REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET
UNIVERSITAIRE
UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
Département de Droit International Public et
Relations Internationales
LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER : UNE
ISSUE POUR LA PROTECTION DES POPULATIONS CIVILES
CAS DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Patience KATUNDA AGANDJI
Gradué en Droit.
Patience KATUNDA AGANDJI
Gradué en Droit
Mémoire présenté et défendu en vue de
l'obtention du grade de Licencié en Droit.
Option : Droit Public
Directeur : Auguste MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO
Professeur Ordinaire.
ANNEE ACADEMIQUE 2009-2010
EPIGRAPHE
« Ce qui est en jeu ici, ce n'est pas
d'instaurer un monde plus sûr pour les grandes puissances, ni de fouler
aux pieds les droits souverains des petites nations, mais de savoir comment
assurer concrètement la protection de gens ordinaires dont la vie est en
danger parce que leur État ne veut pas ou ne peut pas les
protéger. »
CIISE, La responsabilité de protéger,
CRDI, Ottawa, décembre 2001, p. 11.
DEDICACE
A ma mère, Brigitte MUSINDONDO MAMENGA.
REMERCIEMENTS
A l'aube de la vie professionnelle, et au crépuscule de
la vie estudiantine qu'il nous soit permis d'exprimer notre profonde gratitude
à tous ceux qui nous ont aidé à atteindre le point de
couronnement de tant d'efforts et de sacrifices, et à réaliser
cette oeuvre scientifique.
En premier lieu, nous remercions le Père Tout Puissant,
Créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible, qui
a permis qui nous puissions franchir cette étape importante de notre vie
académique.
Nous remercions spécialement le professeur Auguste
MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO qui n'a ménagé aucun effort pour diriger
ce travail avec beaucoup de patience et d'abnégation.
Nous tenons a exprimé notre indéfectible
attachement et notre fraternité à tous nos frères et
soeurs, nous pensons à Magellan, Philomène, Bijou,
Véronique, Florence, Justine et Joséphine KATUNDA.
Que nos oncles, tantes, cousins et cousines,
beaux-frères et belles-soeurs, trouvent aussi dans ces lignes
l'expression de notre profonde gratitude pour les sacrifices consentis en notre
faveur.
A la grande famille K-A de la paroisse universitaire
Notre-Dame de la Sagesse, pour avoir allumé et entretenu le flambeau, et
pour le soutien fidèle nous disons grand merci.
Que tous ceux dont la présence, le sourire, la joie et
les conseils nous relevaient dans le désespoir et les vicissitudes de la
vie, daignent bien accueillir l'expression de notre sincère
reconnaissance.
Patience KATUNDA AGANDJI
ABREVIATIONS ET SIGLES UTILISES
ADF/NALU : Alliance des Forces Démocratiques
APCLS : Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et
Souverain
CDI : Commission de Droit International
CICR : Comite International de la Croix-Rouge
CIISE : Commission Internationale sur l'Intervention et la
Souveraineté des Etats
CIJ : Cour Internationale de Justice
CNDP : Congrès National pour la Défense du
Peuple
CONADER : Commission Nationale de Désarmement,
Démobilisation et Réinsertion
CPI : Cour Pénale Internationale
CRDI : Centre de Recherche pour le Développement
International
DDR : Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion
DDRRR : Désarmement, Démobilisation,
Rapatriement, Réinstallation et Réinsertion.
DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies
DES : Diplôme d'Etudes Supérieurs
Dir. : Direction (Sous la direction de)
EAFGA : Enfants associés aux forces et groupes
armés
FAC : Forces Armées Congolaises
FARDC : Forces Armées de la République
Démocratique du Congo
FDLR : Forces Démocratiques pour la Libération
du Rwanda
FIDH : Fédération Internationale des Droits de
l'Homme
FNL : Forces Nationales de Libération
FPLC : Forces Patriotiques pour la Libération du
Congo
LRA : Lord Résistance Army (Armée de
résistance du Seigneur)
MSF : Médecins Sans Frontières
MONUC : Mission des Nations Unies en République
Démocratique du Congo
MONUSCO : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en
RDC
OCHA : Office (Bureau) de Coordination des Affaires
Humanitaires
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
Par. : Paragraphe
PUC : Presses Universitaires du Congo
PUF : Presses Universitaires de France
PUZ : Presses Universitaires du Zaïre
RBDI : Revue Belge de Droit International
RDC : République Démocratique du Congo
Rec. : Recueil
RGDIP : Revue Générale de Droit International
Public
RQDI : Revue Québécoise de Droit
International
Suiv. : Suivant(e)s
TPIY : Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
UNHCR : Haut Commissariat des Nations Unies aux
Refugiés
UNIKIN : Université de Kinshasa
USA : United States of America (Etats-Unis
d'Amérique)
INTRODUCTION GENERALE
La violence a toujours été l'une des
réalités les plus récurrentes de la société
humaine, mais aussi un aspect caractéristique important de l'homme. A
coté de la bonté inhérente à la nature humaine
chère à Socrate, il y a le poids du mal que ce dernier ignorait
qui amène l'homme pour une raison ou une autre à utiliser la
force matérielle contre son semblable.
De l'antiquité à l'époque contemporaine
en passant par le moyen-âge et le temps moderne, l'explosion de violence
primitive et brutale1(*) (la
guerre), caractérise irréfutablement toutes les
sociétés du monde, et ses conséquences
dévastatrices attristent et accablent davantage les survivants et
laissent parfois des dommages irréparables. Les guerres qui opposaient
il y a deux mille ans les empires et royaumes, opposent aujourd'hui les Etats,
et même des entités infra-étatiques. Et dans cette
compétition entre forces étatiques qui aspirent chacune
tantôt à la suprématie régionale, tantôt
à l'indépendance, tantôt à l'hégémonie
mondiale, le droit ne joue qu'un rôle modeste2(*).
C'est d'abord et avant tout pour en diminuer les effets
néfastes, mais aussi pour éviter la réalisation de
l'affirmation fatidique de Cicéron, savoir : « les lois
se taisent dans les fracas des armes3(*) », que les penseurs et juristes ont
initié des règles pour réglementer la conduite des
hostilités en premier lieu4(*), ensuite pour protéger ceux qui ne participent
pas ou plus aux conflits armés5(*). Ces règles, qui, aujourd'hui sont
codifiées et unifiées dans la branche du droit international
appelée droit international humanitaire, trouvent leurs origines dans
toutes les sociétés et cultures du monde. A titre d'exemple on
peut citer l'épopée indienne Mahâbhârata, les
ouvrages religieux comme la Bible et le Coran, l'art de la guerre (les lois de
Manu ou le Bushido japonais6(*)) de SUN TZU7(*) (en Chine), etc.
Mais les efforts consentis pour amoindrir les affres de la
guerre se sont avérés insuffisants pour épargner des tirs
du canon les populations civiles souvent innocentes. Ainsi, les Etats se sont
sentis dans l'obligation d'intervenir pour sécuriser leurs populations
et les mettre hors de portée des conflits. Ces actions étatiques
lorsqu'elles se déroulent dans les limites de frontières
nationales prennent la forme d'action de police, car il s'agit de restaurer
l'ordre public qui est troublé et l'autorité de l'Etat. Mais, la
question devient cruciale lorsqu'il faut envisager l'intervention d'un Etat
au-delà de ses frontières nationales. D'où, l'idée
d'intervention d'humanité dont les contours n'ont jamais
été clairs, bien qu'admise depuis bien longtemps. En effet,
Vitoria admettait l'intervention d'humanité dans deux hypothèses
soit pour protéger la vie des innocents, soit pour protéger la
liberté de conscience des chrétiens en pays barbare8(*).
Au fil des ans et surtout dans la deuxième
moitié du XXième siècle, la diversité et
la complexité des problèmes humanitaires (tremblement de terre en
Arménie en URSS en 1988, famine en Ethiopie du fait de la guerre civile
en 1990...), la pression des ONG à caractère humanitaire
(Médecins sans frontière...), ainsi que les critiques acerbes
portées à l'endroit de cette intervention d'humanité qui
se heurte à la souveraineté des Etats, ont amené les
humanitaires à échafauder le droit d'ingérence
humanitaire, pour concilier la noble cause d'assister les populations en
détresse et le respect de la souveraineté des Etats.
Ce nouveau concept comme son devancier a fait couler beaucoup
d'encre et de salive ; il a été qualifié de droit aux
fondements incertains, au contenu imprécis et à
géométrie variable parce qu'il a été plus le fruit
d'un tintamarre journalistique que d'une codification juridique
incontestable9(*) ; il
a même été élargi au droit d'ingérence
politique et écologique10(*). Mais il a le mérite d'avoir servi d'ombrelle
juridique pour justifier les actions des humanitaires en vue de secourir les
populations civiles, vulnérables, victimes des conflits armés ou
des catastrophes naturelles tel qu'en Yougoslavie, en Somalie, et en Irak. Mais
il n'a pas pu convaincre ses détracteurs qui estiment que les principes
de non-intervention et de non-ingérence dans les affaires
intérieures des autres Etats, bases sur lesquelles est construit
l'édifice onusien11(*), sont écorchés par le droit ou devoir
d'ingérence humanitaire.
Il était donc devenu nécessaire et
impérieux de trouver une assise juridique stable et convainquant pour
tous, qui fasse correspondre les réalités actuelles de famine,
guerre et catastrophe naturelle, qui éveillent le sens d'humanité
de chaque être humain, avec le respect scrupuleux de la
souveraineté étatique et ainsi que les principes de
non-ingérence et de non-intervention dans la sphère des
compétences exclusives de l'Etat. Situation que certains auteurs
qualifient de mutation, et d'autres d'évolution12(*).
C'est dans cette quête balbutiante d'un consensus qui
rencontrerait l'assentiment de tous sur la question d'intervention aux fins
humanitaires que KOFI ANNAN, alors Secrétaire Général de
l'ONU souleva le problème en ces termes : « si
l'intervention humanitaire constitue effectivement une atteinte inadmissible
à la souveraineté, comment devons-nous réagir face
à des situations comme celles dont nous avons été
témoins au Rwanda ou à Srebrenica, devant des violations
flagrantes, massives et systématiques des droits de l'homme, qui vont
à l'encontre de tous les principes sur lesquels est fondé notre
condition d'êtres humains13(*) ? ».
En réaction à cet appel, le gouvernement
canadien créa la Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des Etats (CIISE), ci-après « la
commission », chargée de concilier d'une part, le principe de
souveraineté, et, d'autre part, la nécessité d'intervenir
en cas de violations graves des droits de l'homme. Cette commission regroupait
une série d'experts internationaux et conduisit à travers le
monde entier diverses procédures de consultations avec les
gouvernements, organisation non gouvernementales et intergouvernementales,
université et groupes de réflexion, et ce afin de recueillir un
éventail aussi large que possible d'avis sur la question. En
décembre 2001, la CIISE délivra son rapport
intitulé « La responsabilité de
protéger »14(*).
Les conclusions dudit rapport servirent de fondement à
l'engagement consenti par la communauté internationale lors du Sommet du
millénaire en 2005. Celle-ci reconnut pour la première fois un
fondement juridique au devoir d'agir, face à la transgression continue
des droits les plus fondamentaux de la personne humaine15(*). L'expression retenue
étant celle de « la responsabilité de
protéger ».
Pour en expliquer la portée, la commission dit :
« Les États souverains ont la responsabilité de
protéger leurs propres citoyens contre les catastrophes qu'il est
possible de prévenir, meurtres à grande échelle, viols
systématiques, famine, etc. S'ils ne sont pas disposés à
le faire ou n'en sont pas capables, cette responsabilité doit être
assumée par l'ensemble de la communauté des
États »16(*).
La commission résout ainsi l'énigme en
reformulant de façon très élégante la solution au
problème. La commission met en exergue le devoir qui incombe avant tout
à l'Etat, puis à la communauté internationale, - mais
aussi le droit des populations comme nous le verrons dans la suite - d'assurer
une protection ponctuelle et efficace en cas de génocide, nettoyage
ethnique, crimes de guerres, et même de famine ou catastrophe naturelle.
Notons d'ores et déjà que la dernière hypothèse
prévue par la commission (catastrophe naturelle) a été
omise intentionnellement par les Etats lors du sommet mondial de 2005, mais
tout le monde a regretté cette omission avec la catastrophe humanitaire
qu'a causée un cyclone Nargis en mai 2008 en Birmanie.
Pour la mise en oeuvre effective de cette
responsabilité de protéger, la commission prévoit des
« interventions à des fins de protection humaine »,
qui peuvent à l'extrême être militaires, mais qui doivent
impérativement être précédées par la
prévention, et l'épuisement de toutes les voies pacifiques
prévues en droit international.
C'est dans cet écheveau conceptuel, juridique, et
humanitaire que nous allons avant tout nous efforcer autant que possible,
d'élucider le principe de la « responsabilité de
protéger », d'en dégager les contours, d'en
établir le bilan, d'en envisager les perspectives, et de conclure s'il
s'agit d'un nouveau parangon ou d'un ingénieux subterfuge.
Après avoir précisé les origines et le
contenu du principe de la responsabilité de protéger, nous allons
analyser sa portée et son autonomie par rapport aux autres
opérations entreprises dans le cadre du chapitre VII en vue du maintien
de la paix et de la sécurité internationales.
Il sied aussi d'analyser les obstacles majeurs qui peuvent
constituer un goulot d'étranglement pour la mise en ouvre effective de
la responsabilité de protéger. Et ces obstacles peuvent
être inhérents à la conception même du principe, tout
comme ils peuvent provenir de causes extérieures.
En effet, le principe tel qu'échafaudé
comporte plusieurs imprécisions qu'il convient de relever pour
éviter les écueils lors de sa mise en application. Les
indéterminations relevant du seuil de la juste cause et le cercle
vicieux créé dans la recherche de l'autorité
compétente pour déclencher la mise en oeuvre du principe peuvent
empêcher les uns et les autres de saisir le noble idéal
envisagé dans l'élaboration de ce principe suite à ses
malformations congénitales.
Même après avoir réuni toutes les
conditions pour agir conformément au principe de la
responsabilité de protéger, d'autres contraintes peuvent surgir
comme le refus persistant d'un gouvernement d'ouvrir ses frontières aux
interventions de la communauté internationale. Cet obstacle majeur
lorsqu'il se durcit en une politique consistant en la mise en oeuvre de tous
les moyens possibles pour paralyser l'intervention de la communauté
internationale peut donner lieur à une fatalité.
Notre étude se veut aussi un plaidoyer, pour
l'insertion des catastrophes naturelles, famines, tremblement de terre,... dans
les causes pouvant donner lieu à l'application de la
responsabilité de protéger. Cette reconnaissance par la
communauté internationale, permettra de résoudre facilement la
situation en Birmanie et dans d'autres Etats.
Après avoir planté le décor
théorique, nous allons examiner un cas pratique, c'est-à-dire la
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger en
République Démocratique du Congo. La RDC a connu plusieurs
guerres meurtrières depuis la décennie quatre vingt dix, et au
cours de ces guerres des violations graves des droits de l'homme et de droit
international humanitaire ont été commises. Ces crimes
internationaux ont été décrits de façon très
claire dans différents rapports et enquêtes des différentes
ONG internationales telle Human Right Watch, Global Witness, International
Alert, Amnistie International, Crisis Group, mais aussi et surtout de l'ONU,
dont le plus important, encore en vogue, est le rapport de projet mapping
publié par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'Homme.
La perpétration de ces crimes devrait normalement,
à l'époque, déclencher la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, mais cela n'a pas été
le cas malheureusement. Pire encore le conflit congolais en
général n'a pas entrainé l'élan de
solidarité pourtant caractéristique de l'époque avec
l'émergence du droit d'ingérence humanitaire. Nous estimons que
c'est le premier rendez-vous manqué de la responsabilité de
protéger.
A l'issue de l'accord global et inclusif, les institutions de
la transition ont été mises en place et un moment d'accalmie a
été observé sur le territoire congolais. Fort
malheureusement, la paix retrouvée n'était que de pacotille et
n'a pas résisté à l'épreuve de temps. Les violences
ont repris de plus belle à l'Est du pays, avec elles la commission des
atrocités les plus sauvages sur les populations civiles,
accentuée par une armée déficiente et une force onusienne
impuissante.
C'est alors que se pose une question cruciale, la
responsabilité de protéger ne serait-elle pas un mécanisme
efficace pour protéger ces populations qui sont victimes de barbaries
inhumaines ? Si oui dans quelle mesure peut-on mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger en République
Démocratique du Congo ? Etat ayant un contexte particulier et sur le
territoire duquel existe la plus importante mission des Nations Unies au monde.
En d'autres termes, dans quelle perspective peut-on envisager l'application du
principe pour mettre fin à la perpétration en toute
impunité des crimes internationaux sur le territoire congolais ?
Devrait-on modifier le mandat de la MONUSCO ? Dans l'affirmative quelle
serait sa nouvelle mission ?
Ce sont là les questions auxquelles nous allons
tenter de répondre au cours de cette étude, en excluant d'ores et
déjà les autres questions liées aux interventions ayant
d'autres motifs que la protection des populations civiles, et pour le contexte
congolais, les aspects politiques et stratégiques des différents
conflits qui pullulent à l'Est du pays.
S'agissant de la méthode d'approche, le chemin
emprunté pour atteindre un objectif précis ne peut être
inconnu du chercheur. Et le droit international ayant une diversité
d'approche, il est plus que nécessaire de choisir celle qui va mettre en
harmonie le courant volontariste et objectiviste qui caractérisent
l'étude de notre thème.
C'est pourquoi dans une démarche pluridisciplinaire,
nous avons choisi la technique juridique, l'approche philosophique ainsi que
l'approche sociologique pour mener à bien notre étude.
Nous avons dans un premier temps opté pour la
technique juridique ou de dogmatique juridique qui vise à
déterminer le contenu d'une règle à partir de la prise en
compte des sources formelles du droit international positif17(*). Cette technique va nous
permettre d'exposer l'état du droit tel qu'il est et d'en
déterminer le contenu.
Dans une approche philosophique, nous allons essayer
d'évaluer les règles de droit développées dans
cette étude par rapport à la justice. C'est vrai que le droit
n'est pas la justice, mais il sied de se demander si telle ou telle
règle de droit est juste ou injuste. Cette approche ne recherche donc
pas l'existence d'une règle, mais sa portée exacte et son vrai
sens18(*), ainsi on
recherchera la légitimité de la règle et non sa
légalité ou licéité19(*).
Enfin, une approche sociologique va nous permettre de
confronter les règles juridiques ou les concepts de droit international
à la réalité sociale existante. Cela pour expliquer
l'émergence ou l'application d'une règle par les Etats, tandis
que d'autres règles sont inappliquées. Nous allons donc
rechercher grâce à cette approche
« l'infrastructure » de la norme20(*).
Notre étude est subdivisée en deux grandes
parties. Dans la première partie, nous allons analyser cette nouvelle
institution de droit international qu'est la responsabilité de
protéger.
En effet, vu son caractère récent et les
bouleversements qu'il entraine dans l'ordre juridique international, il est
important de scruter les méandres et arcanes de ce nouveau paradigme.
Nous allons ainsi examiner les origines du principe, sa notion, son contenu,
ainsi que ses malformations pour enfin terminer par une interrogation :
s'agit-il d'un nouveau parangon ou d'un ingénieux subterfuge ?
Dans la deuxième partie, nous examinons la
possibilité de la mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en République Démocratique du Congo, suite aux
crimes commis depuis la décennie quatre-vingt-dix jusqu'à ce
jour.
En effet, des crimes pouvant enclenché le processus
de la responsabilité de protéger ont été
perpétrés en RDC, mais il est étonnant de constater
qu'à aucun moment on a vu la communauté internationale invoquer
la mise en mouvement de la responsabilité de protéger. Plusieurs
rapports d'ONG, mais aussi ceux des commissions et agences onusiennes
établissent noir sur blanc la commission des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité et même de crimes de génocide sur
le territoire congolais, mais ils n'ont reçu jusque là aucune
suite.
Voilà les questions que nous allons examiner dans le
présent travail, en espérant qu'il va constituer une contribution
dans l'édification de la notion de la responsabilité de
protéger, mais aussi un plaidoyer pour une mise en oeuvre effective et
efficace de la responsabilité de protéger en République
Démocratique du Congo.
Nous demandons au lecteur d'être indulgent, car le
sujet étant très récent, vous remarquerez une carence dans
la documentation sur le principe de la responsabilité de
protéger.
Ière PARTIE. LA RESPONSABILITE DE PROTEGER :
Nouveau parangon ou ingénieux subterfuge ?
La responsabilité de protéger alimente
aujourd'hui des débats alléchants dans le monde des
internationalistes. Pour ne pas se laisser emporter par l'engouement
médiatique qui utilise souvent les expressions sans en donner la
véritable portée et les différentes acceptions, il est
nécessaire d'éclaircir la notion de la responsabilité de
protéger (Chapitre I), de préciser son contenu (Chapitre II), et
d'apporter notre contribution tout en critiquant les points de vue des uns et
des autres (Chapitre III), et de conclure en donnant notre position sur ce
nouveau paradigme du XXIème siècle débutant.
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL ET JURIDIQUE DU PRINCIPE DE
LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
Nous allons ici retracer les origines du principe de la
responsabilité de protéger, fixer le contexte de sa formation et
de son élaboration (Section 1), ainsi que sa notion (Section 2), ensuite
nous interroger sur la nature juridique de ce principe qui paraît
être un droit pour les uns et un devoir pour les autres (Section 3).
Section 1. GENESE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
La responsabilité de protéger est le fruit
d'un long processus d'atermoiement sur la question des actions aux fins
humanitaires. Pour bien cerner les méandres et arcanes du principe de la
responsabilité de protéger, il faut remonter l'histoire pour
scruter l'intervention d'humanité, l'intervention humanitaire et le
droit d'ingérence humanitaire qui sont les prémonitoires de
celui-ci. Et ensuite analyser la sécurité humaine qui est la
soeur de la responsabilité de protéger, et enfin il conviendra
d'analyser le cadre de l'affirmation et de la reconnaissance de la
responsabilité de protéger.
§.1. De l'intervention d'humanité au droit
d'ingérence humanitaire
A. L'intervention
d'humanité
L'intervention (armée) d'humanité s'analyse
aujourd'hui comme une action unilatérale étatique pour la
protection des nationaux de l'Etat ou des Etats intervenant à
l'extérieur de leurs frontières22(*). Il s'agit d'une ingérence
soustractive23(*).
L'expression d' « intervention
d'humanité » a semble-t-il, été inventée
par Léon Bourgeois24(*). On parle parfois également de protection
d'humanité ou d'autoprotection. Mais l'idée maîtresse que
véhicule ce concept ne date pas de l'époque contemporaine.
En effet, l'idée que l'utilisation de la force
armée par des tiers serait susceptible de soulager des populations
menacées ou malmenées du fait des violences se déroulant
à l'intérieur d'un Etat est loin d'être une
nouveauté dans les relations internationales ; dans son origine
même « le principe de l'intervention d'humanité, tout
comme celui de la protection des minorités religieuses (ou ethniques)
remonte à l'époque byzantine du VIème au
XIème siècle25(*) ». Et cette idée s'est encore
développée avec les grands penseurs tels que Vittoria qui
admettait cette intervention dans deux hypothèses : protéger
la vie des innocents mais aussi protéger la liberté de conscience
des chrétiens en pays barbare26(*).
Mais il s'est toujours posé le problème du
fondement de cette intervention d'humanité. En scrutant les
méandres de l'histoire, l'on constate que dans leur totalité,
toutes les actions entreprises par les puissances européennes, surtout
à partir du XIXème siècle, sur la base de
l'intervention d'humanité, concernaient, différentes populations
chrétiennes assujetties à l'empire Ottoman et faisant l'objet de
violentes persécutions soit de la part des autorités turques,
soit avec leur complicité27(*).
En l'absence d'instruments conventionnels offrant, à
l'époque, une assise juridique explicite aux opérations
destinées à mettre un terme aux massacres et aux
persécutions de populations civiles à cause de leur appartenance
religieuse ou nationale, la théorie de l'intervention d'humanité
s'est fondée sur le postulat de l'existence d'une
« règle de droit impérative, générale,
obligatoire pour tout Etat aussi bien que pour tout individu, supérieure
aux législations nationales aussi bien qu'aux conventions
internationales et qui constituerait le droit commun de
l'humanité28(*) ». Il en résulte que le
contrôle de la souveraineté interne devient légitime
puisqu'il s'exerce au nom de cette loi supérieure obligatoire qu'est
« un droit humain29(*) ».
Ainsi adossé sur « la théorie du
droit humain et du pouvoir-fonction30(*) », la théorie de l'intervention
d'humanité considère que « le gouvernement qui manque
à sa fonction en méconnaissant les intérêts humains
de ses ressortissants commet ce que l'on pourrait appeler un
détournement de souveraineté : sa décision ne
s'impose plus souverainement au respect des tiers, car les actes arbitraires ne
sont pas des actes de souveraineté31(*) ».
Ces justifications philosophiques ont légitimé
les interventions d'humanité entreprises par les Etats européens
dans l'empire ottoman pour secourir les chrétiens
persécutés par les musulmans turcs, nonobstant l'opposition de la
Sublime Porte qui estimait être affectée dans l'exercice de ses
prérogatives souveraines à l'endroit de personnes et de
communautés relevant, selon son entendement, de sa compétence
exclusive32(*).
La pratique de l' « intervention
d'humanité » a été reprise au XXe siècle,
mais avec une signification expressément différente. L'objectif
affirmé, de la part des Etats intervenant, a été la
protection de leurs nationaux résidant dans des Etats tiers (en
réalité des pays en voie de développement). C'est à
ce titre que la Belgique est intervenue en 1960 au Congo-Kinshasa, les
Etats-Unis en 1965 à Saint-Domingue, Israël en 1976 en Ouganda
(l'affaire d'Entebbe), la France en 1978 au Zaïre (à Kolwezi), les
Etats-Unis en 1989 au Panama (l'opération « juste
cause »), la Belgique, la France et l'Italie en 1994 au Rwanda
(l'opération « amaryllis »)33(*).
Mais, la théorie n'est pas que l'apanage des Etats
occidentaux. C'est en invoquant cette théorie que les pays arabes sont
intervenus en 1948 contre Israël. La théorie a également
été utilisée par l'inde en 1971 au Pakistan oriental (qui
est devenu le Bangladesh), l'Indonésie en 1975 au Timor oriental, le
Vietnam en 1978 au Cambodge, la Tanzanie en 1979 en Ouganda, ou encore l'Inde
en 1987 au Sri Lanka34(*).
Dans son arrêt de 1979 dans l'affaire de la prise
d'otages du personnel diplomatique américain à
Téhéran, la CIJ a émis ses soucis et préoccupations
au sujet de l'incursion américaine en Iran, mais aussi de la
détention en otage pendant plus de cinq mois des ressortissants
américains. La CIJ a fait donc appel à l'idée d'un
équilibre entre la condamnation d'un acte violant la souveraineté
étatique et la compréhension des circonstances et des motifs
humanitaires de cet acte35(*). L'on comprend dès lors le genre de compromis
doctrinal appliqué en droit international humanitaire sur cette
question.36(*)
D'un autre coté, l'on se demande si l'intervention
d'humanité aurait un fondement dans la charte des Nations Unies. Pour le
professeur Charles de Visscher, la discrétion que conservent les Etats
membres de l'organisation quant à l'incorporation et aux garanties des
droits fondamentaux de leurs ressortissants dans l'ordre interne comporte une
limite qui relève de la mission politique des Nations Unies relativement
au maintien de la paix et rappelle par certains cotés l'un des
fondements de l'intervention d'humanité, de sorte qu'une violation
flagrante et systématique de ces droits justifierait l'application des
mesures coercitives en vertu de l'exception au respect du domaine
réservé énoncée à l'article 2, paragraphe 7
de la charte37(*).
Toutes ces péripéties nous permettent de
saisir la percée de l'intervention d'humanité qui a tenu dans un
équilibre fragile, comme un oiseau dans l'orage, pendant plus de quinze
siècles. C'est ainsi qu'elle va s'effacer vers la fin du
XXIème siècle pour laisser le centre de débats
et controverses à l'intervention humanitaire, et au droit
d'ingérence humanitaire
B. L'intervention
humanitaire
L'intervention humanitaire peut être définie en
droit international public moderne comme une action humanitaire entreprise,
conduite ou acceptée par la communauté internationale en faveur
d'une population dont les droits fondamentaux sont violés. Il s'agit
d'une construction juridique, même si la dimension morale est
sous-jacente38(*).
Il ressort de cette définition que l'intervention
humanitaire est celle qui est endossée par la communauté
internationale, ainsi les interventions unilatérales des Etats ou
groupes d'Etats sont soit des interventions d'humanité si il s'agit de
protéger ses nationaux ou une minorité (souvent religieuse), soit
de l'ingérence humanitaire si il s'agit de porter secours ou d'assister
une population en proie à des catastrophes naturelles ou des violations
massives des droits de l'homme, sans le consentement de l'Etat
concerné.
Ainsi l'intervention humanitaire est toujours
sollicitée ou consentie par l'Etat sur le territoire duquel se
déroule le drame. Nous sommes donc face à une intervention licite
tel que consacré en droit international classique39(*).
La théorie de l'intervention humanitaire repose sur
l'idée d'un droit de regard humanitaire. Elle envisage ce que l'on peut
appeler une régulation humanitaire comme on parle de régulation
économique40(*).
La construction juridique de l'intervention humanitaire
établit une distinction entre un droit général
d'intervention humanitaire ou un droit d'intervention humanitaire ad
hoc :
- Le droit général d'intervention humanitaire
avec comme mécanismes principaux la saisine du conseil de
sécurité (ou de l'assemblée générale) de
l'ONU (avec l'art. 35 §1 de la charte de l'ONU), la saisine du
comité des droits de l'homme (dans le cadre de l'application du pacte
international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966), ou encore la procédure de l'enquête sanitaire
internationale (selon le règlement sanitaire international de
l'OMS)41(*).
- Le droit d'intervention humanitaire ad hoc fondé sur
l'art. 51 de la charte de l'ONU. Il s'agit ici du droit pour un Etat ou un
groupe d'Etats d'appliquer la légitime défense non seulement pour
une agression armée, mais aussi et surtout pour protéger des
populations victimes des graves violations des droits de l'homme42(*). Tout cela avec le
consentement de l'Etat bénéficiaire de l'intervention.
Lorsque l'intervention humanitaire porte atteinte à la
compétence nationale d'un Etat ou se fait par contrainte, alors nous
sommes en face de l'ingérence humanitaire appelée droit
d'ingérence humanitaire par les uns et devoir d'ingérence
humanitaire par les autres.
C. Le droit
d'ingérence humanitaire
Porter secours, assister, aider et protéger les
populations en péril. C'est au nom de ces principes que des
organisations non gouvernementales, comme Médecins sans
frontières (MSF) fondé par Bernard Kouchner, ou Médecins
du monde (MDM) ont commencé à revendiquer durant les
années soixante-dix le droit de franchir clandestinement des
frontières pour rejoindre au Bangladesh, en Erythrée, en
Afghanistan et ailleurs, des peuples que la guerre isolait du monde. Alors que
les « french doctor » ont multiplié leurs
interventions dans les pays en guerre, certains ont tenté, avec la fin
de la guerre froide, d'organiser cette ingérence humanitaire sous la
forme d'un droit international qui jetterait les bases d'un nouveau mode de
relation entre les Etats. Voilà comment est né le droit
d'ingérence humanitaire43(*).
Après plusieurs années de controverses et
d'hésitation, la France va initier l'adoption de deux résolutions
importantes au niveau de l'assemblée générale de l'ONU,
à savoir la résolution 43/131 du 8 décembre 1988 et la
résolution 45/100 du 14 décembre 1990, résolutions portant
sur « l'assistance humanitaire aux victimes des catastrophes
naturelles et autres situations de même ordre ». Ces deux
textes vont poser les jalons d'un droit d'ingérence humanitaire.
En effet, ces deux résolutions vont poser les
principes de l'accès aux victimes des catastrophes naturelles, de
l'urgence44(*), de la
rapidité et de l'efficacité, ainsi que du concours et de l'aide
d'organisations locales et d'O.N.G agissant dans un but strictement
humanitaire45(*). Pour
faciliter l'accès aux victimes, la résolution 45/100 a
proposé l'établissement concerté de « couloirs
d'urgence », afin de surmonter les difficultés pratiques qui
entravent l'accès aux victimes.
Notons que la résolution 43/131 a été
appliquée le lendemain même de son adoption, lorsque l'Union
soviétique annonçait que, pour la première fois dans son
histoire, elle ouvrait ses frontières sans obligation de visa aux
sauveteurs occidentaux voulant se rendre en Arménie, pour secourir les
victimes d'un tremblement de terre46(*). Mais ces deux textes ne suffisent pas à elles
seules, pour légitimer une intervention armée dans le cadre du
droit d'ingérence humanitaire. Ainsi l'intervention humanitaire dans son
aspect militaire n'avait toujours pas de socle pour s'édifier.
Au niveau du Conseil de sécurité, c'est
à l'occasion de l'intervention militaire de plusieurs Etats occidentaux
au Kurdistan iraquien, en avril 1991, que l'on a, pour la première fois,
évoqué l'émergence d'un véritable « droit
d'ingérence ». Le conseil de sécurité par sa
résolution 688, du 5 avril 1991, autorise les forces armées
occidentales d'intervenir militairement de façon unilatérale pour
assurer le respect des droits de la personne47(*).
L'action a été présentée comme
destinée à protéger les Kurdes alors
sévèrement réprimés par les autorités
Iraquiennes. Le respect des droits de la personne devait dorénavant
être assuré par des actions menées par la communauté
internationale, par l'intermédiaire des institutions européennes
ou de certains Etats prêts à défendre leurs valeurs
essentielles. Le conseil de sécurité de l'ONU, cette fois comme
dans tous les cas suivants, invoquait une menace contre la paix et la
sécurité pour fonder cette action, malheureusement il n'y avait
pas d'avancée significative parce que ce ne sont pas les violations des
droits de l'homme qui constituaient la menace contre la paix et la
sécurité, mais l'exode massif de refugiés vers des
frontières internationales et à travers celles-ci des violations
de frontière48(*).
Le Conseil de sécurité a ensuite pris d'autres
résolutions qui ont conforté la pratique de l'ingérence
humanitaire. Nous avons la résolution 770 du 13 août 1992 sur la
situation en ex-Yougoslavie, la résolution 794 du 04 décembre
1992 à propos de la situation en Somalie, et la résolution 929 du
22 juin 1994 sur la situation au Rwanda.
Les deux premières résolutions sont
importantes en ce qu'elles impliquent une autorisation de recourir à la
force dans la mesure où cela s'avère nécessaire à
l'acheminement d'une aide humanitaire à des populations en
détresse. Jamais le Conseil de sécurité n'avait pris de
mesures impliquant un éventuel usage de la force sans évoquer une
réaction à une attaque militaire perpétré par un
Etat contre un autre. Le Conseil de sécurité dans ces deux
résolutions a agi dans le cadre des principes existants dans la charte
des Nations Unies. A cet effet, le Conseil de sécurité a
précisé expressément dans ces résolutions qu'il
agissait en vertu du chapitre VII, et qualifié ces deux situations de
menace contre la paix et la sécurité internationales, avant de
prendre toute mesure coercitive dans ces situations.
Certains auteurs ont estimé qu'en suivant cette
démarche le Conseil n'a pas consacré un quelconque droit
d'ingérence humanitaire puisqu'il s'est inscrit dans le strict respect
de la charte, et a justifié son action en qualifiant le qualifiant
explicitement ces situations de menace contre la paix et la
sécurité internationales, et non en invoquant le seul
caractère tragique des évènements au plan
humanitaire49(*).
Au demeurant, la majorité de la doctrine est unanime
sur le lien établi dans ces résolutions entre l'humanitaire et le
maintien de la paix, et par ricochet le lien dynamique entre
rétablissement de la paix et assistance humanitaire50(*). Ce faisant, le Conseil
pouvait baser sa qualification essentiellement sur des violations des droits de
la personne, internes à un Etat membre, sans avoir constaté des
conséquences transfrontières comme ce fut le cas au Kurdistan
iraquien.
De tout ce qui précède on peut affirmer avec
CORTEN et KLEIN, que la règle de non-intervention ne peut faire obstacle
à une action coercitive décidée par le Conseil de
sécurité pour mettre fin à des violations massives des
droits de la personne observées à l'intérieur d'un Etat,
et si ces violations constituent de l'avis de cet organe, une menace pour la
paix51(*).
Les évènements du Kosovo au cours de
l'année 1999 ont donné une nouvelle dimension à la
problématique de l'ingérence humanitaire. Entre le 24 mars et le
10 juin 1999, l'OTAN a mené une campagne de bombardements aériens
contre la République fédérale de la Yougoslavie, Etat
indépendant et membre de l'ONU, au nom de la défense des valeurs
universelles de la communauté internationale, en l'espèce la
défense des populations kosovars d'origine albanaise.
