ce dernier a été mobilisé depuis de nombreuses années concernant notre questionnement. Si l'on se réfère aux manuels de méthodologie des sciences humaines et sociales BEAUD, WEBER, (1997)52(*) tous soulignent l'importance de la phase de problématisation de son objet de recherche. Ce premier effort de circonscription de sa recherche est indispensable à la phase de réalisation de l'enquête. L'approfondissement du concept d'engagement organisationnel, en science de gestion, se fera parallèlement aux questionnements et aux choix théoriques. Le projet de recherche a été provisoirement formulé, comme nous l'avons vu, sous la forme d'une question de départ afin d'explorer notre objet de recherche. Pour enclencher le travail de recherche, suite à l'élaboration de la question de départ, nous avons démarré notre phase exploratoire en réalisant des entretiens avec 3 types de personnes impliquées selon la méthodologie préconisé en sciences sociales. Les entretiens sont réalisés selon la méthode de Carl ROGERS et sont donc de nature semi-directive. Ma question de départ pour mes entretiens exploratoires était : « Quelles stratégies l'hôpital mets-il en place pour favoriser l'engagement organisationnel?». Le thème de la recherche était annoncé en début d'entretien en précisant que la situation d'appel du travail de recherche venait de l'observation d'un fort turn-over. La principale question de relance visait à faire préciser à l'interviewé son avis sur les facteurs extérieurs à l'établissement et pouvant influencer le phénomène de turn-over. Enfin, la dernière question de relance sollicitait l'avis de l'interviewé sur les solutions pour contrer le turn-over. Ces précisions font implicitement référence à l'engagement organisationnel et professionnel. La première catégorie d'interlocuteurs53(*) est constituée d'expert. (Médecin du travail ; syndicaliste). Ces interviewés donnent leur point de vue, leur analyse par rapport à leurs domaines d'expertises. Leur implication transversale dans l'établissement permet d'avoir un regard particulier, mais panoramique de l'organisation. La deuxième catégorie d'interlocuteurs recommandés pour les entretiens exploratoires sont les témoins privilégiés. « Il s'agit de personnes qui par leur position, leur action ou leurs responsabilités, ont une bonne connaissance du problème54(*). »Le groupe des témoins privilégiés, pour notre enquête, est constitué de 3 personnes : (Directeur des soins ; Attaché d'administration à la DRH ; cadre de pôle). Enfin, le troisième groupe d'interlocuteurs recommandés est constitué par « le public directement constitué par l'étude »55(*) ; dans notre étude, il s'agit des infirmiers : 1 professionnel et son conjoint. Le conjoint a été interviewé afin d'enrichir de diversifier les points de vue. La méthode de prise de note a été retenue pour réaliser les entretiens en faveur de l'enregistrement afin de mettre à l'aise les interviewés. Par ailleurs, plusieurs interviewés ne souhaitaient ne pas êtres enregistrés. Les hypothèses et la problématique Les hypothèses procure au chercheur un fils conducteur. Elle se présente comme une réponse provisoire à une question. « Une hypothèse est une proposition qui anticipe une relation entre deux termes qui, selon les cas, peuvent être des concepts ou des phénomènes. Elle est une proposition provisoire, une présomption, qui demande à être vérifié. Dès lors, l'hypothèse sera confrontée, dans une étape ultérieure de la recherche, à des données d'observation.56(*) » Les différents entretiens exploratoires réalisés avec les interviewés m'ont permis de mettre en évidence d'emblée quelques éléments: 1. Les raisons à l'origine du turn-over ne sont pas identifiées comme un engagement organisationnel versus engagement professionnel ; mais les raisons sont identifiées comme étant soit interne à l'établissement soit externe à lui. 2. Certains interviewés pensent que les personnes qui partent n'avancent pas officiellement la vraie raison de leur départ. 3. Les stratégies de l'engagement organisationnel de l'établissement ne sont pas identifiées d'une manière homogène par les interviewés. 4. Les données recueillies tant quantitativement que qualitativement sont variées. 5. Les stratégies mises en avant n'ont pas été précédées d'un travail d'objectivation sur le phénomène de turn-over. À l'issue de cette phase exploratoire, je constate que les interviewés mettent d'abord en avant des raisons liées au contexte externe (île) puis le contexte interne (établissement). Les entretiens et l'étude du terrain institutionnel font apparaître un constat de turn-over avec des hypothèses multiples sans démarche d'objectivation (aucune étude). Enfin, les stratégies d'engagement organisationnel recueillies sont suffisamment nombreuses pour êtres mobilisés à leur tour dans un second niveau d'analyse. Les résultats des entretiens exploratoires invitent à formuler deux hypothèses qui guideront notre recherche. Les différents interviewés font donc part dans leurs discours d'éléments relatifs à l'établissement et d'autres au contexte insulaire. Les discours seront analysés en mettant en exergue les éléments in (établissement) et out (environnement) s'inspirant de la démarche contextualiste. Ce premier niveau d'analyse permet d'élaborer, comme le préconise la démarche méthodologique,57(*) deux hypothèses provisoires : 1. « Les contraintes, identifiées par les acteurs comme étant à