La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique( Télécharger le fichier original )par Jean Barnabé MILALA LUNGALA Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009 |
Brève reconstruction historique de la réforme à l'Université au Congo.Un enseignement de masse a brouillé beaucoup de repères universitaires. Pour la fin des années 1960, « la révolution des étudiants a mis en branle une législation qui va profondément modifier les structures universitaires »8(*). Cette révolte des étudiants de la fin des années 60 en Europe particulièrement en France et en Allemagne, au début des années 70 au Zaïre, a été le point de départ d'une reforme en profondeur des systèmes de gestion des universités non seulement en Europe mais également en Afrique au début des années 70. Les changements de structures universitaires au Zaïre seront bon gré mal gré presque le plâtrage de modèles de l'Occident : l'autogestion de l'université avec les étudiants et les assistants. Tous les organes de gestion universitaires, le conseil de département, de faculté, de l'université seront géré sous l'oeil vigilent de l'étudiant. Entre temps l'Etat a fait montre de réalisme malsain pour ramener à sa juste place le rôle social des universités parce que les étudiants ont été la locomotive non seulement d'une idéologie socialiste tant redouté dans le giron capitaliste mais de l`agitation sociale. Mobutu au Zaïre d'alors, va envoyer les étudiants dans l'armée pour mater le mouvement. Des mesures plus draconiennes seront prises pour affaiblir l'université : l'éloignement de la capitale, en ce qui concerne le Zaïre d'alors, des facultés subversives telles que les sciences sociales politiques et administrative, la faculté des philosophie et lettres, etc. , sous le label de l'Université nationale du Zaïre : une seule université ayant plusieurs campus sur l'étendu du pays. Bien avant, la Faculté de Droit fera l'objet de beaucoup d'hésitations de la part des colons belges pour sa création. La professionnalisation de l'université qui s'en suivit avec l'Unaza semble avoir mis en mal des sciences ayant la dimension fondamentale essentielle telles que la mathématique, la physique, la philosophie, etc. La promotion d'une culture humanitaire sera minorisée. Or fait non perceptible, c'est l'université qui, en général, donne la configuration générale de système de l'enseignement. Les systèmes des Humanités sont constitués comme préalables à l'enseignement universitaire ainsi de suite jusqu'à l'enseignement fondamental. Sous le fallacieux prétexte d'une reforme du secondaire voulant être des Humanités, le programme réservera à l'Histoire et à la philosophie une place résiduelle. La reforme du système de l'enseignement se fait d'en haut en bas alors que le Ministère qui gère le secteur est triple : enseignement supérieure et universitaire, enseignement primaire et secondaire, et professionnel, et recherche scientifique et technologique. La reforme est incohérente. Une décennie plus tard, le retour spontané et massif des facultés reléguées qui se déroulent vers les années 80 à la capitale a nécessité des nouvelles stratégies pour endiguer l'effet subversif : une politisation plus accrue de la coordination estudiantine : la campagne électorale pour les chefs de promotions et le délégué facultaire sont des enjeux qui impliquent le service de renseignement pour choisir les étudiants de l'obédience du pouvoir politique. D'autres stratégies des pouvoirs en places devaient rendre les Professeurs coresponsables de difficultés du pays en les engageant, sans une réelle capacité de décision, aux plus grands postes de responsabilités. L'opinion de l'Association des professeurs Apukin en sigle devait fixer les esprits en se désengageant des professeurs politiciens qui étaient recrutés à titre individuel. Ces professeurs ne constituent pas un lobby pour défendre les intérêts des professeurs mais se prévalent de titre de professeur partout où ils sont. L'Association des professeurs de l'Université de Kinshasa qui s'est imposé au pouvoir pour exister comme syndicat réel, devait faire savoir qu'elle ne peut être rendue responsable de la crise du pays que si elle est saisie par le gouvernement pour présenter à des postes de responsabilité politique des personnalités émanant d'elle et qui lui sont redevables et dont elle est responsable. Au Congo Kinshasa nous passons d'une reforme à l'autre sans garantie de succès parce qu'elle n'est pas portée par un mouvement social réel d'un des partenaires de l'enseignement. Les étudiants ont été affaiblis en même temps que les structures universitaires. Le partenariat entre les professeurs, les assistants et chefs de travaux, les étudiants et les parents, va s'imposer comme un élément supplémentaire à la procédure de sauvetage universitaire. Or, le renforcement de l'autoréflexion des étudiants comme épitre vivante devait être l'objectif. La situation que nous vivons à l'Université est donc tributaire de plusieurs facteurs. Il faut d'abord une balise. La balise est l'ordre éthique. C'est à cela que nous allons nous occuper maintenant. * 8 Jürgen HABERMAS, « La démocratisation de l'Université : une politisation de la science ? »in Théorie et pratique, Payot, Préface et traduction de Gérard Raulet ,1975 , 2006,Paris, p.385. |
|