Il s'agit de l'opération Force Alliée
qui visait selon la déclaration du secrétaire
général de l'OTAN « à faire cesser la violence
et mettre fin à la catastrophe humanitaire qui frappaient le
Kosovo52(*) ».
L'intervention au Kosovo a mis en exergue deux questions
fondamentales à savoir celle de l'emploi de la force dans les relations
internationales par une organisation (régionale), qui n'a pas
reçu l'autorisation préalable du conseil de
sécurité, dans un Etat souverain ; et celle de la
réponse à donner à des violations graves et à une
large échelle des droits de la personne.
Si la deuxième question a déjà
trouvé une réponse adéquate, c'est la première qui
pose le plus problème. En s'engageant dans une opération sans
l'autorisation préalable du Conseil de sécurité, l'OTAN a
violé le droit international en vigueur, et l'intervention de l'OTAN est
regardée, quant au jus ad bellum comme un véritable
florilège de violations de la Charte de l'ONU53(*). Ce faisant cette
opération ne peut être retenue comme confortant le droit
d'ingérence humanitaire, mais plutôt comme une simple
ingérence à la souveraineté d'un Etat, en
pulvérisant sa population par une pluie de bombes, sans recours à
quelconque texte international. En sus l'aggravation de la situation
humanitaire des habitants et la méconnaissance crue et accrue des normes
du droit international humanitaire, ont entrainé l'indignation de plus
d'une personne, et ont amené la majorité de la doctrine à
n'établir aucun rapport entre cette opération unanimement
désapprouvée et quelconque droit d'ingérence54(*).
C'est dans ce contexte qu'on a vu émerger un droit
d'ingérence humanitaire dont les tenants fondent la
légitimité sur l'article 2 § 4 de la charte des nations
unies. En effet, pour les auteurs favorables, les interventions armées
aux fins humanitaires ne sont menées ni contre l'intégrité
territoriale, ni l'indépendance politique d'un Etat, et ne sont pas
contraires aux buts et principes de l'ONU.
Toutefois, une majorité d'auteurs s'accorde à
considérer que le droit d'intervention (armée) humanitaire n'a
pas été consacré par la charte de l'ONU. Ils
relèvent que l'ensemble du texte de la charte et les documents
préparatoires montrent que l'intention des Etats, en indiquant à
l'article 2 § 4 qu'était prohibé le recours à la
force contre l'intégrité territoriale et l'indépendance
des Etats ou de toute autre manière incompatible avec les buts des
nations unies, était de renforcer l'interdiction et non de la
restreindre55(*). Dans
cette mesure, ils concluent que toute action armée transfrontière
serait visée par l'interdiction de l'article 2 § 4, quels qu'en
soient les mobiles.
Pour répondre à cette à cette position,
M. Boutros-Ghali, ancien Secrétaire Général des Nations
Unies disait :
« Il n'y a pas lieu de s'enferrer dans le
dilemme respect de la souveraineté-protection des droits de l'homme.
L'ONU n'a nul besoin d'une nouvelle controverse idéologique. Ce qui est
en jeu, ce n'est pas le droit d'intervention, mais bien l'obligation
« collective qu'ont les Etats de porter secours et réparation
dans les situations d'urgence où les droits de l'homme sont en
péril56(*) ».
S'il est vrai que l'assistance humanitaire est devenue
l'objet principal d'une intervention collective, dans le cadre notamment du
chapitre VII de la Charte des Nations Unies, dans un certain nombre de
situations ces dernières années, il est cependant difficile de
concevoir que la notion d'ingérence humanitaire ait reçu
consécration juridique en dehors d'une autorisation donnée par le
Conseil de sécurité ; l'ambiguïté des objectifs,
la diversité des modalités d'action et l'hésitation de
nombreux Etats n'en font pas un véritable droit57(*).
Néanmoins, si la doctrine n'est pas toujours unanime
sur le fondement d'un droit d'ingérence humanitaire, tout le monde
reconnaît au moins que la souveraineté avec ses corollaires de non
ingérence et de non intervention dans les affaires intérieures ne
saurait justifier des violations massives des droits de l'homme et du droit
international humanitaire. Même si la pratique de cette
« ingérence humanitaire » doit être
encadrée pour éviter des dérapages et des abus de
puissance58(*).
Notons de façon particulière qu'à ce
jour, le seul traité international qui codifie le droit
d'ingérence humanitaire est l'Acte constitutif de l'Union africaine qui
à son article 4, énonce le droit de l'Union d'intervenir dans un
Etat membre sur décision de la Conférence, dans certaines
circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le
génocide et les crimes contre l'humanité59(*). Cet article constituera le
prédécesseur conventionnel de la responsabilité de
protéger.
§.2. De la sécurité humaine à la
responsabilité de protéger
La sécurité humaine est un concept qui a
précédé la responsabilité de protéger et que
nous devons au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)
dans son premier rapport sur le développement humain de 1994. Ce concept
a suscité un intérêt et un engouement très
poussés de la part des Etats et des organisations internationales,
intérêt qui s'est même traduit par la mise en place d'un
certain nombre d'institutions internationales et nationales chargées de
la mettre en oeuvre (Human Security Network60(*), Commission sur la sécurité humaine).
Avec le concept de la sécurité humaine, c'est surtout une
nouvelle philosophie de la sécurité qui apparaît, parce
qu'il s'agit de centrer les questions sécuritaires non plus seulement
sur les Etats, mais sur les individus ou sur les personnes. Cette philosophie
est clairement définie aussi bien dans le Rapport de la Commission
internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats
(CIISE), « La responsabilité de protéger »
présenté en septembre 2001, que dans le rapport de la Commission
sur la sécurité humaine, publié en mai 200361(*).
Depuis le début des années 90, et en particulier
avec les horreurs dont la communauté internationale a été
témoin en ex-Yougoslavie et au Rwanda, la sécurité n'est
plus associée exclusivement à la souveraineté (du moins
dans son sens classique), mais aussi au développement humain et à
la protection des personnes contre toutes les formes de violence (violence de
la nature et violence des autres hommes). On réalise de plus en plus que
les questions sécuritaires ne renvoient pas nécessairement ou
exclusivement à des menaces d'ordre militaire, mais touchent à
des causalités relatives à la pauvreté, à
l'environnement, à l'ordre politique interne des Etats, etc.62(*)
La perception traditionnelle, étroite, de la
sécurité fait abstraction des préoccupations les plus
élémentaires et légitimes de tout un chacun quant à
sa sécurité dans la vie de tous les jours. Elle détourne
aussi vers les armements et les forces armées des quantités
considérables de ressources nationales matérielles et humaines,
empêchant ainsi les pays de protéger leurs citoyens contre des
formes chroniques d'insécurité telles que la faim, la maladie, la
pénurie de logements adéquats, la criminalité, le
chômage, les conflits sociaux et les risques environnementaux. Lorsque le
viol devient une arme de guerre et de nettoyage ethnique, lorsque des milliers
de personnes périssent dans des inondations parce que la campagne
environnante a été ravagée et lorsque des citoyens sont
tués par leurs propres forces de sécurité, on ne peut plus
se contenter d'assimiler la sécurité à la seule
sécurité nationale ou territoriale. La notion de
sécurité humaine peut couvrir - et couvre effectivement - tous
ces cas de figure63(*).
C'est ainsi que le concept d' (in)sécurité va
être élargi à l'analyse des menaces non militaires, pour
proposer une conception de la sécurité qui n'est plus
exclusivement stato-centrique. Avec cet élargissement conceptuel,
l'État n'est donc plus le seul acteur sur la scène internationale
en matière de sécurité, de même que les menaces
deviennent plurielles et complexes. Il est indispensable de comprendre cette
évolution du concept de sécurité pour en saisir la
portée, la sécurité humaine étant au coeur
même de la réflexion sur la Responsabilité de
Protéger. C'est là une évolution importante, une
transformation fondamentale de la vision de la sécurité, qui
place l'individu comme référent sécuritaire de base, par
opposition à l'État qui est le référent
sécuritaire de la sécurité nationale ou « collective
» au sens de la charte onusienne64(*).
La sécurité n'implique plus seulement les
rapports entre l'extérieur et l'intérieur, l'extérieur
étant considéré comme une source potentielle et
omniprésente de menace, mais touche davantage au cadre domestique des
Etats, soit quand le mal développement cause des privations importantes
chez les populations du point de vue de l'accès aux biens de base, soit
quand c'est l'Etat lui-même qui est source de violations massives des
droits de ses propres citoyens. C'est pourquoi l'idée d'associer la
sécurité humaine à la notion de développement
humain et aussi à la problématique de l'état de droit
s'est imposée dans la doctrine internationale de ces dernières
années, comme le montre le rapport de la CIISE : « La
sécurité humaine signifie la sécurité des gens -
leur sûreté physique, leur bien-être économique et
social, le respect de leur dignité et de leurs mérites en tant
qu'êtres humains, et la protection de leurs droits et de leurs
libertés fondamentales65(*) ». Touchant aux structures mêmes
de l'Etat et à la qualité des relations internes, cette
conception peut-être qualifiée de structurelle en opposition
à la conception militaire de la sécurité.
La sécurité humaine et la responsabilité
de protéger tirent leurs racines dans la même philosophie qui part
de la globalisation des différentes formes d'insécurité
dont est confronté le monde de nos jours, à la protection des
populations en extrême détresse surtout dans les conflits
armés internes. Et dans les eux hypothèses la communauté
internationale a la responsabilité d'intervenir pour la
sécurité et le bien-être de toutes les populations qui
constituent en réalité l'humanité.
La sécurité humaine et la responsabilité
de protéger sont donc deux faces d'une même pièce, l'on
comprend mieux la responsabilité de protéger lorsqu'on saisi
convenablement le concept de la sécurité humaine qui a
recentré les débats sur l'homme comme sujet progressif de droit
international.
§.3. L'affirmation et la reconnaissance de la
responsabilité de protéger
A. L'affirmation du
principe
La responsabilité de protéger est le titre
donné au rapport final de la commission internationale sur
l'intervention et la souveraineté des Etats établit par le
gouvernement canadien en réaction aux multiples appels lancés en
vue de trouver un fondement aux opérations ou interventions aux fins
humanitaires.
La commission sur l'intervention et la souveraineté
des Etats coprésidée par Gareth Evans (Australie) et Mohamed
Sahnoun (Algérie) était composée de douze experts venant
de 11 Etats. On y retrouve Gisèle Coté-Harper (Canada), Lee
Hamilton (Etats-Unis), Michael Ignatief (Canada), Vladimir Lukin (Russie),
Klaus Naumann (Allemagne), Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Fidel Ramos
(Philippines), Cornelio Sommaruga (Suisse), Eduardo Stein (Guatemala), Ramesh
Thakur (Inde), ainsi que les deux coprésidents
précités.
Elle a été créée en 2000 par le
gouvernement canadien et un groupe de grandes fondations, à l'initiative
de Kofi Annan, alors secrétaire général de l'ONU, et elle
a rendu son rapport en décembre 2001.
La commission avait reçu la mission d'aborder
l'ensemble de questions juridiques, morales, opérationnelles et
politiques qui se posent dans le domaine de l'intervention et de la
souveraineté des Etats, de recueillir un éventail aussi vaste que
possible d'avis dans le monde entier, et à déposer un rapport qui
aiderait le secrétaire général et tous les autres
intervenants à trouver un nouveau terrain d'entente66(*).
C'est ainsi que la commission a organisé plusieurs
tables rondes dans le monde dont les plus importantes ont été
celles de Beijing, Caire, Genève, Londres, Maputo, New Delhi, New York,
Ottawa, Paris, Saint-Pétersbourg, Santiago et Washington67(*).
Après plusieurs débats et échanges, la
commission à l'unanimité de ses membres a choisi le concept de
« responsabilité de protéger » pour
désigner l'obligation qu'a la communauté internationale de
prévenir, de réagir, et de reconstruire en cas de graves crises
humanitaires ou de violation massive des droits de l'homme.
C'est donc la commission internationale sur l'intervention
et la souveraineté des Etats, qui est la première à avoir
utilisé l'expression de responsabilité de protéger, avant
qu'elle ne soit reprise par l'organisation des nations unies, les organisations
non gouvernementales, les milieux scientifiques, ainsi que les
médias.
B. La reconnaissance du
principe
Le principe de la responsabilité de protéger a
été reconnu pour la première fois par les Etats lors du
sommet mondial de 2005, qui s'est tenu du 14 au 16 septembre 2005 à New
York, au siège de l'organisation des nations unies.
En effet, dans le document final du sommet mondial de 2005,
les chefs d'Etat et de gouvernement s'approprient la responsabilité de
protéger en reconnaissant le principe de la manière
suivante :
« § 138. C'est à chaque État
qu'il incombe de protéger les populations du génocide, des crimes
de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité. Ce
devoir comporte la prévention de ces crimes, y compris l'incitation
à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés.
Nous acceptons cette responsabilité et agirons de manière
à nous y conformer. La communauté internationale devrait, si
nécessaire, encourager et aider les États à s'acquitter de
cette responsabilité et aider l'Organisation des Nations Unies à
mettre en place un dispositif d'alerte rapide.
§ 139. Il incombe également à la
communauté internationale, dans le cadre de l'Organisation des Nations
Unies, de mettre en oeuvre les moyens diplomatiques, humanitaires et autres
moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et
VIII de la Charte des Nations Unies, afin d'aider à protéger les
populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et
des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, nous sommes prêts
à mener en temps voulu une action collective résolue, par
l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à
la Charte, notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération,
le cas échéant, avec les organisations régionales
compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent
inadéquats et que les autorités nationales n'assurent
manifestement pas la protection de leurs populations contre le génocide,
les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre
l'humanité. Nous soulignons que l'Assemblée
générale doit poursuivre l'examen du devoir de protéger
les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique
et des crimes contre l'humanité et des conséquences qu'il
implique, en ayant à l'esprit les principes de la Charte des Nations
Unies et du droit international. Nous entendons aussi nous engager, selon qu'il
conviendra, à aider les États à se doter des moyens de
protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du
nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité et à apporter
une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu'une crise
ou qu'un conflit n'éclate68(*). »
Pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, la communauté internationale dans le cadre de l'ONU,
reconnait la responsabilité qui lui incombe de mettre tous les moyens en
oeuvre, et au besoin recourir à la force de manière collective
pour protéger les populations des crimes de guerre, de génocide,
de nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité.
Malgré cette avancée extraordinaire, il y a
lieu de déplorer, dans cette énumération, l'omission des
catastrophes naturelles, famines et autres situations analogues, qui
étaient prévues dans le rapport de la CIISE, mais qui ont
été mises de coté, dans le document final du sommet
mondial de 2005.
Nous nous demandons pourquoi le syndrome du
« retard » et celui du « plus jamais
ça » caractérisent toujours le droit international
(humanitaire). En effet, c'est après la survenance des
évènements tragiques qu'on se résous à les
combattre pour l'avenir, alors qu'on pouvait bien les prévenir à
l'avance69(*).
L'expérience de la Birmanie nous donnera raison.
Le conseil de sécurité des nations unies a aussi
fait allusion au principe de la responsabilité de protéger dans
sa résolution 1674 du 28 avril 2006 et dans sa résolution 1706 du
31 août 2006.
En effet, dans la première résolution, le
conseil de sécurité, dans le paragraphe 4,
réaffirme les dispositions des paragraphes 138 et 139 du
document final du sommet mondial de 2005 relatives à la
responsabilité de protéger les populations du génocide,
des crimes de guerre, de la purification ethnique et des crimes contre
l'humanité, dans le cadre de la protection des civils en période
de conflit armé70(*).
Dans la seconde résolution, le conseil de
sécurité rappelle l'affirmation qu'elle a faite dans la
résolution 1674, pour fonder la création de la mission de l'ONU
au Soudan, précisément au Darfour71(*). Le conseil de sécurité invoque et met
en application le principe de la responsabilité de protéger pour
la première fois.
Quant à l'assemblée générale des
nations unies, outre l'adoption du document final du sommet mondial de 2005
comme résolution, elle a de façon claire et explicite
adopté le 14 septembre 2009 la résolution 63/30872(*) intitulée :
« la responsabilité de protéger ». Dans cette
résolution, l'assemblée générale de l'ONU, tout en
rappelant les paragraphes 138 et 139 du document final du sommet mondial de
2005, prend acte du rapport du secrétaire général sur la
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger ainsi que du
débat intéressant que cela a suscité, et décide de
continuer l'examen de la question de la responsabilité de
protéger.
Toutes ces reconnaissances et invocations traduisent
l'acceptation du principe de la responsabilité et cristallise son
caractère coutumier comme nous verrons dans la troisième section
de ce chapitre.
Section 2. NOTION DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
La responsabilité de protéger peut être
définie comme étant l'obligation qui incombe à chaque Etat
dans l'exercice de sa souveraineté de protéger sa population
contre les catastrophes qu'il est possible de prévenir (meurtres
à grande échelle, viols systématiques, famine). S'il n'est
pas disposé à le faire ou n'en est pas capable, cette obligation
incombe à l'ensemble de la communauté des Etats73(*).
De cette définition on peut dégager deux
débiteurs d'une même obligation, à savoir l'Etat d'abord
dans le plein exercice de sa souveraineté, et en deuxième lieu la
communauté internationale qui est comme le garant de la
responsabilité de protéger. Mais à côté de
ces débiteurs, la commission a plus mis l'accent sur les
bénéficiaires de cette protection qui sont en fait les titulaires
d'un droit reflexe, correspondant à la responsabilité qui incombe
aux Etats, ce sont les populations.
§.1. La responsabilité de protéger comme
obligation de l'Etat et de la communauté internationale
A. La responsabilité
de protéger comme obligation de l'Etat
La commission commence par affirmer que la
responsabilité de protéger incombe en premier lieu à
l'Etat. Pour asseoir cette affirmation, elle reformule la notion de
souveraineté étatique en mettant au centre ce que l'Etat doit
assumer comme responsabilités.
La responsabilité de protéger est un corollaire
de la souveraineté de l'Etat. La commission redéfinit la notion
de la souveraineté en passant d'une souveraineté de
contrôle à une souveraineté de
responsabilité.
Cette nouvelle conception théorique de la
souveraineté est renforcée par l'impact sans cesse grandissant
des normes internationales relatives aux droits de l'homme et la
prégnance toujours plus grande de la notion de sécurité
humaine dans le discours international, ainsi que la pratique des
Etats74(*).
Dans cette nouvelle approche, la souveraineté a trois
implications majeures, savoir75(*) :
- Les autorités étatiques sont responsables des
fonctions qui permettent de protéger la sécurité et la vie
des citoyens et de favoriser leur bien-être ;
- Les autorités politiques nationales sont responsables
à l'égard des citoyens au plan interne et à l'égard
de la communauté internationale par l'intermédiaire de
l'ONU ;
- Les agents de l'Etat sont responsables de leurs actes,
c'est-à-dire qu'ils doivent rendre des comptes pour ce qu'ils font ou ne
font pas.
La commission innove ici en insistant sur certains aspects
essentiels de la souveraineté comme attribut de l'Etat, qui n'ont jamais
été mis au premier plan quand il s'agit du pouvoir suprême
de l'Etat.
En effet, ce que Jellinek définissait comme la
compétence de la compétence, entendant par là le pouvoir
originaire, illimitée et inconditionné de l'Etat76(*), pour exprimer les
énormes prérogatives que détient l'Etat en étant
souverain, est devenue la responsabilité de laquelle découle des
obligations envers les populations.
La commission met l'accent sur l'aspect responsabilité,
être souverain veut dire désormais être responsable de la
vie et de la sécurité des citoyens, et répondre des actes
que l'on pose en tant qu'autorité étatique vis-à-vis non
seulement des citoyens mais aussi de la communauté internationale. La
souveraineté devient, en quelque sorte, un instrument au service des
citoyens plutôt qu'une fin en soi, tout en conservant à la fois
son statut de rempart contre toute intrusion ayant un motif autre que celui de
la juste cause77(*).
Le changement terminologique de la notion de
souveraineté, même s'il amoindrit un peu la portée du
pouvoir étatique tel que susmentionné, reflète
néanmoins un attachement palpable de la CIISE envers le statu quo
et la préservation du système international composé
d'États souverains. En effet, le point de départ est la
règle de non-intervention e vertu de laquelle l'on est tenu de justifier
la dérogation, une dérogation qui, non sans rappeler l' «
utilitarisme de l'extrémité » prôné par Michael
Walzer, est permise seulement en des cas extrêmes et
exceptionnels78(*). Cette
volonté manifeste de sauvegarder la loi positive en vigueur, non
seulement révèlent une peur pour les abus et l'instabilité
que créerait l'instauration d'un droit d'intervention tous azimuts, mais
nous montrent aussi une commission réfractaire à toute
dénaturation des acquis juridiques en ce qui concerne l'identité
nationale, la diversité culturelle et l'autodétermination des
peuples79(*).
On voit clairement dans la position de la commission une
défense de l'ordre interétatique, pour des raisons de
stabilité et de préservation des particularismes, et
parallèlement un souci pour les droits humains comme en fait foi
l'entérinement de l'exception au principe de non-intervention lorsqu'un
nombre considérable de vies est en jeu. Un tel équilibre
proposé entre les droits de l'État et les droits de l'homme, une
position mitoyenne entre, d'un côté, les approches cosmopolitiques
et, de l'autre, les approches réalistes et positivistes légales,
est rendu possible grâce à la redéfinition de la
souveraineté, laquelle attribue d'abord à l'État la
responsabilité de protéger ses citoyens et, dans un second temps,
à la communauté internationale le rôle de releveur80(*).
Ainsi La Commission estime que la responsabilité de
protéger incombe d'abord et avant tout à l'État dont la
population est directement touchée. Cette idée correspond non
seulement à l'état du droit international et du système
étatique moderne, mais également à une
réalité concrète qui renvoie à la question de
savoir qui est le mieux placé pour obtenir le résultat voulu. Les
autorités nationales sont les mieux placées pour prendre les
mesures propres à empêcher que les problèmes ne
dégénèrent en conflit. Ces autorités sont aussi les
mieux placées pour comprendre les problèmes qui surviennent et
les régler. Quand des solutions sont nécessaires, ce sont les
citoyens de l'État considéré qui ont le plus
intérêt à ce que les solutions proposées
réussissent, à veiller à ce que les autorités
nationales soient pleinement responsables des mesures qu'elles prennent, ou ne
prennent pas, pour régler ces problèmes, et à contribuer
à faire en sorte que les problèmes passés ne se
reproduisent pas81(*).
B. La responsabilité
de protéger comme obligation de la communauté internationale
Certes, la responsabilité de protéger incombe
en premier lieu à l'Etat dont la population est directement
touchée, mais il subsiste une responsabilité résiduelle
qui incombe à la communauté des Etats dans son ensemble. Cette
responsabilité subsidiaire est activée lorsque tel ou tel Etat
est manifestement soit incapable, soit peu désireux d'accomplir sa
responsabilité de protéger ; soit est lui-même
l'auteur effectif des crimes et atrocités en question ; ou lorsque
des personnes vivant à l'extérieur d'un Etat donné sont
directement menacées par des actes qui se déroulent dans cet
Etat. Cette responsabilité résiduelle exige aussi, dans certaines
circonstances, que des mesures soient prises par l'ensemble de la
communauté des Etats pour venir en aide à des populations en
péril ou gravement menacées82(*).
Cette responsabilité de la communauté
internationale trouve son fondement dans le fait que les crimes couvert par la
responsabilité de protéger froissent la communauté
internationale dans son entièreté. Abdelawab Biad exprime mieux
cette idée en ces termes :
« Le statut de la CPI qualifie le crime de
génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, et
le crime d'agression de crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la
communauté internationale (article 5). Il serait donc en toute logique
du devoir de celle-ci d'agir par la prévention et la sanction de ces
crimes83(*). »
Le terme résiduel choisi par la commission ne nous
paraît pas convenable, car il peut renvoyer au reste, reliquat ou
résidu. Alors que l'obligation de la communauté internationale
tel que voulue par la commission, fait d'elle le garant de la
responsabilité de protéger. Il aurait mieux fallu utiliser le
terme secondaire, c'est-à-dire que l'obligation principale incombe
à l'Etat, mais elle revient à la communauté des Etats de
façon secondaire.
La communauté internationale étant le
garant84(*) de la
responsabilité de protéger, l'Etat a par ricochet une obligation
de résultat envers elle, et il doit lui rendre des comptes dans le cas
de crise humanitaire grave.
Au delà de ça, il est intéressant de
revenir sur les conditions générales du passage de la
responsabilité de l'Etat à la communauté internationale
que la commission énumère de façon limitative. La
commission limite cette passation à quatre situations à
savoir :
- Lorsque l'Etat est incapable d'accomplir sa
responsabilité de protéger ;
- Lorsque l'Etat est peu désireux d'accomplir sa
responsabilité de protéger ;
- Lorsque l'Etat est lui-même auteur effectif des crimes
et atrocités ;
- Lorsque des personnes vivant à l'extérieur
d'un Etat donné sont directement menacées par des actes qui se
déroulent dans cet Etat.
La première hypothèse semble classique, nous
sommes en face d'un Etat dont la population est en péril, et qui n'a pas
les moyens nécessaires pour protéger sa population ou
l'épargner de ce péril grave et imminent. Alors, la mise en
oeuvre de la responsabilité s'avère justifier pour la
communauté internationale.
En deuxième lieu, la communauté des Etats peut
agir lorsque l'Etat est peu désireux d'accomplir sa
responsabilité de protéger. En effet, pour diverses raisons, un
Etat qui a les moyens et les capacités peut s'abstenir de secourir ou
protéger une partie de sa population. C'est souvent le cas des
minorités (ethnique ou religieuse) ou même des étrangers
(réfugiés) qui peuvent se voir priver d'une protection dont elles
devraient bénéficier. En l'espèce, la communauté
internationale doit agir en vue de combler l'abstention coupable de l'Etat
concerné.
La responsabilité de protéger peut aussi
être invoquée par la communauté des Etats, lorsque l'Etat
lui-même est auteur effectif des crimes et barbaries. En effet, les
autorités étatiques peuvent être à la base de la
perpétration des crimes odieux comme auteurs, co-auteurs ou complices.
C'est ainsi qu'au Soudan, les crimes sont commis avec la complicité du
gouvernement, et en Birmanie ce sont les autorités étatiques
elles-mêmes qui infligent à la population des supplices. Dans ces
différents cas, la communauté internationale est en droit
d'invoquer la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.
La dernière hypothèse concerne un cas
spécifique, celui dans lequel des personnes vivant en dehors d'un Etat
donné sont directement menacées par des actes qui s'y
déroulent.
En dehors de ces hypothèses, il est donc inopportun
d'envisager la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.
C'est dans ces termes que la commission pose les jalons d'une possible
intervention de la communauté internationale dans le cadre de la
responsabilité de protéger.
§.2. La responsabilité de protéger comme
droit des populations
De façon ingénieuse, la commission fait de la
population le titulaire du droit à être protéger en
changeant les termes du débat. En effet, la commission est d'avis que le
débat sur l'intervention à des fins de protection humaine devrait
se concentré non pas sur le « droit d'intervention »
mais sur « la responsabilité de
protéger ».
Le changement de terminologie proposé correspond
aussi selon la commission à un changement de perspective qui inverse
les perceptions propres à la formulation traditionnelle et en ajoute de
nouvelles. Parmi celles-ci vient en premier lieu l'attention sur la population
concernée85(*).
La responsabilité de protéger implique une
évaluation des enjeux du point de vue de ceux qui demandent ou
nécessitent un soutien, et non de ceux qui envisagent
éventuellement d'intervenir. La terminologie adoptée
ramène les faisceaux des projecteurs de la communauté
internationale là où ils auraient toujours dû être,
c'est-à-dire sur la responsabilité de protéger les
communautés de massacres à grande échelle, les femmes de
viols systématiques et les enfants de la famine86(*).
La responsabilité de protéger recentre donc
les énergies sur les bénéficiaires d'intervention
humanitaire, les victimes, les femmes, les enfants, bref les populations qui
ont besoin ou le « droit » d'être
protégées.
Les populations ont donc le droit de
bénéficier de la responsabilité de protéger,
celle-ci apparaît dès lors comme un droit humain relevant de la
troisième catégorie des droits de l'homme. Comme le droit
à la paix, au développement etc., les populations ont le droit
d'être protégées ; ainsi la responsabilité de
protéger s'analyse comme un droit communautaire.
Section 3. NATURE JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
La responsabilité de protéger paraît
pour les uns comme un principe de droit international, pour d'autres comme une
institution de droit international, et pour d'autres encore comme un simple
paradigme qui fait son temps. Mais une réflexion juridique
poussée nous oblige à rechercher la vraie nature de ce
« droit-devoir ». Est-ce une norme de droit
international ? Si oui est-elle une norme de jus cogens ou une simple
règle faisant partie du droit international en vigueur, est-ce une
simple déclaration ou recommandation ?
Pour répondre à ces interrogations, il nous
faut trouver les fondements de la responsabilité de protéger dans
ses sources autant formelles, que philosophiques et sociologiques.
§.1. Fondement juridique du principe
Sur le plan strictement juridique, la source formelle qui
énonce le principe de la responsabilité de protéger est
d'abord le document final du sommet mondial de 2005, qui a été
adopté comme résolution de l'assemblée
générale de l'ONU87(*), ensuite nous avons la résolution 63/308 du 14
septembre 2009 dans laquelle l'assemblée générale de l'ONU
rappelle les paragraphes 138 et 139 du document final du sommet mondial de
2005, prend acte du rapport du secrétaire général ainsi
que du débat opportun et productif sur la responsabilité de
protéger, et décide de continuer l'examen de la question de la
responsabilité de protéger88(*).
Cette consécration du principe par une
résolution de l'assemblée générale de l'ONU ne
crée pas à proprement parler une règle de droit
international. En effet, les résolutions peuvent constituer une
étape importante dans le processus d'élaboration de normes
internationales, en tant qu'expression sociologique et politique de tendances,
d'intentions et de souhaits. Mais elles ne sauraient se muer automatiquement en
droit positif89(*).
Etant dépourvu de force obligatoire, le document
final du sommet mondial de 2005 adopté par l'assemblée
générale de l'ONU, a valeur d'une recommandation. Cette source ne
nous permet donc pas d'élever le principe de la responsabilité de
protéger au rang de norme contraignante de droit international en
vigueur.
Mais l'élaboration du principe a évolué
au point qu'on peut dire aujourd'hui qu'il s'agit d'une règle de droit
international en vigueur. Le principe a été évoqué
et appliqué à deux reprises par le conseil de
sécurité comme nous l'avons dit plus haut. Ce fait cristallise le
caractère coutumier du principe, et renforce son obligatorieté.
Nous pouvons donc affirmer que nous sommes en face d'une norme non
conventionnelle de droit international en vigueur acceptée et
appliquée, donc une norme coutumière.
Il sied de se demander si la responsabilité de
protéger peut être considérée comme une norme de jus
cogens. A ce sujet, une analyse déductive nous permet d'affirmer que la
responsabilité de protéger fait partie des normes de jus cogens.
(maryam massrouri)
En effet, la responsabilité de protéger couvre
les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et les crimes de
génocide. Or ces différents crimes sont imprescriptibles et
découlent de la violation des droits de l'homme et du droit
international humanitaire ; ces derniers contenant des normes
impératives qui ne doivent souffrir d'aucune exception90(*).
Par le caractère contraignant de l'idéal
commun de l'humanité, exprimant la `'conscience universelle'', et ainsi
que par le caractère universel de cet idéal, il est
légitime, pense le professeur Mampuya, de considérer que les
droits de l'homme rentrent dans le `'jus cogens'', le corps des normes
impératives du droit international général91(*).
Etant donné que les droits de l'homme et le droit
international humanitaire sont constituées des règles de jus
cogens. Il est logique que la violation massive de ces règles puisse
être couverte par des normes de jus cogens.
Qu'à cela ne tienne, s'il faut considérer le
jus cogens comme le niveau où se rencontre la conscience collective
universelle, et l'adhésion de l'humanité à une sorte de
principe moral devant présider aux relations internationales, une sorte
d'ordre public universel qui comprend les principes même d'existence et
de fonctionnement des Etats et de la communauté internationale92(*), on peut affirmer sans ambages
que la responsabilité de protéger est une norme de jus cogens,
sous réserve de son acceptation et de sa reconnaissances comme telle par
les Etats.
§.2. Fondements philosophiques de la
responsabilité de protéger
Il faut se plonger dans l'éthique de la conviction
à l'éthique de la responsabilité de Max Weber, et dans le
consequentialisme pour saisir le socle philosophico-éthique du principe
de la responsabilité de protéger.
La responsabilité de protéger renvoi à
la protection des populations menacées par des dangers graves et
imminents. D'où la question de l'intervention à des fins de
protection humaine. Le fondement philosophique de cette intervention ne se
situe pas au niveau de ses modalités, mais de sa finalité. En
effet, à la question de savoir s'il faut intervenir pour protéger
des populations victimes des crimes internationaux, la réponse est sans
conteste affirmative ; ainsi tenant compte de sa finalité
l'intervention s'impose comme un devoir. Cette finalité prescrit comme
une sorte d'impératif catégorique, qui ramène au second
plan la question des modalités d'intervention. Il n'est plus question de
savoir s'il faut intervenir, mais plutôt de remplir les conditions d'une
intervention congruente avec sa finalité, d'où la
nécessaire redéfinition de la souveraineté.
La responsabilité de protéger est
redéfinie en passant de l'éthique de la conviction à
l'éthique de la responsabilité. C'est à Max Weber qu'on
doit cette distinction entre éthique de la conviction et éthique
de la responsabilité. Critiquant l'approche déontologique de
l'éthique kantienne, Max Weber pensait qu'il valait mieux non pas
dissocier la question des principes de celle de leurs conséquences, mais
qu'il fallait tenir compte des effets potentiels de la mise en oeuvre de nos
principes moraux. Dans ce cas, le conséquentialisme ne devrait pas
être fondamentalement rejeté comme étant contraire à
la morale. Et pour ce qui est de l'homme politique, Weber pensait qu'une simple
éthique de la conviction pouvait se payer à un prix trop
élevé non seulement du point de vue de l'ordre socio-politique
que l'homme politique est censé sauvegarder, mais aussi du point de vue
même de la vie des citoyens93(*).
En transposant cette distinction au niveau des principes qui
régissent les relations internationales, on obtient ce qui suit :
si le principe de non ingérence, lié à la
souveraineté, permet d'assurer la protection des Etats, en particulier
des plus petits parmi eux, contre les velléités
impérialistes des grandes puissances, doit-on pour autant en faire
principe sacré intouchable, d'autant plus que la souveraineté
dans sa dimension interne, peut donner à un régime politique
autoritaire le pouvoir de violer les droits des citoyens tout en se mettant
à l'abri des réactions des autres Etats94(*).
La responsabilité de protéger implique une
conception révisée de la souveraineté de l'Etat, dans
laquelle celle-ci est prise beaucoup plus comme devoir que comme une
prérogative à faire valoir devant d'autres Etats. Toute
défaillance par rapport à l'obligation d'assumer ce devoir
entraîne ipso facto une sorte de déchéance de la
souveraineté, et justifie l'intervention de la communauté
internationale, à qui incombe la même responsabilité de
protéger.
Cette conception passablement révisée de la
souveraineté fournit des arguments de justification ou de
légitimation d'un droit d'intervention, c'est-à-dire du pouvoir,
considéré comme légitime, de prendre contre un Etat, au
besoins contre son gré, un certain nombre de mesures ayant pour
finalité de venir en aide à des populations dont les droits
seraient menacés. Comme l'écrit Philippe Moreau
Defarges :
« ... l'Etat ne peut plus agir en maître
absolu de son territoire et de sa population. Il doit constamment prouver qu'il
est capable d'assumer cette souveraineté. La multiplication des
ingérences de toutes sortes notamment institutionnelles, contribue
à une redéfinition de la
souveraineté. »95(*)
§.3. Fondements du principe évoqués par la
commission
Les rédacteurs du principe de la responsabilité
de protéger ont fondé ce principe directeur de la
communauté internationale sur :
- Les obligations inhérentes à la notion de
souveraineté ;
- L'article 24 de la charte de l'ONU, qui confère au
Conseil de sécurité la responsabilité du maintien de la
paix et la sécurité internationales ;
- Les impératifs juridiques particuliers
énoncés dans les déclarations, pactes et traités
relatifs aux droits de l'homme et à la protection des populations, le
droit international humanitaire, et la législation nationale ;
- La pratique croissante des Etats et des organisations
régionales, ainsi que du conseil de sécurité
lui-même.
S'agissant des obligations inhérentes à la
notion de souveraineté qui fondent le principe de la
responsabilité de protéger, il sied de noter que la perception
nouvelle de la notion de la souveraineté renvoi à la
responsabilité de l'Etat sur la protection de sa population. Il s'agit
pour nous d'un fondement interne qui découle des missions
traditionnelles de l'Etat en tant que titulaire de la souveraineté.