l'origine du turn-over, sont majoritairement attribuées à l'environnement extérieur de l'établissement. » 2. « L'établissement, s'il modifie ses stratégies d'engagement organisationnel, a des marges de manoeuvre pour diminuer le turn-over infirmier» Après la phase exploratoire, le travail consiste à élaborer la problématique. La problématique permet de définir la manière dont on aborde le phénomène. Après avoir enclencher la recherche par la validation de la question de recherche et initié celle-ci par les lectures et entretiens exploratoires, le chercheur doit circonscrire le cadre théorique de sa recherche. L'état des lieux de la première partie a permis de réaliser un panorama concernant l'ampleur du turn-over et de tisser les premiers liens avec le cadre théorique. La problématique est l'approche théorique retenue pour traiter la question de départ. Dans la première partie, l'étude du phénomène de turn-over a permis de mettre en évidence des mutations structurelles (contraintes économiques, démographique et de qualité attendue) et sociologiques (nouveau comportement, nouvelles valeurs des infirmiers). Les analyses, plutôt récentes, sur les causes du turn-over font état d'un ensemble de facteurs (conditions de travail, style de management, environnement, nouveaux comportements...). La problématique sert donc à mettre en évidence « les perspectives théoriques qui sous-tendent les approches rencontrées 58(*)» qui sont ici de nature variées (psychologie, sociologie, économique, culturel). Par ailleurs des réponses au phénomène de turn-over existent ; le magnet hospital est une réponse des hôpitaux américains qui certifient un certain niveau de conditions de travail aux infirmières. Des recommandations de l'HAS en matière de management des ressources humaines apparaissent aussi comme étant des stratégies favorisant l'engagement. Néanmoins, ces réponses sont à intégrer dans des processus de certification de la qualité et ne s'inscrivent pas dans le domaine pur des sciences de gestion. « Pour expliciter sa problématique, on redéfinit le mieux possible l'objet de sa recherche en précisant l'angle sous lequel on décide de l'aborder et en reformulant la question de départ de manière à ce qu'elle devienne la question centrale de la recherche »59(*). Le phénomène de turn-over, par sa complexité, dépasse les établissements de sanitaires et sociaux. Néanmoins, au `niveau individuel' les établissements peuvent réfléchir et apporter des solutions. C'est pourquoi le concept d'engagement organisationnel développé en sciences de gestion est tout à fait pertinent pour explorer les phénomènes de turn-over Même si l'environnement façonne et contraint les établissements, il reste des marges de manoeuvre au niveau local pour tempérer le phénomène de turn-over. L'engagement organisationnel peut aider à renforcer le lien qui unit l'employé à son organisation ; utilisé en sciences de gestion, il est un choix théorique pertinent car il permet de circonscrire notre recherche et qu'il a été par ailleurs mobilisé avec succès dans la littérature. Les données recueillies dans les entretiens exploratoires permettent de valider la question de départ et de la mobiliser comme notre question de recherche. Néanmoins, à l'issue de la phase exploratoire (et au regard des premiers éléments des entretiens), le concept d'engagement organisationnel semble insuffisant pour explorer notre question. C'est pourquoi le concept d'engagement organisationnel sera mobilisé en utilisant le niveau vertical de la méthodologie contextualiste. La méthode est décrite dans la partie consacrée à l'outil. Enfin, d'après la revue de littérature, l'engagement organisationnel n'a pas été mobilisé avec la méthode contextualiste dans l'étude du turn-over des infirmiers. La partie suivante explicite le positionnement épistémologique de la recherche et les objectifs de la démarche. Les objectifs de la démarche de recherche et le positionnement épistémologique de la recherche La clarification des objectifs de la recherche permet de donner un guide au chercheur et de situer la pertinence de son travail de recherche. Cette démarche a de multiples objectifs : - Compréhensive et d'objectivation, car les acteurs attribuent différentes raisons à la faible fidélisation du personnel. - Permets de modéliser pour un décideur une situation complexe à l'aide d'une méthodologie et d'outils. - Choisir une stratégique GRH à partir d'un diagnostic. - Économique (Il coûte plus cher de recruter que de fidéliser le personnel) ; - Confirmer ou d'infirmer mes hypothèses provisoires Ensuite, l'apprenti chercheur doit définir ses « présupposés », sa vision du monde (GIROD SEVILLE et PERRET, 1999) car plusieurs paradigmes épistémologiques, cohabitent dans la recherche en sciences de gestion (MARTINET, 1990). Il existe « trois positionnements épistémologiques : le positivisme, l'interprétativisme et le constructivisme »60(*). La connaissance ne peut prétendre être universelle. Elle est nécessairement liée à un contexte. Ainsi « l'interprétativisme » n'est pas seulement une connaissance particulière des constructions sociales effectuées par les acteurs du terrain, mais aussi, elle se manifeste par la reconnaissance de l'interprétation de la réalité réalisée par le chercheur lui-même61(*) ». Le chercheur est donc conduit à interpréter des données issues de représentations subjectives des acteurs qui interprètent eux-mêmes les