La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique( Télécharger le fichier original )par Jean Barnabé MILALA LUNGALA Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009 |
Courants du constructivisme socialDirons d'emblée que l'expression générale de « constructivisme » qui s'étend à toutes les sciences humaines aujourd'hui, elle a dans ses variantes plusieurs usages. A propos Linda Rouleau nous renseigne que « la construction sociale ne doit pas être envisagée comme une théorie ni comme un courant de pensée homogène ».353(*)Le paradigme constructiviste englobe un ensemble d'approches dites interprétatives qui rallient les traditions philosophiques aux sciences sociales. Plus spécifiquement la démonstration est ici faite au moyen du retour aux sources philosophiques des sciences sociales. Il y a en effet plusieurs conceptions de constructivisme aujourd'hui, « le constructivisme peut en effet prendre des connotations très différentes, allant du constructivisme radical au constructivisme social de Gergen en passant par le constructivisme écologique de Steier et bien d'autres.354(*) D'ailleurs Ian Hacking, s'efforce de remettre de l'ordre nuancé dans le fracas des « constructions sociales, (...) allant de la folie ou du Japon jusqu'aux particules élémentaires ».355(*) La différence qu'il tente de démêler des termes comme constructionnisme, constructivisme, constitutionnalisme, etc. Son attitude globale, dans ce livre, est celle d'un sceptique à l'égard de la posture constructiviste social, quelque peu indisposé par l'usage incontrôlé du terme. Il nous semble pertinent de retenir le manque d'unanimité sur ces termes. Du point de vue des branches scientifiques dans lesquelles s'insère chaque courant, le « constructionnisme », de l'avis d'Ian Hacking, désigne le courant sociologique, historique et philosophique ; le « constructivisme » étant utilisé pour désigner un courant épistémologique des mathématiques et celui de « constructionnalisme » pour désigner un type d'opérations intellectuelles pratiquées en philosophie analytique.356(*) Il existe par ailleurs aussi un courant constructiviste en sociologie des sciences. John Searle dans une visée pragmatique utilise l'expression `construction de la réalité sociale' et non la `construction sociale de la réalité' comme chez Peter Berger et alii. Ian Hacking refuse dans la foulée le fait que le livre de John Searle intitulé La construction de la réalité sociale soit tout un livre de construction sociale.357(*) Pour Linda Rouleau, constructionnisme et constructivisme sont deux termes généralement utilisés de manière interchangeable. Au demeurant le constructivisme social va à l'encontre de la conception objectiviste qui prétend aborder la « réalité sociale » de façon objective et neutre. Le constructivisme au contraire, soutient que le sujet « invente » la réalité qu'il croit découvrir. Les différentes approches et théories sont considérées comme autant de discours, de points de vue, posés sur la réalité sociale ».358(*) Le « constructionnisme social » comme approche succède à d'autres approches en sciences sociales. Du point de vue de la reconstruction épistémologique, le terme « constructionnisme » suppose que l'unité d'analyse est l'interaction entre les individus ou les groupes, alors que le terme « constructivisme » suppose que l'on privilégie l'individu et sa capacité d'action ».359(*) * 353 Linda ROULEAU, Théories des organisations : approches classiques, contemporaines et de l'avant-garde, Québec, Presses universitaire de Québec, 2007, p.163. * 354Philippe JONNAERT, Compétences et socioconstructivisme : un cadre théorique, troisième tirage, De Boeck, Bruxelles, 2006. * 355 Blandine DESTREMAU, Agnès DEBOULET, François IRETON, Dynamique de la pauvreté en Afrique du Nord et au Moyen -Orient, Khartala, 2004, p.63. * 356 Blandine DESTREMAU, et alii, op.cit., p. 65. * 357 Ian HACKING, Entre science et réalité sociale. La construction sociale de quoi ?, la découverte, 2001, Paris, p.27. * 358 Henri DORVIL et Robert MAYER (Dir.), Problèmes sociaux,Théories et méthodologies, Presses de l'Université du Québec, Tome 1, Sainte-Foy, 2001, p.117. * 359 Linda ROULEAU, op.cit., p.161. |
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