Concernant l'article 24 de la charte de l'ONU, qui selon la
commission constitue aussi un fondement au principe de la responsabilité
de protéger. Cet article attribue au conseil de sécurité
la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. La commission trouve ici la base
juridique nécessaire pour légitimer les décisions et
actions du conseil de sécurité dans la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, particulièrement les
interventions militaires.
Ce socle recèle de notre point de vue quelques lourds
dangers. Subordonner la mise en application de la responsabilité de
protéger au conseil de sécurité dans le cadre du maintien
de la paix et de la sécurité internationales est une bonne
démarche, mais les aléas qui caractérisent cet organe
politique de l'ONU, et le concept-valise que constitue aujourd'hui la notion de
la paix et de la sécurité internationales ne rassure pas sur le
déclenchement de la responsabilité de protéger en cas de
péril grave pour les populations civiles.
La commission évoque ensuite les impératifs
particuliers énoncés dans les déclarations, pactes et
traités relatifs aux droits de l'homme et à la protection des
populations, le droit international humanitaire, et la législation
nationale. La commission veut ici faire allusion à toutes les
dispositions qui donnent à l'Etat la charge de veiller au respect des
droits de l'homme et du droit international humanitaire autant sur le plan
international qu'interne. A titre exemplatif, nous pouvons citer l'article 1
commun des conventions de Genève, l'article 2 de la convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité, l'article 1 de la convention sur la répression du
crime de génocide, l'article 1 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques, l'article 16 de la constitution de la République
Démocratique du Congo, etc.
En dernier lieu, la commission appuie l'existence du
principe de la responsabilité de protéger sur la pratique
croissante des Etats, des organisations régionales, ainsi que du conseil
de sécurité lui-même. En effet au cours de ces deux
dernières décennies le monde a connu plusieurs interventions
à des fins de protection humaine, mais contestée suite à
l'absence de couverture juridique. Nous avons l'intervention de l'OTAN au
Kosovo en 1999, l'intervention de l'ONU en Irak sur décision du conseil
de sécurité en 1991, les différentes résolutions de
l'ONU sur la protection des civils en période de conflit armé et
la création des missions de maintien de paix (Darfour), ...
Les fondements évoqués par la commission
semblent rechercher en réalité un point d'appui pour chaque
aspect de la R2P, et sont par conséquent éparses et ambigus. Une
révision du principe s'avère nécessaire pour corriger ces
malformations congénitales. Voyons à présent le contenu et
la portée du principe.
CHAPITRE II. CONTENU ET PORTEE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
La responsabilité de protéger comporte trois
étapes majeures, il s'agit en premier lieu de la prévention,
ensuite de la réaction, et enfin de la reconstruction. A part cela, la
commission s'est efforcée de régler la question de
l'autorité habileté à décider de la mise en oeuvre
de la responsabilité de protéger pour une intervention militaire,
mais elle a aussi vidé la question de l'opérationnalité de
l'intervention militaire dans le cadre de la responsabilité de
protéger. Après avoir précisé le contenu du
principe, il y a lieu de s'interroger sur sa véritable portée et
ses limites par rapport au cadre juridique existant du maintien de la paix et
de la sécurité prévu dans la charte de l'ONU, donc son
autonomie.
Dans ce chapitre, nous examinons d'abord les trois paliers de
la responsabilité de protéger c'est-à-dire la
responsabilité de prévenir, de réagir et de reconstruire
(Section 1), ensuite la question de l'autorité et
l'opérationnalité de la responsabilité de protéger
(Section 2), enfin l'autonomie du principe (Section 3).
Section 1. LES TROIS PALIERS DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
Mettre en oeuvre la responsabilité de
protéger signifie prévenir avant tout, agir ensuite, et
reconstruire enfin. Il s'agit d'un continuum adoptée par la commission
qui consiste à mettre en oeuvre tous les moyens possibles afin de
prévenir la survenance des crimes ou catastrophe, puis agir lorsque ces
moyens se sont avérés inefficaces. En plus, elle innove avec un
aspect qui n'a souvent pas été pris en compte celle de la
reconstruction, désormais après la prévention et l'action,
on a la responsabilité de reconstruire. Dans ce continuum, toute
tentative visant à délimiter la responsabilité de
protéger selon l'une ou l'autre des opérations de paix est
réductrice96(*).
§.1. La responsabilité de prévenir
La commission préconise une ferme volonté de
prévention dans les Etats, et celle-ci doit se manifester tant au
niveau des causes profondes (lointaines) que directes (immédiates) des
crises humanitaires. En sus elle plaide (encore) pour un mécanisme
d'alerte rapide comme moyen d'information en vue toujours de prévenir la
survenance d'un péril imminent.
A. La prévention au
niveau des causes profondes des conflits
La première phase de la responsabilité de
protéger est la prévention. Et la commission insiste pour que la
communauté internationale réduise l'écart entre le soutien
en paroles et la ferme volonté de prévenir qui doit être
perceptible par des actes concrets97(*). Mais avant de décortiquer la mise en oeuvre
des moyens préventifs au niveau international pour éviter les
crises et catastrophes humanitaires pouvant être causées par
l'homme, il faut s'arrêter un peu sur la responsabilité de l'Etat
dans la prévention des conflits.
En effet, la prévention des conflits meurtriers et
d'autres formes de catastrophes produites par l'homme incombe, comme toutes les
autres composantes de la responsabilité de protéger, d'abord et
avant tout aux États souverains et aux communautés et
institutions qui s'y trouvent. Une volonté résolue des
autorités nationales d'assurer un traitement équitable et
l'égalité des chances pour tous les citoyens constitue un
fondement solide pour la prévention des conflits. Quant aux moyens
nécessaires pour y parvenir, ils relèvent essentiellement de la
responsabilisation et de la bonne gouvernance, de la protection des droits de
l'homme, de la promotion du développement socioéconomique et de
la répartition équitable des ressources98(*).
La commission propose au niveau interne trois moyens pour la
prévention des conflits et autres catastrophes. En premier lieu la bonne
gouvernance, la commission estime que la gestion rationnelle et efficace des
ressources de l'Etat permet d'éviter les glissements qui peuvent amener
a des graves crises. Les gouvernants doivent donc s'atteler à
gérer l'Etat en suivant les principes de la bonne gouvernance, qui
lorsqu'ils sont respectés amenuisent considérablement le risque
des guerres et autres conflits.
En deuxième lieu nous avons la protection des droits
de l'homme, défi à relever par tous les Etats, qui, même
après avoir signé les instruments internationaux de promotion et
de protection des droits humains s'illustrent souvent dans leur transgression
de façon incessante. Il est clair et net à ce jour, que l'Etat
qui s'investi dans la promotion et la protection des droits de l'homme
réduit sensiblement la survenance de leur contravention et facilite
ainsi leur consolidation dans l'imaginaire populaire.
En dernier lieu, la commission ajoute la promotion du
développement socio-économique et la répartition
équitable des ressources. Le développement d'un pays, et surtout
le niveau de vie de sa population contribue à l'éclatement des
conflits et des crises, surtout lorsque les plus pauvres, les sont injustement
au profit d'une poignée de riches. La République
Démocratique du Congo a été classée
168ième pays sur 169 dans le tout dernier rapport du PNUD sur
l'indice du développement humain, on comprend dès lors pourquoi
les pays a connu une litanie de conflits depuis 1996 ! D'un autre
coté, s'agissant toujours de la répartition inégale des
ressources, le rôle des puissances occidentales à économie
de marché et des multinationales pétrolières sur le
continent africain ne peut être écarté de l'équation
de la prévention99(*).
En bref, la prévention au niveau des causes profondes
du conflit comporte plusieurs aspects, il peut s'agir du traitement des besoins
et carences politiques, ce qui implique la création de capacités
et d'institutions démocratiques. La prévention peut
désigner le traitement des privations et inégalités des
chances économiques ou encore le renforcement et la protection des
institutions juridiques, et enfin le lancement des reformes qui s'imposent dans
le secteur militaire et les autres services de sécurité de
l'Etat100(*).
En définitive, l'Etat a la première
responsabilité dans la prévention au niveau des causes profondes
des crises humanitaires, qu'elles soient les conséquences des conflits
ou catastrophes humanitaires, l'Etat doit s'approprier des mécanismes
tels que ceux proposés par la commission pour lutter
véritablement en amont contre la commission des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité et des crimes de génocide, car ceux-ci
sont souvent les produits de l'injustice, de la pauvreté, de la
répression du pouvoir, et la répartition inégale des
ressources.
Mais la prévention des conflits n'est pas une affaire
strictement nationale ou locale. La communauté internationale doit
s'engager résolument à accompagner les Etats dans la
prévention des causes profondes des conflits. Le défaut de
prévention peut avoir de vastes répercussions et des coûts
importants à l'échelle internationale. Selon la Commission
Carnegie pour la prévention des conflits meurtriers, la
communauté internationale a consacré dans les années 90
près de 200 milliards de dollars à la gestion des conflits dans
le cadre de sept interventions majeures (Bosnie-Herzégovine, Somalie,
Rwanda, Haïti, golfe Persique, Cambodge et El Salvador), mais aurait pu
économiser 130 milliards de dollars si elle avait opté pour une
approche préventive plus efficace101(*).
Par ailleurs, la réussite de la prévention
nécessite souvent un appui résolu de la communauté
internationale. Cet appui peut prendre diverses formes. Il peut consister en
une aide au développement et en d'autres actions susceptibles de
contribuer à éliminer les causes profondes d'un conflit
potentiel; il peut s'agir d'un soutien aux initiatives prises localement pour
promouvoir la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme ou
l'état de droit; ou il peut prendre la forme de missions de bons
offices, d'efforts de médiation et d'autres actions destinées
à favoriser le dialogue ou la réconciliation. Dans certains cas,
l'appui international aux efforts de prévention peut prendre la forme de
mesures d'incitation; dans d'autres, il peut s'agir du recours à des
mesures contraignantes, voire punitives102(*).
B. La prévention au
niveau des causes directes des conflits
La prévention au niveau des causes directes des
conflits comporte une gamme de mesures politico-diplomatique,
économique, juridique et militaire qui ont la caractéristique
essentielle et commune de chercher à écarter absolument toute
nécessité de recourir à des mesures directement
coercitives à l'encontre d'un Etat, même si ce dernier est
réticent à coopérer. Ce qui est plus en jeu ici, c'est le
fugace lapse de temps que l'on dispose pour atteindre les résultats
escomptés, il s'agit en clair de faire vite et bien pour éviter
le pire. D'où la nécessité des mécanismes
précis et efficaces et de la doigté de la part des acteurs.
Les mesures de prévention directe d'ordre
politico-diplomatique comportent notamment l'intervention directe du
Secrétaire Général de l'ONU, ainsi que les missions
d'établissement des faits, les efforts des commissions de
personnalités éminentes, le dialogue et la médiation par
le biais des bons offices, les appels internationaux et les ateliers de
dialogue et de résolution des problèmes dans le cadre d'une
seconde filière non officielle. En d'échec de ces mesures, la
prévention directe d'ordre politico-diplomatique peut aller
jusqu'à la menace ou l'imposition des sanctions politiques, l'isolement
diplomatique, la suspension de la participation aux travaux de certaines
organisations, les restrictions frappant les avoirs de certaines personnes,
l'opprobre jeté sur des personnes ou des instances
désignées nommément, ou des mesures de même
type103(*).
Les mesures de prévention directe d'ordre
économique peuvent comporter des incitations aussi bien positives que
négatives. Parmi les incitations positives, on peut citer la promesse de
financements ou d'investissements nouveaux ou de conditions commerciales plus
favorables. Une distinction s'impose ici entre, d'une part, les programmes
ordinaires d'aide au développement et d'assistance humanitaire et,
d'autre part, les programmes mis en oeuvre à titre préventif ou
pour consolider la paix et éviter que des problèmes
n'entraînent la reprise d'un conflit violent. Il faut s'attacher tout
particulièrement à faire en sorte que cette assistance contribue
à prévenir ou atténuer les sources de conflit au lieu de
les exacerber. Les efforts de prévention directe d'ordre
économique peuvent aussi avoir un caractère plus coercitif et
prendre la forme, notamment, de menaces de sanctions commerciales et
financières; d'un retrait des investissements; de menaces de retrait du
soutien du FMI ou de la Banque mondiale; et d'une annulation de l'aide et
d'autres formes d'assistance104(*).
Nous avons aussi une palette de mesures de prévention
directe d'ordre juridique. Parmi elles, on cite les offres de médiation
et d'arbitrage, voire de règlement, et le déploiement
d'observateurs chargés de surveiller le respect des normes relatives aux
droits de l'homme et d'aider à rassurer les communautés ou
groupes qui s'estiment en danger.
La menace d'adoption ou d'application effective de sanctions
juridiques internationales est devenue ces dernières années un
nouvel élément important de la panoplie des outils de la
prévention internationale. La création des tribunaux
pénaux et spéciaux internationaux comme ceux de l'ex-Yougoslavie,
du Rwanda, de la Sierra Leone, du Timor Orientale, et tout récemment
celui du Liban, mais aussi la création et la mise en place effective de
la cour pénale internationale constituent des précieux moyens de
dissuasion qui amèneront les éventuels auteurs des crimes
à réfléchir davantage aux risques de sanctions
internationale qu'ils courent105(*), et ainsi à prévenir la
perpétration d'autres crimes relevant de la responsabilité de
protéger surtout dans les pays post-conflit. Nous y reviendrons en long
et en large dans la deuxième partie de notre étude sur la
nécessité de la création d'un tribunal spécial pour
la RDC.
Concernant les mesures de prévention directe d'ordre
militaire, la commission note qu'elles sont plus limitées, mais il
importe néanmoins de les mentionner. Elles peuvent prendre la forme
d'opérations de reconnaissance à distance, et en particulier,
d'un déploiement préventif consensuel, dont l'exemple le plus
évident, et le plus réussi à ce jour, est celui de la
force de déploiement préventif des nations unies en
Macédoine (FORDEPRENUE). Dans les cas extrêmes, la
prévention peut aller jusqu'à la menace de l'emploi de la
force106(*).
La commission précise que le passage d'une
prévention à caractère incitatif à des mesures plus
intrusives et contraignantes doit être fait avec tout le sérieux
possible, parce qu'il a des implications majeures. Etant donné aussi que
les Etats sont très réticents à toute mesure
préventive ayant un aval international, en craignant que toute
internationalisation du problème n'aboutisse à un surcroit
d'ingérence. Il faut pour cela que les décideurs internationaux
soient très attentifs et sensibles à cette réticence afin
de clarifier autant que possible toute mesure, et de commencer par les moins
intrusives. Au demeurant, l'Etat qui s'oppose à l'offre
extérieure doit savoir qu'il s'expose à des risques
d'ingérence, et à l'application de mesures plus coercitives, et
dans le cas extrême d'intervention militaire107(*).
Les activités de prévention doivent se
dérouler sous une coordination bien définie, et pour ce faire, la
stratégie proposée par la commission Carnegie est
entérinée par la CIISE. Cette stratégie consiste en la
désignation d'un chef de fil chargé de gérer la
prévention à intervenants multiples, et d'éviter que cette
gestion ne soit assurée par un comité, avec toutes les
incohérences stratégiques que cela implique. Il importe
d'être en mesure d'intégrer des projets de développement
à impact rapide dans les initiatives diplomatiques. La commission
propose aussi ardemment que l'on crée pour les besoins de la cause une
réserve de fonds pour le développement qui ne soit pas assortie
de restrictions et que des tiers puissent utiliser dans un délai
très court - ce qui n'existe pas à l'heure actuelle à
l'ONU et constitue depuis longtemps une contrainte majeure pour les
médiateurs désireux d'amadouer les parties à un
différend et de mettre en place des mesures propres à renforcer
la confiance, aussi rudimentaires soient-elles.
La prévention des conflits doit être
intégrée aux politiques, à la planification et aux
programmes, aux échelons national, régional et international. Et,
la communauté internationale doit consacrer plus d'énergie, plus
de ressources, plus de compétences et plus de détermination
à la prévention.
Une intervention militaire ne doit être
envisagée que lorsque la prévention échoue, et le meilleur
moyen d'éviter l'intervention est donc de faire en sorte qu'elle
n'échoue pas. Le plus important au delà des détails
concrets est qu'il faut de la part de la communauté internationale un
changement fondamental d'état d'esprit, un passage d'une
« culture de la réaction » à une
« culture de la prévention108(*) ».
L'heure est venue pour nous tous d'assumer la
responsabilité concrète, d'éviter les pertes inutiles en
vies humaines et d'être prêts à agir à l'heure de la
prévention, et pas seulement après la catastrophe.
C. Mécanisme
d'alerte rapide
A ce jour, l'alerte rapide déclenché en cas de
menace de conflit meurtrier relève essentiellement d'une démarche
ad hoc et non structurée. Cette carence a conduit à la
création des ONG tel que « International Crisis
Group » qui surveillent des régions du monde où des
conflits semblent en gestation et informent sur ce qui s'y passe; et elles
s'emploient très activement à alerter les gouvernements et les
médias si elles estiment qu'une action préventive s'impose
d'urgence. Leur action est complétée par les moyens de
surveillance et d'établissement de rapports dont disposent des
organisations internationales et nationales de défense des droits de
l'homme telles qu'Amnesty International (AI), Human Rights Watch (HRW) et la
Fédération internationale des ligues des droits de l'homme
(FIDH).
Pour remédier à ce problème, la
commission, emboitant le pas du Groupe d'étude sur les opérations
de paix de l'organisation des nations unies, propose la mise en place d'un
système d'alerte rapide qui sera centralisé au siège de
l'ONU, particulièrement sous le contrôle du secrétariat
général. Il sera donc créé un service,
composé d'un petit ombre d'experts formés à la
prévention des conflits, relevant du secrétariat
général, qui va centraliser et traiter les données venant
de plusieurs sources, et prévenir ainsi des conflits violents
susceptibles de provoquer des violations massives des droits de l'homme, voire
des génocides109(*).
La mise en place de ce service requiert une participation
active des intervenants régionaux, qui ont une connaissance approfondie
de la situation locale. Les conflits en gestation partagent certes un certain
nombre de caractéristiques communes, mais chacun d'entre eux
possède aussi, sous une forme ou une autre, des traits qui lui sont
propres. Les intervenants régionaux sont souvent mieux placés
pour comprendre la dynamique locale, encore que cela n'aille pas sans
inconvénients, d'autant plus qu'ils ne sont souvent pas
indifférents à l'issue d'un conflit meurtrier. La Commission
recommande de mettre davantage de ressources au service des initiatives
régionales et sous-régionales de prévention des conflits,
ainsi que pour favoriser la réaction de capacités propres
à améliorer l'efficacité des organisations
régionales et sous-régionales dans les domaines du maintien de la
paix, de l'imposition de la paix et de l'intervention110(*).
§.2. La responsabilité de réagir
Après la carotte, il faut le bâton,
c'est-à-dire qu'après avoir épuisé tous les moyens
préventifs si un Etat ne peut pas ou ne veut pas, redresser la
situation, des mesures interventionnistes de la part d'autres membres de la
communauté des Etats dans son ensemble peuvent s'avérer
nécessaires. Ces mesures peuvent être d'ordre politique,
économique, judiciaire et dans les cas extrêmes - mais seulement
dans les cas extrêmes - elles peuvent comprendre une action militaire.
L'on comprend que l'action militaire est le dernier des
recours, et d'autres mesures autre que l'intervention militaire, peuvent
être mises en oeuvre.
A. Mesures autres que
l'action militaire
L'échec des mesures préventives n'entraine pas
automatiquement une intervention militaire, il est important et
nécessaire de réagir par des mesures coercitives constitutives
des sanctions d'ordre politique, économique et militaire.
Il s'agit des sanctions qui limitent la capacité de
l'Etat visé dans ses interactions avec le monde extérieur sans
l'empêcher physiquement d'agir à l'intérieur de ses
frontières, et elles ont pour but de persuader les autorités de
l'Etat en question d'agir - ou de s'abstenir d'agir - de telle ou telle autre
manière.
Ces sanctions doivent être maniées avec beaucoup
de soins pour éviter que les populations qui sont censées
être protégées soient touchées par les
conséquences de ces mesures.
Voici les sanctions qui peuvent être prises au niveau de
la communauté internationale111(*).
Sur le plan militaire :
o Les embargos sur la vente de matériel militaire et de
pièces de rechange ;
o L'interruption de la coopération militaire et des
programmes d'entrainement.
Sur le plan économique :
o Les sanctions financières visant les avoirs
étrangers d'un pays, d'un mouvement rebelle ou d'une organisation
terroriste, ou d'un dirigeant bien déterminé ;
o Les restrictions frappant les activités lucratives
touchant par exemple le pétrole, le diamant, le bois, les drogues,
étant entendu que ces produits sont souvent la principale motivation des
conflits ;
o L'interdiction des liaisons aériennes à
destination ou à provenance d'un lieu donné.
Sur le plan politico-diplomatique :
o Les restrictions touchant la représentation
diplomatique notamment l'expulsion du personnel diplomatique ;
o Les restrictions sur les déplacements des dirigeants
politiques des mouvements rebelles dans le monde ;
o La suspension de la participation, l'expulsion ou encore le
refus d'admission dans une organisation internationale et l'interruption de la
coopération technique ou financière offerte par ces
organismes.
Toutes ces mesures sont censées prouver la bonne foi de
la communauté internationale qui s'abstient jusqu'à
l'extrême de mener une action militaire, ce qui peut dissiper tout
malentendu sur les motifs et les intentions des décideurs au moment du
lancement d'une action militaire, mais aussi attirer l'attention de l'Etat
concerné sur le risque d'une intervention militaire auquel il s'expose
si il s'entête ou reste réticent à toute intervention
extérieure.
B. L'intervention
militaire
Lancer une intervention militaire étant une mesure
extrême, elle doit être prise dans des conditions et circonstances
bien définies. D'où l'importance de spécifier les
critères sur base desquels on peut lancer une telle action.
La commission note six critères qui peuvent donner lieu
à une intervention militaire, à savoir : l'autorité
appropriée, la juste cause, la bonne intention, le dernier recours, la
proportionnalité des moyens et des perspectives raisonnables. Ces
critères, faut-il l'indiquer, ne constituent guère une
nouveauté en soi ; ils se sont cristallisés au fil des
siècles, sous des formes différentes, jusqu'à leur
imbrication en tant que noyau dur de la tradition de la guerre juste112(*).La méthode de la
CIISE se veut donc une transposition quasi-intégrale de ces
prérequis de la guerre juste à l'intervention humanitaire,
maintenant une balance entre les aspects moraux, légaux et
politiques113(*).
La question de l'autorité compétente pour
décider d'une intervention militaire est traitée dans la
deuxième section de ce chapitre, nous allons ici nous atteler à
analyser les cinq autres critères, en sachant que le critère le
plus important et le plus décisif est celui de la juste cause, tandis
que les quatre sont appelés critères de précaution.
1. La juste cause
L'intervention militaire à des fins de protection
humaine étant considérée comme une mesure exceptionnelle
et extraordinaire nécessite pour qu'elle soit justifiée, un
préjudice grave et irréparable touchant des êtres humains
qui se commet ou risque de se commettre114(*). Walzer, l'un des théoriciens à qui
l'on doit la résurgence de la doctrine de la guerre juste, estimait que
seuls, la destruction imminente ou effective d'une communauté politique
et les actes qui « choquent la conscience morale de l'humanité
» peuvent donner lieu à l'intervention étrangère et,
ipso facto, constituer une exception au paradigme
légaliste115(*).
La commission prône comme critère
décisif pour cela la « juste cause ». Celle-ci est
en effet atteinte lorsque l'une des deux conditions suivantes est remplie
à savoir :
a) des pertes considérables en vies humaines,
effectives ou appréhendées, qu'il y ait ou non intention
génocidaire, qui résultent soit de l'action
délibérée de l'État, soit de sa négligence
ou de son incapacité à agir, soit encore d'une défaillance
dont il est responsable; ou
b) un « nettoyage ethnique » à
grande échelle, effectif ou appréhendé, qu'il soit
perpétré par des tueries, l'expulsion forcée, la terreur
ou le viol116(*).
La commission poursuit en précisant qu'est-ce qu'elle
entend concrètement inclure comme situation ou faits entrant dans ces
deux conditions :
Ø Lorsque des pertes considérables en vies
humaines sont en train, ou risquent, de se produire;
Ø La menace ou la réalité de pertes
considérables en vies humaines, qu'elles soient ou non le
résultat d'une intention génocidaire et qu'elles impliquent ou
non des actes d'un État;
Ø Différentes manifestations de «
nettoyage ethnique », notamment l'assassinat systématique des
membres d'un groupe particulier en vue de réduire ou d'éliminer
sa présence dans une zone déterminée; le
déplacement physique systématique des membres d'un groupe
particulier hors d'une zone géographique donnée; les actes de
terreur visant à forcer une population à fuir; et le viol
systématique, à des fins politiques, de femmes appartenant
à un groupe particulier (que ce soit en tant que forme
supplémentaire de terrorisme ou en tant que moyen de modifier la
composition ethnique de ce groupe);
Ø Les crimes contre l'humanité et les
violations du droit de la guerre, tels qu'ils sont définis dans les
Conventions de Genève, dans les Protocoles additionnels s'y rapportant
et ailleurs, qui donnent lieu à des tueries ou à un nettoyage
ethnique à grande échelle;
Ø Les cas d'effondrement de l'État qui
laissent la population massivement exposée à la famine et/ou
à la guerre civile; et La responsabilité de protéger
37
Ø Les catastrophes naturelles ou écologiques
extraordinaires, lorsque l'État concerné ne peut pas, ou ne veut
pas, y faire face ou demander de l'aide, et que d'importantes pertes en vies
humaines se produisent ou risquent de se produire117(*).
Comme on peut le constater, la commission a tenu autant que
faire se peut à définir le seuil de la juste cause de
façon très claire et limpide en vue de lever toute
équivoque et d'éviter toute ambigüité. Seules les
circonstances énumérées ci-haut peuvent être
considérées comme extrêmement graves pour admettre une
action militaire, même si nous verrons dans le chapitre suivant que les
circonstances circonscrites par la commission e sont si précises en
elles-mêmes.
Elle explique cet effort par le souci d'écarter
certaines situations qui peuvent être proches, mais ne peut justifier une
intervention militaire.
Premièrement la commission a écarté comme
motif d'intervention militaire les violations des droits de l'homme qui, bien
que graves ne vont pas jusqu'au meurtre à grande échelle. Nous
avons comme illustration des violations des droits de l'homme la discrimination
raciale systématique, l'emprisonnement systématique ou d'autres
formes de répression politique des opposants. Pour ces violations, la
commission préconise des sanctions d'ordre politique, économique
et militaire, mais elles ne peuvent justifier selon la commission une
intervention militaire118(*).
Cette position de la commission nous semble très
critiquable, parce que les violations massives des droits de l'homme couvent
toujours dans les régimes ou règnent de grandes injustices telle
que la discrimination raciale ou ethnique ou encore un régime
d'oppression qui musèle l'opposition. Il eut été
préférable, de notre point de vue, de ne pas exclure
catégoriquement la possibilité d'une intervention militaire,
parce qu'un Etat peut organiser ces injustices et discrimination et rester
implacable à tout effort extérieur de changer la situation, comme
c'est le cas en Birmanie.
Deuxièmement la commission exclut des interventions
militaires telle que décrites dans son rapport, des situations de
renversement des régimes démocratiques. Elle précise que
dans ce genre de situations, le conseil de sécurité peut
envisager une action militaire, à travers les organisations
régionales, après avoir tenté d'autres mesures non
militaires. Et le gouvernement renversé peut aussi demander une aide
militaire en invoquant l'article 51 de la charte, ce qui peut lui être
fournit119(*).
Troisièmement, les actions militaires entreprises par
un Etat en vue de protéger ses ressortissants sur un territoire
étranger ou de riposter à des attaques terroristes sont exclues
des actions visées par la commission. La commission estime que cette
question est parfaitement couverte par le droit international en vigueur,
précisément par l'article 51, et par les dispositions
générales du chapitre VII de la charte des nations
unies120(*).
- La preuve de l'atteinte du seuil de la juste
cause
Les situations nécessitant une intervention militaire
peuvent être perceptibles par tout le monde. Mais il demeure vital de
déterminer au delà de tout doute raisonnable si les
évènements satisfont aux critères à remplir, parce
que souvent on est confronté malgré la sacralité des faits
à des versions multiples et contradictoires, présentées
souvent dans le but de désorienter ou de tromper l'opinion. Dans ces cas
obtenir une information objective et précise est une tâche
difficile mais essentielle.
Le problème serait résolu s'il existait un
organisme universel, impartial et respecté chargé de signaler la
gravité de la situation et de démontrer l'incapacité ou le
refus de l'Etat concerné d'agir. Le CICR a été
proposé mais pour des raisons évidentes, il a refusé
d'assumer un rôle de ce type121(*). Vu la carence institutionnelle, selon la
commission, il est essentiel de tenir compte des rapports de certains
organismes crédibles tel que le Haut Commissariat des nations unies aux
droits de l'homme, le Haut Commissariat des nations unies aux
réfugiés ainsi que d'autres ONG crédibles en la
matière.
La commission note avec beaucoup d'insistance le rôle
moteur que peut jouer le secrétaire général sur base de
l'article 99 qui lui permet d'attirer l'attention du conseil de
sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait
mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Il s'agit là d'un pouvoir qui pourrait avoir une
influence extrêmement importante, mais qui est jusqu'ici « sous
utilisé122(*) ».
2. La bonne intention
Ce critère veut que toute intervention militaire soit
motivée par le but primordial de faire cesser ou d'éviter des
souffrances humaines. Ainsi l'emploi de la force ne peut viser dès le
départ la modification des frontières, la promotion d'une
revendication d'autodétermination ou encore le reversement pur et simple
d'un régime en place.
Pour cristalliser le critère de bonne intention, la
commission prône des interventions collectives, la détermination
du soutien de la population à l'intervention, et l'opinion des pays de
la région à ladite intervention123(*).
Etat donné que le désintéressement
total relève de l'idéal, mais pas toujours de la
réalité, c'est à une combinaison de motivations, dans les
relations internationales comme partout ailleurs, qu'il faudra s'attendre. Vu
aussi le coût et les risques d'une intervention militaire, l'Etat peut
être contraint politiquement de justifier son intervention en
prétendant agir dans son propre intérêt. Cet
intérêt propre peut prendre selon la commission, la forme d'une
volonté d'éviter que ne s'installent dans le voisinage des
réfugiés en nombre excessif, des trafiquants des drogues ou des
terroristes124(*).
En fait il est impossible dans l'état actuel des
relations internationales de faire preuve d'une bonne intention qui soit exempt
de toute dartre ; si c'était le cas les interventions à des
fins de protection humaine seraient fort nombreuses, car dans le monde, rares
sont les Etats qui respectent scrupuleusement les droits de l'homme, et c'est
chaque jour que l'on commet dans un coin du monde mille barbaries, et en
général aucun Etat ne songe à les faires cesser125(*). Il faut donc que les Etats
recherchent à tout prix à éviter les confusions, les zones
d'ombre et les demi-mesures, et se prononcer de façon très claire
sur leur position et agir toujours en collégialité. Il faut aussi
préciser pour les Etats et peuples réticents qu'étant
donné l'interdépendance des Etats avec la mondialisation, il est
important de soutenir une collaboration entre les Etats pour régler les
problèmes qui peuvent entrainer des courants de refugiés, des
pandémies, une criminalité organisée, etc.
Au demeurant, en préconisant le
multilatéralisme dans l'action, et en suggérant d'obtenir l'appui
des populations visées, ainsi que celui des pays de la région
touchée, la commission limite les interventions basées sur les
mauvaises intentions et réduit les probabilités d'actions
entreprises individuellement dans une perspective de domination126(*).
3. Le dernier recours
Avant de penser à une coercition militaire dans la
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger, toutes les voies
diplomatiques et non militaires de prévention ou de règlement
pacifique des crises humanitaires doivent avoir été
explorées et épuisées. Ce qui revient à dire que
l'intervention ne saurait être justifiée tant que la
responsabilité de prévenir n'a pas été pleinement
accomplie127(*).
Il faut donc passer au peigne fin toute la palette de
mesures préventives ainsi que toute la gamme d'action autres que
militaires et constater leur échec avant de se lancer tête
baissée dans une action militaire directe.
4. La proportionnalité des moyens
L'intervention doit employer des moyens proportionnels
à l'objectif humanitaire poursuivi. Ainsi par sa durée, son
ampleur et son intensité, l'intervention doit être limitée
à ce qui est strictement nécessaire pour réaliser le but
de l'intervention128(*).
Les interventions à des fins de protection humaine
doivent être menées dans le strict respect des règles du
droit international humanitaire, et éviter d'aggraver la situation ou
d'avoir des répercussions non escomptées sur l'Etat objet de
l'intervention.
5. Les perspectives raisonnables
Une coercition militaire doit avoir la possibilité de
réussir, c'est-à-dire de faire cesser ou d'éviter les
atrocités ou souffrances qui l'ont motivé, de façon
raisonnable. A l'opposé, l'intervention militaire perd tout son sens et
ne saurait être justifiée si elle n'assure pas effectivement la
protection voulue, ou si elle aboutit à des conséquences pires
que celles de l'inaction, surtout si elle déclenche un conflit plus
vaste.
L'application de ce principe de précaution risque
fort, pour des raisons purement utilitaires, d'exclure toute action militaire
contre l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité,
même si toutes les autres conditions de l'intervention décrites
plus haut sont réunies. On peut difficilement imaginer qu'un grand
conflit puisse être évité ou que l'on réussisse
à atteindre l'objectif initial si l'action militaire est engagée
contre l'un d'entre eux. Il en va de même pour d'autres grandes
puissances qui ne sont pas des membres permanents du Conseil de
sécurité. Cette réalité pose de nouveau le
problème d'un système à « deux poids deux mesures
», mais la position de la Commission à ce sujet, est que le fait
qu'on ne puisse pas intervenir dans tous les cas où une intervention se
justifie ne justifie pas que l'on n'intervienne dans aucun cas129(*).
§.3. La responsabilité de reconstruire
La responsabilité de réagir doit ipso facto
s'accompagner de la responsabilité de reconstruire, telle est le voeu de
la commission et le troisième palier de la responsabilité de
protéger. Il faut donc établir une stratégie
post-intervention, afin de mieux consolider et garantir la paix
« peace bulding130(*) » après les conflits et d'assurer
une véritable réconciliation et de relancer le
développement du pays. L'objectif ici est d'empêcher que ne
réapparaissent les facteurs qui ont suscité l'intervention
militaire. Pour réussir le pari de la reconstruction la commission
propose de travailler sur trois domaines majeurs sur lesquels les efforts
doivent se concentrer, il s'agit de la sécurité, de la justice,
et du développement.
C'est là un processus dynamique, à l'instar
d'une courroie de transmission, au sein duquel les efforts et les
investissements engagés dans la reconstruction d'un pays, dans ses
dimensions politiques, sécuritaire, économique et sociale sont
autant de maillons qu'il s'agit de connecter les uns aux autres afin d'assurer
le bon déroulement et le succès de l'ensemble : un maillon
manquant ou faible risquant de bloquer le fonctionnement de l'ensemble de
manière à mener à l'impasse ou à la
rechute131(*).
A. La
sécurité
L'une des fonctions essentielles d'une intervention
étant la sécurité de la population, il est essentiel de
prévoir cette protection même après le conflit à
tous les membres de la population indépendamment de leur appartenance
politique ou origine ethnique, car assez souvent les situations post-conflits
sont caractérisées par de massacres perpétrés en
représailles, voire d'un nettoyage ethnique, parce que les groupes
victimes peuvent s'en prendre à ceux qui étaient alliés
à leurs anciens oppresseurs comme ce fut le cas au Rwanda132(*).
La sécurité englobe aussi la question du
désarmement, de la démobilisation, et de réinsertion des
combattants des différents groupes armés. Il est donc important
de prévoir ce programme dès le départ de l'intervention
à des fins de protection humaine. La reconstitution de l'armée et
de la police nationales doit se faire avec beaucoup de soins, surtout parce
qu'elles doivent intégrer des combattants des anciennes forces
militaires rivales. Ce processus est important parce qu'il contribue
efficacement à la réconciliation nationale133(*). Les donateurs et
décideurs internationaux doivent veiller à ce qu'il y ait des
fonds suffisants pour former après l'intervention les nouvelles forces
de l'armée et de la police, mais aussi des officiers militaires et de
police pour servir des formateurs aux forces locales.
Le dernier aspect de la sécurité est lié
au désengagement des troupes d'intervention qui doit être
planifié préalablement à l'intervention134(*). Le problème est
très capital parce que tout désengagement non planifié ou
mené dans la précipitation, peut avoir des conséquences
désastreuses et peut au bout du compte discréditer les aspects
positifs de l'intervention.