données. C'est ce dernier point qui nous permet de revendiquer un positionnement interprétativiste. Le choix méthodologique de réaliser des entretiens semi-directifs et d'en utiliser le matériel renforce le positionnement interprétativiste. Le fondement méthodologique du choix de notre outil d'analyse (modèle SMOCS décrit en aval) s'inspire également de la pensée complexe développée par le philosophe Edgar MORIN. Ce dernière peut être résumé dans les phrases qui suivent : « Le principe de simplicité impose de disjoindre et de réduire. Le principe de complexité enjoint de relier, tout en distinguant. »62(*) Cette théorie de l'organisation se veut une approche globale, qui tente d'appréhender le tout et le particulier tout en prenant compte leurs interactions et leur impermanence. Cette sensibilité d'approche nous semble complémentaire de l'interprétativisme. Les chapitres suivants sont consacrés à la description de l'engagement organisationnel, notre concept central, et aux recherches complémentaires consacrées à la fidélisation en sciences de gestion. Cette partie conclue sur la présentation de la méthode contextualiste. Les contributions de l'HAS, en matière de GRH, sont aussi abordées. Le cadre théorique L'utilité de ce travail de recherche sur le concept d'engagement organisationnel est de plusieurs ordres. Tout d'abord, le concept doit être circonscrit. Il s'agit d'en décrire l'ampleur et les limites. Ensuite, il permet de repérer les éléments susceptibles de favoriser ou de minorer l'engagement. Outre cet aspect, les éléments constitutifs de l`engagement peuvent ainsi être mis en lien avec le travail d'analyse des données. Définir son concept c'est aussi choisir les indicateurs qui seront mobilisés pendant le temps de l'analyse. L'hypothèse n°2 est l'hypothèse centrale. Les indicateurs de cette hypothèse sont définis par les stratégies qui favorisent l'engagement organisationnel. Ces stratégies sont décrites plus en aval. Je vais maintenant mettre à plat le concept d'engagement organisationnel. Selon, Le Petit Larousse, l'engagement est « l'acte par lequel on s'engage à accomplir quelque chose ; promesse, convention par laquelle on se lie ». En France, le concept d'engagement a été popularisé en psychologie sociale par les ouvrages JOULE et BEAUVOIS (1987) repris des travaux de KIESLER dans les années 60. Selon HENDA (2009), « trois domaines sont fortement marqués par le concept d'engagement : la psychologie sociale, le marketing, et la gestion des ressources humaines. C'est cette dernière dimension qui retient ici notre attention. C'est aux Etats-Unis que ce concept a été initialement mobilisé. Le sociologue américain BECKER s'y est intéressé dès 1960, dans «Notes of the concept of Commitment63(*)». Dans cet article, il analyse l'engagement organisationnel et note qu'il englobe un large éventail de significations renvoyant au sens commun, « charriant ainsi toutes sortes d'ambiguïtés fort prévisibles64(*) » pour les chercheurs. L'engagement dans l'organisation ou engagement organisationnel, en anglais organizational commitment65(*) , est un concept utilisé dans l'étude de la mobilisation du personnel dans une entreprise; il traduit la nature et la force des liens d'un agent pour son travail (MATHIEU et ZAJAC, 1990). L'engagement organisationnel traduit donc le lien qui unit l'individu à l'organisation. Il représente une prédisposition à agir, résulte d'échange, d'attentes réciproques entre l'individu et l'organisation (CHARLES-PAUVERS, 2006). L'engagement organisationnel est donc un critère important de l'efficacité organisationnelle puisqu'il augure de la stabilité et du degré d'implication de l'agent. Selon LAPALME et DOUCET (2004) ce concept a été très mobilisé dans la littérature puisqu'ils ont relevé 327 articles qui traitent de l'engagement. Le concept d'engagement a donc fait l'objet de nombreuses recherches. MEYER et HERSCOVITCH (2001) affirment qu'il importe peu du contexte dans lequel l'engagement est étudié car l'essence même du concept reste identique.MORROW (1983) a devant l'abondance des travaux réalisés sur la notion d'engagement clarifié les différentes formes de construits et les a regroupés sous la forme de 5 cibles : ? Carrière ? Emploi ? Organisation ? Syndicat ? Valeurs MORROW invite les auteurs a clarifié leur cible d'engagement afin d'éviter la redondance des construits. Néanmoins un consensus existe pour reconnaître que l'engagement a deux caractéristiques principales : ? L'engagement est un construit multidimensionnel ? qui vient s'inscrire dans différentes entités telles que définies par MORROW66(*). L'impact de l'engagement sur la productivitéì et la fidélisation des employés dans l'organisation varie selon la forme d'engagement. À l'origine, l'engagement organisationnel était perçu comme un concept unidimensionnel renvoyant à l'attachement et à l'identification d'un individu envers son organisation PORTER, STEERS, MOWDAY (1974). L'Organizational Commitment Questionnaire'67(*)élaboré par MOWDAY, STEERS et PORTER 1979 était le premier outil de mesure. Puis, divers auteurs ont montré que l'engagement est un concept dynamique multidimensionnel (O'REILLY et CHATMAN, 1986). Les travaux de MEYER et ALLEN (1991 ;1997) sont les plus `populaires' à ce titre. Leur modèle renvoie à trois dimensions de l'engagement. Il s'agit des dimensions : ? affective ? normative ? continuité (ou calculateur). La dimension