Titre II - LES ENJEUX DE L'INDÉPENDANCE ET
L'IMPARTIALITÉ DES
ARBITRES
122. L'indépendance et l'impartialité sont
garanties dans l'arbitrage international et sont des exigences fondamentales
pour un processus arbitral équitable. Il convient alors de rechercher
l'impact de ces exigences au regard des conséquences possibles d'un
manque d'impartialité (Chapitre 1) et par conséquent les
difficultés mises en évidence par l'application de ces exigences
(Chapitre 2).
Chapitre 1 - CONSEQUENCES DU CONSTAT DU NON-RESPECT DE
L'EXIGENCE D'INDEPENDANCE OU DE D'IMPARTIALITE
123. La valeur fondamentale des exigences
d'indépendance et d'impartialité découle des
conséquences du non-respect de celles-ci. Le non-respect du devoir
d'indépendance et d'impartialité peut impliquer
différentes sanctions pour l'arbitre. D'une part, l'arbitre qui ne
respecte pas cette obligation peut être récusé (Section I).
D'autre part, l'arbitre peut être considéré comme
responsable de son comportement fautif (Section II).
Section I - LA POSSIBILITE DE RECUSATION DE L'ARBITRE ET
DE REMISE EN CAUSE DE LA
SENTENCE
124. La possibilité d'agir contre un arbitrage
inéquitable dépend principalement du moment de la remise en
cause. Il s'agit notamment de la possible récusation de l'arbitre
(§1) ou la remise en cause de la sentence arbitrale (§2).
§ 1. LA RÉCUSATION DE L'ARBITRE
125. La sanction la plus fréquente du non-respect de
l'obligation d'indépendance et d'impartialité concerne
principalement l'arbitrage en soi. En effet, l'arbitre peut être remis en
cause en raison de son manque d'indépendance et d'impartialité,
qui affecte directement le caractère équitable du processus
arbitral.
126. Comme nous l'avons indiqué
précédemment, l'arbitre doit être et rester
indépendant et impartial le long de toutes les étapes de
l'arbitrage. Cela ouvre la possibilité pour les parties de remettre en
cause l'arbitre ou le potentiel arbitre, dès que de nouveaux faits
susceptibles de donner lieu à un doute sont portés à leur
connaissance. Lorsque l'arbitre potentiel révèle de tels faits,
conformément à son obligation ou bien par bonne foi, une limite
de temps est généralement fixée dans laquelle les parties
peuvent remettre en cause l'arbitre. Cependant, une fois désigné,
l'arbitre peut toujours être dessaisi en l'absence de la
révélation des informations nécessaires relatifs à
son indépendance et à son impartialité : à partir
du moment où ces faits sont portés à la connaissance des
parties ou si un fait nouveau survient et porte atteinte à ces
exigences.
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L'indépendance et l'impartialité des arbitres
internationaux
127. Le droit de remettre en cause l'arbitre n'est pas
limité à l'arbitre désigné par une institution
neutre ou par la/les parties adverses, puisque même la partie qui a
désigné l'arbitre peut, sous certaines conditions, demander le
dessaisissement de l'arbitre qu'elle avaient désigné. Cependant,
la désignation d'un arbitre en connaissance de son manque
d'impartialité ou d'indépendance est considérée
comme une renonciation à son droit de remettre en cause l'arbitre sur le
fondement de ces exigences.
128. La procédure de remise en cause de l'arbitre est
d'abord déterminée dans la convention d'arbitrage, et puisque les
parties ne prévoient pas la plupart du temps une telle situation dans la
convention d'arbitrage, il faudra se référer aux lois d'arbitrage
ou aux règlements d'arbitrage applicable à chaque cas.
129. La plupart des règles des institutions
internationales proposent des dispositions similaires, selon lesquelles les
parties doivent soumettre une requête à l'institution85
ou à l'autre partie86, selon les règles, avec les
arguments à l'appui de leurs allégations. L'institution cherchera
à obtenir les éventuels commentaires des parties adverses et du
tribunal. Par la suite, l'arbitre peut être dessaisi ou peut renoncer
à arbitrer volontairement. Lorsque les parties à l'issue de ces
procédures ne se sont pas accordées, les institutions d'arbitrage
devront déterminer si l'arbitre est dépendant ou partial.
130. Au-delà de la remise en cause devant les
institutions arbitrales, il peut être permis aux parties de demander le
dessaisissement de l'arbitre devant les cours nationales. La Loi-Modèle
CNUDCI permet aux parties de faire une requête à la cour pour
trancher la demande de dessaisissement, sous de strictes conditions telle une
période de 30 jours après le refus par le tribunal arbitral de la
demande de remise en cause. Cette procédure n'interrompt pas les
procédures arbitrales en cours.
131. Dans l'affaire AT&T v Saudi
Cable87, la Cour d'Appel anglaise a énoncé que
même si la décision de la CCI sur la remise en cause était
finale, cela n'empêche en aucun cas la Cour de rechercher si l'arbitre
avait eu un comportement fautif selon l'English Arbitration Rules.
132. Sur la remise en cause des arbitres, les publications
des décisions sur ce sujet peuvent être une aide sur ce sujet,
puisque, depuis 2006, conformément à la déclaration de la
Cour de la LCIA88, la LCIA publie ses décisions sur les
demandes de récusation ou de dessaisissement des arbitres.
133. Enfin, les conséquences d'une remise en cause
d'un arbitre accordée dépendent des règles applicables,
l'arbitre peut être remplacé, ou lorsqu'il n'est pas le seul
arbitre, la
85 Article 11, Règlement d'arbitrage de la
CCI.
86 Article 10 (4), Règlement d'arbitrage de la
LCIA.
87 AT&T v Saudi Cable, op. cit.
n° Erreur ! Signet non défini..
88 Global Arbitration Review, LCIA to publish
decisions on arbitrators challenges, 19 mai 2006.
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L'indépendance et l'impartialité des arbitres
internationaux
sentence peut être rendue par un tribunal
tronqué. Cela permet d'éviter d'autres délais dans les
procédures, déjà ralenties par la demande de remise en
cause de l'arbitre.
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