B. La justice et la
réconciliation
L'organisation d'un système judiciaire efficace est une
condition sine qua non pour compléter le but de l'intervention. En
effet, si une force d'intervention a pour mission de protéger les
populations contre de nouvelles violations des droits de l'homme mais qu'il
n'existe aucun système en état de fonctionnement pour traduire
les coupables en justice, non seulement la mission de la force est de ce point
de vue irréalisable, mais l'ensemble de l'opération risque de
perdre en crédibilité tant sur place qu'au plan
international135(*). Les
décideurs internationaux doivent donc veiller à ce que la reforme
de la justice, et la dotation à celle-ci de tous moyes humains et
matériels nécessaires à son bon fonctionnement en vue de
poursuivre les coupables des crimes soient effectives. Sinon la
réconciliation nationale reste un vain slogan.
Une question connexe liée à la justice et
à la réconciliation concerne le retour des
réfugiés, des déplacés, et les droits légaux
des rapatriés originaires des minorités ethniques ou autres. Ces
derniers ne sont pas toujours traités sur le même piédestal
que les autres en ce qui concerne la prestation des services de base, l'aide au
rapatriement, les pratiques d'embauche et les droits de
propriété. Des sérieux problèmes se posent
lorsqu'ils doivent expulser des occupants temporaires de leurs
propriétés, encore que ceux-ci peuvent aussi être
réfugiés, ou encore lorsqu'ils veulent recouvrer leurs biens. A
cela il faut ajouter les obstacles bureaucratiques ou administratifs, qui
compliquent d'avantage la situation136(*).
Il faut pour remédier à cela, selon la
commission, supprimer les complications bureaucratiques et administratives sur
le retour des uns et des autres, mettre un terme à l'impunité des
criminels de guerre connus ou présumés, et adopter des lois no
discriminatoire en matière de propriété. Au lieu
d'expulser encore, il vaut mieux agrandir notablement le parc immobilier selon
des projets bien conçus qui doivent être pris en compte par les
donateurs et décideurs internationaux.
C. Le
développement
Le développement constitue l'épine dorsale de
l'indépendance et de la stabilité d'un Etat. C'est pourquoi toute
intervention devrait se donner pour finalité, en matière de
consolidation de la paix, de promouvoir autant que faire se peut la croissance
économique, la renaissance des marchés et le développement
durable.
Les autorités (internationales) intervenantes sont
tenues d'oeuvrer pour le transfert des projets de développement aux
acteurs et dirigeants locaux, et de veiller au financement de ces projets.
Cette démarche est très importante car si les combattants
prennent vite conscience des choix et des possibilités qui s'offrent
à eux, et si la communauté a rapidement des preuves
concrètes que la vie civile peut effectivement retrouver son cours
normal dans des conditions de sécurité, leur réaction sera
d'autant plus positive sur la question du désarmement et les questions
connexes137(*). En
clair, les intervenants doivent tout mettre en oeuvre pour relancer
l'économie de l'Etat concerné. Ils doivent pour cela travailler
avec les autorités locales et une coordination des efforts des ONG qui
peuvent apporter une contribution non négligeable en la matière.
Il faut pour cela une planification préalable et un financement
certain.
Notons que les dispositions du chapitre XII de la charte de
l'ONU confortent les propos de la commission à ce sujet. La disposition
pertinente à cet égard est l'article 76, où il est
noté que le but du système est de favoriser le progrès
politique, économique et social des populations du territoire
considéré ; d'encourager le respect des droits de
l'homme ; d'assurer l'égalité de traitement dans le domaine
social, économique et commercial à tous les peuples ; et
d'assurer également l'égalité de traitement dans
l'administration de la justice.
Au sujet de l'autodétermination, la commission
précise que fondamentalement, la responsabilité de
protéger est un principe conçu pour réagir à des
menaces à la vie humaine, et non un instrument servant à
réaliser des objectifs politiques tels que l'autonomie politique accrue,
l'autodétermination ou l'indépendance de groupes particuliers
dans le pays concerné. L'intervention elle-même ne doit pas servir
de base à de nouvelles revendications séparatistes138(*).
Néanmoins, la mise en oeuvre de la protection signifie
généralement le soutien ou le rétablissement d'une forme
ou une autre d'auto-administration et d'autonomie territoriale, ce qui signifie
aussi généralement que des élections soient
facilitées et éventuellement supervisées, ou tout au mois
surveillées, par les autorités intervenantes.
D. Les aspects
négatifs d'une intervention prolongée
Une intervention efficace et réussie doit se
dérouler dans un court laps de temps et éviter de
s'éterniser, car une intervention prolongée peut comporter
plusieurs aspects négatifs liés à la souveraineté
de l'Etat défaillant, à la dépendance, et aux distorsions,
ce qui nécessite une maitrise locale.
Au sujet de la souveraineté, des problèmes se
posent inévitablement dès qu'une puissance extérieure
maintient sa présence dans un pays en crise après y être
intervenue, parce qu'une intervention suspend les revendications de
souveraineté dans la mesure où la bonne gouvernance - ainsi que
la paix et la stabilité - ne saurait être rétablie sans que
l'intervenant exerce son autorité sur le territoire. Mais il ne s'agit
que d'une suspension de facto pour la durée de l'intervention et la
période qui suit et non de jure. L'intervention militaire signifie qu'on
s'efforce de soutenir des formes de gouvernement compatibles avec la
souveraineté de l'Etat où l'opération a eu lieu, et non de
compromettre sa souveraineté139(*).
Un autre aspect négatif concerne la dépendance
que peut créer la longue période d'intervention entre l'Etat
défaillant et les Etat intervenants, ainsi que la lourde charge
financière et matérielle pour ces derniers. Bien qu'étant
les pays les plus riches parmi les pays développés une
présence sans lumière au bout du tunnel peut contribuer pour
beaucoup à dissuader ces pays d'assumer par la suite leur
responsabilité de protéger dans d'autres opérations, aussi
méritoires soient-elles. Pour résoudre ce problème, la
commission propose la maîtrise locale140(*). Les acteurs internationaux doivent créer un
environnement sûr et entamer le processus de reconstruction. Ils doivent
encore veiller à ne pas monopoliser la responsabilité politique
sur le terrain. Ce faisant, ils doivent s'employer à la
dévolution des pouvoirs aux communautés locales de façon
progressive, car le but à long terme des acteurs internationaux dans une
situation post-conflit est de tout faire pour que leur présence devienne
superflue.
Ainsi donc, comme l'intervention doit être rapide et
efficace, il est logique que l'autorité qui l'a déclenchée
puisse constater que la situation a évolué et ordonner la fin de
l'intervention. Il ne peut y avoir d'abrogation implicite, ni pour la
non-application, non-effectivité, ni par désuétude, ni par
constatation implicite que le but de l'action est atteint. Surtout lorsque le
Conseil de sécurité déclenche la mise en oeuvre du
principe de la responsabilité de protéger par une intervention,
il est le seul à constater que la situation ne justifie plus une
intervention141(*). Dans
l'hypothèse d'une intervention entreprise par une coalition ponctuelle
en dehors de l'ONU, les intervenants auront la charge de recherche
l'approbation postérieure du Conseil de sécurité, au cas
contraire ils devront se retirer expressément lorsque les tâches
liées à la phase reconstructive seront achevées.
Section 2. L'AUTORITE COMPETENTE POUR DECLENCHER LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER
La responsabilité de protéger comporte dans sa
phase réactionnelle la possibilité d'une intervention militaire.
Mais il est capital de se mettre d'accord sur l'autorité
appropriée pour déclencher ou autoriser l'intervention. La
commission tranche en estimant que le Conseil de Sécurité des
Nations Unies est l'autorité habilitée à décider
d'une intervention militaire dans un Etat défaillant. Pour soutenir sa
position, elle dégage les sources de cette autorité dans la
charte des nations unies, et précise ensuite le rôle majeur et la
responsabilité du conseil en la matière, avant de trouver un
détour dans l'hypothèse de l'inaction du conseil de
sécurité devant l'urgence et la nécessité.
§.1. Sources de l'autorité en vertu de la charte
des nations unies
L'article 2 paragraphe 4 interdit le recours à la
menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des nations unies. Le
paragraphe 7 du même article énonce les principes de non
intervention et de non ingérence dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat.
Deux exceptions majeures à ce principe sont
consacrées, premièrement par l'article 51 de la charte qui
reconnait le droit naturel de légitime défense individuelle ou
collective, dans le cas où un membre des Nations Unies est l'objet d'une
agression armée, étant entendu que le conseil de
sécurité doit être immédiatement avisé des
mesures prises. Ensuite, les dispositions du chapitre VII qui permettent au
Conseil de Sécurité de prendre des mesures coercitives qui
peuvent aller jusqu'à l'utilisation de la force lorsque le conseil
lui-même établit qu'il y a menace ou rupture de la paix et de la
sécurité internationales.
Nous avons aussi les dispositions du chapitre VIII qui
reconnaissent l'existence des organisations régionales et leur
rôle en matière de sécurité, mais elles stipulent
expressément qu'aucune action coercitive ne sera entreprise e vertu des
accords régionaux ou par des organismes régionaux sans
l'autorisation du conseil de sécurité. Il est intéressant
de noter, toutefois, que dans certains cas, cette autorisation a
été accordée après coup, comme ce fut le cas pour
l'approbation de l'intervention de l'ECOMOG au Libéria en 1992 et en
Sierra Leone en 1997142(*).
Les dispositions générales du chapitre VII,
l'autorisation expresse de légitime défense prévue
à l'article 51, et les dispositions du chapitre VIII, constituent
à elles trois une source d'autorité importante pour faire face
à tout type de menace à la sécurité. La question de
menace de la paix et de la sécurité internationales est donc
traitée dans l'organisation des Nations Unies.
De l'avis de la commission, l'Organisation des Nations Unies
est la principale institution compétente pour la constitution, la
consolidation et l'utilisation de l'autorité de la communauté
internationale. Elle a été créée pour être le
pilier de l'ordre et de la stabilité, le cadre dans lequel les membres
du système international négocient et s'accordent sur les
règles de conduite et les normes juridiques de comportement propres
à préserver la société des Etats.
Et dans cette organisation universelle, le Conseil de
sécurité a, en matière de paix et de
sécurité, une responsabilité principale mais non unique ou
exclusive. L'Article 10 confère à l'Assemblée
générale des Nations Unies une responsabilité
générale pour tout ce qui relève du domaine de
compétence de l'ONU, et l'Article 11 lui confère une
responsabilité subsidiaire en ce qui concerne précisément
le maintien de la paix et de la sécurité internationales, encore
qu'elle ne puisse faire que des recommandations, et non prendre des
décisions à caractère contraignant. La seule
réserve, destinée à empêcher une discordance entre
les deux principaux organes de l'ONU, est que le Conseil de
sécurité ne doit pas être en train d'examiner la question
au même moment (Article 12). À ces dispositions de la Charte, qui
peuvent servir de base à une action de l'Assemblée
générale, il convient d'ajouter la résolution
intitulée « Union pour le maintien de la paix » de 1950,
créant une procédure de session extraordinaire d'urgence qui a
été invoquée pour les opérations en Corée
cette année-là, puis en Égypte en 1956, puis au Congo en
1960. À l'évidence, même en l'absence d'un aval du Conseil
de sécurité, et même si l'Assemblée
générale n'a qu'un pouvoir de recommandation, une intervention
qui serait lancée avec le soutien des deux tiers des membres de
l'Assemblée générale bénéficierait
manifestement d'un puissant soutien moral et politique143(*).
Analysons à présent en détails la
responsabilité majeure qu'a le conseil de sécurité en
cette matière et les détours possibles en cas de son inaction.
§.2. La responsabilité du Conseil de
sécurité
La commission est absolument persuadé qu'il n'y a pas
de meilleur organe, ni de mieux placé, que le Conseil de
sécurité pour s'occuper des questions d'intervention militaire
à des fins humanitaires. La commission est donc convenue de ce qui
suit :
- L'autorisation du Conseil de sécurité doit
être dans tous les cas sollicitée avant d'entreprendre toute
action d'intervention militaire. Ceux qui préconisent une intervention
doivent demander officiellement cette autorisation, obtenir du Conseil qu'il
soulève cette question de son propre chef, ou obtenir du
Secrétaire général qu'il la soulève en vertu de
l'Article 99 de la Charte des Nations Unies; et
- Le Conseil de sécurité doit statuer
promptement sur toute demande d'autorisation d'intervenir s'il y a
allégations de pertes en vies humaines ou de nettoyage ethnique à
grande échelle; le Conseil devrait dans ce cadre procéder
à une vérification suffisante des faits ou de la situation sur le
terrain qui pourraient justifier une intervention militaire144(*).
Pour mieux étayer sa démonstration, la
commission analyse la capacité juridique du conseil de
sécurité, sa légitimité ainsi que la question du
veto, et sa volonté politique ainsi que les résultats
attendus.
A. Capacité
juridique
Sur le plan strictement juridique, le conseil de
sécurité tire sa capacité juridique de l'article 42 de la
charte. Cet article autorise le conseil de sécurité, lorsque les
mesures d'ordre non militaire s'avèrent inadéquates, à
décider toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au
rétablissement de la paix et de la sécurité
internationales.
Le conseil de sécurité possède sur pied
de cette disposition donc les pouvoirs nécessaires pour
déclencher une intervention militaire à des fins humanitaires
dans le cadre de la responsabilité de protéger. Ces pouvoirs ont
fait l'objet d'une interprétation stricte pendant la guerre froide mais,
depuis qu'elle a pris fin, le Conseil de sécurité a adopté
une conception très large de ce qui constitue « la paix et la
sécurité internationales » à cette fin et, dans la
pratique, une autorisation accordée par le Conseil de
sécurité a pratiquement toujours été
universellement considérée comme conférant une
légalité internationale à l'action à
entreprendre145(*).
B. Légitimité
et droit de veto
A côté de la question de la
légalité de l'action du conseil de sécurité, il se
pose constamment celle de la légitimité de ses décisions
car il s'agit d'un organisme regroupant 15 membres, qui ne peut se targuer
d'être représentatif des réalités du mode moderne
dans la mesure où il exclut du statut de membre permanent des pays
importants par leur taille et leur influence, en particulier en Afrique, en
Asie et en Amérique Latine. La commission confirme le
nécessité d'une reforme du conseil de sécurité,
consistant en particulier à élargir sa composition et à la
rendre de manière générale plus représentative, en
vue incontestablement de renforcer sa crédibilité et son
autorité, sans toutefois nécessairement faciliter son processus
décisionnel146(*).
La commission a aussi examiné la question du droit de
veto dont jouit chaque membre permanent du conseil de sécurité.
En effet, le Charte des Nations Unies a institutionnalisé un directoire
des Grands, eux-mêmes assurés par la détention du veto de
pouvoir paralyser les décisions du Conseil de sécurité
(art.23 §.3) et d'échapper à son emprise tout en
restant maîtres de son fonctionnement à l'égard des
autres147(*). D'aucuns
voient dans le recours ou la menace inconsidérée au droit de veto
probablement l'obstacle principal à une action internationale efficace,
lorsqu'une action rapide et décisive s'impose pour arrêter ou
éviter une crise humanitaire grave.
En guise de remède, la commission a approuvée la
proposition, à titre exploratoire, par un représentant de haut
rang d'un des cinq pays permanents du conseil de sécurité et qui
consisterait à amener les cinq membres permanents à convenir d'un
« code de conduite » pour le recours au droit de veto
contre des mesures qui sont nécessaires pour arrêter ou
éviter une dérive humanitaire. Il s'agit essentiellement de
décider qu'un membre permanent, lorsque les intérêts vitaux
de son pays ne sont pas censés être en jeu, n'exerce pas son droit
de veto pour empêcher l'adoption d'une résolution qui, autrement,
obtiendrait la majorité des voix. L'on a pu parler dans le passé
d'une « abstention constructive » dans ce contexte. Il n'est
guère réaliste de s'attendre à une quelconque modification
de la Charte dans un avenir rapproché en ce qui concerne le droit de
veto et sa répartition, mais l'adoption par les membres permanents, d'un
commun accord, d'une pratique plus formelle qui régirait ces situations
à l'avenir constitueraient une évolution très
positive148(*).
C. Volonté politique
et résultats
La Commission rappelle l'avertissement du Secrétaire
général : « Si la conscience collective de l'humanité
... ne peut trouver en l'Organisation des Nations Unies sa plus grande tribune,
alors il y a fort à craindre qu'elle recherche la paix et la justice
ailleurs ». Si le Conseil - ses cinq membres permanents, en particulier -
ne parvient pas à établir sa propre pertinence face aux enjeux
capitaux du moment, il y a tout lieu de s'attendre à ce qu'il perde de
son importance, de sa stature et de son autorité.
Il importe tout particulièrement de tout faire pour
encourager le Conseil de sécurité à exercer sa
responsabilité de protéger et non à y renoncer. Le Conseil
se doit donc, comme l'exige l'Article 24 de la Charte, d'intervenir promptement
et efficacement lorsque la paix et la sécurité internationales
sont directement en jeu. Et il se doit aussi de prendre la tête du
mouvement de manière claire et responsable, surtout lorsque des pertes
considérables en vies humaines sont en train - ou risquent - de se
produire, même en l'absence d'une menace directe et imminente contre la
paix et la séc149(*)urité internationales au sens strict.
L'ONU représente une école de pensée
selon laquelle le nationalisme sans entrave et les rapports de force à
l'état brut doivent faire l'objet d'un travail de médiation et de
modération dans un cadre international. Elle est le lieu où les
intérêts nationaux se fondent en un intérêt
international. Seule l'ONU peut autoriser une action militaire au nom de
l'ensemble de la communauté internationale, et non du petit nombre. Mais
elle ne dispose pas de ses propres forces militaires et de police, et une
coalition multinationale peut offrir une force militaire plus crédible
et efficace lorsqu'une action énergique est nécessaire et
justifiée. Ce dont on aura de plus en plus besoin à l'avenir, ce
sont des partenariats réunissant ceux qui peuvent, ceux qui veulent et
ceux qui sont bien intentionnés - et ceux qui sont dûment
autorisés150(*).
§.3. En cas d'inaction du Conseil de
sécurité
Le conseil de sécurité étant un organe
politique, les enjeux peuvent comme dit plus haut, amener l'un des cinq membres
permanents à opposer son veto contre une action militaire en vue de
secourir des populations menacées. Que faire dans cette
hypothèse ? La commission propose deux solutions, recourir à
l'assemblée générale dans le cadre de la procédure
officielle de l'union pour le maintien de la paix, ou recourir aux
organisations régionales et sous-régionales pour mener une
intervention contre un Etat membre.
A. L'assemblée
générale
En cas de blocage du conseil de sécurité, l'on
peut solliciter l'approbation de l'action militaire par l'Assemblée
générale réunie en session extraordinaire d'urgence dans
le cadre de la procédure officielle de « l'union pour le maintien
de la paix ». Cette procédure a été
élaborée en 1950 précisément pour faire face
à une situation où le Conseil de sécurité, faute
d'unanimité de ses membres permanents, n'a pas pu exercer sa
responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales. La rapidité étant dans ce
cas d'une importance capitale, il est prévu non seulement qu'une session
extraordinaire d'urgence doit être convoquée dans les 24 heures
qui suivent une demande en ce sens, mais aussi, aux termes de l'article 63 du
Règlement intérieur de l'Assemblée générale,
que celle-ci doit « se réunir en séance
plénière seulement et procéder directement à
l'examen de la question proposée dans la demande de convocation de la
session, sans renvoi préalable au Bureau ni à aucune autre
commission »151(*).
L'Assemblée générale n'est certes pas
habilitée à ordonner que telle ou telle mesure soit prise, mais
une décision favorable de l'Assemblée, si elle recueille le
soutien de l'écrasante majorité des États Membres,
conférerait une forte légitimité à l'intervention
qui serait ensuite entreprise et encouragerait le Conseil de
sécurité à revoir sa position.
Mais cette hypothèse est difficile à
réaliser car l'article 12 de la charte, comme l'épée de
Damoclès, pèse sur l'Assemblé générale qui
ne peut faire aucune recommandation sur un différend ou une situation
à l'égard duquel le Conseil de sécurité remplit
pleinement ses fonctions. L'on comprend dès lors que lorsque le Conseil
de sécurité n'est pas bloqué, mais refuse de réagir
par une action coercitive pour mettre fin aux violations des droits de l'homme,
l'Assemblée générale ne peut rien faire.
a) Les organisations régionales
Une autre solution serait de confier à une organisation
régionale ou sous-régionale le soin de mener l'action collective,
dans des limites bien définies. Nombreuses sont les catastrophes
humanitaires qui ont d'importants effets directs sur les pays voisins, par une
propagation transfrontière qui peut prendre la forme, par exemple, de
courants de réfugiés ou de l'utilisation du territoire du pays
voisin comme base par des groupes rebelles. Les États voisins ont donc
généralement un puissant intérêt collectif,
motivé en partie seulement par des considérations humanitaires,
à réagir rapidement et efficacement à cette catastrophe.
Il est depuis longtemps reconnu que des États voisins agissant dans le
cadre d'une organisation régionale ou sous-régionale sont souvent
(mais pas toujours) mieux placés pour agir que l'ONU, et l'Article 52 de
la Charte a été interprété dans un sens qui leur
donne une marge de manoeuvre considérable à cet
égard152(*).
Beaucoup plus controversé est le cas de figure
où une organisation régionale intervient, non pas contre un de
ses membres ou dans leur aire territoriale, mais contre un autre État.
Ce facteur entre pour beaucoup dans les critiques suscitées par
l'intervention de l'OTAN au Kosovo, en ce sens que le Kosovo était
extérieur à la zone couverte par l'OTAN. Cette dernière a
néanmoins fait valoir que le conflit risquait de déborder sur le
territoire de la responsabilité de protéger 58 pays membres et
d'y causer des troubles graves, si bien que l'organisation était
directement concernée. Les autres organisations régionales et
sous-régionales qui ont monté des opérations militaires
ont agi strictement dans les limites de leur aire géographique et
à l'encontre d'États membres153(*).
La Charte des Nations Unies reconnaît, dans son Chapitre
VIII, des rôles légitimes aux organisations et arrangements
régionaux. Stricto sensu, comme on l'a déjà
noté, la lettre de la Charte exige que l'action des organisations
régionales soit toujours subordonnée à l'autorisation
préalable du Conseil de sécurité. Mais, comme on l'a
également constaté, il est arrivé dernièrement que
cette approbation soit sollicitée ex post facto, ou
après les faits (Libéria et Sierra Leone), et il pourrait y avoir
une certaine marge de manoeuvre à cet égard pour les actions
futures154(*).
B. Les conséquences
de l'inaction : Possible action coercitive en dehors de l'ONU
De l'avis de la Commission, deux messages importants à
l'intention du Conseil de sécurité ressortent en cas de son
inaction.
Le premier message est que si le Conseil de
sécurité n'assume pas sa responsabilité face à des
situations qui choquent les consciences et appellent une intervention
d'urgence, il est irréaliste de s'attendre à ce que des
États concernés écartent tout autre moyen ou forme
d'action pour faire face à la gravité et à l'urgence de la
situation. Si des organisations collectives n'autorisent pas une intervention
collective contre des régimes qui font fi des normes les plus
élémentaires d'un comportement gouvernemental légitime,
les pressions exercées en faveur d'une intervention par des coalitions
ponctuelles ou des États agissant La responsabilité de
protéger 59 individuellement ne peuvent que s'intensifier. Et il est
alors à craindre que ces interventions, n'étant pas soumises
à la discipline et aux contraintes dont est assortie l'autorisation des
Nations Unies, ne soient pas entreprises pour les bonnes raisons ou soient
entreprises sans une volonté suffisante de respecter les principes de
précaution nécessaires.155(*)
Le second message est que si, à la suite d'une carence
du Conseil, une intervention militaire est entreprise par une coalition
ponctuelle ou un État agissant individuellement qui,
effectivement, respecte pleinement tous les critères que nous
avons définis, et si cette intervention est couronnée de
succès - et que l'opinion publique mondiale la perçoit comme
ayant été réussie -, la stature et la
crédibilité de l'ONU elle-même pourraient s'en trouver
affectées, sérieusement et durablement156(*).
Section 3. AUTONOMIE DU PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
Le principe de la responsabilité de protéger a
été initié en dehors du cadre onusien, mais il a
été repris par l'organisation universelle, concernant sa
reconnaissance et son processus de codification. Avec les mécanismes que
comportent ce principe notamment la possibilité d'une intervention
militaire collective, il y a lieu de s'interroger sur l'autonomie de ce nouveau
principe de droit international, en quoi se démarque-t-il du
système de sécurité collective prévue par la charte
des Nations Unies, est-ce un tout nouveau paradigme, une remise en cause du
système existant ou tout simplement un subterfuge de plus pour assouvir
les objectifs impérialistes.
§.1. Un indice de plus de la caducité du
système de sécurité collective
La responsabilité de protéger a
été reconnue, comme nous l'avons indiqué plus haut, par la
communauté internationale au cours du sommet mondial du
millénaire de 2005. Dans le document final de ce sommet mondial,
adopté comme résolution de l'assemblée
générale de l'ONU, les Etats ont reconnu la responsabilité
qu'a la communauté internationale de protéger les populations des
crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de
génocide ; avec une précision de taille ce que la mise en
oeuvre de cette responsabilité par la communauté internationale
doit se faire suivant les prescrits de la charte des Nations Unies, notamment
ses chapitres VI et VII.
La deuxième phase de la reconnaissance du principe
s'est faite au niveau du Conseil de sécurité. En effet, le
Conseil de sécurité a évoqué pour la
première fois le principe de la responsabilité de protéger
dans sa résolution 1674 sur la protection des civils dans les conflits
armés. Ensuite, le Conseil de sécurité a invoqué le
principe de la responsabilité de protéger dans la
résolution 1706 sur la création de la mission des Nations Unies
au Soudan (MINUS).
Le Secrétaire Général a ensuite
rédigé un rapport sur la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger, qu'il a présenté
à l'Assemblée Générale en vue d'éclairer ses
débats sur la question. Ce rapport a reçu un accueil favorable et
a nourri des débats intéressants au niveau de l'Assemblée
Générale des Nations Unies. Ces débats ont abouti à
l'adoption par l'assemblée générale de la
résolution 63/308 du 07 octobre 2009 intitulée la
responsabilité de protéger.
Pour montrer son attachement au principe, le
Secrétaire Général a même créé le
poste de Conseiller spécial sur la responsabilité de
protéger, charger du développement conceptuel et du rassemblement
d'un consensus afin d'aider l'Assemblée générale à
poursuivre cette question cruciale. Actuellement, c'est Ed LUCK qui est
nommé à ce poste157(*).
Nous sommes donc en face d'une nouvelle norme qui autorise
l'emploi de la force pour protéger des civils, mais dans le respect de
la charte des Nations Unies, en quoi est-elle différente et autonome par
rapport aux normes déjà établies dans le chapitre VII de
la charte des Nations Unies ?
La responsabilité de protéger ne se
démarque pas du système de sécurité collective
telle que conçue dans la charte, au contraire elle s'y incruste. Il faut
pour sa mise en application que le Conseil de sécurité, organe
politique, puisse évaluer si le seuil de la juste cause est atteint,
alors que cette évaluation est relative, ensuite constater l'existence
d'une menace à la paix ou d'une rupture de la paix conformément
à l'article 39 de la charte, et enfin déclencher une coercition
militaire pour protéger les populations civiles conformément
à l'article 42 de la charte.
Il apparaît clairement que nous sommes dans le
même cercle vicieux. Il s'agit tout simplement des « nouveaux
habits du Roi nu158(*) » ; quand la communauté
internationale se trouve une fois encore confrontée à
l'échec lié à son manque de courage et à sa
paralysie pour utiliser des outils existants, elle feigne de développer
de nouveaux.
La Commission internationale sur l'intervention et la
souveraineté des Etats reconnait cet échec même pour les
opérations de maintien de paix en ces termes :
« Les stratégies de l'ONU en
matière de maintien de la paix [...] ne sont peut-être plus
adaptées à la protection des civils pris dans les mailles de
luttes sanglantes entre des États et des insurgés. Il est de plus
en plus admis que la notion de sécurité s'étend aux
individus comme aux États [et] la protection de la
sécurité humaine, y compris le respect des droits de l'homme et
de la dignité de la personne humaine, doit constituer l'un des objectifs
fondamentaux des institutions internationales modernes. »159(*)
L'émergence de la responsabilité de
protéger est un indice patent de la désuétude du
système de sécurité collective. En effet, la charte des
Nations Unies de 1945 a mis sur pied un mécanisme de
sécurité collective, qui consiste de façon simple,
à opposer à tout agresseur ou à tout auteur de rupture (ou
de menace) à la paix, quel qu'il soit, une réaction collective,
une force plus puissante que la sienne, née de la solidarité du
reste de la communauté internationale160(*). La notion de sécurité collective a
été empruntée par la Charte au Pacte de la
société des nations dont elle s'est efforcée de corriger
les lacunes et imperfections. La charte a établi une sorte de contrat
social international, aux termes duquel chaque Etat membre doit, d'une part,
renoncer à l'usage de la force dans ses relations avec les autres
Etats ; d'autre part, contrepartie logique de cet abandon individuel,
reconnaîtra à l'organe principal du maintien de la paix, le
Conseil de sécurité, les moyens de la coercition militaire
nécessaire à l'accomplissement de sa mission de police
internationale161(*). Ce
mécanisme de sécurité collective a été mis
sous l'autorité du Conseil de sécurité, qui a reçu
la responsabilité principale du maintien de la paix et de la
sécurité internationale, et la compétence exclusive pour
décider des sanctions162(*). Ainsi, une protection objective et efficace des
Etats contre tout fait menaçant la paix et la sécurité
internationale aurait protégé les Etats des fléaux de la
guerre et par ricochet protéger les populations des crimes
internationaux.
Mais dans cette tâche le Conseil de
sécurité a largement failli, et avec lui toute l'Organisation des
Nations Unies. Mais cette faille ne doit pas être perçue comme un
échec de l'ONU, mais plutôt comme un échec à
l'ONU163(*), car ce ne
sont pas les structures et mécanismes juridiques qui maquent, encore
moins les moyens, mais le bon vouloir des Etats selon leurs
intérêts.
Cet échec du système de sécurité
collective risque fort d'entamer la responsabilité de protéger
car les relations internationales n'ont pas changé et les mêmes
causes, dans les mêmes conditions produisent toujours les mêmes
effets.
En dépit de tout ce qui précède la
responsabilité de protéger n'est pas vide de nouveauté,
surtout dans sa forme initiale, c'est ce que nous allons analyser dans le
paragraphe suivant.
§.2. Une fenêtre pour légitimer des
interventions collectives en dehors de l'ONU
La responsabilité de protéger telle que
conçue par la Commission Internationale sur la souveraineté des
Etats devrait être envisagé comme un continuum,
c'est-à-dire qu'elle devrait être déclenché d'abord
par son palier préventif, ensuite passer pas l'étape
réactive, et finir par le palier reconstructif. Et dans sa phase
réactive, une intervention à des fins de protection humaine
pouvait être enclenchée par le Conseil de sécurité
de l'ONU, mais en cas d'inaction de celui-ci, la CIISE évoque comme
conséquence une possible action menée par une coalition
ponctuelle des Etats ou d'un Etat individuellement.
Cette hypothèse, lourde de dangers, remet en
lumière les débats sur le droit d'ingérence humanitaire,
car envisager une action coercitive contre un Etat en dehors du cadre onusien
revient à organiser l'anarchie qu'on a voulu inhumer en proscrivant le
recours à la force dans les relations internationales. La
consécration d'une telle norme reviendrait aussi à constater
l'échec du système de sécurité collective.
Si cette première hypothèse est vraie, cela veut
dire que nous aurons des populations en danger, mais sans protection parce que
« les protecteurs » ont failli à leur mission. Dans
cette deuxième hypothèse, le problème demeure entier, en
cas d'inaction du Conseil de sécurité, que faire ?
En réponse à cette question, nous estimons comme
la commission, qu'une action entreprise par une coalition d'Etats en vue de
protéger des populations civiles, victimes des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité, et de génocide, et qui respectent les
critères requis pour la mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger, bien que sans assise juridique incontestable sera une aubaine
pour les populations bénéficiaires et un discrédit
inouï pour le Conseil de sécurité, surtout si l'action
réussie.
CHAPITRE III. LES LIMITES INTRESEQUES A L'APPLICATION DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER
La responsabilité de protéger est un
instrument efficace pour une finalité bien déterminée,
celle de secourir des populations menacées des crimes de guerre, crimes
contre l'humanité, crime de génocide, et des famines et
catastrophes naturelles. Pour atteindre ce noble but, il faut des
critères et modalités indubitablement précis, ce qui n'est
pas totalement le cas avec les critères pris en compte par la commission
(Section 1).
A coté de la question des critères qui peuvent
prêter à confusion suite à leur élasticité,
il y a le recul du principe suite à l'amputation des cas de famine et
catastrophe naturelle comme condition pour mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger et sa possible instrumentalisation par
la puissance politique (Section 2).
Section 1. LES INDETERMINATIONS DU PRINCIPE
Parmi les critères majeurs retenus par la commission
pour lancée une intervention militaire nous avons la juste cause,
l'autorité appropriée, la bonne intention et le dernier recours.
Il est question ici de critiquer l'imprécision de ces différents
critères et le cercle vicieux créée par la recherche de
l'autorité compétente.
§. 1. Le seuil de la juste cause
La commission juge une intervention militaire
légitime si un préjudice grave et irréparable touchant des
êtres humains est en train - ou risque à tout moment - de se
produire164(*). Dans cet
énoncé, la notion la plus ambigüe est celle de
« préjudice grave ». On peut bien se demander quelle
est la mesure de la gravité d'une situation165(*).
La commission répond à cette
préoccupation en indiquant les deux grandes catégories de
situations qui peuvent constituer la juste cause, savoir :
a. Des pertes considérables en vies humaines,
effectives ou présumées, qu'il y ait ou non intention
génocidaire, attribuable soit à l'action
délibérée de l'Etat, soit à la négligence de
l'Etat ou à son incapacité à agir, soit encore à la
défaillance de l'Etat ; ou
b. Un nettoyage ethnique à grande échelle,
effectif ou présumé, qu'il soit accompli par l'assassinat,
l'expulsion forcée, la terreur ou le viol166(*).
Mais cette réponse de la commission laisse
entière la difficulté à déterminer ce seuil de
gravité. Puisqu'il est question des vies humaines, à partir de
quel chiffre peut-on dire qu'on a affaire à des « pertes
considérables » ou que les massacres ou nettoyages ethniques
ont atteint une « grande échelle » ? cent, deux
cent, mille, cinq cent mille ou huit cent mille comme dans le cas du
génocide rwandais ? Il est certes difficile qu'une réponse
plus précise et chiffrée puisse être donnée à
ce genre de question. Mais c'est le caractère beaucoup trop relatif de
l'appréciation de la gravité des situations qui est de nature
à inquiéter, comme le montre le précédent rwandais,
et aujourd'hui plusieurs années après le cas du Darfour167(*).
Une autre ambigüité du principe concerne le
nettoyage ethnique, notion introduite par la commission. Le nettoyage ethnique
est un concept que la commission n'a pas défini et que la doctrine tente
d'assimiler au crime de génocide, le fait qu'il soit
énoncé à côté de du crime de génocide,
laisse penser à une institution différente du crime de
génocide. L'imprécision créée laisse perplexe parce
qu'on ne sait pas qu'est-ce qu'il faut qualifier de nettoyage ethnique
exactement. Et même s'il faut pour le saisir, y voir des pertes à
« grande échelle » dans une ethnie comme
exposé par la commission. La question cynique corollaire de
l'ambigüité inhérente à l'aspect intensité
mérite d'être posée : combien de vies doivent
être sacrifiées avant que l'intervention soit justifiée
?
Le seuil de la juste cause n'a finalement pas
d'éléments constitutifs ou des critères distincts qui
peuvent incontestablement amener à la mise en oeuvre d'une coercition
militaire dans le cadre de la responsabilité de protéger.
Le fait pour la commission d'inclure dans la juste cause les
faits tels que la famine ou les catastrophes naturelles et écologiques
constitue une indétermination pour certains auteurs qui estiment que la
commission ferait du critère de la juste cause un fourre-tout168(*). Mais nous ne soutenons pas
cette position, car les catastrophes naturelles peuvent causer la mort des
milliers de personnes sans que leur propre gouvernement ne s'inquiète et
pire encore, ce dernier peut refuser toute aide extérieure, l'exemple de
la Birmanie est très éloquent.
§. 2. L'autorité appropriée
La commission érige le Conseil de
sécurité en autorité compétente et
appropriée pour décider de la mise en oeuvre d'une intervention
militaire dans le cadre de la responsabilité de protéger. Elle
énonce en ces termes : « il n'y a pas de meilleur
organe, ni de mieux placé que le conseil de sécurité de
l'organisation des nations unies pour autoriser une intervention militaire
à des fins de protection humaine169(*).