affective fait référence à l'attachement émotif et à l'identification d'un employé envers son organisation. L'engagement normatif est défini comme une composante morale référant au sentiment d'obligation et de responsabilité. Enfin, l'engagement calculateur identifie la disposition d'une personne à se sentir lié à l'organisation selon les avantages qu'elle lui procure (salaire, statut) par rapport à ce qu'elle perdrait en la quittant. MEYER et ALLEN (1997) soulignent que ces trois composantes de l'engagement organisationnel cohabitent à divers degrés chez une personne et ne sont donc pas réciproquement exclusives. L'engagement affectif est sans aucun doute celui qui est le plus recherché par les employeurs ; les employés engagés ont un certain nombre de caractéristiques communes importantes : Ils sont des atouts précieux pour le succès de l'organisation : excellent rendement, intérêt envers le travail, recherche de bons résultats, taux d'absentéisme très bas, taux de satisfaction au travail très élevé. Échelle de mesure de l'engagement organisationnel de MEYER et ALLEN, (traduction libre)
Selon MEYER et ALLEN, les organisations peuvent susciter l'engagement organisationnel affectif de leurs salariés en leur offrant des expériences de travail qui stimulent le développement de leurs compétences. L'engagement est selon des études empiriques positivement relié au niveau de défi de l'emploi et des possibilités de promotions dans l'organisation. L`échelle de MEYER et ALLEN serait pertinente à utiliser dans le cadre d'une enquête plus approfondie auprès d'un large panel d'infirmier. Il pourrait s'agir d'une enquête sur la satisfaction par exemple. L'ampleur de notre échantillon actuel est insuffisant pour être représentatif et donc pourvoir mobiliser cette échelle. Les effets de l'engagement organisationnel dans l'organisation Les effets de l'engagement organisationnel ont été mis en évidence: augmentation de la satisfaction, et de la performance professionnelles (MATHIEU et ZAJAC, 1990)68(*), diminutions du taux de rotation du personnel (COHEN 1991), de l'absentéisme (COHEN 1993) et des intentions de démissionner (BALFOUR et WECHSLER,1996). La recherche axée sur les « attentes réalisées » suggère que les employés se mobilisent davantage dans un poste dont la réalité correspond à la description qui en a été donnée au moment du recrutement (DAWIS 1992). Les attentes déçues, au contraire, sont souvent citées comme une cause d'insatisfaction (STRUGES et GUEST, 2000). Selon certaines recherches, le fait d'investir dans le développement et l'application de politiques et de pratiques GRH efficaces contribue de manière importante et mesurable à la performance organisationnelle (CAULKIN 2001; RICHARDSON et THOMPSON 199969(*)). Coup de projecteur des recommandations de l'HAS en matière de GRH. Nous avons vu à travers l'étude du phénomène de turn-over et de l'engagement que divers facteurs participent à expliquer le turn-over. Les conditions de travail, le style de management et l'environnement au travail peuvent influencer le taux de rotation du personnel. Voyons quelles sont les recommandations de l'HAS en la matière. En 2005, la Haute Autorité de la Santé a mis à disposition des décideurs « Un guide pour l'autodiagnostic des pratiques de management en établissements de santé ». Ce guide entend être une aide mise à la disposition des établissements de santé engagés dans une démarche d'autodiagnostic de la qualité du processus de leur management à tous les niveaux de responsabilité. Pour l'HAS, le management des établissements de santé est paradoxal et la qualité managériale des responsables semble peu générer de démarches d'évaluation. Or leur impact, sur le fonctionnement des secteurs d'activité et la capacité des établissements à remplir leurs missions auprès des patients, est non négligeable. « La vision stratégique, la clarté des décisions, la rapidité de réaction, la délégation de pouvoir et la responsabilisation, la capacité à faire partager un projet et à motiver les acteurs de l'entreprise sont communément admises comme étant des variables clés de succès pour toute organisation70(*) ». En pratique, pour apprécier la qualité du management, l'HAS convient qu'il faut valider les champs de responsabilités et d'actions du management d'un établissement ou d'une structure d'activité. Pour l'HAS, un consensus semble se former sur une caractérisation du management à partir de cinq fonctions : prévoir ; organiser ; décider ; motiver ; évaluer. Nous nous attarderons sur la fonction motiver développée par l'HAS car cette fonction nous semble la plus proche du concept d'engagement organisationnel. Pour l'HAS, « ...la participation d'un individu dépend de sa perception de l'existence d'un écart favorable entre sa contribution et sa rétribution (sous toutes ses formes)...On ne motive pas au travail un individu, on crée les conditions pour qu'il se motive lui-même. Il n'y a pas de personnes motivées et d'autres non motivées, dans la mesure où chacun construit sa motivation à partir de ses besoins et des situations qu'il rencontre dans son environnement professionnel. » Pour l'HAS, il ne s'agit pas d'avoir une analyse psychologique et individuelle de la situation mais bien d'agir sur l'environnement afin de créer un contexte favorable à la motivation du professionnel. Cette position de l'HAS donne la primauté à l'environnement et non à l'individu. Cette