§ 2. PENDANT LE PROCESSUS ARBITRAL
72. L'arbitre doit être indépendant et
impartial, non seulement avant mais aussi pendant le processus de
nomination. Il doit ensuite le rester jusqu'à la fin des
procédures. Comme indiqué précédemment lors de la
définition de l'obligation de révélation, l'arbitre doit
révéler aussi les faits qui apparaissent pendant le
déroulement de l'arbitrage.
73. Aussitôt qu'il est porté à la
connaissance de l'arbitre des faits ou circonstances nouvelles pendant le
déroulement de l'arbitrage, il ne peut pas attendre et doit
révéler ces faits aux partis, qui pourront décider si
l'arbitrage continuera avec cet arbitre ou pas.
74. De plus, il est tout à fait possible que la
partialité de l'arbitre soit remise en cause pendant les
procédures, lorsqu'il s'avère que des faits sont
révélés ou apparaissent et donnent l'apparence d'une
partialité. Afin d'illustrer ce cas, nous prendrons comme exemple le cas
Kessler. 44
75. Le cas Kessler, aussi connu sous le nom de National
Grid v Argentina, établit la possibilité pour les parties
de contester la partialité de l'arbitre pendant l'arbitrage. En
l'espèce, en interrogeant un expert, M. Judd Kessler, un des arbitres
désignés, a préjugé le résultat final du
litige sans avoir basé ses déclarations sur les preuves,
arguments ou loi applicable au cas particulier, puisque l'audience était
toujours en cours et les deux parties avaient des preuves et des arguments
à apporter, comme l'avait indiqué l'Argentine. 45
76. Au contraire, l'argument de National Grid était
qu'il était normal pendant le processus arbitral de participer au
débat et d'exprimer une opinion qui en découle, et non d'une
quelconque opinion personnelle. De plus, lors des débats, selon ce
dernier, il est normal d'abandonner une partie de son impartialité au
fil des débats, puisqu'il lui faut déterminer à la fin
quelle opinion était la mieux fondée.
77. Après les clarifications apportées par M.
Kessler, la LCIA a admis que si l'on considère l'intervention
controversée comme un fait unique46, une personne raisonnable
pourrait avoir l'impression que M. Kessler avait un parti pris. Pourtant, son
intervention une fois
44 LCIA, Case No. UN 7949, Decision on the
Challenge to Mr Judd L. Kessler in the Arbitration National Grid Plc versus the
Republic of Argentina, 3 December 2007 et pour les commentaires voir R.
DUPEYRE, « Impartialité des arbitres : L'affaire Kessler »,
http://avocats.fr/space/romain.dupeyre/content/impartialite-des-arbitres---l-affaire-kessler_6D42A3C3-1B69-4A80-990D-8AFB3176EA,
and G. BOTTINI, «Should arbitrators live on Mars? Challenge of arbitrators
in investment arbitration», Suffolk Transnational Law Review, Volume 32,
Book 2, Suffolk University, 22 June 2009.
45 §46, LCIA, Case No. UN7949, op. cit.
n° Erreur ! Signet non défini..
46 §92, LCIA, Case No. UN7949, op. cit.
n° Erreur ! Signet non défini..
J. BOYELDIEU Page 28
L'indépendance et l'impartialité des arbitres
internationaux
replacée dans le contexte, il était clair sans
aucun doute que M. Kessler n'avait pas de parti pris. 47
78. Cette espèce montre que l'indépendance et
l'impartialité de l'arbitre peuvent être contestées en
raison du comportement ou des déclarations de l'arbitre pendant les
procédures. Cependant, nous pouvons garder à l'esprit que lors du
processus arbitral, l'arbitre peut prendre position dans les débats, en
fonction de l'argumentation en cours, et non une prise de position contre l'une
des parties.
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