On ne pouvait raisonnablement pas s'attendre à ce que
la commission envisage un recours à des institutions autres que celles
qui existent déjà, et qui ont déjà eu à
gérer, avec des échecs comme avec quelques succès, des
crises d'une gravité extrême170(*). Mais la commission introduit une
extensibilité lorsqu'elle juge nécessaire - après avoir
cependant insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas d'envisager des
solutions de rechange au critère de l'autorité appropriée,
puisque les Etats envisageant d'intervenir devront solliciter l'autorisation du
Conseil - de ne pas non plus « écarter complètement
toute possibilité de recours à d'autres moyens d'assurer la
responsabilité de protéger », dans le cas où le
Conseil « rejette[rait] expressément une proposition
d'intervention alors que des questions humanitaires et de droits de l'homme se
posent très clairement, ou qu'il ne donne[rait] pas suite
à cette proposition dans un délai raisonnable171(*) ».
L'indétermination apparaît dès lors de
façon très claire, l'autorité appropriée pour
déclencher l'intervention peut être le conseil de
sécurité, en cas d'inaction de celui-ci, un Etat ou une
association ponctuelle d'Etats peuvent mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger par une coercition militaire lorsque
d'importantes pertes en vies humaines se produisent ou risquent de se
produire172(*).
Comme si la commission s'était rendue compte de
l'ambigüité créée à ce sujet, pour se
justifier elle termine l'examen de la question de l'autorité
appropriée en s'interrogeant pour déterminer au fond, quel serait
le moindre mal entre celui que « l'ordre international subit
parce que le conseil de sécurité a été
court-circuité ou celui qu'il subit parce que des êtres humains
sont massacrés sans que le conseil de sécurité ne
lève son petit doigt173(*) ».
C'est vrai que l'hypothèse d'un silence de la part du
Conseil de sécurité face à des massacres, des viols et des
tortures est inadmissible, mais la stabilité et l'ordre juridique
international voudraient que le Conseil de sécurité soit le seul
organe à lancer une telle intervention, encore qu'il faille
résoudre ses problèmes intrinsèques notamment ceux de la
représentativité et du droit de veto.
La commission essaie de résoudre ces problèmes
en recommandant aux cinq membres permanents du Conseil de
sécurité, un usage moins égocentrique de ce droit de veto,
en précisant qu'ils « devraient s'entendre pour renoncer
à exercer leur droit de veto, dans les décisions ou leurs
intérêts vitaux ne seraient pas en jeu, afin de ne pas faire
obstacle à l'adoption des résolutions autorisant des
interventions militaires qui, destinées à assurer la protection
humaine, recueillent par ailleurs la majorité des voix174(*) ». Mais
pareille recommandation, estime le professeur Ernest-Marie MBONDA, ne modifie
en rien l'ordre des choses. Si les intérêts vitaux des membres du
Conseil de sécurité constituent le critère à partir
duquel ils peuvent être amenés à renoncer à
l'exercice de leur droit de veto, on est très loin de la priorité
accordée aux besoins des personnes qui se trouvent dans la
détresse et qui ont besoin d'un secours urgent, indépendamment,
précisément, des intérêts vitaux de
quiconque175(*).
En outre, poursuit le professeur MBONDA, un membre permanent
peut bien considérer, comme contraire à ses intérêts
vitaux, une intervention dans un territoire soumis à son contrôle
pour des raisons économiques, idéologiques ou stratégiques
(le cas du Darfour, avec la Chine, constitue à cet égard un
exemple plus qu'illustratif). Une décision plus audacieuse et plus
cohérente aurait consisté, pour les rédacteurs de ce
rapport, à proposer une élimination pure et simple du droit de
veto, et un élargissement du Conseil de sécurité à
d'autres Etats représentant des régions et des
intérêts jusque là exclus des grandes instances de
décision. La proposition, faite par un certain nombre d'auteurs,
d'instituer à l'ONU une seconde chambre représentant la
société civile, avec droit de veto, à côté de
l'assemblée générale qui représente les
gouvernements, revêt ici toute son importance. A ne pas lui
reconnaître cette importance, on compromet durablement les chances pour
les deux milliards d'êtres humains en proie à l'extrême
pauvreté et à toutes les formes
d'insécurité176(*).
Nous souscrivons pleinement à ces propositions,
surtout la première qui répondrait mieux aux défis et
mutations actuels de l'ordre international, et qui mettrait fin à la
remise en cause du principe d'égalité souveraine, longtemps
imposée au monde en entier par les vainqueurs de la seconde guerre
mondiale. Et il ne faudrait pas omettre d'insister sur l'impérative
reforme du conseil de sécurité qui n'existe que dans les discours
jusque là.
En sus, la commission crée un cercle vicieux parce
qu'elle préconise certes, le Conseil de sécurité comme
autorité déclencheur de la responsabilité de
protéger, mais après avoir envisagé l'assemblée
générale de l'ONU et les organisations régionales comme
autorités de substitution, elle estime qu'un Etat ou un groupe ponctuel
d'Etats peuvent entreprendre une action coercitive lorsque le seuil de la juste
cause est atteint.
§.3. La bonne intention
La bonne intention est l'un des critères que
prône la commission. Une intervention militaire doit d'abord et avant
tout être désintéressée, selon la commission,
c'est-à-dire ne visait que la fin des massacres. Pour garantir ce
désintéressement la commission insiste pour que l'intervention
soit collective et non individuelle vu les abus des interventions individuelles
du passé (Olivier Corten dans Maryam Massrouri).
Mais ce critère, malgré sa parure d'ange, est
un idéal irréaliste, la commission le reconnait d'ailleurs. Elle
est irréaliste en totalité parce qu'imprécise. Pour
Rougier l'intervention cesse d'être désintéressée
lorsque l'intervenant a un intérêt à dépasser les
limites où devrait se tenir son action. Et Perez-Vera aborde dans le
même sens en disant : « en résumé,
la condition essentielle que doit remplir l'intervention d'humanité
quant au fond est la poursuite exclusive de l'intérêt humanitaire
par l'Etat qui s'érige en protecteur177(*) ».
Mais la réalité est tellement têtue que
le même Rougier écrit après une étude très
fouillée : « la conclusion qui se dégage
de cette étude, c'est qu'il est pratiquement impossible de
séparer les mobiles humains d'intervention des mobiles politiques et
d'assurer le désintéressement absolu des États
intervenants [...] Dès l'instant que les puissances intervenantes sont
juges de l'opportunité de leur action, elles estimeront cette
opportunité du point de vue de leurs intérêts du
moment...178(*) ».
En clair, on voit mal en effet un Etat engager une
intervention armée contre un autre, avec tout ce que cela comporte comme
aléas, et comme pertes potentielles en hommes et en matériel,
dans un but purement désintéressé179(*).
A défaut du désintéressement total, la
commission exige au moins la prépondérance du but humanitaire sur
les autres intérêts et considérations auxquels il peut
être combiné. Ce critère a déjà
été évoqué par d'autres auteurs tels que Verwey et
Teson qui sont allés jusqu'à systématiser ou
hiérarchiser les objectifs en posant des questions telles que celles de
la commission pour déterminer le plus objectivement possible si le but
humanitaire est prééminent : « did troops
occupy the territory longer than necessary ? Has the intervenor demanded
advantages or favors of the new government? Did the intervenor seek to dominate
the target State in some way unrelated to humanitarian concern180(*)?
Il est évident estiment Oliver Corten et KLEIN Pierre
que le test proposé s'avère extrêmement difficile à
mettre en oeuvre dans un cas concret181(*). En particulier, comment déterminer si l'Etat
intervenant cherche à dominer l'Etat visé ?, ou qu'il
poursuit d'autres intérêts non avoués ? Quels seront
les avantages accordés par l'Etat concerné à l'Etat ou aux
Etats intervenants.
Cet atavisme de l'intervention d'humanité est loin de
disparaître dans le cadre de la responsabilité de protéger,
car les relations internationales dans l'état actuel du système
international font des Etats des montres froids qui ne visent que leurs
intérêts.
§.4. Le dernier recours
Le critère de l'épuisement des sanctions
diplomatiques, économiques et militaires autres la force armée
directe est aussi problématique que les autres. En fait deux bravades
menacent perpétuellement ce critère, la contrainte temporelle et
le subjectivisme.
S'agissant de la contrainte liée au temps, il y a fort
à craindre que l'épuisement de toutes les voies diplomatiques et
autres mesures non militaires prennent tellement de temps, qu'il sera tard une
fois prise la décision d'intervenir directement182(*).
Section 2. LE RECUL ET L'INSTRUMENTALISATION DU PRINCIPE
La responsabilité de protéger, dès que
conçue, est soumise à l'épreuve sans complaisance de
l'application sur terrain, et les Etats, toujours jaloux de leur
souveraineté, l'ont amputé d'une de ces cas d'ouverture à
savoir le cas de famine et de catastrophe naturelle ou écologique
entrainant des nombreuses pertes en vies humaines. Et aussi elle peut
être instrumentalisée par les Etats comme toute autre institution
de droit international, si l'on n'y prend garde !
§.1. Le recul du principe : l'amputation des cas de
famines et catastrophe naturelle
La responsabilité de protéger dans sa conception
originelle183(*) pouvait
être mise en mouvement pas seulement en cas de crimes de guerre, de
génocide ou de crimes contre l'humanité, mais aussi de
catastrophe naturelle.
En effet, consciente des expériences du passé,
la commission s'était surement imaginé que les catastrophes
naturelles peuvent causer d'indicibles souffrances et entrainer des
sérieuses menaces pour la vie des populations (Tchernobyl, volcan
Nyiragongo, trouver des exemples). Et dans ces hypothèses, rien ne
garantie que l'Etat concerné puisse accepter volontiers le secours
venant de l'extérieur. D'où la nécessité pour la
commission d'intégrer aussi cette situation comme cas d'ouverture d'une
intervention - à l'extrême - militaire.
Hélas ! Au sommet du milliaire en 2005, plus de
soixante chef d'Etat et de gouvernement réunis à New York au
siège de l'ONU, ont supprimé les cas de catastrophe naturelle
comme occasion d'appliquer la responsabilité de protéger.
S'agissant des raisons pour lesquelles les Etats ont enlevé cette
hypothèse, il nous paraît claire au-delà de toutes les
arguties que ce pour préserver leur souveraineté.
Mais la réalité a rattrapé tout le monde
avec le cyclone Nargis en 2008 en Birmanie (Myanmar). En effet, le 2 mai 2008,
le cyclone Nargis a balayé la Birmanie en laissant derrière lui
des populations sans habitation et ni nourriture. Un chapelet d'ONG
internationales ont accourus pour venir en aide aux populations en danger, mais
la junte birmane au pouvoir a fermé toutes ses frontières et
à rejeter toutes les propositions de secours.
Plusieurs voix se sont élevées pour
dénoncer cette situation et forcer la communauté internationale
à aborder la crise dans le cadre de la responsabilité de
protéger, comme par exemple, Bernard Kouchner. Le soucie était
d'établir dans quelle mesure la situation résultait d'une
négligence de la part du gouvernement birmane et si cette
négligence était avérée, déterminer si elle
correspondait à l'un des quatre crimes couverts par la
responsabilité de protéger. Aucun accord ne s'est profilé
à ce sujet, étant donné que la crise humanitaire
dérivait d'une catastrophe naturelle et pas d'un conflit
généré ou ignoré par la junte184(*). Kouchner et les ONG ont
tenté d'établir l'existence d'un crime contre l'humanité
à charge du gouvernement birman pour justifier une action coercitive
afin de secourir les populations délaissées, mais le contenu ce
crime ne trouve application en l'espèce. (Maryam Massorouri)
Finalement les pays voisins et les alliés du Myanmar
ont réagi et ont poussé la junte à s'ouvrir à
l'aide internationale canalisée par des acteurs régionaux pour
permettre enfin que les populations les plus touchées puissent
accéder à l'aide dont elles avaient grandement besoin. Une
diplomatie régionale a donc pris le relais en débloquant la
situation. Il s'agit d'une des possibilités dans le contexte de
l'application de la responsabilité de protéger, même si
pour l'instant il n'existe pas de consensus dans la doctrine sur l'application
régionale sans l'accord du conseil de sécurité185(*).
Le cas de la Birmanie a mis encore en lumière le
« syndrome du retard » et la maladie du « plus
jamais ça »186(*) dont souffre la communauté internationale
dans le domaine de l'humanitaire. Il a fallu le génocide rwandais et le
massacre de Srebrenica pour que la communauté se réveille et
pense à agir dans ce genre de situation.
Ne pourrait-on pas devancer d'autres situations macabres et
inhumaines en prévoyant des mécanismes visionnaires solides et
efficaces pour les éviter autant que possible. Il est donc temps pour la
communauté internationale d'intégrer la possibilité d'une
intervention à l'extrême militaire pour le cas de catastrophe
naturelle ou de famine, sinon on criera toujours après
« pourquoi avons-nous omis cela ! ».
§.2. L'instrumentalisation du principe
La responsabilité de protéger est de notre
point de vue une institution neutre, et un instrument efficace pour
résoudre les problèmes de l'heure. Mais sous cette apparence
généreuse et désintéressée, le principe est
cependant lourd de dangers. L'histoire européenne et occidentale
témoigne de conquêtes, des croisades, des génocides, des
guerres coloniales, d'exploitation économique et sociale au nom de Dieu,
de la civilisation, du développement... Il y a lieu alors de se demander
avec Jean-Marie Crouzatier sans être exagérément
pessimiste, comment ne pas soupçonner que l'assistance au nom de
l'humanitaire repose sur des motifs politiques ou opportunistes187(*) ?
Les interventions à des fins de protection humaine
ont parfois caché des motifs moins avouables dans l'histoire de
l'humanité, encore que la frontière entre l'humanitaire et le
politique est assez souvent floue188(*), il y a fort à craindre que la
responsabilité de protéger ne soit qu'un simple instrument pour
servir des intérêts égoïstes dans un monde où
les Etats ne visent que leurs intérêts. Ainsi le principe peut
faire l'objet d'une instrumentalisation politique et militaire.
A. L'instrumentalisation
politique
L'humanitaire s'est déjà trouvé
instrumentalisé et mis au service de la politique de grandes puissances.
En 1999, le bombardement de la Serbie par l'aviation de l'OTAN est une
violation du droit international, du droit des nations unies et du droit de
l'OTAN : le droit international qui interdit de frapper militairement un
État qui n'a agressé aucun autre État ; le droit des
Nations unies qui subordonne une initiative militaire à un mandat du
Conseil de sécurité ; le droit de l'OTAN qui en fait une alliance
défensive chargée de porter secours à un membre faisant
l'objet d'une agression189(*).
Certes une intervention rapide aurait dû permettre
d'éviter le « nettoyage ethnique » déjà
pratiqué par les troupes serbes contre les Bosniaques ; ce ne fut
pourtant pas le cas, et cette intervention « humanitaire »
n'échappe ni aux interrogations, ni aux critiques. D'abord parce que la
stratégie aérienne de l'OTAN voulue par les États-Unis
(Zéro mort) a provoqué l'évacuation des 1 300 observateurs
de l'OSCE et des ONG basés au Kosovo ; la population albanaise a ainsi
été laissée sans défense face à la
répression de la police et des milices serbes, ce qui est troublant si
l'on considère les buts affichés par l'OTAN : la protection d'une
population menacée de déportation et de génocide. Ensuite
parce qu'il était évident pour les observateurs que des
bombardements destinés à obliger le régime serbe à
stopper les exactions et à accepter les accords de Paris auraient un
effet inverse, le poussant à durcir son attitude d'autant qu'un
consensus s'était formé dans la population serbe pour le soutenir
en raison des « dommages collatéraux » considérables
causés dans la population civile et parmi les bâtiments civils,
ruinant la Serbie et le Kosovo190(*).
Enfin parce que les vraies raisons de cette intervention
voulue, décidée et conduite par le gouvernement étasunien
sont apparues clairement : refouler la Russie, endiguer la montée en
puissance de l'Union européenne, trouver une nouvelle raison
d'être à l'OTAN théoriquement condamnée après
l'effondrement du bloc communiste... La « catastrophe humanitaire » a
été décrétée pour justifier un droit
d'ingérence : l'ingérence de la puissance
hégémonique à l'égard des plus faibles. Aussi
n'est-il pas surprenant que les réactions les plus vives à
l'intervention au Kosovo se soient faites entendre dans le Tiers-Monde
où elle a été perçue comme l'ultime manifestation
de l'impérialisme. La déclaration du sommet du groupe des 77
réuni à La Havane le 14 avril 2000 rejette « le soi-disant
droit d'intervention humanitaire qui n'a aucun fondement juridique dans la
Charte des Nations unies et dans les principes généraux du droit
international public [...] L'assistance humanitaire doit être entreprise
dans le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité
territoriale et de l'indépendance politique des États
concernés [...] et avec leur approbation ». D'autant que comme la
plupart des interventions « humanitaires », celle du Kosovo s'est
accompagnée de nombreuses violations flagrantes du droit humanitaire par
les forces de l'OTAN191(*).
L'on comprend dès lors comment est-ce que
l'humanitaire a été instrumentalisé à cause du
relativisme et du subjectivisme qui le caractérise. Ces deux graves
dangers guettent aussi la responsabilité de protéger qu'ils
peuvent malmener sous la houlette de grandes puissances.
Le premier danger du principe de la «
responsabilité de protéger » est donc celui du relativisme :
les différentes justifications de l'intervention « humanitaire
» mettent en lumière de façon aveuglante la fiction que
constitue le principe de l'égalité souveraine des États.
La responsabilité de protéger doit s'interpréter au regard
des rapports de force internationaux : la décision étant prise
par le Conseil de sécurité, le rôle
prépondérant qu'y jouent les pays du Nord rend invraisemblable
que l'intervention s'applique au territoire de l'un d'entre eux ou dans des
régions dénuées d'intérêt à leurs
yeux192(*). Parmi ces
dernières, celle du Darfour : depuis plus de trois ans, l'action
conjuguée des Nations unies et de l'Union africaine n'a pu mettre un
terme au drame du Darfour, qualifié de génocide par le
gouvernement des États-Unis, de crise humanitaire grave par le
secrétaire général des Nations unies.
Mais le déploiement des casques blancs a fait l'objet
d'importants retards pour des raisons de capacités défaillantes
et de désaccords politiques ; puis leur mandat et leurs moyens sont
apparus notoirement insuffisants pour assurer la protection des populations :
de l'avis général, l'UA a failli à sa
responsabilité de protection. Quant au Conseil de
sécurité, l'opposition de la Chine, de la Russie et de ses
membres non permanents du Sud a considérablement amoindri l'impact des
résolutions proposées par les puissances occidentales. Tout au
plus a-t-il décidé en 2005 la création d'une commission
d'enquête sur les crimes au Darfour, suivie de la saisine de la Cour
pénale internationale, qui apparaissent comme l'aveu d'un échec.
Le cas du Darfour prouve que plus de dix ans après le génocide
rwandais, le Conseil de sécurité et le secrétaire
général qui ont posé la responsabilité de
protéger au centre de leur discours ont échoué par absence
de volonté à la placer au coeur de leur action193(*).
Le second danger du principe est celui du subjectivisme : les
efforts pour imaginer un droit d'usage de la force dans des cas où une
aide désintéressée serait indispensable aux populations
locales sont louables ; mais comment introduire un tel concept dans le droit
international sans tomber dans le piège du subjectivisme ? C'est en
effet l'intervenant qui va décider, selon ses propres critères
moraux et politiques, en fonction d'une information le plus souvent partielle,
qui est la victime dans un conflit interne ; quelle population mérite
une intervention, et quelle autre peut attendre... Selon le bon plaisir des
États-Unis et/ou des grandes puissances, les violences subies seront
qualifiées d'insoutenables pour les Kurdes, mais pas les chiites, les
Somaliens mais pas les Tchétchènes, les Bosniaques mais pas les
Tibétains ; et les États qualifiés de « voyous »
selon des critères variables, pourront à tout moment faire
l'objet d'une intervention. Espérons que la création d'un organe
stable rattaché au secrétariat général
résoudra ce problème194(*).
Certes, la décision est cette fois-ci collégiale
dans le cadre des nations unies et non individuelle, mais la pratique
récente du conseil de sécurité montre que ses
interventions - ou son absence d'intervention au Vietnam et en Afghanistan
hier, dans les territoires palestiniens ou au Darfour aujourd'hui - ne sont pas
moins subjectives que celles des États pris individuellement ; la seule
différence est que la subjectivité est
mutilatéralisée et centralisée entre les mains de certains
États qui peuvent décider quelle sera la guerre juste195(*). De plus, au nom de
l'éthique de « l'extrême urgence », des actions
humanitaires armées pourront toujours être menées
unilatéralement par certains États en cas de blocage du Conseil
de sécurité. Il suffit de considérer le passé
récent : la démission du Conseil de sécurité est
patente lors de la guerre menée par les États-Unis contre
l'Afghanistan depuis 2001, et l'Irak depuis 2003.
Dans le premier cas par exemple, la résolution 1368
adoptée à l'unanimité le 12 septembre 2001 sera
considérée par les États-Unis comme légitimant leur
intervention en Afghanistan. Les attaques du 11 septembre y sont
présentées comme « une menace à la paix et à
la sécurité internationales » (référence au
chapitre VII de la Charte), et le texte reconnaît « le droit
à la légitime défense individuelle et collective ».
Or l'utilisation du concept de légitime défense est sans doute
exagérée s'agissant d'attaques perpétrées à
partir du territoire des États-Unis, par des appareils étasuniens
et contre des cibles situées aux États-Unis ; d'autre part la
légitime défense cesse dès que le Conseil de
sécurité, responsable de la sécurité
internationale, prend le relais : ce qu'il n'a jamais fait en
Afghanistan196(*).
Si le principe de la responsabilité de protéger
n'est pas bien assimilé, ni utilisé a bon escient, sa
consécration aboutira à légitimer tous les abus de ce
genre, et reviendra à rétablir un système similaire
à celui du XIXème siècle où les grandes puissances
imposaient leur loi en se réclamant hypocritement des valeurs
humanitaires.
C'est vrai que la commission a autant que faire se peut
formuler des critères objectifs pour une intervention armée
notamment la bonne intention, en cas de crime de guerre, de génocide ou
de crime contre l'humanité, l'épuisement des sanctions autres que
la force armée. Or chacune de ces conditions est discutable, parce
qu'imprécise.
Dans ces conditions, conclu Jean-Marie Crouzatier, on voit mal
pourquoi on abandonnerait les règles internationales positives qui
postulent la non-intervention dans les affaires intérieures d'un Etat et
le non recours à la force, pour consacrer un principe qui va fournir un
prétexte aux puissances, et en particulier à la puissance
hégémonique, pour violer la souveraineté d'un autre
État. C'est leur accorder un droit virtuellement illimité pour
renverser les gouvernements accusés de ne pas répondre à
leur volonté. D'autant qu'il leur est facile d'user de la force, en
particulier sous sa forme technologique, contre des peuples incapables de
contre-attaquer197(*).
Certes, l'instrumentalisation du principe est très
probable, mais cette position de Crouzatier nous paraît extrêmement
pessimiste au delà de la rigueur de sa réflexion et des arguments
avancés, il semble négliger quelque problème
épineux notamment celui du maque d'un mécanisme juridique
adéquat et stable pour mener des interventions à des fins de
protection, car ce déficit peut entrainer une paralysie totale
même dans le chef de ceux qui veulent bien intervenir pour secourir des
populations en danger au delà de toutes les considérations.
En sus, il y a l'effet positif que la possible intervention
extérieure surtout si elle est juridiquement valable, crée dans
le chef des autorités despotes, oppresseurs et tyranniques. Le cas de la
Birmanie et du Soudan en sont des exemples éloquents. Et enfin on e peut
pas rester inertes face à des horreurs car le silence devant le mal fait
du témoin u complice a dit Marti Luther King.
Et enfin, au regard des conséquences du Rwanda et de
Srebrenica, l'on se demande que faire, lorsque le seuil de la juste cause est
atteint ou risque d'être atteint alors que le conseil de
sécurité ne bouge pas ? Une organisation régionale ou
un État individuel ne devraient-ils pas pouvoir intervenir, en
dépit de l'inquiétude liée aux risques de dérapages
abusifs, si l'on croit raisonnablement que l'action entreprise sera
proportionnelle et engendrera des conséquences bénéfiques?
La réponse à laquelle nous souscrivons, et qui est
partagée
B. L'instrumentalisation
militaire de la responsabilité de protéger
L'intervention militaire à des fins de protection
humaine doit être utilisée dans des cas extrêmes et
rarissimes. Depuis deux décennies l'humanitaire-armé se
généralise et ce couple a toujours fait couler beaucoup d'encre
et de salive.
La convergence entre l'humanitaire et le militaire doit
beaucoup à la pratique selon Bernard Kouchner, c'est sur le terrain en
Bosnie, au Kosovo, en Somalie et en Afghanistan les humanitaires et les
militaires ont appris à travailler ensemble et à collaborer
dit-il. Il souligne les similitudes des problématiques auxquelles
militaires et humanitaires sont confrontés, la progressive convergence
de leurs outils et de leurs pratiques, et enfin les objectifs communs notamment
la protection des populations, la paix et la démocratie198(*).
Cette militarisation de l'humanitaire est certes vraie, mais
il ne faut pas éluder les stigmates qu'apporte le militaire parce que
l'humanitaire armée est d'abord au service de la politique de puissance.
En Afghanistan par exemple, en prévision de la campagne de bombardement,
les Etats-Unis exigent la suppression des convois humanitaires en provenance du
Pakistan et la fin des actions du PAM et des ONG sur le terrain, créant
un début de famine dans certaines régions. L'opération
militaire impériale est qualifiée « d'humanitaire »
puisque les avions larguent successivement des bombes, des colis de vivres et
des tracts de propagande. Après l'invasion, les opérations
humanitaires restent sous le contrôle étasunien. Cette
expérience est sans doute considérée comme positive
puisque l'humanitaire est enrôlé à partir de 2002 dans la
« guerre contre le terrorisme ». L'USAID exige de la part des ONG
l'adhésion explicite à ses principes politiques de lutte contre
le terrorisme pour avoir accès à son financement ; bien peu d'ONG
refuseront (à notre connaissance, seules Handicap International, AICF et
Oxfam) ; les dirigeants états-uniens décident ainsi quels pays et
quelles populations méritent de bénéficier d'une aide
humanitaire199(*).
Avec l'invasion de l'Irak, l'humanitaire devient une arme : le
17 mars 2003, le président Bush déclare que les États-Unis
apporteront une aide alimentaire dans le sillage des opérations
militaires, mais à condition que Saddam Hussein soit chassé ;
autrement dit, il conditionne la survie de la population à la
capitulation du régime ; sur le terrain l'aide est parfois
utilisée comme un outil de marchandage, subordonnée à la
fourniture d'informations par la population civile (technique
expérimentée en Afghanistan). L'armée étasunienne
installe au Koweït un « centre des opérations humanitaires
» chargé de coordonner la distribution de vivres par les troupes,
puis par des sociétés militaires privées, puis par les ONG
agréées par le commandement étasunien. Résultat :
les opérateurs humanitaires sont perçus par les groupes
terroristes comme des supplétifs de la puissance occupante, et
deviennent une cible potentielle. Les agressions, enlèvements et
meurtres provoquent en 2004 le départ des humanitaires d'Irak ; le CICR
poursuit seul sa mission200(*).
Si les militaires nationaux et les forces de paix
multinationales sont critiqués par les ONG pour leur empiètement
de plus en plus manifeste du terrain humanitaire, la dérive politique de
certaines ONG est tout aussi manifeste. Nous sommes bien loin des affirmations
d'indépendance par rapport aux États durant les années
soixante-dix, et de la volonté de rendre compte des
réalités constatées sur le terrain, aussi
dérangeantes soient-elles pour les puissances. Mais les ONG n'ont pas le
choix, en raison de la part croissante dans leurs budgets de financements
institutionnels, et de la pression des bailleurs de fonds publics : l'UE, les
États-Unis déterminent les priorités et orientent l'aide,
et les ONG doivent volens nolens s'y adapter ; ou elles seront dans
l'impossibilité d'obtenir leur part sur le « marché »
des crises humanitaires. Les notions d'impartialité,
d'indépendance et d'éthique chères au
sans-frontiérisme semblent aujourd'hui bien désuètes...
C'est ainsi que les bailleurs de fonds décident des sujets à la
mode : Droits de l'homme et promotion des femmes, puis plus récemment
lutte contre la corruption, et sauvegarde de l'environnement. C'est ainsi que
les ONG deviennent leurs prestataires de services, éléments
complémentaires des stratégies militaires201(*).
La « convergence » entre humanitaires et militaires
n'est donc pas neutre martèle Crouzatier ; elle est au contraire
potentiellement dangereuse : d'abord parce qu'il est difficilement concevable
qu'une opération militaire se limite à des objectifs strictement
humanitaires ; ce serait un « service minimum humanitaire », alors
qu'une intervention militaire doit servir à appuyer ou imposer une
solution politique. Une puissance qui déclenche une intervention
militaire agit systématiquement en fonction d'objectifs politiques et
stratégiques qui sont toujours prépondérants par rapport
aux mobiles humanitaires proclamés. Et c'est toujours en fonction de ces
mobiles prépondérants qu'une action militaire sera
menée202(*).
Cette analyse critique de Crouzatier est fondée.
Cependant, nous estimons dans une perspective optimiste qu'il faudra envisager
l'action militaire de la responsabilité de protéger comme un
continuum dans lequel la communauté internationale à un droit de
regard, et dont celui qui s'engage doit exécuter les trois paliers du
principe dont la reconstruction, troisième palier, est aussi important
que les autres. Cette perception de la responsabilité de protéger
permettra de diluer certains maux décriés ci-haut.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
La responsabilité de protéger, nouveau parangon
pour le monde en ce XXIè siècle débutant, peut devenir un
ingénieux subterfuge pour les grands et les forts en vue de dominer les
petits et les faibles.
En effet, la responsabilité de protéger est un
paradigme qui fait son temps depuis décembre 2001. Formuler avec
beaucoup d'ingéniosité, le principe attire tous les esprits, et
stimule la réflexion sur la question d'intervention à des fins de
protection humaine. Mais au-delà de la belle parure, une critique sans
complaisance y décèle des malformations congénitales qui
constituent des freins à l'appréhension et à l'application
convenable du principe.
De même que l'intervention d'humanité,
l'intervention humanitaire et le droit d'ingérence humanitaire ont
légitimé certains abus et facilité l'exécution de
certains agendas cachés, il y a fort à craindre que les stigmates
ataviques des ces institutions controversées de droit international
viennent ankyloser la mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger, qui est leur petite fille mutante.
Mais, s'arrêter là, serait de notre point de vue
très pessimiste, car les efforts déployés par la
communauté internationale pour trouver un consensus sur les
interventions à des fins de protection humaine, efforts qui ont abouti
à la responsabilité de protéger ne peuvent être
ignorés ou mis à la poubelle.
Les horreurs et terreurs dont l'humanité a
été témoin au cours du XXè siècle ainsi que
le nombre ahurissant des victimes, ne peuvent laisser personne
indifférent, encore que les différents conflits meurtriers qui
caractérisent les différents points du globe présagent
déjà de la survenance des crimes affreux. Nous avons donc en tant
qu'être humain, composante de l'humanité, le devoir de veiller
à ce que les barbaries de ce genre ne se reproduisent plus. D'où
la nécessité de prévoir les moyens d'intervenir pour ne
pas être des témoins complices, et la responsabilité de
protéger, semble être apporter le dénouement de ce
problème.
La responsabilité de protéger doit toujours
être perçue comme un continuum pour mieux la mettre en oeuvre.
L'intervention militaire qui est une mesure extrême et de dernier recours
ne doit pas occuper les esprits, au point de diluer complètement
l'étape préventive et la phase reconstructive. Cette prise en
compte des trois paliers de la responsabilité de protéger de
façon globale est éminemment importante parce qu'elle permet
aussi d'évaluer dans une certaine mesure la bonne foi des acteurs
intervenants.
On ne doit pas se leurrer, la vision réaliste de la
politique internationale et des relations internationales, et l'état
actuel du système international nivellent vers le bas l'idéalisme
juridique. D'où la nécessité d'envisager de façon
équilibrée cette nouvelle institution de droit international
qu'est la responsabilité de protéger.
En définitive, nous préférons être
optimistes. La responsabilité de protéger n'est pas une
panacée, mais elle peut, par ses différents mécanismes
dissuader certains dirigeants oppresseurs et rebelles criminels, mais aussi et
surtout protéger des femmes, des enfants, victimes de viol, de meurtre,
de torture, et de nettoyage ethnique. Car ce sont là les vrais enjeux
auxquels s'intéressent la responsabilité de protéger et
non les intérêts inavoués des différents acteurs
internationaux.
IIème PARTIE. LA MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : ENTRE RENDEZ-VOUS MANQUE ET ESPOIR
La République Démocratique du Congo a connu une
longue période de guerre depuis 1996 jusqu'en 2003. Au cours de cette
période les conditions pour mettre en oeuvre la responsabilité de
protéger ont été réunies par la commission des
crimes de guerres, crimes contre l'humanité, et crimes de
génocide. Mais hélas, depuis 2003, année à laquelle
la responsabilité de protéger a été discutée
au niveau du conseil de sécurité comme principe de droit
international, personne n'a levé son doigt pour invoquer la mise en
application du principe en République Démocratique du Congo
(Chapitre IV).
Au reste, il n'est jamais tard pour mieux faire, étant
donné que la commission de ces crimes odieux se perpétue en toute
impunité, et que les indices de résurgence de conflit armé
meurtrier persistent le regain d'activités des groupes armés
(Chapitre V) ; il est impératif de mettre en oeuvre la
responsabilité de protéger en RDC, par ses mécanismes
préventifs pour éviter de déplorer encore une fois la
perte des milliers de vies humaines (Chapitre VI).
CHAPITRE IV. LES CRIMES COMMIS EN RDC AVANT 2003 ET LES
REACTIONS SUR LA SCENE INTERNATIONALE
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger n'est envisageable que lorsque des crimes de guerre, des crimes
contre l'humanité et des crimes de génocide se commettent ou
veulent se commettre. Or tous ces crimes ont été commis en RDC
(Section I), mais hélas personne n'a levé son doigt pour invoquer
la mise e oeuvre de la responsabilité de protéger (Section
II).
Section I. LES CRIMES COMMIS EN RDC
L'établissement des crimes de guerre, contre
l'humanité et de génocide relève de la compétence
d'un tribunal légalement et régulièrement
constitué. Ce qui n'est pas encore le cas, surtout pour les crimes
commis au Congo avant la date d'entrée en vigueur de la cour
pénale internationale. A la lumière de la jurisprudence et de la
doctrine nous allons démontrer qu'il y a effectivement eu
perpétration des crimes qui sont imprescriptibles parce qu'ils froissent
la conscience de l'humanité dans son entièreté.
Il est important de démontrer que ces crimes ont
été commis en vue de prouver que le seuil de la juste cause
était atteint pour mettre en oeuvre la responsabilité de
protéger en RDC, ce qui n'a pas été fait, fort
malheureusement ; et de cristalliser la nécessité de mettre
sur pied un tribunal international en vue de réprimer les auteurs de ces
crimes.
§.1. Les crimes de guerre
Pour établir l'existence des crimes de guerre, quatre
éléments sont requis, à savoir : un conflit
armé, les actes prohibés, les personnes protégées,
et le lien de connexité entre le conflit et la commission des actes
prohibés. Il s'agit d'une perspective large qui tient compte des
violations graves aux quatre conventions de Genève, mais aussi des
violations aux lois et coutumes de guerre203(*).
A. Existence des conflits
armés
La République Démocratique du Congo a
été le théâtre de plusieurs types de conflit
armé. Il est nécessaire de qualifier tous ces conflits
armé en vue déterminer le droit applicable selon le cas.
Selon la période et l'endroit, la RDC a connu des
conflits armés de nature interne et internationale et des conflits
internes qui se sont internationalisés. Si par moment la présence
des forces armées étrangères combattant sur le territoire
de la RDC permet de conclure à la nature internationale du conflit,
à d'autres moments certains actes de violence de nature ethnique dans
plusieurs régions semblent relever beaucoup plus du conflit interne. De
même que si la guerre qui a conduit au renversement du régime de
Mobutu par l'AFDL avait à l'origine l'apparence d'un conflit interne, on
s'est rendu compte par la suite qu'elle était plutôt de nature
internationale avec la participation reconnue de forces
étrangères des deux côtés204(*). Quant au conflit
armé qui a opposé les forces rwandaises et ougandaises dans la
province Orientale, les accords de paix signés par les
belligérants avec la RDC où ils acceptent de retirer leurs
troupes du territoire congolais confirment clairement son caractère
international205(*).