perspective conforte le choix de l'engagement organisationnel tel qu'il est défini. Les facteurs explicatifs du turn-over en dehors du monde sanitaire et les recommandations en faveur de la fidélisation Selon les chercheurs en sciences de gestion, le turn-over s'est accentué au cours des années 1990. L'origine de ce phénomène vient de la globalisation et de la compétitivité des marchés qui draine les compétences rares. Plus récemment des auteurs, comme RICHER (2004) ont mis en évidence que les nouvelles générations, par opposition aux « baby-boomers », portent des valeurs différentes qui favorisent la mobilité. Ils cherchent à se réaliser à travers leur travail et sont prêts à saisir les toutes les opportunités qui iraient dans ce sens. D'une manière générale, les facteurs identifiés comme favorisant le turn-over sont les mêmes que ceux qui sont identifiés dans les études portants sur les paramédicaux. Il s'agit du manque de soutien ou de reconnaissance, de l'insatisfaction liée aux conditions de travail, de l'insuffisance de formations ou de perspectives d'évolutions. Pour contrer le turn-over, certaines stratégies peuvent êtres mis en place par les entreprises. Il faut, par exemple, interviewer la personne qui part, et à distance, car elle n'invoque pas nécessairement les vraies raisons à l'entretien de départ selon GARGER (1999). Une mesure de la satisfaction par le biais d'un questionnaire anonymisé peut palier à ce biais car l'entretien à distance n'est pas facile à mettre en oeuvre. GORDON et LOWE (2002) préconisent de réaliser des entretiens avec les employés en place afin d'identifier les facteurs qui favorisent l'engagement et ainsi de veiller à les pérenniser. Par ailleurs, ces discussions permettent de déceler les facteurs d'insatisfactions et de pouvoir agir préventivement dessus. L'analyse de l'environnement interne doit amener à s'interroger sur la politique et les pratiques GRH ainsi que sur le climat de travail au niveau organisationnel. La communication réciproque permet de créer des alliances qui favorisent le partenariat des employés. Ainsi, l'association des employés aux problèmes de l'établissement donne l'occasion de partager les opinions et à l'effet de renforcer le partenariat selon GORDON et LOWE·. S'attacher au développement des compétences a un double effet sur le personnel. Le développement des connaissances a un impact sur la productivité et permet également d'élargir les compétences à un niveau transversal pour l'établissement. Les entreprises peuvent favoriser l'engagement en ayant des pratiques de rémunération compétitive. À l'heure actuelle, les hôpitaux ne disposent pas de marges de manoeuvre à ce niveau. Il faut par ailleurs pondérer l'impact du niveau de rémunération sur l'engagement des professionnels. Néanmoins, des travaux ont démonté que la mise en place d'horaires flexibles, de crèche par exemple comptent parmi les effets les plus efficaces sur l'engagement. La reconnaissance selon KAYE et JORDAN-EVANS (1999) individualisée est un puissant levier universel qui fonctionne à tous les niveaux hiérarchiques de l'établissement et ne coûte rien. Enfin, un travail permettant de mobiliser la créativité s'avère favoriser très favorablement l'engagement. La construction du modèle d'analyse Approche contextualiste L'engagement organisationnel est un phénomène complexe. Pour mieux l'identifier, on peut affiner l'analyse avec la méthode contextualiste mise au point par PETTIGREW (1985). Les fondements épistémologiques du contextualisme trouvent leur origine dans les travaux de PEPPER (1942) selon PETTIGREW (1985 p. 229). Le contextualisme constitue un des modes d'approche de la connaissance du réel que PEPPER (1942) qualifie par la métaphore de l'événement historique. L'évènement est saisi dans son contexte ; si le contexte change, la connaissance change également. Le contextualisme constitue une démarche heuristique qui implique une balance entre l'implication et la distance par rapport à l'objet étudié. La recherche revêt un caractère situationnel et multidimensionnel qui s'intéresse aux processus émergeants dans des contextes particuliers et changeants (1997, BROUWERS, 1997, p. 2971(*)). Cette approche ne traite pas des changements de manière chronologique. Elle vise plutôt à expliquer les processus et mécanismes à travers lesquels ce changement a vu le jour. La perspective de compréhension choisie par PETTIGREW (1985) requiert que les phénomènes soient appréhendés à un niveau d'analyse vertical et horizontal (cf. schéma ci-dessous). Le schéma de l'analyse contextualiste : Contextes externe(environnement social, économique, commercial et politique dans lequel l'entreprise opère)interne(structure, culture, organisationnelle et configuration des pouvoirs) Processus(actions, réactions et interactions concernées par la transformation de l'entreprise) Contenu(domaine soumis à transformation) ? Le niveau vertical, encadré jaune, (niveau retenu pour notre travail d'analyse) comporte l'articulation de ce qui est externe et interne à l'organisation. Ces deux dimensions sont objectivées par les données observables et subjectives dans le sens ou elles sont construites par les perceptions, actions et interprétations du contexte des acteurs de l'organisation. ? Le niveau horizontal représente l'interconnexion des phénomènes passés, présents et futurs, correspondant à une dimension processuelle. Pour le contexte de