1. Guerre de 1996 à 1998
La guerre qu'a connue la République Démocratique
du Congo entre 1996 et 1998 est un conflit armé international. En effet,
avec toute l'information disponible aujourd'hui, l'importance du rôle des
États tiers dans la première guerre, qui a mené au
renversement du régime de Mobutu ne peut être
écartée. Si, en 1998, l'Équipe d'enquête du
Secrétaire général des nations unies en RDC avait
estimé qu'elle n'était pas en mesure de qualifier le type de
conflit armé qu'a connu le Congo pendant cette période, tout en
notant la participation active du Rwanda au conflit206(*), tel n'est plus le cas.
L'implication du Rwanda et de l'Ouganda dans le conflit, dès le
début, dans la mise sur pied de l'AFDL et son organisation, la
planification des opérations, le support logistique tel que la
fourniture d'armes et l'entraînement d'une partie des combattants est
aujourd'hui reconnue par les plus hautes autorités des pays
concernés207(*).
Les opérations militaires de l'AFDL étaient
placées sous le commandement du colonel James Kabarebe, officier
rwandais devenu, à la fin de la guerre, le chef d'état-major
ad intérim des Forces armées congolaises du Gouvernement
de Laurent Désiré KABILA. Les officiers rwandais étaient
les commandants de facto, notamment à Shabunda (Sud-Kivu),
Kisangani (province Orientale) et Mbandaka (Équateur), même quand
des officiers congolais de l'AFDL étaient censés être leurs
supérieurs hiérarchiques. L'implication active
d'éléments des forces armées ougandaises (UDPF), a
été également confirmée dans plusieurs endroits,
tels que Kitale, Kibumba et Mugunga, au Nord-Kivu, Kiliba au Sud-Kivu et jusque
dans la province Orientale. Toutes ces informations permettent d'affirmer le
caractère international du conflit armé qui s'est
déroulé en RDC entre 1996 et 1998, soit durant ce qu'il est
convenu d'appeler la première guerre208(*).
2. Guerre de 1998 à 2003
Le 02 août 1998 éclate sur le territoire
congolais, un deuxième conflit armé plus complexe que le premier
et donc difficile à qualifier de façon globale. En effet, cette
période de 1998 à 2003 est caractérisée par
l'intervention sur le territoire de la RDC des forces armées
régulières de plusieurs États, combattant avec ou contre
les forces armées congolaises, en plus de l'implication de multiples
groupes de miliciens. Comme le constatait le Rapporteur spécial sur la
situation des droits de l'homme en RDC: « la RDC est la proie de plusieurs
conflits armés. Certains sont internationaux, d'autres internes et
quelques-uns sont des conflits nationaux qui ont pris une tournure
internationale. On compte huit armées nationales et vingt et un groupes
armés irréguliers qui ont pris part aux combats209(*).
Malgré la signature de l'Accord de cessez-le-feu de
Lusaka, en juillet 1999, auquel étaient parties la RDC, l'Angola, la
Namibie, l'Ouganda, le Rwanda et le Zimbabwe et auquel ont adhéré
par la suite les groupes rebelles RCD et MLC, prévoyant le respect du
droit international humanitaire par toutes les parties et le retrait
définitif de toutes les forces étrangères du territoire
national de la RDC210(*), les combats ont continué. Le 16 juin 2000,
le Conseil de sécurité a demandé à toutes les
parties de mettre fin aux hostilités et exigé que le Rwanda et
l'Ouganda, qui avaient violé la souveraineté de la RDC, retirent
toutes leurs forces du territoire de la RDC211(*). Il faudra attendre 2002, suite à la
signature de deux nouveaux accords, celui de Pretoria avec le Rwanda et celui
de Luanda avec l'Ouganda, prévoyant le retrait de leurs troupes
respectives du territoire de la RDC, pour que s'amorce le retrait des forces
étrangères du pays212(*). Ainsi, tant la participation des forces
armées étrangères en territoire congolais que l'appui
direct en matériel, armement et combattants à plusieurs groupes
rebelles congolais durant toute cette période de la «
deuxième guerre » permet d'affirmer qu'un conflit armé de
nature internationale se déroulait en RDC en même temps que des
conflits internes entre différents groupes de miliciens congolais.
Il faut noter que la cour pénale internationale et la
cour internationale de justice ont reconnu l'existence d'un conflit armé
international au cours de cette période. La CPI dans sa décision
de confirmation des charges dans l'affaire le procureur contre Thomas Lubanga
dit : « des preuves suffisantes donnant des motifs
substantiels de croire que du fait de la présence de la
République d'Ouganda comme puissance occupante, le conflit armé
qui a eu lieu en Ituri peut être qualifié de conflit de nature
internationale de juillet 2002 au 2 juin 2003, date du retrait effectif de
l'armée ougandaise213(*) ». Et un peu plutôt, dans son
arrêt du 19 décembre 2005 dans l'affaire des activités
militaires sur le territoire de la RDC, la CIJ avait reconnu l'existence d'un
conflit armé international sur le territoire congolais214(*).
B. Les actes
prohibés
Les actes prohibés en DIH, et qui constituent des
crimes de guerre sont notamment : meurtres, homicides intentionnels,
viols, esclavage sexuel, torture, attaque intentionnelle contre la population
civile, déportation ou transfert illégal d'une population civile
ou d'une partie de celle-ci, pillage, destruction et appropriation de biens
civils de façon illicite et arbitraire, conscription, enrôlement
et utilisation d'enfants soldats.
Il suffit de scruter les quatre livres blancs publiés
par le gouvernement congolais, ainsi que des différents rapports de
l'ONU, dont le plus important et récent en la matière est le
Rapport du Projet Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'Homme, mais aussi les rapports des différentes ONG nationales et
internationales ; pour se rendre compte que tous ces actes prohibés
ont été perpétrés par toutes les parties aux
conflits en République Démocratique du Congo.
Ainsi, on note les attaques contre les civils tutsi et
banyamulenge par les FAZ, les attaques contre les refugiés hutu par
l'AFDL, l'APR et les FAB, ainsi que contre les populations civiles215(*). Les viols et l'esclavage
sexuel de plusieurs femmes par les rebelles du RCD, MLC, FDLR, LRA, les Kadogo,
les FAZ, les FAC puis les FARDC, les mayi-mayi. On note aussi les massacres de
Kasika et de Makobola ainsi que les viols à Kasika et à
Bukavu ; des exactions, enlèvements et tortures contre les
militants des droits de l'homme, arrestations et détentions arbitraires,
traitements inhumains et dégradants ; pillages systématiques
des institutions publiques et privées, expropriations des biens des
civils ; attaque contre les ouvrages contenant des forces dangereuses,
capture d'aéronefs civils privés et leur utilisation à des
fins militaires, etc.216(*).
Les violences à l'égard des enfants ont aussi
une bonne place dans les conflits congolais, on mentionne les violences
sexuelles à l'encontre des enfants, les mines antipersonnel, le
recrutement et l'utilisation des enfants, le déplacement forcé
ainsi que la destruction des villages217(*). L'emploi généralisé des
EAFGA218(*) a
caractérisé toutes les parties aux conflits en RDC.
C. Les personnes
protégées
Un autre élément essentiel dans la qualification
des crimes de guerre concerne la nature des victimes des actes prohibés
(ou des biens visés), qui doivent faire partie des groupes
protégés tels que définis par les Conventions de
Genève. La définition de ces groupes varie quelque peu selon les
différentes Conventions, la nature du conflit et les actes
prohibés commis à leur encontre. Ainsi nous avons les populations
civiles, ainsi que celles mises hors de combat par maladie, blessure,
détention ou par toute autre cause, y compris un combattant ayant
déposé les armes.
La vaste majorité des victimes des violations les plus
graves du droit international humanitaire, commises sur le territoire de la RDC
font partie de ces groupes protégés, généralement
des civils qui ne participaient pas aux hostilités. C'est le cas
notamment des personnes vivant dans les camps de réfugiés qui
constituent une population civile ne participant pas aux hostilités,
malgré la présence de militaires parmi elles dans certains
cas219(*).
C. Le lien de
connexité
Enfin il doit exister un lien de connexité qu'on
appelle nexus entre les actes prohibés et le conflit armé.
Concernant les crimes commis au Congo, l'équipe du projet Mapping estime
que ce lien est clair220(*) ; mais il devra néanmoins être
démontré à l'égard de chaque individu poursuivi
pour crime de guerre devant une instance judiciaire pour établir sa
responsabilité pénale.
Le lien de connexité entre les actes commis par les
différentes parties au conflit et le conflit armé lui-même
est donc manifeste et personne ne conteste cela. La grande majorité des
crimes ayant été commis pendant la période couverte par le
conflit armé international et donc par tout l'arsenal juridique du droit
des conflits armés internationaux.
§.2. Les crimes contre l'humanité
La récente codification énumère onze (11)
actes qui, lorsqu'ils sont commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique lancée contre
toute population civile et en connaissance de cette attaque constituent des
crimes contre l'humanité221(*).
De cette définition, on peut dégager trois
éléments principaux qui doivent coexister dans la qualification
du crime contre l'humanité en plus de l'élément de la
connaissance de cette attaque qui sert à établir la
responsabilité pénale individuelle :
a) Un acte énuméré (tel que le meurtre,
le viol ou une atteinte grave à l'intégrité
physique) ;
b) Commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique ;
c) Lancée contre toute population civile.
A. Les actes
prohibés
Les actés prohibés énumérés
à l'article 7 du statut de la CPI, sont essentiellement les violations
les plus graves des droits de l'homme, notamment : le meurtre ;
l'extermination ; la réduction en esclavage ; la
déportation ou le transfert forcé de population ; la
torture ; le viol, l'esclavage sexuel ou toute autre forme de violence
sexuelle de gravité comparable ; la persécution de tout
groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre
politique, racial, national, ethnique, religieux, culturel ou sexiste ; la
disparition forcée de personnes ; tous autres actes inhumains de
caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou
des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la
santé physique ou mentale.
Et ces actes sont inventoriés avec minutie dans le
rapport du projet mapping ainsi que d'autres rapports des ONG telles Human
Wrigths Watch, l'ASADHO, ... On n'y retrouve les meurtres, mutilations, la
persécution, le viol et le transfert forcé des Kasaïens, des
Hutu, des Tutsi, etc.222(*)
B. Attaque
généralisée ou systématique
Pour que les actes énumérés
précédemment soient qualifiés de crimes contre
l'humanité, ils doivent être commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique. L'attaque, selon le
Statut de Rome, consiste en de multiples actes de violence tels que ceux
énumérés dans la définition. Elle ne doit pas
obligatoirement consister en une attaque militaire ou un conflit
armé223(*).
Néanmoins, un seul acte peut constituer un crime contre
l'humanité s'il fait partie d'une attaque plus importante. Le
caractère généralisé de l'attaque découle de
son ampleur, du nombre de personnes visées ou de « l'effet
cumulé d'une série d'actes inhumains ou [par] l'effet singulier
d'un seul acte de grande ampleur224(*) ». Le caractère systématique
quant à lui s'infère du « caractère organisé
des actes commis et [de] l'improbabilité de leur caractère
fortuit225(*) ».
La très grande majorité des actés de
violence perpétrés durant ces 20 dernières année en
RDC s'inscrivaient dans des vagues de représailles, des campagnes de
persécution et de traque de réfugiés qui se sont
généralement toutes transposées en une série
d'attaques généralisées et systématiques contre des
populations civiles. Un très grand nombre des crimes
répertoriés ont été commis dans le cadre d'une
attaque généralisée ou systématique contre une
population civile pouvant être ainsi qualifiés de crimes contre
l'humanité.
A titre d'illustration nous avons les crimes contre
l'humanité commis contre les Kasaïens, les Tutsi, et les Hutus qui
s'inscrivaient dans le cadre d'une campagne de persécution menée
à l'encontre de ces groupes pour, notamment, des motifs d'ordre
politique ou ethnique. Les attaque contre les Kasaïens par exemple avait
un caractère généralisée parce qu'elles ont
touché des milliers de victimes ; et un caractère
systématique parce qu'elles étaient orchestrées de
manière calculée par les autorités militaires et
politiques de l'époque. L'étendue de la violence, l'organisation
des trains pour la déportation des Kasaïens, la campagne
antikasaïenne de Lubumbashi, pendant laquelle certains ont
été chassés dans le cadre d'une « purification
professionnelle », et la multitude d'attaques individuelles
tolérées ou organisées par les autorités sont
toutes des facteurs montrant le « caractère organisé des
actes commis et l'improbabilité de leur caractère
fortuit226(*) ».
C. Attaque lancée
contre toute population civile
La notion de crime contre l'humanité vise à
protéger les populations civiles, d'où l'exigence que l'attaque
généralisée ou systématique soit lancée
contre elles. Par population civile, on entend non seulement les personnes sans
uniforme et sans lien avec l'autorité publique, mais toutes les
personnes « hors combat » qui ne participent pas ou plus aux
activités du conflit227(*). L'expression « population civile » doit
se comprendre au sens large et désigne une population majoritairement
civile. Une population peut être qualifiée de « civile »
même si des non-civils en font partie, dès lors qu'elle est en
majorité composée de civils228(*).
Les attaques répertoriées par l'équipe
du projet mapping confirment que la vaste majorité des victimes font
partie des populations civiles. Les Tutsi par exemple ont été
particulièrement visés dès le début de la
première guerre (1996), accusés de connivence avec les «
éléments armés banyamulenge/tutsi » puis avec
l'AFDL/APR/FAB. Les autorités zaïroises, tant au niveau national
qu'au niveau local, ont appelé la population à les traquer et ont
demandé à l'armée de les expulser par la force. Dans ce
climat, la population tutsi - groupe identifiable au sens de la
définition de la persécution dans le cadre des crimes contre
l'humanité - a été victime de meurtres, de tortures, de
viols et de détentions arbitraires, en particulier au Sud-Kivu et
à Kinshasa. Par la suite, après la rupture du Président
Kabila avec ses anciens alliés rwandais et le déclenchement de la
deuxième guerre, une nouvelle campagne contre les Tutsi a
été lancée par de hauts responsables gouvernementaux, dont
le Président lui-même, à Kinshasa ainsi que dans les autres
provinces sous contrôle gouvernemental229(*). Un appel à l'extermination de la «
vermine tutsi » a même été lancé par Abdulaye
Yerodia Ndombasi, Directeur de cabinet du Président Kabila230(*).
Les nombreux actes de violence anti-tutsi,
répertoriés durant ces deux périodes, d'abord à
partir de septembre 1996 et par la suite à partir d'août 1998,
réunissent les éléments qui permettraient de les qualifier
d'actes de persécution dans le cadre de la définition des crimes
contre l'humanité231(*).
§.3. Crime de génocide
Le terme « génocide » fut utilisé pour
la première fois par le juriste américain d'origine polonaise
Raphael LEMKIN, en 1944, pour désigner ou nommer les massacres des juifs
par les nazis232(*).
Depuis lors sa conception a évolué dans le statut du tribunal
international de Nuremberg et s'est cristallisé dans la convention de
1948.
Il sied de souligner la reconnaissance actuelle de quatre
génocides seulement sur le plan international notamment : le
génocide des Arméniens commis par l'Empire Ottoman en 1915, le
génocide des Juifs et des Tsiganes commis par les nazis en 1945, le
génocide des Tutsis et des Hutus modérés au Rwanda par les
milices extrémistes hutues et l'APR en 1994 et le génocide des
musulmans de Bosnie-Herzégovine par les Serbes en 1995. S'agit-il de la
fin d'une liste des génocides ? Bien sûr que non. Onze massacres,
parmi lesquels se trouvent ceux perpétrés en R.D.Congo depuis
1996, sont au centre des discussions pour leur considération comme crime
de génocide233(*).
La question du génocide congolais a suscité et
suscite encore des débats alléchants dans les tribunes tant
nationales qu'internationales. Pour démontrer l'existence du
génocide congolais, nous allons suivre la démarche
jurisprudentielle, en attendant qu'un tribunal puisse le déclarer
établi, encore que l'ONU en tant qu'organisation universelle a
déjà avalisé l'existence du génocide
congolais234(*).
Depuis sa première formulation, en 1948, à
l'article 2 de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide, la définition du crime est demeurée
sensiblement la même. On la trouve à l'article 6 du Statut de Rome
de la CPI, qui définit le crime de génocide « comme l'un
quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou
religieux, comme tel ». Cette définition est suivie d'une
série d'actes qui représentent de graves violations du droit
à la vie et à l'intégrité physique ou mentale des
membres du groupe.
Essentiellement, le crime de génocide exige la preuve
de trois éléments distincts :
a) La commission d'un acte énuméré (tel que
le meurtre ou une atteinte grave à l'intégrité physique ou
mentale);
b) À l'encontre d'un groupe national, ethnique, racial ou
religieux;
c) Dans l'intention spécifique de détruire en tout
ou en partie, le groupe protégé, comme tel.
A. Les actes
énumérés
Les actes prohibés qui peuvent donner lieu au crime de
génocide sont : le meurtre de membres du groupe ; l'atteinte grave
à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; les
mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; le
transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.
De manière spectaculaire, l'hécatombe de la
population congolaise eut lieu à Makutano, Kasika, Makobola, Uvira,
Bukavu, Walungu, Kisangani et Kinshasa. Il s'agit des massacres appuyés
sur les supplices indicibles jusqu'à l'enterrement de personnes vivantes
et l'obligation aux victimes de manger leur propre chair soit crue, soit
braisée avant d'être tuées. Les viols systématiques
des femmes et des hommes par les militaires Tutsis sidéens est
l'extermination camouflée et lente de la population congolaise. Tous les
membres de certaines familles ont été violés ensemble
et/ou à tour de rôle par des bandes armées allant de cinq
à dix par famille. Pire encore, dans d'autres cas, le père de
famille était obligé, soit de violer ses propres filles, soit de
faire fonction du lit sur lequel sa femme et ses filles sont violées par
des hommes armés! Dans l'ensemble, les violées ont l'âge
allant de deux à soixante dix ans. Pour ne pas être
empiété permanemment par les recommandations internationales,
cette épuration prend une stratégie sélective ciblant
l'élite intellectuelle et les leaders d'opinion dans la
société235(*).
La description de cette exécution indescriptible du
génocide congolais se fait par province en précisant à
chaque fois le lieu, les grandes personnalités assassinées, le
bilan estimatif des tués et les criminels présumés, permet
d'avoir rapidement une idée sur l'ampleur du spectacle
génocidaire en R.D. Congo. Elle se fait à partir des
témoignages de rescapés et des données qu'offrent
Manassé (Müller) RUHIMBIKA, Pierre NGILINGA, Joseph M. KYALANGILWA
et le Ministère Des Droits Humains en R.D.Congo. Il s'agit
respectivement du livre « Les Banyamulenge (Congo - Zaïre) entre deux
guerres », de la conférence intitulée « Les
élections à l'épreuve de l'échec de la
réconciliation nationale », des articles « Les vraies raisons
de l'agression, de l'occupation et de l'exploitation illégales » et
« Les massacres sont une stratégie planifiée et non un fait
du hasard » et du numéro spécial du « Livre Blanc
» 236(*). Et avec
toutes les précisions et les détails, le tout récent
Rapport du Projet Mapping du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'Homme sur les violations les plus graves des droits de l'homme et du droit
international humanitaire.
B. Commis à
l'encontre d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux
Les victimes des actes énumérés ci-haut
doivent appartenir à un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Par « groupes nationaux », il faudrait entendre les personnes qui
possèdent une identité distincte en termes de nationalité
ou d'origine nationale. Les « groupes ethniques »
comprendraient les personnes partageant une même langue et ayant des
traditions communes ou un patrimoine culturel commun237(*). C'est toutefois une
définition effective des groupes, qui tient compte plus du sentiment
d'appartenance à un groupe spécifique que de son existence propre
qui a été retenue par les tribunaux qui ont appliqué le
critère subjectif de la perception par les autres et de
l'auto-perception en ce qui concerne l'appartenance au groupe238(*).
En l'espèce le génocide congolais visait les
hutus en tant que membre d'une ethnie sous le prétexte qu'ils
étaient les auteurs du génocide rwandais. Et la population Hutu
en République Démocratique du Congo, y compris les
réfugiés venus du Rwanda, constituait un groupe ethnique au sens
de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide239(*).
C. Dans l'intention
spécifique de détruire, en tout ou en partie, le groupe
protégé comm tel
L'intention spécifique de détruire, en tout ou
en partie, le groupe protégé comme tel constitue
l'élément clef du crime de génocide souvent décrit
comme un crime d'intention requérant un dol criminel aggravé
(dolus specialis)240(*). On peut diviser ce second élément en
trois parties distinctes: d'abord l'intention de détruire, ensuite en
tout ou en partie, et finalement le groupe comme tel.
L'intention de détruire suppose que l'auteur ait
sciemment voulu que les actes prohibés entraînent la destruction,
en tout ou en partie, du groupe comme tel, et ait su que ses actes
détruiraient, en tout ou en partie, le groupe comme tel. Elle implique
que l'auteur du crime doit avoir agi avec l'intention spécifique de
détruire un groupe protégé en tout ou en partie.
L'intention n'est pas synonyme de motivation. Le mobile personnel du
génocidaire peut, par exemple, être la perspective d'un profit
économique personnel, d'avantages politiques ou d'une certaine forme de
pouvoir. L'existence d'un mobile personnel n'empêche pas que l'auteur
soit également animé de l'intention spécifique de
perpétrer un génocide241(*).
L'intention de détruire le groupe
énuméré, même en partie, est suffisante pour
constituer un crime de génocide pour autant que ce soit le groupe ou
« la fraction distincte du groupe » qui soit visé(e) et «
non une multitude d'individus isolés appartenant au groupe242(*) ». De plus, la
partie du groupe ciblée doit être substantielle et ainsi
refléter « tant le caractère massif du génocide que
la préoccupation exprimée dans la Convention quant à
l'impact que la destruction de la partie visée du groupe aurait sur la
survie du groupe tout entier243(*) ». Le caractère substantiel
s'établit en considération « non seulement de l'importance
numérique de la fraction du groupe visée mais aussi de sa place
au sein du groupe tout entier244(*) ».
Finalement c'est le groupe comme tel que l'on doit avoir
l'intention de détruire en tout ou en partie. Ainsi les victimes «
doivent être ciblées en raison de leur appartenance à un
groupe245(*) »;
c'est donc le groupe comme tel qui est visé à travers la
victime.
Parmi les facteurs, faits et circonstances retenus par les
tribunaux internationaux pour inférer ou déduire une intention
génocidaire on retiendra : le contexte général, la
perpétration d'autres actes répréhensibles
systématiquement dirigés contre le même groupe246(*), l'ampleur et le nombre des
atrocités commises247(*), le fait de viser certaines victimes
systématiquement en raison de leur appartenance à un groupe
particulier, le fait que les victimes avaient été
massacrées sans regard pour leur âge ni leur sexe248(*), la manière
cohérente et méthodologique de la commission des actes,
l'existence d'un plan ou d'une politique génocidaire et la
récurrence d'actes destructifs et discriminatoires249(*).
Les attaques systématiques, notamment les meurtres et
les massacres perpétrés à l'encontre des membres du groupe
ethnique hutu font l'objet de nombreuses descriptions dans le rapport du projet
mapping250(*). Ces
attaques ont fait un très grand nombre de victimes, probablement des
dizaines de milliers de membres du groupe ethnique hutu, toutes
nationalités confondues. Dans la grande majorité des cas
rapportés, il s'agissait non pas de personnes tuées
involontairement au cours de combats, mais bien de personnes ciblées
principalement par les forces de l'AFDL/APR/FAB, et exécutées par
centaines, souvent à l'arme blanche. Parmi les victimes, il y avait une
majorité d'enfants, de femmes, de personnes âgées et de
malades qui ne posaient aucun risque pour les forces attaquantes. De nombreuses
atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale de
membres du groupe ont été également commises, un nombre
très élevé des Hutu ayant été blessés
par balle, violés, brûlés ou battus. De très
nombreuses victimes ont été obligées de fuir et de
parcourir de longues distances pour échapper à leurs poursuivants
qui voulaient les tuer.
Cette traque a duré des mois, entraînant la mort
d'un nombre indéterminé de personnes livrées à des
conditions d'existence cruelles, inhumaines et dégradantes, sans
nourriture et médicaments. À plusieurs occasions, l'aide
humanitaire qui leur était destinée a été sciemment
bloquée, notamment dans la province Orientale, les privant de
l'assistance indispensable à leur survie251(*).
Les incidents répertoriés semblent
également confirmer que les multiples attaques visaient les membres du
groupe ethnique hutu comme tel. Si à certains moments les agresseurs
disaient rechercher les criminels responsables du génocide commis
à l'égard des Tutsi au Rwanda en 1994, la majorité des
incidents rapportés indiquent que les Hutu étaient visés
comme tels, sans procéder à aucune discrimination entre eux. Les
multiples attaques contre les Hutu établis au Zaïre qui ne
faisaient pas partie des réfugiés semblent confirmer que
c'étaient tous les Hutu, comme tels, qui étaient visés.
Les crimes commis notamment à Rutshuru (30 octobre 1996) et Mugogo (18
novembre 1996), dans le Nord-Kivu, mettent en lumière le ciblage
spécifique des Hutu, puisque des personnes ayant pu convaincre les
agresseurs de leur appartenance à un autre groupe ethnique ont
été libérées juste avant ces massacres.
L'utilisation systématique de barrières par l'AFDL/APR/FAB,
particulièrement au Sud- Kivu, leur permettait d'identifier les
personnes d'origine hutu par leur nom ou par leur village d'origine et ainsi de
les éliminer. Des centaines de personnes d'origine hutu auraient ainsi
arrêtées à une barrière érigée en
novembre 1996 à Ngwenda, dans le territoire de Rutshuru, et
exécutées par la suite à coups de pilon dans un endroit
appelé Kabaraza. Au Sud-Kivu, les militaires de l'AFDL/APR/FAB ont
érigé de nombreuses barrières sur la plaine de la Ruzizi
pour arrêter les réfugiés rwandais et burundais
dispersés après le démantèlement de leurs
camps252(*).
Il est donc établi de notre point de vue que les hutu
constituaient un groupe ethnique identifiable en 1996, année du
début de la guerre. Et ils ont été ciblés en tant
que membre de ce groupe. On peut donc affirmer que, même si seulement une
partie du groupe ethnique hutu présent en RDC (Zaïre) a
été ciblée et détruite, cela constitue un crime de
génocide car telle était l'intention des auteurs de ces crimes
odieux.
Cette affirmation a été confirmée par
plusieurs personnes et instances dont le ministère congolais des droits
humains, Colette Brackman, et le Lieutenant-Colonel PAIVA253(*). Et pour ABEKYAMWALE EBUELA
ABI, la population congolaise a vécu la déréliction la
plus notoire, dans cette fournaise d'extermination254(*).
Section 2. LES REACTIONS SUR LA SCENE INTERATIONALE
Les réactions des uns et des autres face au drame
congolais reflètent soit un sentiment de révolte ou de
colère, soit une ironie hors pair, soit enfin une simple compassion.
Rares sont ceux qui ont élevés leur voix pour dénoncer le
crime des crimes commis au Congo, mais aussi pour demander des mesures à
la hauteur de la tragédie que vivaient les congolais.
Pire encore, depuis 2001 jusqu'à ce jour, personne n'a
invoqué l'application de la responsabilité de protéger en
République Démocratique du Congo. Voilà le constat
général qui ressort de l'analyse des réactions des Etats,
et des organisations internationales et non gouvernementales.
§.1. Les réactions étatiques
Les réactions des différents Etats de la
région de l'Afrique centrale, et de certaines puissances occidentales
sont les plus importantes à notre avis sur la question des crimes commis
au Congo.
A. La République
Démocratique du Congo
Nous avons en premier lieu la RDC elle-même. Principale
victime des guerres, des crimes et de pillages de ses ressources naturelles, la
RDC a réagi de plusieurs manières pour dénoncer les crimes
commis sur son territoire, réclamant la condamnation des coupables et la
réparation du préjudice.
Pour dénoncer les crimes commis sur son territoire, la
RDC a publié quatre livres blancs, dans lesquels le gouvernement
congolais énumère une longue liste des violations du droit
international humanitaire attribuées à ses adversaires entre
août 1998 et janvier 2002255(*). La RDC a aussi saisi la cour internationale de
justice par trois requêtes identiques contre l'Ouganda, le Rwanda et le
Burundi, pour violation du droit international (égalité
souveraine, non recours à la force, agression, violation du principe de
non-intervention,...) mais aussi et surtout pour les graves violations du jus
in bello. Fort malheureusement, comme les trois requêtes étaient
identiques et qu'il était impossible d'imputer précisément
tel fait à telle armée, les trois Etats concernés
contestèrent les plus graves violations du jus in bello qui leur
étaient imputées indistinctement. Ce fut le cas notamment de
crimes de deux mille soldats rwandais sidéens ou séropositifs qui
ont été envoyés exprès sur le front de la Province
Orientale avec mission de violer les femmes congolaises pour répandre la
maladie256(*).
La RDC a aussi par la voie de son président du haut de
la tribune des nations unies257(*), réclamer la création d'un tribunal
pénal international en vue de sanctionner les auteurs des crimes
internationaux sur son territoire ; et cela fut même l'une des
résolutions du dialogue inter-congolais, mais sans succès
jusqu'à ce jour. Enfin, la RDC a été l'un des premiers
pays a collaboré de manière étroite avec la CPI. Cette
collaboration est tellement productive que sur les multiples procès en
cours devant les chambres de la CPI, trois opposent le procureur à des
ressortissants congolais258(*) ; et la RDC a même été
proclamée meilleure collaboratrice de la CPI.
Toutes ces réactions prouvent la volonté du
gouvernement congolais de voir les auteurs des crimes internationaux poursuivis
et condamnés, mais cette volonté est diluée par la
présence de certains auteurs présumés de ces crimes au
pouvoir, et la justice de deux poids deux mesures qui caractérisent
toujours le paysage politico-judiciaire de la République
Démocratique du Congo.
Cette volonté semble même être
annihilée à ce jour lorsqu'on lit les observations du
gouvernement congolais au rapport du projet mapping. En effet, à la
lecture de ces observations, on sent que le gouvernement congolais,
au-delà d'une seule remarque pertinente -à notre avis- relative
à l'omission curieuse de certains crimes perpétrés par les
militaires de la MONUC sur les populations civiles congolaises259(*), se complait par des
observations sans fondement à chercher à tout prix à
disculper les autorités politiques qui sont citées dans ce
rapport, ainsi que les FARDC (FAC)260(*), à vilipender la nature du rapport alors que
tout le monde sait qu'il s'agit principalement d'un inventaire, à
critiquer la méthodologie de l'équipe mapping par le non recours
aux sources gouvernementales ce qui est totalement faux.
Mais aussi le gouvernement tout en réfutant
l'inefficacité du système judicaire peint lui-même le
tableau d'un pouvoir judiciaire sans moyens matériels et financiers pour
demander de l'aide à la communauté internationale. Et le
gouvernement conclu en rejetant l'option de la création d'un TPI ou d'un
tribunal mixte, et propose la création des chambres
spécialisées au sein des juridictions congolaises.
L'attitude du gouvernement congolais nous semble finalement
contrastante et nous inquiète profondément. Ce revirement
spectaculaire qui part de la sollicitation de la mise sur pied d'un TPI pour la
RDC, au refus total de sa création et même d'un tribunal mixte,
laisse apparaitre la versatilité du gouvernement congolais selon ses
intérêts face à la répression rigoureuse de crimes
des crimes commis en RDC. Cela a du de notre point de vue dans une certaine
mesure à trop des mariages contre nature que les autorités
gouvernementales contractent depuis 2002 jusqu'à ce jour, le tout
dernier en date étant l'entrée du CNDP261(*) dans l'AMP, faisant ainsi de
la coalition au pouvoir un fourre-tout.
Mais la vérité étant têtue et la
nature équilibrée, nous espérons que les auteurs
présumés des violations graves des droits de l'homme et du droit
international humanitaire sur le territoire congolais finiront par être
sanctionnés.
B. Le Rwanda
Bien qu'ayant reconnu son implication dans les deux grandes
guerres qu'a connu la RDC, le Rwanda n'a jamais avalisé les violations
massives des droits de l'homme et du droit international humanitaire
imputées à ces militaires, encore moins son implication comme
complice des différents groupes rebelles qui alimentent la terreur
à l'Est de la République Démocratique du Congo.
A la sortie du rapport du projet mapping, les protestations
les plus bruyantes sont venues du Rwanda. Du Président de la
République au Ministère des Affaires étrangères, en
passant par la délégation permanente du Rwanda à
Genève et des députés rwandais. Tous ont tenté de
ridiculiser les auteurs du rapport e les taxant des « menteurs, des
tricheurs, des incompétents, des irresponsables et pour tout dire des
complices des génocidaires hutu ». Le Président
rwandais Paul Kagamé, a même menacé de retirer ses 3550
soldats de la Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour
(MINUAD), avant de se raviser suite au voyage en catimini de Ban Ki-moon,
Secrétaire Général de l'ONU262(*).
Cette réaction du Rwanda n'est pas étonnant, le
gouvernement rwandais n'a jamais voulu reconnaitre le génocide des hutu
sur le territoire congolais, estimant que seuls les hutu sont les vrais
génocidaires, et que par conséquent il faut fermer sur toutes les
violations dont ils sont victimes.
C. L'Ouganda
L'Ouganda malgré sa condamnation par la CIJ pour les
activités militaires de ses troupes sur le sol congolais, n'a jamais
fléchi quant à la commission des crimes par ses troupes sur le
territoire de la RDC. Et le gouvernement ougandais a fermement rejeté le
rapport du projet mapping et a, comme son complice le Rwanda, menacé de
retirer ses effectifs déployés au Darfour au sein de la
MINUAD263(*).
D. Le Burundi
Le Burundi a toujours nié son implication dans la
guerre qu'a connue la RDC, et par ricochet toute responsabilité dans les
violations du jus in bello et des droits de l'homme commises en RDC. C'est
ainsi que le gouvernement burundais, par la voix de son porte-parole, Monsieur
Philippe NZOBONARIBA, a demandé avec insistance au Secrétaire
Général de l'ONU d'être rayé de la liste des pays
impliqués dans les crimes au Congo par le rapport du projet
mapping264(*).
Le gouvernement burundais nie « la
présumée implication » des Ex-Forces Armées
Burundaises (FAB) et les Ex-Forces pour la défense de la
démocratie (FDD, ex-rébellion) dans plusieurs violations graves
des droits humains en RDC. Il critique ces allégations en affirmant
qu'elles « n'ont pas des raisons d'être dans la mesure
où nie les Ex-FAB, ni les Ex-FDD n'ont jamais été en
collusion avec aucune des forces présentes sur le sol
congolais265(*).
Par cette réaction, le gouvernement burundais
cristallise d'avantage son ralliement avec le Rwanda et l'Ouganda, mais rester
en déphasage total avec tous les rapports et enquêtes qui prouvent
sa présence sur le sol congolais pendant la période de guerre
relève de l'ironie.
E. Les Etats-Unis
d'Amérique
La superpuissance mondiale a officiellement condamné
les violations graves commises au Congo pendant la guerre. Les Etats-Unis ont
exprimé à maintes reprises leurs préoccupations sur les
violences commises au Congo, et dont les femmes sont les principales victimes.
C'est ainsi que le congrès américain a voté une loi
permettant au gouvernement d'intervenir militairement pour mettre fin aux
crimes commis par la LRA au Nord-Est de la RDC, ainsi qu'en Ouganda et en
République Centrafricaine. Tout récemment, les Etats Unis ont
rayé la RDC de la liste de collaborateurs privilégiés en
matière commerciale dans le cadre du programme Agoa, simplement parce
que les droits de l'homme sont constamment violés.
Cette réaction traduit la volonté du
gouvernement américain de voir finir les exactions
perpétrées en RDC, mais cela n'est pas assez suffisant de notre
point de vue. Il faudrait que les Etats-Unis d'Amérique aillent
jusqu'à sanctionner les entreprises américaines qui
bénéficient des ressources minières congolaises venant des
zones e conflit et non certifiées.
§.2. Les réactions des organisations
internationales et non gouvernementales
Les organisations tant internationales que non
gouvernementales ont beaucoup milité pour la mise à nue de la
vérité sur les massacres commis au Congo. Il est important
d'indiquer leurs réactions sur le drame congolais, tout en leur
demandant de faire mieux car les paroles ne suffisent pas pour rendre justice
aux victimes.
A. Les organisations
internationales
1. L'Organisation des nations unies
L'organisation des nations unies comporte plusieurs organes de
nature différente, d'où la nécessité d'analyser les
réactions de chaque organe selon ses compétences et sa
composition en vue de ne pas faire d'amalgame.
a. Le Conseil de sécurité
Le conseil de sécurité en tant qu'organe
chargé du maintien de la paix et de la sécurité
internationales a, en principe, un rôle fondamental à jouer dans
les situations des violations graves et persistantes des droits de l'homme et
du droit international humanitaire.
Le Conseil de sécurité s'est penché sur
la situation en RDC depuis le début de la guerre de 1996. Le Conseil de
sécurité à pris plusieurs résolutions invitant les
belligérants à la cessation des hostilités, et en
condamnant les violations massives des droits de l'homme et de droit
international humanitaire, mais sans succès. Il a fallu attendre le 30
novembre 1999 pour voir la résolution 1279, créant la mission des
Nations unies en République Démocratique du Congo,
opération de maintien de paix chargée de surveiller le respect
des accords de Lusaka dont l'une des résolutions était un
cessez-le-feu immédiat.
La MONUC a connu plusieurs transformations et modifications
depuis sa création, elle est passée d'une mission traditionnelle
de maintien de paix à une mission de stabilisation aujourd'hui, en
passant par une mission d'imposition de la paix (résolution 1291), de
construction de la paix (résolution 1493), et de consolidation de la
paix (résolution 1736).
S'agissant de la protection des civils, c'est avec la
résolution 1291 du 24 février 2000, prise en vertu du chapitre
VII, que le Conseil de sécurité a inséré dans le
mandat de la MONUC la mission de protéger les populations civiles sous
la menace imminente de la violence physique au besoin par la force266(*).
Depuis lors, toutes les résolutions du Conseil
dé sécurité concernant la mission onusienne en RDC
reprennent cette tâche, mais sur le terrain malgré le soutien de
la MONUC à plusieurs opérations des FARDC,
l'insécurité sévit à l'Est du pays, et les viols et
les massacres constituent le lot quotidien des populations de cette
région. D'ailleurs, le Conseil de sécurité a eu
autorisé, malgré la présence de la MONUC, le
déploiement de la force de l'Union européenne (EUFOR), afin
d'appuyer la MONUC dans la sécurisation du processus
électoral267(*).
Le Conseil de sécurité s'est donc investi dans
une certaine mesure pour la protection des populations civiles congolaises,
afin de les épargner des massacres, mais les résultats de la
mission onusienne en cette matière sont loin d'être
satisfaisants.
D'autre part, force est de constater que le Conseil de
sécurité n'a jamais invoqué la responsabilité de
protéger pour la RDC, alors qu'il l'a invoqué pour la MINUS au
Darfour, et que les rapports et enquêtes des diverses ONG et même
de la MONUC (MONUSCO) font état des viols massifs et des meurtres comme
crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. L'on se demande quand
est-ce que le chargé de la sécurité mondiale mettra en
oeuvre ce principe pour la RDC ?
Depuis la publication du rapport mapping, le Conseil de
sécurité n'a pas réagi, pour prendre en mains ses
responsabilités et mettre finalement sur pied une instance judiciaire,
tant attendue par le peuple congolais, en vue de poursuivre les coupables.
b. L'Assemblée Générale
L'Assemblée Générale des Nations Unies a
été muette dans la prise de position sur la situation en
République Démocratique du Congo, surement que
conformément à l'article 12 de la charte de l'ONU, elle ne
pouvait faire aucune recommandation sur une situation dans laquelle le Conseil
de sécurité remplissait les fonctions qui lui sont
attribuées.
Néanmoins c'est à l'Assemblée
Générale que l'on doit le rapport du projet mapping
réalisé par la Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de
l'Homme, qui est l'un de ses organes subsidiaires. Ce rapport publié le
1er octobre 2010, est un inventaire détaillé de toutes
les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire
commises en RDC de 1993 jusqu'en 2003.
Nous ne pouvons que reconnaitre ce chef d'oeuvre qui est le
fruit de plusieurs années d'enquêtes et recherches de
l'équipe mapping. Mais après la publication du rapport,
l'Assemblée générale n'a rien fait jusque là.
c. Le Secrétariat Général
Le Secrétaire Général de l'ONU s'est
beaucoup préoccupé de la situation de la RDC. Cela se traduit par
plusieurs visites, rapports, et autres initiatives menés, en vue de
mettre fin à la guerre et aux exactions commises en RDC.
Koffi ANAN, alors Secrétaire Général de
l'ONU, a effectué plusieurs visites en république
Démocratique du Congo et y a lancé plusieurs missions en vue de
trouver une solution à la crise ou d'éclairer les Nations Unies
sur les faits qui se déroulaient sur terrain. Ban Ki-moon dès son
arrivée au Secrétariat Général s'est penché
sur la situation en RDC. Il y a effectué une visite,
précisément à l'Est du pays, il a nommé plusieurs
représentants spéciaux avec des adjoints chargés des
questions spécifiques telles que les violences sexuelles, etc.
Il faut noter avec intérêt les différents
rapports du Secrétaire général sur la mission de l'ONU en
RDC, qui ont toujours mis en évidence la situation alarmante qui
sévit en RDC, et attirés l'attention du conseil de
sécurité sur les violences qui y sont commises268(*).
S'agissant du rapport mapping qui décrit sans
complaisance les crimes commis en RDC, le secrétaire
général a pris acte de ce rapport et nous espérons qu'il
attirera l'attention du Conseil de sécurité quant à ce
pour mettre fin une bonne fois pour toute à la perpétration des
crimes en toute impunité en RDC.
2. L'Union Européenne
L'Union européenne n'est pas restée sans rien
faire face aux violations des droits de l'Homme commises en République
Démocratique du Congo. A part la Commission européenne qui a
investi dans le cadre du Fonds européen de développement (FED),
six projets de 5 millions d'euro pour la sensibilisation au respect des droits
de l'homme, et le Parlement européen qui a pris plusieurs
déclarations invitant les Etats membres de l'UE à faire pression
sur les autorités congolaises afin qu'elles s'engagent dans la voie du
respect des droits de l'homme, c'est le Conseil de l'Union européenne
qui est intervenu dans la sécurisation des civils et du processus
électoral.
Le Conseil de l'Union européenne a créé
une mission de conseil et d'assistance en matière de réforme du
secteur de la sécurité en RDC, appelée EUSEC, en vue de
contribuer à une intégration réussie de l'armée en
RDC. L'EUSEC était chargée par le Conseil de fournir conseil et
assistance aux autorités congolaises compétentes en
matière de sécurité en veillant à promouvoir des
politiques compatibles avec les droits de l'homme et le droit international
humanitaire, les normes démocratiques et les principes de bonne gestion
des affaires publiques, de transparence et de respect de l'Etat de
droit269(*).
Le Conseil de l'Union européenne a aussi
créé la mission de police EUPOL-Kinshasa en vue de la formation
et de l'équipement d'une Unité de police Intégrée
(UPI), chargée d'assurer la protection des Institutions de l'Etat et de
renforcer le dispositif de sécurité intérieure270(*). Dans le cadre de la
politique étrangère et de la sécurité commune, le
Conseil de l'Union européenne a autorisé le lancement et le
déploiement, du 12 juin au 1er septembre 2003, de
l'opération militaire « Artemis » sous commandement
français, pour stabiliser et sécuriser le district d'Ituri en
Province Orientale, alors que le conflit entre Hema et Lendu était
à son paroxysme.
Enfin, le Conseil de l'Union européenne a
déployé une deuxième mission militaire
« EUFOR », pour participer à la sécurisation
du processus électoral e 2006, en appui à la MONUC. La force sous
commandement allemand a été déployée pendant quatre
mois, du 30 juillet au 30 novembre 2006. Son mandat était, entre autres,
d'assurer la sécurité des observateurs internationaux, de
protéger l'aéroport international de N'Djili, ainsi que les
civils dont la sécurité pouvait être menacée, et, si
nécessaire, d'appuyer les forces de la MONUC là où
celles-ci ne pouvaient se déployer. L'Eufor est intervenue lors des
incidents survenus à Kinshasa du 20 au 22 août 2006 entre les
éléments militaires de deux candidats en lice pour le
deuxième tour de l'élection présidentielle271(*).
L'Union européenne a donc réagi par plusieurs
interventions, pour accompagner le processus électoral et éviter
un bain de sang en RDC. Mais ces interventions n'ont pas empêché
la perpétration d'autres crimes de guerre à l'Est du pays, avec
l'insurrection de Laurent Nkunda et de Mutebusi, ainsi que tant d'autres viols
et exactions commis par les FDLR.
B. Les organisations non
gouvernementales
1. Global Witness
Global Witness, organisation non gouvernementale qui
mène des enquêtes et des campagnes pour prévenir les
conflits et la corruption liés aux ressources naturelles, et les
atteintes à l'environnement et aux droits de l'homme qui y sont
associés, travaille depuis plus de dix ans sur le thème du
conflit congolais272(*).
Elle a publié plusieurs rapports et enquêtes sur
le conflit congolais, ainsi que sur la spoliation et les abus qui y sont
liés. Les plus récents de ces rapports sont273(*) :
- « RD Congo : les anciens rebelles s'emparent
de l'activité de racket du commerce de minerais », 11 mars
2010
- « Face à un fusil, que peut-on faire ?
La guerre et la militarisation du secteur minier dans l'Est du
Congo », juillet 2009 ;
- « Une corruption profonde : fraude, abus et
exploitation dans les mines de cuivre et de cobalt du Katanga »,
juillet 2006.
Tous ces rapports décrivent avec beaucoup de minutie
l'exploitation illégale des ressources naturelles congolaises, et les
violations des droits de l'homme qui sont commises souvent par les hommes en
armes en relation avec les minerais.
Global Witness a salué chaleureusement le rapport du
projet mapping, rapport auquel il a souscrit pleinement et exige que les
recommandations du dit rapport soient prises en compte et
exécutées, surtout celle relative à la mise sur pied d'un
TPI, pour poursuivre tous les individus connus pour avoir commis des atteintes
graves liées à la lutte pour les ressources naturelles274(*).
2. Human Rights Watch
Human Rights Watch, ONG américaine, a plusieurs fois
haussé le ton pour dénoncer les crimes commis en
République Démocratique du Congo depuis la guerre de 1996, avec
un accent particulier sur le crime de viol, qui est pratiquement devenu une
arme de guerre utilisée par toutes les parties en présence dans
le conflit congolais.
Parmi les rapports de Humans Rights Watch, nous avons son
rapport de juin 2002 intitulé « la guerre dans la guerre,
violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l'Est du
Congo » ; et son rapport de mars 2005 intitulé
« En quête de justice : poursuivre les auteurs de
violences sexuelles commises pendant la guerre au
Congo »275(*). Dans ces multiples rapports et enquêtes,
Human Rights Watch décrit avec amples détails les viols commis
sur les femmes congolaises, et exige avec insistance la poursuite des auteurs,
mais aussi la mise en place des mécanismes adéquats pour
protéger les femmes contre des tels crimes.
A la publication du rapport mapping, Human Rigths Watch a mis
en ligne tout un article pour expliciter le rapport mapping, en insistant sur
le fait que l'importance du rapport résidait dans son caractère
rétrospectif sur les graves crimes au Congo et l'absence choquante de
justice. Human Rigths Watch a aussi insisté sur la création d'un
tribunal international mixte qu'il estime approprier pour juger les criminels
dans le contexte congolais276(*).
3. Amnesty International
Amnesty International comme ses soeurs n'est pas restée
à la traine. De même que Human Rigths Watch, elle a
vilipendé à maintes reprises les violations graves des droits de
l'homme et du droit international humanitaire commises en République
Démocratique du Congo, et toujours demander la réparation de ces
crimes et la justice pour les victimes.
Nous avons parmi les rapports importants nous avons deux
rapports publiés le 26 octobre 2006 à savoir :
- « RD Congo : sans aide ni justice : les
rescapés de viol dans l'Est du Congo »,
- « RD Congo : violences sexuelles : un
urgent besoin de réponses adéquates ».
Amnesty International a beaucoup oeuvrer pour la poursuite des
auteurs de viol à l'Est de la RDC, mais toutes ces dénonciations
et recommandations sont restées lettres mortes, car la situation
déplorable des femmes n'a fait qu'empirer et le gouvernement congolais
avec la communauté internationale n'ont pas résolu la question de
protection des populations civiles.
CHAPITRE V. PERSISTANCE DE VIOLENCE ET ECHEC DES INITIATIVES
TENDANT A RESTAURER LA PAIX
La République Démocratique du Congo subi depuis
2004 jusqu'à ce jour un cycle interminable de violence qui est nourri
par plusieurs groupes armés qui se focalisent principalement à
l'Est du pays.
Plusieurs opérations militaires ont été
menées en vue d'anéantir ces mouvements rebelles, mais elles se
sont soldées par des échecs notoires car ces groupes agissent et
accroissent leurs activités criminelles chaque jour (Section II). Avant
d'en parler nous allons d'abord évaluer la situation de violence qui a
gagné du terrain depuis l'année 2008, et qui n'est pas encore
résolue avec la multiplication des factions armées (Section
I).
Section I. PERSISTANCE DE VIOLENCE A L'EST DE LA RDC
La permanence de la barbarie et la perpétration dans
l'impunité des crimes odieux font partie depuis quelques années
du quotidien des populations de l'Est de la RDC. La violence a repris du
terrain depuis 2008 avec la guerre contre le CNDP et d'autres groupes
armés, et la commission des violations des droits de l'homme et du droit
international humanitaire (surtout le viol) s'est accrue de façon
exponentielle (§.1.) ; sans oublier une multiplication
étonnant des groupes armés (§.2.).
§.1. Regain de violence et perpétration constante
des crimes
Après l'entrée en vigueur de la constitution du
04 avril 2003 et la mise en place des institutions politiques de la transition
avec à la tête du pays le gouvernement 1 + 4, les grands
belligérants des deux grandes guerres de la RDC, ont enterré la
hache de guerre. Mais cette période d'accalmie n'a pas duré
longtemps, car en Ituri sous l'effet de la disparition de l'Etat, de la crise
économique, des manipulations des tensions intercommunautaires par les
forces d'occupation ougandaises et de la rivalité croissante entre
Kampala, Kigali et Kinshasa pour le contrôle de la région, les
violences suscitées par les conflits fonciers et les clivages de plus en
plus entre communautés ont dégénéré en
guerre interethnique ouverte entre populations Lendu et Hema277(*). En quatre ans, le conflit a
fait plus de 50 000 morts et a forcé plus de 500 000 personnes
à quitté leur résidence278(*).
Pour venir à bout de ce conflit interethnique, il a
fallu une très forte mobilisation de la communauté internationale
en faveur du désarmement des groupes armés locaux. Suite aux
opérations militaires et de sensibilisation menées par la MONUC
et aux enquêtes ouvertes par la Cour pénale internationale (CPI),
la marge de manoeuvre laissée à ces groupes s'est progressivement
réduite et un processus de désarmement a pu être
engagé. Couplé au dialogue initié sur le tard par les
autorités congolaises avec les derniers chefs miliciens et au
rapprochement entre Kinshasa et Kampala, ces efforts ont abouti à une
diminution significative du niveau de violence et du nombre de combattants
évoluant dans les différentes milices de l'Ituri. On a donc
assisté à une juxtaposition d'initiatives qui ont progressivement
permis de ramener le calme sans toutefois régler en profondeur le
problème d'insécurité dans le district ou les causes
profondes du conflit279(*).
En 2006, Laurent Nkunda créait le CNDP en vue de
conquérir le pouvoir de Kinshasa et de protéger les tutsi qui
étaient soi-disant en insécurité. Les deux
premières années d'existence du CNDP sont entrecoupées de
périodes d'affrontements et de négociations. Mais c'est
l'échec de la mise en oeuvre d'engagements pris par le gouvernement de
la RDC et des groupes armés congolais du Kivu durant une
conférence de paix à Goma en janvier 2008, qui va
précipiter une reprise des combats autour de la capitale provinciale du
Nord Kivu280(*).
Le 28 août 2008, l'armée nationale congolaise
(FARDC) lance sa sixième offensive depuis 2004 contre les forces
rebelles de Laurent. En moins de deux mois, les FARDC sont mises en
déroute et les miliciens du CNDP aux portes de la ville de Goma
évacuée par les troupes gouvernementales en octobre 2008.
A la suite d'une réunion à Goma entre le
président Kabila, les responsables du gouvernement, le président
de l'Assemblée nationale de l'époque, Vital Kamerhe, et la
médiation internationale mis en place par le processus de Nairobi, un
plan de désengagement fut convenu dans lequel la MONUC était
chargée de garantir son application et de contrôler les mouvements
de troupes. Le CNDP conditionna sa participation à l'ouverture de
pourparlers directs avec le gouvernement en dehors du cadre du programme
Amani281(*), une
condition que Kinshasa rejeta catégoriquement282(*). La suspension des
hostilités fut donc de courte durée.
L'escalade de la crise aboutit rapidement à des
échanges d'accusations entre Kinshasa et Kigali, illustrant
l'échec du processus de Nairobi. L'apogée de cette confrontation
fut atteint le 26 octobre quand des attaques coordonnées du CNDP
anéantirent de nombreuses positions FARDC. Les insurgés reprirent
Rumangabo et la ville de Rutshuru en progressant vers Goma. Lors de l'attaque
du camp de Rumangabo, le CNDP reçu un soutien direct de l'armée
rwandaise (RDF) qui prit la forme de tirs de chars rwandais à partir du
poste frontalier de Kabuhanga283(*). Alors que les troupes du CNDP approchaient, la
MONUC restait seule à pouvoir défendre la ville de Goma. Les
unités des FARDC s'étaient dispersées sans combattre,
pillant et violant avant de fuir vers le sud. Les commandants militaires de la
8ème région militaire du Nord Kivu furent les premiers à
fuir la ville pour se réfugier à Bukavu, la capitale de la
province du Sud Kivu, suivis de près par les unités de la Garde
Républicaine. La pression diplomatique des Etats-Unis, de l'Afrique du
Sud et des partenaires européens du Rwanda incita finalement Nkunda
à déclarer un cessez-le-feu unilatéral le 29 octobre et
à stopper la progression de ses forces aux portes de Goma. Elles furent
déployées à 19 km au nord de la ville tandis que des
combats sporadiques dans le Masisi et le Rutshuru continuaient jusqu'au milieu
du mois de novembre 2008284(*).
Ce conflit a abouti à un rapprochement spectaculaire
entre le Rwanda et la RDC. En effet, le Rwanda voulant réduire la
capacité de nuisance des FDLR qui constituent un danger pour sa
sécurité, et la RDC cherchant à en découdre avec le
CNDP, vont ensemble négocier un accord secret pour leurs causes
communes. En effet, Laurent Nkunda était devenu une gêne pour les
deux présidents. L'animosité entre le chef du CNDP et Kabila
n'avait fait que grandir de manière évidente depuis 2004, lorsque
Nkunda s'était rebellé contre Kinshasa et avait conquis la ville
de Bukavu. Depuis l'été 2008, Kagame constatait que Nkunda
quittait progressivement son rôle de protecteur de la minorité
congolaise tutsi du Kivu pour investir le champ de la politique nationale du
Congo285(*).
C'est ainsi que fut émis le 5 décembre 2008
depuis Goma, un communiqué qui annonçait que l'offensive
conjointe devait débuter au mois de janvier et
bénéficierait d'une « forte implication rwandaise ». Le
concept initial officiel prévoyait que les RDF apportent un soutien
logistique, opérationnel et en renseignement aux unités FARDC.
Celles-ci seraient renforcées par l'intégration dans leurs rangs
des combattants CNDP ralliés à Kinshasa depuis l'annonce surprise
de Bosco Ntaganda du 16 janvier 2009286(*). Dans une intervention
télévisée ultérieure, le président Kabila
précisa que la durée de l'action de la coalition FARDC-RDF ne
dépasserait pas le mois de février.
Le 20 janvier 2010, l'opération Umoja Wetu (Notre
Unité) fut lancée officiellement. Trois colonnes de RDF
pénétrèrent dans le territoire congolais et
progressèrent rapidement sans rencontrer de résistance au Nord et
à l'Ouest de Goma. La première colonne se dirigea vers Jomba
pour encercler et désarmer les derniers loyalistes de Laurent Nkunda
regroupés autour de leur chef. Laurent Nkunda sera arrêté
par les forces de sécurité rwandaises dans la nuit du 22 au 23
janvier, après avoir rejoint la ville de Gisenyi au Rwanda. La
deuxième colonne avança vers Tongo, Bambu et Kikuku, tandisque la
dernière colonne progressa vers Masisi et Rubaya pour s'affronter aux
forces FDLR287(*).
L'opération Umoja Wetu a été un
succès politique, mais un échec sur le plan du désarmement
des FDLR, car ces derniers se sont dispersés dans tous les sens dans les
provinces du Kivu, mais n'ont pas été totalement
anéantis288(*).
Aussi, le coût est terrible pour les populations civiles qui ont subies
des violences extrêmes de la part des FDLR dans leur fuite.
Après l'opération Umoja Wetu, plusieurs autres
opérations ont été entreprises par le gouvernement, seul,
ou en symbiose avec la MONUC, nous avons notamment l'opération Kimia II,
Amani Leo, Ruwenzori, Iron Stone ... Toutes ces opérations
n'arrivent toujours pas à mettre les FDLR hors d'état de nuire.
Au contraire, les forces FDLR s'accroissent et peaufinent d'avantage leurs
capacités de nuisance et ainsi que leurs moyens de survie. Les FDLR
pillent, tuent, et violent en toute impunité. Cette situation est
exacerbée par les FARD qui s'illustrent dans le pillage des ressources
minières, le viol, et même le recrutement des mineurs comme
soldats.
Il faut noter aussi les massacres commis par les forces de la
LRA de Joseph Konyi, malgré l'opération Rudia II lancée en
symbiose avec la MONUC, les FARDC sont toujours incapables de maîtriser
les rebelles de la LRA. Et le résultat n'a pas changé même
après l'opération Ruwenzori, menée par les FARDC, seules,
sans l'appui de la MONUC.
Décrivant la situation actuelle de la RDC, le
Secrétaire Général de l'ONU dans son tout dernier rapport
sur la MONUSCO dit : « Les violences sexuelles et les
autres violations des droits de l'homme qui sont perpétrées en
toute impunité en République démocratique du Congo sont
une telle abomination que tous ceux qui sont chargés de protéger
les civils se doivent de tout mettre en oeuvre pour empêcher que de
telles horreurs ne soient commises à l'avenir et pour traduire en
justice les auteurs de tels actes289(*). »
En bref, la situation sécuritaire dans le Kivu demeure
précaire et les violations massives des droits de l'homme et de droit
international humanitaire, donc les crimes de guerres, et les crimes contre
l'humanité se commettent sous le regard coupable de la communauté
internationale. Les toutes dernières atrocités commises sont
celles de Kibua-Mpofi (Walikale) entre le 31 juillet et le 02 août
2010.
§.2. Prolifération des groupes armés et
succès limité du DDR et du DDRRR
L'un des indices sérieux d'insécurité
à l'Est de la République Démocratique du Congo est la
présence et la multiplication des groupes armés. En effet, depuis
2003, des factions armées n'ont cessé de naitre comme des
champignons les unes pour des raisons de ventre (piller les ressources
minières), les autres pour des raisons stratégiques au service
d'autres pays et puissance politique.
En 2003, seulement le district de l'Ituri ne comptait pas
moins de six groupes armés à savoir L'Union des patriotes
congolais (UPC), le Front des nationalistes intégrationnistes (FNI), les
Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI), les Forces
armées du peuple congolais (FAPC), le Parti pour l'unité et la
sauvegarde de l'intégrité du Congo (PUSIC) et les Forces
populaires pour la démocratie au Congo (FPDC)290(*), et un nombre total de
miliciens estimé entre 20 000 et 25 000.
Dans son rapport du 29 novembre 2010, le groupe d'experts de
l'ONU sur la République Démocratique du Congo dénombre
quatre principaux groupes armés congolais, et quatre principaux groupes
étrangers opérant à l'Est de la République
Démocratique du Congo.
Nous avons comme groupes armés congolais les Maï
Maï Sheka/Nduma Defence for Congo, l'Alliance des patriotes pour un Congo
libre et souverain (APCLS), les Forces patriotiques pour la libération
du Congo (FPLC), et les Forces républicaines fédéralistes
(FRF). Les groupes armés étrangers sont : les Forces
démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), l'Armée de
résistance du Seigneur (LRA), l'Alliance des forces démocratiques
(ADF), et les Forces nationales de libération (FNL).
Le Maï Maï Sheka connu aussi sous le nom de Nduma
Defence for Congo est un groupe armé qui opère dans le Nord du
territoire de Walikale, il est dirigé par Sheka Ntabo Ntaberi. Il
s'adonne aux activités minières, mais sème aussi la
terreur dans la contrée. L'un de ses principales opérations est
celle du 30 juillet au 2 août 2010 au cours de laquelle ils ont
pillé les villages situés entre Kibua et Luvungi, et ont
violé 300 femmes selon la MONUSCO291(*).
L'Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain
(APCLS) est un groupe armé de l'ethnie Hunde commandé par le
« général » Janvier Buingo Karairi qui compte entre 400
et 600 combattants, ce qui en fait l'un des groupes maï maï les plus
puissants du Nord-Kivu. Ce groupe armé mobilise ses forces sur la base
de la résistance populaire au retour des réfugiés et des
conflits fonciers avec les communautés hutue et tutsie. D'après
la MONUSCO, l'aile politique de l'APCLS est présidée par Hangi
Augustin et le mouvement compte parmi ses soutiens financiers des
personnalités politiques à Goma et Kinshasa292(*).
Les Forces patriotiques pour la libération du Congo
(FPLC) est un groupe armé créé en novembre 2008 en
réaction aux attaques du CNDP à Kiwanja. Il est dirigé par
Ngabo Gadi. Les FPLC sont plus importantes symboliquement que sur le plan
opérationnel. Ce mouvement rebelle faiseur de coalitions va à
contre-courant des tendances régionales en exploitant la
déception engendrée par l'orientation et les conséquences
de l'accord de paix avec le CNDP293(*).
Les Forces républicaines fédéralistes
(FRF) sont un groupe armé de l'ethnie Banyamulenge qui a
été créé en 1998 pour lutter contre le
Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et qui s'est
opposé depuis au déploiement des FARDC dans les hauts plateaux du
Sud-Kivu. Le président des FRF est le colonel Venant Bisogo, et son chef
d'état major est le colonel Michel Makanika Rukunda. Dans son rapport
final de 2009294(*), le
Groupe d'experts de l'ONU sur la RDC a corroboré les informations selon
lesquelles au moins neuf exécutions sommaires avaient eu lieu en 2009 et
14 en 2007 sous la supervision du commandant Mitabo (qui fait maintenant partie
des FARDC), respectivement sur ordre du colonel Makanika et du colonel
Bisogo295(*).
Les FDLR, groupe rebelle rwandais, sont venus en RDC en tant
que refugiés suite au génocide de 1994, aujourd'hui ils
constituent le groupe armé étranger le plus puissant et nuisible
sur le territoire congolais. Ils disposent d'une organisation bien
structurée. Le Général Gaston Ramuli Iyamuremye est le
président des FDLR, et Monsieur Callixte Mbarushimana, Secrétaire
exécutif, a assumé les fonctions de premier vice-président
avant d'être arrêté le 11 octobre 2010 par les
autorités françaises sur base d'un mandat d'arrêt
émis par la cour pénale internationale.
La LRA est un groupe armé ougandais, dirigé par
Joseph Kony et qui sème la terreur en RDC, en Ouganda, en
République centrafricaine et au Soudan. La LRA se caractérise par
la commission des atrocités et des enlèvements y compris des
mutilations. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de la
MONUSCO, la LRA, de janvier à septembre 2010, a tué 233 personnes
en RDC et en a enlevé 279, dont 184 enfants296(*).
L'Alliance des forces démocratiques (ADF) est un groupe
armé islamiste dirigé par des Ougandais qui opère depuis
la fin des années quatre-vingt-dix dans les régions
frontalières de la partie septentrionale du Nord-Kivu et la partie
méridionale de l'Ituri. Le programme politique déclaré de
l'ADF est d'installer un gouvernement islamique en Ouganda. Elle a reçu
un soutien militaire du Soudan en 1990 et en 2000. Depuis la dernière
opération militaire menée contre elle en décembre 2005 par
les FARDC et la MONUC, l'ADF semble s'être regroupée. Avant 2005,
la plupart de ses combattants étaient congolais; depuis, l'organisation
semble avoir privilégié le recrutement de combattants ougandais.
Actuellement les FARDC mènent depuis le 26 juin 2010 contre les ADF une
offensive militaire dénommée « Ruwenzori »,
mais ses résultats sont médiocres297(*).
Les Forces nationales de libération sont un groupe
rebelle burundais, dirigé par Agathon Rwasa. Rwasa devait être
l'un des principaux candidats à l'élection présidentielle
de 2010 au Burundi, mais s'est retiré de la course en invoquant des
craintes de fraudes. Depuis le départ de Rwasa du Burundi, les FNL
auraient mobilisé rien qu'en RDC environ 700 de leurs combattants les
plus expérimentés. Selon des sources diplomatiques et d'anciens
membres des FNL, il y avait, en septembre 2010, plus de 400 combattants des FNL
sur les hauts plateaux de Minembwe, plus de 200 à Kiliba, au nord de la
frontière avec le Burundi, 100 autres au nord de Sange dans la plaine de
la Ruzizi et un nombre inconnu de combattants dans le territoire de
Fizi298(*).
Pour endiguer ce problème et restaurer la paix, deux
vastes programmes ont été initiés, d'une part le programme
de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) pour
les groupes armés congolais, et d'autre part le programme
désarmement, démobilisation, rapatriement, réinstallation
et réinsertion (DDRRR) pour les groupes armés étrangers se
trouvant sur le territoire congolaise.
Le programme DDR était prévu dans l'accord
global et inclusif et était dévolu au Conseil Supérieur de
la Défense (CSD). Le président de la République confia la
mise en oeuvre du programme national de désarmement,
démobilisation et réinsertion (PNDDR) à la Commission
Nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion
(CONADER). Ce programme a été soutenu par la MONUC qui a
reçu par la résolution 1493 du 28 juillet 2003, la mission
d'aider le gouvernement congolais à désarmer, démobiliser
et réinsérer les combattants des différents groupes
rebelles299(*).
La MONUC a exécuté une bonne part du programme
DDR avant la mise en place effective du CONADER. Elle a élaboré
à partir de l'année 2003 un plan pour le désarmement
spontané et volontaire visant uniquement les combattants Maï
Maï qui avaient très tôt manifesté le désir
d'être désarmés. Ensuite la MONUC a exécuté
le programme de désarmement et réinsertion communautaire en Ituri
(DRC/Ituri). Ces deux programmes ont permis le désarmement de
21 000 combattants des différents groupes armés notamment
les Maï Maï, l'Union des Patriotes Congolais (UPC), Front des
Nationalistes Intégrationnistes/Front pour la Résistance et la
paix en Ituri (FNI/FRPI), Parti pour l'Unité et la Sauvegarde de
l'Intégrité du Congo (PUSIC), Forces Populaires pour la
Démocratie du Congo (FPDC), et Forces Armées du Peuple Congolais
(FAPC)300(*).
Après cette phase préliminaire, le CONADER a
été chargé d'exécuter le Plan National pour le DDR
des combattants congolais (PNDDR). Ce processus concernait tous les groupes
cités ci-haut avec les Forces armées congolaises (FAC), le
Mouvement de libération du Congo (MLC), le Rassemblement Congolais pour
la démocratie (RCD) avec ses différents
démembrements301(*), les ex-FAZ et les ex-gendarmes katangais (Tigres
katangais).
Dans l'exercice de cette tâche, le CONADER a
reçu le précieux concours de la MONUC, mais à ce jour le
processus DDR n'a pas encore abouti. Le CONADER a connu de sérieuses
perturbations à la suite des difficultés de financement et a
même été suspendu302(*).
Après plus de 6 ans d'initiatives
répétées et quelques mérites qu'il faut reconnaitre
à juste titre, le programme DDR reste encore un vaste chantier. En Ituri
par exemple, les principales milices Hema ont été
désarmées, mais quelques branches restent encore actives
notamment le FNI (Lendu) et le FRPI (Ngiti) qui sont toujours
réfractaires au programme Désarmement, Démobilisation, et
Réinsertion. Malgré le lancement de la troisième phase du
DDR le 05 juillet 2007 pour soixante jours, seul 10 pour cent des combattants
du FRPI étaient désarmés en fin août 2007, et du
côté des FNI 602 combattants se sont rendus, mais sans avoir des
armes à remettre.
S'agissant du programme DDRRR, il était bien inscrit
dans l'accord global et inclusif. Le chapitre 9 de l'accord portait sur le
désarmement des groupes armés, et créait à cet
effet une commission militaire mixte, chargée d'élaborer et de
mettre en oeuvre le DDRRR avec le concours des Nations unies. Il y était
énuméré des groupes burundais (CNDD-FDD), ougandais (LRA,
NALU, WNBF, ADF, UNRF II, FDA, FNUA) angolais (UNITA) et rwandais
(FDLR)303(*).
La MONUC a reçu mandat d'exécuter le programme
DDRRR par la résolution 1355 du 15 juin 2001. Cette résolution
approuvait la création au sein de la MONUC « d'une composante
de police civile et d'une section civile/militaire intégrée pour
coordonner les opérations de désarmement, de
démobilisation, de rapatriement et de réintégration
(...) ».
Au 25 juin 2007, le total des membres des groupes armés
étrangers rapatriés s'élevait à 14.847,
répartis de la manière suivante : 10.331 rwandais, 729
ougandais et 3797 burundais304(*). Tous ces chiffres prouvent à suffisance que
le programme DDRRR est loin du bout du tunnel ; encore que les FDLR ainsi
que tant d'autres groupes étrangers opérant en RDC, ont repris le
recrutement des mineurs.
Section 2. ECHEC DES OPERATIONS GOUVERNEMENTALES ET DE LA
MONUSCO
Les opérations menées par l'armée
gouvernementale seule, ou en collaboration avec d'autres armées
étrangères (rwandaise et ougandaise), ou encore avec la MONUSCO
se sont avérées infructueuses et n'ont pas pu anéantir les
FDLR, les LRA ainsi que d'autres groupes armés qui pullulent dans l'Est
de la République Démocratique du Congo (§.1), suite à
la déficience des FARDC et à l'impuissance de la MONUSCO
(§.2).
§.1. Fiasco des opérations tendant à
anéantir les forces négatives en matière de protection des
populations civiles
A. L'opération Umoja
wetu
L'opération Umoja wetu (notre unité), dite
opération conjointe (armées congolaise et rwandaise),
lancée le 20 janvier 2010 a donné des résultats
mitigés. Si sur le plan politique, l'opération Umoja wetu a
apporté certains gains, il n'en est pas le cas sur le plan du
désarmement des FDLR et du coût ou des conséquences sur la
population civile.
Sur le plan politique, l'opération Umoja wetu a permis
aux présidents rwandais et congolais, de tirer chacun son épingle
du jeu. Le président congolais Joseph Kabila, a pu obtenir la
déchéance de Laurent Nkunda qui semait la terreur dans le Kivu et
était devenu l'ennemi du pouvoir de Kinshasa. Umoja wetu a aussi permis
a Joseph Kabila d'évincer Vital Kamerhe, ancien président de
l'assemblée nationale qui s'était vigoureusement opposé
à cette opération conjointe. Kabila a ainsi écarté
un possible prétendant au poste de chef de l'Etat et potentiel
adversaire en 2011.
Le président rwandais Paul Kagamé, a quant
à lui renforcé sa crédibilité internationale
précédemment entamée par les révélations de
soutien de son pays au CNDP. Il a tenu son engagement quant à la date de
retrait des troupes rwandaises du sol congolais, a isolé les FDLR, et a
réussit à sécuriser pendant quelques semaines la partie du
Nord-Kivu la plus proche de sa frontière et à préparer un
espace favorable au retour d'une partie de 55 000 réfugiés
tutsi congolais vivant au Rwanda. Notons aussi les sanctions individuelles
imposées par la communauté internationale à cinq hauts
responsables politiques et militaires du CNDP dont Callixte Mbarushimana et le
général Sylvestre Mudacumura, moins de dix jours après la
fin de l'opération conjointe305(*).
Mais ces gains politiques ne sont pas traduits par un
affaiblissement permanent des FDLR au Kivu. Les FDLR ont survécu
à cette offensive militaire, se sont réorganisés dans la
région, et ont entrepris des campagnes de représailles tout en
recrutant de nouveaux combattants dans les villages et camps de
réfugiés. Déjà en fin février 2009, le haut
commandement des FDLR organisa des célébrations à
Bunyakiri et à Hombo au Sud-Kivu pour fêter le retour des RDF et
la victoire des FDLR306(*).
Le nombre de combattants rebelles tués,
blessés ou capturés, donné par les officiels congolais et
rwandais est fort contesté par les officiers de la MONUSCO. Sur les 512
combattants rapatriés au Rwanda par la section DDRRR de la MONUSCO, plus
d'une centaine étaient des membres rwandais du CNDP refusant
l'intégration. Et la surveillance exercée par la
hiérarchie du groupe sur ses soldats, qui avait été
temporairement affaiblie pendant la première moitié de
février 2010 a été rapidement rétablie par les
officiers du groupe rebelle qui se sont adaptés à la
méthode de progression de coalition pour reprendre le contrôle de
leurs hommes et réduire les défections307(*). Tout cela prouve que les
résultats de l'opération étaient en réalité
plus modestes que ceux fournis par les officiels.