l'organisation, il est donc opéré une distinction entre interne et externe. Le processus capte le jeu des forces entre les acteurs, leurs actions et interactions qui font évoluer l'organisation dans une période donnée. Elle traduit la manière dont les acteurs s'efforcent de faire passer l'organisation d'un état présent à un état futur. Cette méthode est intégrée à l'étude du phénomène d'engagement organisationnel. Le « pôle-contexte » fait l'objet d'une analyse du discours des interviewés en mettant en évidence les éléments interne et externe que nous identifierons par IN ou OUT à l'organisation dans les tableaux récapitulatifs. Une approche de nature qualitative Généralement, les recherches sur l'engagement ont adopté une approche quantitative qui fait appel à des instruments de mesure psychologiques (questionnaires), comme l'échelle de MEYER et ALLEN. Mais l'utilisation de ces outils se heurte à plusieurs limites que HENDA (2009) résume en trois catégories: ? des limites de redondance conceptuelle, de désirabilité sociale et de transférabilité contextuelle. Pour notre étude, nous rencontrons une double contraintes liée aux limites de temps et de représentativité de l'échantillon. L'adoption d'une approche qualitative par le biais des entretiens réalisés est appropriée car les composantes de l'engagement organisationnel en général et ceux de l'engagement affectif peuvent êtres facilement identifiés. Le modèle SMOCS : un modèle d'approche de la complexité En utilisant le modèle SMOCS, l'étudiant «décideur » que je suis fait appel à une vision qui permet d'aborder l'organisation comme un tout qui « charrie des phénomènes complexes » présentant « un certain nombre de caractéristiques empêchant d'en comprendre et d'expliquer totalement la structure et la dynamique » (SMIDA·). Ainsi cette approche se distingue de la méthode purement cartésienne qui enjoint de diviser le tout (ici l'organisation), en parties les plus simples possible. Je vais donc utiliser le modèle SMOCS développé par SMIDA (1992) car son fondement s'articule logiquement avec l'approche contextualiste. Le modèle SMOCS est basé sur trois catégories d'avenir : ? possible, ? souhaitable, ? contrainte. SMOCS (Stratégie, Moyens, Objectifs, Contraintes Scénarisés), est donc modèle conçu au départ pour délimiter les différentes combinaisons d'avenir (SMIDA, 1992). Le modèle SMOCS est utile pour choisir les stratégies futures destinées à mieux satisfaire les attentes de l'entreprise, à mieux utiliser ses moyens d'action et à faire face à ses contraintes (SMIDA, 2007). Les scénarii s'incèrent selon leurs degrés de contraintes, de moyens et d'objectifs dans le modèle tridimensionnel. Nous le mobilisons ici afin de sélectionner les meilleurs scénarios qui concourent à mettre en oeuvre une stratégie efficace en matière d'engagement organisationnel. TROISIEME PARTIE Cette dernière partie permet de tester les hypothèses au regard du modèle d'analyse et des indicateurs retenus. Cette partie analyse et interprétation des données comporte plusieurs phases. Les données doivent d'abord être sélectionnées. Un premier tableau de synthèse permet de retenir les stratégies en lien avec notre cadre de référence. Ces stratégies sont ensuite classées en groupe homogène. L'étape suivante combine les stratégies en des scénarii qui sont retenus pour leur validité. Enfin, les scénarii sélectionnés sont appliqués dans le modèle SMOCS. La dernière partie procède à l'analyse et l'interprétation des stratégies possibles de l'établissement en matière d'engagement organisationnel en général et tridimensionnel en particulier. Tableau de synthèse des stratégies connues ou potentiellement mobilisables Le tableau synthétise d'abord les entretiens par le biais de mots-clefs. Il est issu d'un premier tableau de répartition des données (cf. ANNEXE 2). La seconde sélection a été réalisée en mettant de côté les éléments OUT car l'hôpital n'a pas de prise directe sur ces éléments (analyse verticale contextualiste). Puis, les réponses ont été sélectionnées en fonction de leur récurrence et de leurs liens au regard des composantes de l'engagement organisationnel. Ces éléments apparaissent en gras. Ce sont des stratégies déjà mobilisées par l'établissement ou alors ce sont des stratégies potentielles, au regard de notre cadre de référence, qui apparaissant au niveau des contraintes et des moyens. La formulation de notre première hypothèse est, dès le premier niveau d'analyse, infirmée. En effet, les contraintes et les moyens sont majoritairement identifiés comme étant internes (IN) à l'établissement (27 IN versus 9 OUT). L'explication de ce décalage vient du poids subjectif très fort que les interviewés attribuent aux contraintes extérieures. Néanmoins, une marge de manoeuvre favorable à l'engagement organisationnel apparaît clairement aux niveaux de groupes homogènes. Pour procéder à l'analyse par le modèle SMOCS les éléments retenus sont donc classés en 3 groupes homogène : GRH ; Management ; Financier. Ce classement est toujours réalisé en référence aux composantes de l'engagement organisationnel. Ces éléments sont ensuite mobilisés dans une matrice selon la méthode Khan. Cette matrice permet de sélectionner des scénarii viables qui pourront être utilisé à travers le modèle SMOCS.
Tableau synthétique des variables essentielles Nous retrouvons ici les stratégies actuelles et potentielles qui constituent les variables essentielles du modèle d'analyse.
Tableau morphologique Comme annoncé, le travail d'analyse commence par la réalisation d'un tableau selon la méthode KAHN. Ces stratégies sont ensuite combinées pour opérer, in fine, la sélection et la modélisation dans le modèle SMOCS. Construction des scenarii ? X = attendu, voulu par l'environnement, Xo = neutralité de l'environnement, X- = rejeté par l'environnement ? P = réalisable par les moyens de l'Etablissement, P- = non-réalisable par les moyens de l'Etablissement ? S = souhaité par l'Etablissement, So = souhaitables, S- = non souhaité L'étape consiste à réaliser la combinaison puis la sélection des scénarii à l'aide de la matrice ci-dessous (27 combinaisons possibles).
Ce schéma représente la situation des scénarii dans le modèle SMOCS. Le tableau suivant récapitule, après sélection (cf. ANNEXE 3), l'emplacement des scénarii à modéliser dans le modèle ci-dessous. Objectif Contraintes 1 4 Moyens 3 2 1 ACO : Scénario contraint par l'environnement et l'objectif mais sans les moyens. 2 ACM : Scénario contraint par l'environnement, ayant les moyens mais n'est pas un objectif 3 4 AOM : Scénario étant un objectif, avec les moyens mais non voulus par l'environnement. Situation idéale.
Cette partie est consacrée à l'analyse et l'interprétation des résultats issus de la modélisation dans le modèle SMOCS. Analyse et interprétation des résultats L'analyse et l'interprétation des résultats sont réalisées à partir de la position du scénario dans le modèle SMOCS. Les scénarii sont analysés par ordre décroissant. L'interprétation des résultats se fait au regard des préconisations sur l'engagement organisationnel et en réalisant des liens avec le contexte général. La zone 2 : Les scénarii situés en zone 2 sont les plus nombreux, neuf au total. Ces scénarii font essentiellement référence aux marges de manoeuvre de la dimension financière. En effet, une stratégie orientée vers une « politique sociale » de support des agents pourrait émerger sous la forme de l'ouverture d'une crèche, d'oeuvres sociales par le biais d'un CGOS ou d'aides au logement pour les contrats locaux. Il s'agit là d'un levier qui permettait d'assouplir l'organisation de la vie de famille pour les familles métropolitaines, voire mahoraises. La crèche a aussi un impact psychologique sur le professionnel car elle implique une proximité géographique avec les enfants. Ce type de mesure a montré son efficacité dans d'autres établissements et fait partie des recommandations et des mesures externes à prendre en matière d'engagement organisationnel. Ce type de stratégie pourrait venir compenser, en outre, l'absence ou le montant inférieur des prestations sociales des allocations familiales pour la garde des enfants. Même si il existe beaucoup moins de possibilité de consommations au niveau culturel par rapport à la métropole, la mise en place d'un CGOS est considérée comme manquant. Enfin, une aide au logement même modeste pourrait être attribuée aux rémunérations les plus faibles. Le prix des loyers, selon le lieu, peut correspondre à celui d'un appartement parisien. Cette stratégie est utilisée par le Vice Rectorat de l'île. Au total, une stratégie orientée vers un soutien des professionnels pourrait participer à renforcer l'engagement organisationnel. Cette stratégie est à envisager d'abord comme un investissement car les effets ne seront pas immédiatement mesurables et elle ne peut aboutir qu'avec la volonté des décideurs d'en faire un objectif stratégique. D'une manière quantitative c'est cette zone qui a le plus de contraintes mais qui est aussi potentiellement la plus porteuse d'avenir. L'absence d'un faisceau de stratégies de soutien nuit certainement à l'engagement calculé et affectif des professionnels. Le rapport bénéfice/coût est très défavorable. La zone 3 : La zone 3 est constituée de 4 items. Cette zone correspond à la dimension management. Elle renvoie d'embler aux conditions de travail et de recrutements. Cette zone 3 est intéressante car elle ne nécessite pas l'investissement de moyens financiers pour faire évoluer la situation. La stratégie doit être axée au niveau du comportement ainsi que de l'efficacité des managers. La reconnaissance est un levier d'engagement organisationnel très puissant comme nous l'avons vue (KAYE et JORDAN-EVANS, 1999). D'après nos données, il est insuffisamment mobilisé. C'est dommageable puisqu'il ne coûte rien à mettre en oeuvre. Le respect des engagements pris doit être aussi honoré (STRUGES et GUEST, 2000) ; le non-respect est une source forte d'insatisfaction et prédispose à quitter l'organisation. Enfin, les managers qui procèdent au recrutement doivent veiller à ce que les informations soient très transparentes et exhaustives. Les employés se mobilisent davantage dans un poste dont la réalité correspond à la description qui en a été donnée au moment du recrutement (DAWIS,1992). Ce point doit également être amélioré. L'association des employés aux problèmes de l'établissement donne l'occasion de partager les opinions et à l'effet de renforcer le partenariat selon l'étude de GORDON et LOWE. Cette stratégie est utilisée dans certains services, elle mérite d'être étendu à l'établissement. L'engagement de type affectif n'est pas assez mobilisé. En effet, les marges de manoeuvre en matière de qualité du management et de la GRH ne peuvent que renforcer l'impact de l'engagement affectif au regard des données. La zone 1 : Cette zone (3 items) dispose de moins de marges de manoeuvre car elle est contrainte par l'environnement. Les ressources sont limitées. Il s'agit ici des moyens dévolus aux études promotionnelles et à l'homogénéité des contrats. L'hétérogénéité des contrats (local ; contrat bonifié ; mutation) constitue une source forte d'insatisfaction selon les interviewés. En effet, pour une même fonction, le même travail, les rémunérations peuvent être 30 (contrat hors territoire) à 100% (cas de la mutation) supérieures. Cette différentiation est vécue comme une injustice. Tous les interviewés disent que l'indexation des salaires est la solution, notamment dans la perspective de la départementalisation. Une autre source d'hétérogénéité des contrats se situe dans leur durée. Les contrats sont conclus pour une durée d'une année renouvelable trois fois. Cela place d'emblée le professionnel dans un engagement à court terme. Un interviewé estime que les anciens contrats (de 2 années) généraient moins de turn-over. Enfin, certains contrats incluent le paiement du billet retour, alors que d'autres non. Il s'agit là aussi une source d'insatisfaction. Comme nous l'avons vu, les recherches mettent en évidence que le salaire ne constitue pas une variable déterminante dans l'engagement organisationnel. Cette assertion est vérifiée au niveau local puisque même les professionnels qui bénéficient d'une mutation (donc de la meilleure rémunération) ne restent pas en moyenne plus longtemps. La qualité de la prise en charge administrative a un rôle à jouer en termes de transparence et de loyauté. Le fait d'investir dans le développement et l'application de politiques et de pratiques GRH efficaces contribue de manière importante et mesurable à la performance organisationnelle (CAULKIN 2001; RICHARDSON et THOMPSON 1999). La marge de manoeuvre est à rechercher de ce coté puisque le niveau de rémunération est disparate. L'impact de l'engagement sur la productivitéì et la fidélisation des employés dans l'organisation varie selon la forme d'engagement. L'engagement affectif est sans aucun doute celui qui est le plus désirable. La qualité de la pratique des GRH est prépondérante. Pour rappel, l'HAS, pense qu'il ne faut pas avoir une analyse psychologique et individuelle de la situation mais bien d'agir sur l'environnement afin de créer un contexte favorable à la motivation du professionnel. Le recueil de données des entretiens met en avant une faiblesse à ce niveau. Susciter un engagement affectif peut aussi passer par le développement d'une image, d'une culture commune à l'établissement. Cette dimension n'est pas encore investie pour l'instant. Les chercheurs sur le thème de la justice organisationnelle se sont intéressés de manière importante aux effets de l'équité sur le niveau d'engagement organisationnel des professionnels. Selon, EL AKREMI, GUERRERO et NEVEU (2006) 53 études ont été réalisées entre 1975 et 2001 sur ce thème. La majorité de ces études soutiennent que « la justice procédurale exerce l'effet le plus fort sur le niveau d'engagement organisationnel. »72(*) La zone 4 : Trois items sont situés en zone idéale. Ces trois scénarii ne rencontrent donc aucune contrainte en termes de moyens ou d'objectifs. Ces scénarii sont les thèmes GRH et management. L'analyse de ces scénarii rejoint les analyses précédentes. Une prise en charge administrative de qualité, un recrutement transparent et exhaustif, de la reconnaissance, de la fidélité dans les affectations sont les composantes essentielles de la stratégie idéale. Cette stratégie est à étendre ; une marge de manoeuvre favorable subsiste. Les améliorations stratégiques doivent, dans un premier temps, tendre vers une optimisation des pratiques des manageurs et GRH. * 52 Ibid * 53 Sur les 6 interviewés, 5 sont des professionnels de l'établissement. * 54 Manuel de recherche en sciences sociales, Raymond Quivy, Luc Van Campenhoudt, Dunod, Paris, 1995, p. 65 * 55 Ibid ; p. 66 * 56 Manuel de recherche en sciences sociales, Raymond Quivy, Luc Van Campenhoudt, Dunod, Paris, 1995, p. 150 * 57 Ibid * 58 Manuel de recherche en sciences sociales, Raymond Quivy, Luc Van Campenhoudt, Dunod, Paris, 1995, p. 102 * 59 Ibid, p. 102 * 60 HENDA, (2009), Engagement professionnel et opportunisme. Cas d'une relation au sein de secteur pharmaceutique. Directeur de Thèse, A. SMIDA, p. 123 * 61 Ibid p. 124 * 62 http://college-heraclite.ifrance.com/documents/r_actuels/em_reforme.htm , consulté le 1/12/09 * 63BECKER H.S., « Notes on the concept of commitment, The American Journal of Sociology, vol.66, n°1, 1960. * 64 Revue Tracée, n°11, 2006, traduit de l'anglais par DEBRAS C et PERDONSIN A. * 65 La littérature européenne, en général, traduit le mot `commitment' par implication. Les chercheurs québécois utilisent préférentiellement le terme d'engagement comme traduction du mot `commitment'. J'utilise le mot `commitment' avec le sens québécois qui me semble plus juste dans sa traduction qu' `involtment'. * 66 Ibid * 67 ibid * 68 Ibid * 69 Idid * 70 « Guide pour l'autodiagnostic des pratiques de management en établissements de santé », Haute Autorité de la Santé, 2005 ; p. 6 * 71 Brouwers I et al (1997), Management humain et contexte de changement, Bruxelles de Boeck Université. * 72 EL AKREMI, GUERRERO et NEVEU (2006), Comportement organisationnel, De Boek, p. 70 |
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