Quant à la population civile, elle a encore
été la première a payé le prix de
l'opération conjointe. Pour se faire une idée de la catastrophe
humanitaire et des violations massives des droits de l'homme commises par les
FDLR, il scruter les rapports des humanitaires sur terrain. Du 1er
janvier au 20 février 2009, le bureau de coordination des affaires
humanitaires des nations unies (OCHA) comptait près de 30 000
nouveaux déplacés au Kivu suite à l'opération
conjointe et aux vengeances exercées par les FDLR. Le 6 mars 2009, UNHCR
faisait publiquement part de sa préoccupation devant la
dégradation de la sécurité au Nord-Kivu depuis le
départ des RDF et le déploiement généralisé
de nouvelles brigades intégrées des FARDC. Le 18 mars 2009, la
société civile du territoire de Lubero lançait un cri
d'alarme face à la montée de la violence et des actions de
représailles commises par les FDLR308(*).
Selon le rapport publié par OCHA le 19 mai 2009, au
moins douze attaques de grande envergure des FDLR contre la population avaient
été enregistrées entre le mois de mars et la mi-mai au Sud
Kivu et dans le territoire adjacent de Walikale au Nord Kivu. L'attaque la plus
meurtrière s'était déroulée à Busurungi, 40
kilomètres au nord-ouest de Hombo dans le Walikale. Durant la nuit du 10
au 11 mai 2009, 77 personnes avaient été tuées à
coup de machette, de hache et de couteaux ou brûlées vives. 700
maisons avaient été incendiées. Dans la province du Sud
Kivu, OCHA relevait que 1,128 maisons avaient été
incendiées par les FDLR depuis la mi-mars, principalement dans les
villages de Chimiro, Chiriba et Kareho309(*).
Le rapport complétait cette liste en indiquant que ces
combattants des FDLR, mais également des soldats FARDC, avaient commis
de nombreux viols et s'étaient livrés à des actes
d'extorsion et de pillage. Durant les trois premiers mois de 2009, la
Coordination provinciale pour la lutte contre la violence sexuelle avaient
enregistré 463 cas de viol dans une grande partie du Sud Kivu, soit
déjà la moitié du nombre établit pour toute
l'année 2008 dans la même province. Selon OCHA, la situation
concernant les violences sexuelles avait empiré avec le
déploiement des nouvelles unités intégrées FARDC se
préparant à continuer les actions anti-FDLR après le
départ des RDF310(*).
L'on comprend sans passer par le dos de la cuillère que
la chaine de commandement des FDLR est toujours intacte et la capacité
de nuisance du mouvement reste extrême ; ce qui traduit
l'échec de l'opération Umoja Wetu chère à Kabila et
Kagamé.
B. L'opération Kimia
II
Le 25 février 2009, lors de la cérémonie
symbolique réunissant la population de Goma et des centaines de soldats
des armées nationales du Rwanda et de la RDC, l'état-major de la
coalition et les ministres des Affaires étrangères et de la
Défense des deux pays rendaient compte des résultats officiels de
l'opération conjointe contre les FDLR. Le général John
Numbi, à l'époque commandant des opérations conjointes,
annonçait qu'« Umoja Wetu » a atteint 85 pour cent de ses
objectifs. Il précisait que la mission de la coalition n'était
pas la destruction des FDLR, mais la réduction de ses capacités
opérationnelles pour obtenir sa capitulation et le rapatriement au
Rwanda de ses combattants, mission qui n'a pas été atteinte de
notre point de vue. Rosemary Museminali, ministre rwandais des affaires
étrangères, exprimait la satisfaction du Rwanda qui
considère que les FDLR ont été significativement
affaiblies. La phase I de l'opération anti-FDLR étant
terminée, ajoutait Alexis Thambwe Mwamba, ministre congolais des
affaires étrangères, les FARDC appuyées par la MONUC sont
appelées à étendre les actions militaires au Sud
Kivu311(*).
Cette deuxième phase de l'opération anti-FDLR,
censée achever l'opération « Umoja wetu » et
anéantir totalement la capacité de nuisance des FDLR est
l'opération Kimia II qui trouve ses origines lointaines en 2008. En
effet, au cours de l'année 2008, les FARDC et la MONUC avaient
planifié et débuté la mise en oeuvre d'une
opération au Nord Kivu et au Sud Kivu, intitulée opération
« Kimia », qui était destinée à augmenter la
pression militaire sur les FDLR. Suite à la reprise des combats en
août 2008 entre le CNDP et les forces gouvernementales, cette
opération fut annulée.
Pour Kimia II, une nouvelle opération
réutilisant des concepts de l'opération
« Kimia » adaptés à la nouvelle situation de
2009, un nouvel accord a été signé entre le commandant des
forces de la MONUC et l'état-major des FARDC. Cet accord
prévoyait un soutien logistique en raison à raison d'un total de
16 000 rations de campagnes équivalentes à un
dollar/homme/jour pour les provinces du Nord et Sud Kivu, un ravitaillement en
carburant, l'évacuation médicale des blessés et un
appui-feu artillerie et aérien sur demande de l'état-major
opération selon les disponibilités de la MONUC312(*).
L'opération « Kimia II » débute en
mars 2009. Cette opération est menée exclusivement par des
unités FARDC soutenues par la MONUC, mais son champ d'action est plus
étendu au Sud Kivu. Elle est marquée par l'augmentation
dramatique des violations des droits de l'homme commises à la fois par
les FDLR et par les militaires nationaux313(*).
A ce jour les conséquences de l'opération Kimia
II sont tout simplement catastrophiques et loin de l'objectif poursuivi qui est
la mise hors d'état de nuire des FDLR. L'on compte plutôt plus de
40 000 personnes déplacées seulement pour le territoire
d'Uvira, plus de 100 maisons brulées, plusieurs bétails et
volailles emportés et une insécurité plus accrue dans la
région du Kivu, sans compter le pillage systématique, les
tracasseries, la torture et la collecte forcée des vivres, commis soit
par les FDLR, soit par les FARDC qui sont censés protéger la
population civile314(*).
C. L'opération Amani
Léo
L'opération « Amani Leo » commence
au 1er janvier 2010 avec une politique plus stricte de conditionnalité
du soutien apporté par la MONUC. A l'été 2010, 60 000
militaires FARDC et dix bataillons de casques bleus de la MONUC sont
déployés au Nord et au Sud Kivu315(*).
Au cours de cette opération, bien que les FDLR aient
continué à se livrer à des représailles contre des
civils, le rythme de leurs opérations s'est progressivement ralenti
à mesure qu'elles s'adaptaient au nouveau contexte, concluaient des
alliances avec d'autres groupes armés et se repliaient dans des zones de
plus en plus reculées. Dans l'intervalle, l'attention d'un certain
nombre d'éléments des FARDC a été
détournée par diverses activités économiques, des
divisions internes et le mécontentement lié à la mise en
oeuvre incomplète des accords de paix du 23 mars 2009.
S'agissant du bilan de cette opération, on note que
les effectifs des FDLR, qui étaient estimés à 5 800
combattants avant le communiqué de Naïrobi en 2007, sont
tombés à 3 500 au maximum en 2010, mais la structure de
commandement et de contrôle du groupe est restée dans une large
mesure intacte, seule une poignée d'officiers de rang
intermédiaire et d'officiers supérieurs des FDLR et du RUD ayant
été neutralisé au cours de l'opération Amani Leo.
Ce qui fait les FDLR ont perpétrés encore une fois des meurtres,
viols, pillages, etc.
Les FARDC, mécontentes des conditions auxquelles la
MONUSCO subordonne son appui à cette opération commune, ont eu de
plus en plus souvent tendance à agir unilatéralement durant
l'opération Amani Leo, ce qui a eu pour effet de limiter encore plus
l'influence de la MONUSCO sur leur conduite, qui reste problématique.
Sur les 3 723 incidents signalés au cours du premier semestre de 2010
par le HCR au Nord-Kivu, 1 302 (35 %) ont été causés par
les FARDC, contre 698 (19 %) par les FDLR. Des unités des FARDC ont
été accusées par les populations locales d'avoir
pillé et brûlé des villages entiers et torturé et
violé des civils au cours de leurs opérations. Bien qu'en
légère baisse par rapport à 2009, le nombre total de
personnes déplacées en RDC, qui s'établissait à 1
709 591 au 30 septembre 2010 (dont 1 542 509 dans le Nord et le Sud-Kivu), est
révélateur de l'impact humanitaire de cette
insécurité généralisée316(*).
D. Opération Rudia
II
L'opération Rudia II lancée contre la LRA dans
la Province Orientale s'est poursuivie parallèlement aux
opérations militaires menées par les Forces de défense
populaires de l'Ouganda (FDPO), les Forces armées centrafricaines (FACA)
et l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) en
République centrafricaine, dans le Sud-Soudan et en RDC. Bien qu'en
diminution, les attaques de la LRA contre des civils se sont poursuivies en
RDC, où elles ont culminé en février (18 attaques, 79
tués) et en juillet 2010 (27 attaques, 13 tués), ainsi que dans
l'est de la République centrafricaine, dans le Sud-Soudan et dans le
Darfour-Sud.
D'importantes mesures ont été prises pour
renforcer la coopération internationale dans la lutte contre la LRA. Le
27 juillet, les chefs d'état-major de la défense de la RDC, de
l'Ouganda et de la République centrafricaine ont décidé de
créer un centre commun de renseignement et d'opérations à
Dungu pour faire face au problème de sécurité
transfrontalier posé par la LRA. Les 13 et 14 octobre, l'Union africaine
a convoqué une réunion sur la LRA à Bangui
(République centrafricaine), au cours de laquelle il a été
recommandé de prendre un certain nombre de mesures, y compris de
créer une brigade commune de l'Union africaine, pour combattre la LRA.
Ce renforcement de la coopération régionale a été
appuyé au niveau international, notamment par la signature en mai 2010,
par le Président des États-Unis, Barack Obama, du Lord's
Resistance Army Disarmament and Northern Uganda Recovery Act («
LRA Act »), qui devrait se traduire par la fourniture d'un appui
accru aux forces régionales alliées. En outre, les cinq
opérations de paix des Nations Unies dans les quatre pays où
sévit la LRA ont organisé des réunions en vue
d'intensifier la coopération régionale, et le nouveau mandat
confié à la MONUSCO par la résolution 1925 (2010) du
Conseil de sécurité autorise la Mission à appuyer des
forces régionales telles que les FDPO si le Gouvernement le
demande317(*).
Malgré ces efforts, les progrès dans la lutte
contre la LRA se sont ralentis. Cette perte d'efficacité est
principalement due au fait que la LRA s'est repliée au Darfour-Sud,
où les forces alliées et les organisations internationales ne
sont pas autorisées à pénétrer. En outre, les
ressources disponibles sur le terrain restent insuffisantes étant
donné que la MONUSCO, bien qu'étant maintenant présente
dans six bases, n'est pas en mesure de se déployer dans le district du
Bas-Uélé, où la LRA a également commis des
attaques. Malgré l'appui logistique de la MONUSCO, les FARDC manquent de
moyens de transport et de communication et de fournitures. En outre, la plus
grande partie des troupes n'ont pas été relevées depuis
plus d'un an et des violations des droits de l'homme continuent d'être
signalées318(*).
E. Opération
Ruwenzori
Le 25 juin, suite à un réveil des craintes
inspirées par l'Alliance des forces démocratiques/Armée
nationale de libération de l'Ouganda (ADF-NALU), groupe armé
ougandais basé essentiellement à Beni, dans le Nord-Kivu, et
à des consultations entre les autorités militaires de la
République démocratique du Congo et de l'Ouganda, les FARDC ont
lancé contre ce groupe des opérations unilatérales sous le
nom de « Ruwenzori ».
Bien que la première phase de l'opération n'ait
guère été couronnée de succès et se soit
soldée par des pertes relativement lourdes pour les FARDC, il semblerait
que la deuxième phase, lancée le 3 septembre 2010, ait permis aux
FARDC de prendre le contrôle des principales bases de l'ADF et de
disperser les combattants de celle-ci. Malgré l'accroissement de la
pression militaire, les redditions de membres de l'ADF n'ont pas
augmenté, ce qui montre que ce mouvement a gardé sa
cohésion et qu'il se reconstituera si on lui laisse le champ
libre319(*).
Ces opérations militaires ont entraîné le
déplacement temporaire de 100 000 civils dans le territoire de Beni.
Certains retours ont été observés en août 2010 alors
que les combats perdaient en intensité. Il semble aussi que les
violations des droits de l'homme ont été commises par certains
éléments des FARDC dans la région, notamment le travail
forcé sous forme de transports effectués pour le compte des
FARDC, les extorsions et les arrestations arbitraires320(*).
Le plus alarmant au cours de cette opération
« Ruwenzori », ce que le 28 juin 2010, un bataillon de la
sixième brigade des FARDC s'est déployé à Bulambo,
à 30 Km du parc Virunga, et les soldats ont tout de suite
récolté les arachides, le maïs et le riz cultivés
dans le parc. Ils les ont emportés, ainsi que les poules, les
chèvres et les porcs que la population y élève. Il semble
que le calendrier n'était pas un hasard ; les autorités
voulant éviter des problèmes avec des militaires no payés
lors de la cérémonie du cinquantenaire, ont donné feu vert
aux soldats de se payer eux-mêmes sur le dos de la population. C'est
ainsi que les soldats sont revenus encore e début novembre, pour piller
les récoltes des haricots sous le commandement du capitaine Jeancy
KASONGO. Ce dernier a été tué par ses propres soldats,
mécontents parce qu'il n'avait pas partagé suffisamment le butin
des pillages précédents avec ses hommes321(*).
F. Opération Iron
Stone
L'opération Iron Stone, est une offensive lancée
par les Forces armées de la République Démocratique du
Congo (FARDC) seules, contre les Forces de résistance patriotique (FRPI)
dans le territoire d'Irumu, dans le district de l'Ituri.
Cette opération a permis de chasser d'Apa, de Kule et
d'Oku les milices des Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI)
et du FPJC, bien que quelques groupes restent présents dans la
vallée de la Semliki et dans les régions de Tchey, Tchekele et
Mokato Ngazi. Le chef du FPJC, Sharif Manda, a été
arrêté par les autorités ougandaises le 1er septembre, mais
le chef des FPRI, Cobra Matata, qui avait été
intégré aux FARDC, a déserté au début de
juin et a commencé à recruter et à réorganiser une
milice dans le sud de l'Ituri. Bien que des milices y soient encore
présentes, les attaques en Ituri restent limitées322(*).
§.2. Déficience des FARDC et Impuissance de la
MONUSCO
A. Déficience des
FARDC
Les Forces armées de la République
Démocratique du Congo qui sont censées d'une part combattre pour
la nation contre les FDLR et d'autres groupes armés rebelles
disséminés dans la partie Est de la RDC, et d'autre part
protéger les populations civiles sont loin d'accomplir efficacement
cette tâche.
Les FARDC sont aujourd'hui compromis par plusieurs rapports
et enquêtes qui les indexent comme auteurs des violations graves des
droits de l'homme et de droit international humanitaire323(*). Lors de l'opération
Umoja wetu, le viol, le pillage, les extorsions, le meurtre
délibéré de plusieurs civils, la destruction des maisons
ainsi que d'autres exactions sont mis à charge non seulement des FDLR,
mais aussi des FARDC324(*).
Les mêmes maux sont reprochés aux FARDC au cours
de l'opération Kimia 2 et Amani Leo, et pire encore, les militaires
congolais s'adonnent à des activités de pillage de ressources
minières dans les zones qu'ils occupent et accentuent ainsi la
l'exploitation et la vente illégale des ressources congolaises325(*).
L'armée congolaise a connu aussi plusieurs
défections au cours de ces derniers mois. Certains militaires ont
rejoint les FDLR et d'autres groupes armés actifs à l'Est du
pays, mécontents et déçus du fait que des militaires du
CNDP qui sont leurs anciens adversaires occupent actuellement surtout à
l'Est les plus hautes fonctions dans la chaine de commandement326(*).
Les contraintes structurelles des FARDC sont bien connues :
capacités logistiques et de communication limitées, paiement
tardif des soldes, problèmes de discipline, de commandement et de
contrôle, en raison notamment de l'existence de chaînes de
commandement parallèles, et inachèvement et fragilité
croissante du processus d'intégration, ce qui se traduit par des
désertions fréquentes.
Ces propos sont corroborés par Bob KABAMBA et Arnaud
ZACHARIE qui affirment :
« Les Forces armées congolaises, mal
équipées et mal payées, ont prouvé leur
incompétence dans leur tentative de sécurisation et de
pacification de l'est du Congo. De l'Ituri jusqu'au Nord-Katanga,
l'armée ne remplit pas sa mission. Dans le Bas-Congo, lors de la
répression du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo, elle s'est
illustrée par des violations graves des droits humains. Comment peut-il
en être autrement quand on sait qu'elle n'a jamais été
formée comme une armée républicaine digne de ce nom ?
Elle est la résultante du brassage des différents groupes
armés rebelles qui ont occupé une partie du pays durant les
années de guerre. Outre les violations, les troupes n'obéissent
pas à un commandement commun et d'autres refusent d'être
affectés dans d'autres régions militaires du
pays »327(*).
Cette affirmation est d'autant pertinente qu'elle fait
ressortir la cause majeure de la déliquescence des forces armées
congolaises, savoir une armée hétéroclite, composée
des plusieurs groupes armés n'ayant pas été formés
de façon républicaine et uniforme. Tant que l'armée
congolaise sera le fruit des brassages, mixages et des mélanges des
contingents formés par plusieurs pays à la fois, la formation
d'une armée républicaine ne sera qu'un simple voeu pieux.
L'armée congolaise a donc été incapable
malgré les multiples opérations initiées par le
gouvernement, de réduire à néant la capacité de
nuisance des FDLR, cela traduit une déficience grave de la part des
FARDC. Et en sus, l'armée congolaise n'est pas en mesure de
protéger les civils contre les attaques des FLDR et autres groupes
armés ; le plus ahurissant de tout ce que les FARDC sont elles
mêmes auteurs des violations des droits de l'homme et du droit
international humanitaire. Cette incapacité étant
avérée, il est impérieux pensons-nous de trouver un autre
moyen plus efficace pour protéger les populations civiles congolaises,
en attendant la restructuration intégrale de l'armée.
B. Impuissance de la
MONUSCO
La MONUSCO, hier MONUC, a vu sa crédibilité
largement entamée depuis 2008, surtout quant à sa capacité
de protéger les populations civiles des exactions commises par les
rebelles et l'armée nationale congolaise.
En 2008, la guerre du CNDP a causé des milliers de
morts, mais la MONUC n'a pas pu protéger les populations civiles.
L'exemple éloquent est le massacre de Kiwandja, d'octobre-novembre 2008.
En effet, la MONUC a établi à Kiwandja l'une de ses plus vastes
bases de terrain, disposant de 120 soldats de maintien de la paix, pour
protéger les civils et les nombreuses agences humanitaires
internationales installées à cet endroit et fournissant leur
assistance à la région. Pourtant la MONUC n'a pas réussi
à empêcher les massacres et autres exactions commises par le CNDP
et les combattants Maï Maï328(*).
La MONUSCO a même été plusieurs fois
confronté à l'hostilité des forces armées
nationales congolaises, ou à franges de la population, surtout suite aux
exactions commises par les FARDC, mais aussi à la carence
d'interprète car la plupart des casques bleus ne parlent ni
français, ni swahili.
Au cours de l'opération « Umoja
Wetu », la mission onusienne a été
délibérément mise à l'écart par le
gouvernement congolais. La MONUC a ainsi éprouvé d'énormes
difficultés à agir pour protéger les populations
civiles ; et les rapports présentés par les officiels
congolais ont fait l'objet des critiques acerbes de la part de la MONUC.
Au cours de l'opération Kimia 2, malgré la
présence des contingents de la MONUC aux côtés des FARDC,
on note des violations graves des droits de l'homme et du droit international
humanitaire de la part des FDLR et des FARDC. Cela va entrainer un appui soumis
à plusieurs conditionnalités, et un retrait de soutien à
plusieurs bataillons reconnus coupables de ces exactions.
Avec l'opération Amani Lelo, la politique de
conditionnalité qui entre en application ne contribue pas à
améliorer l'efficacité des FARDC, mais sert plutôt à
protéger juridiquement la MONUC. Les conditions acceptées par le
gouvernement congolais pour 2010 sont immédiatement contournées.
Au Sud Kivu, pendant les quatre premiers mois de l'année 2010, 25
actions militaires conjointes sont menées alors que 74 autres sont
conduites unilatéralement par les FARDC sans en informer les casques
bleus. En mai, des experts des Nations unies indiquent que les
opérations militaires en cours pourraient rendre la situation plus
dangereuse pour les combattants FDLR qui veulent déposer les armes et
être rapatriés. Jusqu'en juillet, dans les organigrammes
établis par les FARDC et accessibles par la MONUC, des criminels de
guerre figurent toujours aux postes de commandement de l'opération
« Amani Leo ». Pourtant, la MONUC n'a pas d'influence sur une
armée nationale en campagne qui se distingue par un grave niveau
d'impréparation, de corruption et d'impunité. La
crédibilité de la mission de maintien de la paix est largement
entamée329(*).
Le mea culpa est fait de façon claire et
non-équivoque par le sous-secrétaire général de
l'ONU en charge des opérations de maintien de paix dans son rapport sur
les viols collectifs commis à l'Est de la RDC. Atul Khare a
déclaré dans son rapport présenté au Conseil de
sécurité le mardi 7 septembre 2010, que la MONUSCO avait
largement failli dans sa mission de protéger les populations civiles. En
effet, les casques bleus de la MONUSCO n'ont pas pu empêcher le viol de
près de 242 femmes dans 13 villages du Kivu. Il a ajouté que
près de 500 personnes dont des enfants avaient subi la loi des violeurs.
Atul Khare a souligné qu'en plus, près de 260 viols
supplémentaires de femmes et d'enfants, dont certains à peine
âgés de 7 ans, ont été perpétrés au
Nord-Kivu et au Sud-Kivu au courant du mois d'août 2010330(*).
Le professeur MAZYAMBO estime que les résultats
mitigés de la MONUC (MONUSCO) en matière de maintien de la paix
et de la sécurité (des civils) dans certaines provinces de l'Est
du pays peuvent s'expliquer par la taille de sa composante militaire qui ne
cadre pas avec l'immensité du territoire de la République
Démocratique du Congo331(*). Cette thèse est d'autant vraie, qu'elle
cristallise la nécessité du renforcement de la capacité
militaire de la mission onusienne en ressources humaines et matérielles
en vue de la protection des populations civiles.
Avec toutes ces affirmations vérifiées, il ya
lieu de s'interroger sur les raisons qui poussent le gouvernement congolais
à exiger le départ de la mission onusienne. En tout cas, si cette
demande recèle des raisons politiques ou stratégiques selon le
gouvernement congolais, elle ne profite en rien aux populations civiles de
l'Est qui sont abandonnées à leur triste sort.
CHAPITRE VI. PERSPECTIVES POUR LA MISE EN OEUVRE DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER EN RDC
Nous avons démontré que des violations graves
des droits de l'homme et du droit international humanitaire traduisant
l'atteinte du seuil de la juste cause ont été commises sur le
territoire congolais suite à des guerres meurtrières de 1996
à 2003, malheureusement on s'étonne avec le professeur MAMPUYA
qu'un tel conflit avec autant de massacres n'ait pas provoqué
l'élan de solidarité et d'assistance humanitaire si
caractéristique de notre époque, et est même demeuré
inconnu332(*). Cette
catastrophe humanitaire constitue de notre point de vue le premier
« rendez-vous manqué » de la responsabilité
de protéger, car elle aurait pu être la première occasion
de voir ce nouveau principe de droit international mis en application pour
protéger les civils innocents des tirs du canon.
Après ce que d'aucuns appellent la guerre mondiale
africaine, la République Démocratique du Congo
particulièrement dans sa partie Est, n'a toujours pas retrouvée
la véritable paix. C'est dans un cercle infernal des tourments que
vivent les populations du Grand Kivu333(*) et de la province orientale. Une zone
parsemée des groupes armés, et caractérisée par une
litanie de guerres menées soit contre des congolais
instrumentalisés par l'étranger, soit contre les FDLR, mais
toutes ayant au delà des raisons politiques et stratégiques, un
dénominateur commun qui est le contrôle des richesses
minières congolaises. Cette situation est exacerbée par
l'inefficacité des FARDC qui traduit l'incapacité du gouvernement
de mettre à cette crise, mais aussi par l'impuissance de la MONUSCO.
Dans cette inflation de violence, la population civile est
la première a payé le prix. Des femmes violées, des
populations déplacées, des villages incendiés, des
personnes massacrées, sont autant des traits caractéristiques de
la partie Est de la RDC à ce jour. Face à ces crimes
perpétrés en toute impunité, il sied de notre point de vue
de mettre en oeuvre la responsabilité de protéger, qui est un
mécanisme international efficace pour protéger les populations
civiles des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et même
de génocide.
Comment mettre en application la responsabilité de
protéger dans le contexte actuel de la RDC ? Pour répondre
à cette question, il faut envisager la responsabilité de
protéger comme un continuum. En effet, la responsabilité de
protéger suppose trois paliers comme nous l'avons vu dans la
première partie de cette étude, la prévention, la
réaction, et la reconstruction. Au regard de la situation en RDC la mise
en oeuvre des moyens préventifs contribuerait à protéger
efficacement les populations civiles, tout en excluant pas l'hypothèse
d'une coercition militaire, mais cela doit s'inscrire dans le cadre d'un
continuum (Section 1).
Par ailleurs, l'action internationale doit être
accompagnée par l'effort national en vue d'un objectif commun ;
ainsi cette action quelle qu'elle soit est inefficace si elle n'est pas
soutenue par la gouvernement en place et accueillie favorablement par les
bénéficiaires qui sont les populations civiles (Section. 2).
Section 1. PREVENIR LA COMMISSION DES CRIMES
Pour protéger les populations civiles des crimes
odieux qui se commettent en RDC, il faut commencer par la prévention.
Cette étape de la mise en oeuvre de la R2P comporte plusieurs
mécanismes, et nous avons opté pour la mise en place d'un
tribunal international pour la RDC (§.3), et le déploiement d'une
force préventive, prête à agir en cas de résurgence
de violence pour protéger les populations civiles. Etant donné
qu'une mission de l'ONU pour la stabilisation de la RDC existe
déjà, il sera question pour nous de voir comment modifier le
mandat de celle-ci pour qu'elle agisse efficacement par rapport aux besoins des
populations civiles (§.2). Mais avant tout cela, il est nécessaire
que le conseil de sécurité de l'ONU s'approprie la mise en oeuvre
de la responsabilité de protéger en RDC (§.1).
§.1. La mise en mouvement du principe par le Conseil de
sécurité
La responsabilité de protéger est un principe de
droit international qui peut entrainer le lancement d'une intervention
militaire. Pour sa légitimité et sa fiabilité, la
commission internationale pour l'intervention et la souveraineté des
Etats a proposé que le principe soit mis en mouvement par le conseil de
sécurité, seul organe de l'ONU jusque là, habilitée
a prendre des mesures coercitives ou mettre sur pied des missions de maintien
de paix. Cela est d'autant vrai que le conseil de sécurité dans
la création de la mission de L'ONU au Soudan (MINUS), a invoqué
le principe de la responsabilité de protéger.
Le déclenchement de la responsabilité de
protéger en RDC doit être discuté et décidé
au conseil de sécurité de l'ONU. Le fait que le conseil de
sécurité prenne la responsabilité de protéger les
populations civiles congolaises, victimes des crimes internationaux revêt
beaucoup d'avantages.
Premièrement cette prise de position solennelle
réveillera la conscience universelle et suscitera surement l'élan
de solidarité de toute la communauté des Etats sur les supplices
des populations civiles à l'Est de la RDC. Aussi ce fait pourra
dissuader d'autres criminels dans la perpétration des crimes
barbares.
L'appropriation de l'application du principe en RDC par le
conseil de sécurité va garantir la légitimité des
mesures qui seront prises pour ce faire contre toutes les parties en
présence dans le conflit congolais (gouvernement ou groupes
armés), mais aussi leur efficacité, car le conseil de
sécurité possède de notre point de vue tous les moyens
possibles pour protéger les populations civiles des affres de la
guerre.
Cette action du conseil de sécurité va aussi
renforcer sa légitimité et son autorité sur le plan
international, car cette institution fait l'objet de beaucoup de controverses
depuis quelques années.
Au delà de toutes ces considérations, ce qui
importe pour nous ce que cette prise de responsabilité permettra de
protéger plusieurs femmes et jeunes filles de viol, de sécuriser
des villages entiers des incendies et pillages, et d'épargner les
populations des massacres.
§.2. Modifier le mandat de la MONUSCO
La mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger en RDC, nécessite à notre avis le
déploiement d'une force neutre afin de protéger les populations
civiles des souffrances que leur infligent les différentes parties au
conflit en RDC. Or il existe déjà une mission de l'ONU en RDC
dénommée MONUSCO. Nous estimons qu'il est plus raisonnable
d'utiliser cette force onusienne pour la protection efficace et convenable des
populations civiles au lieu d'envisager une force au risque d'éparpiller
les ressources tant humaines que matérielles. Pour ce faire, il est
impératif de modifier le mandat de la MONUSCO pour que cette
dernière soit compatible à cette nouvelle mission.
La mission des nations unies pour la stabilisation de la
République Démocratique est la plus importante mission de l'ONU
dans le monde en termes de budget et de nombre du personnel. Elle a connu
toutes les transformations possibles que peut subir une opération de
maintien de la paix (OMP), du maintien de la paix (peace keeping) à la
consolidation de la paix (peace bulding) en passant par le
rétablissement de la paix (peace making) et à l'imposition de la
paix (peace enforcement334(*)). Son mandat bien défini dans la
résolution 1925 du conseil de sécurité du 28 mai 2010, met
en priorité la protection des civils dans la formulation
suivante :
« ...
12. Décide que la MONUSCO aura le mandat suivant,
dans cet ordre de priorité :
Protection des civils
a) Assurer la protection effective des civils, y compris
le personnel humanitaire et le personnel chargé de défendre les
droits de l'homme, se trouvant sous la menace imminente de violences physiques,
en particulier de violences qui seraient le fait de l'une quelconque des
parties au conflit ... »335(*)
Cette formulation ne nous semble pas à la hauteur des
impératifs sécuritaires à l'Est de la RDC, encore moins
à celle des attentes des populations concernées. La formulation
de la résolution 1706 pour la création de la MINUS au Soudan nous
semble plus appropriée dans la perspective de la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger. Elle se présente comme
suit :
« ...
12. Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies,
a) Décide d'autoriser la MINUS à intervenir
par tous les moyens nécessaires, dans les secteurs où ses forces
seront déployées et dans la mesure où elle jugera que ses
capacités le lui permettent :
- Pour protéger le personnel, les locaux,
installations et matériels des Nations Unies, assurer la
sécurité et la libre circulation du personnel des Nations Unies,
des travailleurs humanitaires, du personnel du mécanisme commun
d'évaluation et de la commission du bilan et de l'évaluation,
empêcher toute perturbation de la mise en oeuvre de l'Accord de paix au
Darfour par des groupes armés et, sans préjudice de la
responsabilité du Gouvernement soudanais, protéger les civils
sous menace de violence physique ... »336(*)
L'on se rend bien compte ici que les deux missions ont la
charge de protéger les civils, mais le mandat donné au
deuxième est plus renforcé. Il serait donc convenable si l'on
déclenche la responsabilité de protéger en RDC, de donner
à la MONUSCO l'autorisation d'intervenir par « tous les moyens
nécessaires » pour protéger les populations civiles
sous menace de violence physique.
Mais cette redéfinition du mandat ne suffit pas,
encore faut-il mettre effectivement les moyens en oeuvre et préciser les
dimensions opérationnelles. S'agissant des moyens et ressources pour
atteindre une opération à des fins de protection humaine, la
question est cruciale, car si la majorité de la doctrine affirme
aujourd'hui que la mise en oeuvre de la responsabilité de
protéger au Soudan est un test échoué, c'est parce qu'on a
jamais doté la MINUS des moyens requis pour atteindre sa mission,
ajouté à la réticence du gouvernement soudanais à
cette mission onusienne, qui a finalement entrainé la création de
la MINUAD.
Cette dimension est d'autant plus importante que la
réussite et l'échec de la mission en dépend. Il est donc
hyper important que le gouvernement congolais, la société civile
ou toutes autres forces vives de la nation, ou encore tout acteur international
qui plaidera la cause des populations de l'Est du Congo martèle sur la
mise à la disposition de la MONUSCO de tous les moyens humains et
matériels nécessaires pour ne pas avoir un échec cuisant
comme celui du Darfour. Et le conseil de sécurité qui prends la
décision doit être à même de mobiliser les moyens
nécessaires pour l'aboutissement de la mission, d'où une nette et
franche collaboration avec les bailleurs de fonds.
La dimension opérationnelle est aussi capitale, il
faut donc que dans la planification de la mission, l'on puisse dégager
une coalition politique et militaire homogène. La presse doit être
suffisamment informée sur la nécessité et le bien
fondée de la mission, pour qu'elle vulgarise la vraie et bonne
information à la population.
Quant à la structure de commandement, aux règles
d'engagement, et à celles liées à l'application de la
force, elles doivent être conformes au droit international e vigueur en
la matière, et la mission étant supervisée par l'ONU, ces
règles doivent être clairement définies dans le mandat.
Une autre question épineuse est celle du suivi
après les opérations de la mission. En effet, le but premier des
opérations de la mission est de protéger les populations civiles,
mais tant que les groupes armés actifs dans la zone ne sont pas
démantelés, il serait vain de partir. Il faut que la mission ait
comme autre tâche la mise hors d'état de nuire de tous les groupes
rebelles afin de consolider la paix et de stabiliser véritablement la
République Démocratique du Congo.
Les cinq grandes tâches post-intervention doivent aussi
être bien précises dans le mandat de la mission ; bien que
certaines d'entre elles sont déjà exécutées par la
MONUSCO. Nous avons la reforme de l'armée et de la police ; le
désarmement, la démobilisation et la réinsertion des
combattants ; la protection des minorités si elles sont toujours
sous la menace de la violence physique ; le déminage ; et la
dernière étant celle de la poursuite des criminels devant une
instance judiciaire.
De tout ce qui précède, il est clair que la
mission onusienne ne doit pas s'en aller très tôt. Actuellement la
durée de son mandat s'étend jusqu'au 30 juin 2011, mais au vu et
au su de la situation telle décrite ci-haut nous estimons qu'il est
nécessaire et impérieux de prolonger ce mandat en vue non
seulement d'accompagner le processus électoral, mais aussi et surtout de
protéger efficacement les populations civiles qui sont victimes des
barbaries de toute sorte.
§.3. La création d'un tribunal international
mixte pour la RDC
L'un des mécanismes efficaces dans le
déclenchement de la responsabilité de protéger au niveau
de son palier préventif est la mise sur pied d'un tribunal
indépendant et compétent pour juger les criminels de guerre et
autres, surtout dans le pays post-conflit comme la République
Démocratique du Congo.
Avec la publication du rapport lapping, les voix se sont
élevées pour exiger la création d'un tribunal pénal
international pour poursuivre les auteurs des crimes de guerre, crimes contre
l'humanité et crime de génocide en RDC. Mais le gouvernement tout
en acceptant globalement le rapport lapping, s'est opposé à la
création d'un tribunal pénal international, et a plutôt
porté son choix sur la création des chambres
spécialisées dans les juridictions congolaises comme celles
créées au Cambodge et en Bosnie-Herzégovine.
Le rapport du projet lapping penche pour la création
d'un tribunal mixte pour la République Démocratique du Congo, tel
que celui de la Sierra Léone ou du Liban. Cette option nous semble la
meilleure pour les raisons que nous exposons dans les lignes qui suivent, c'est
pourquoi nous y avons souscrit.
Tout part de la nécessaire indépendance de
l'instance répressive. En effet, pour panser définitivement la
plaie et rendre justice aux victimes, la juridiction doit être
indépendante aussi bien dans le statut de ses magistrats que dans son
fonctionnement, au delà des connaissances requises vis-à-vis de
la matière des crimes internationaux. Or les juridictions nationales
congolaises sont loin d'être indépendantes, et leur accorder la
compétence de juger les auteurs de ces crimes serait privilégier
d'autres intérêts que ceux des victimes et de l'humanité
qui en est aussi victime.
Tout le monde reconnait la situation globale
d'asservissement et de disfonctionnement de la justice congolaise. Cela est
d'autant vrai que même le gouvernement le reconnait. Le ministre de la
justice tout en proposant des chambres spécialisées au sein des
juridictions congolaises assigne à la présence de magistrats
étrangers le rôle d'accompagner la réforme judiciaire en
cours sans toutefois priver la justice congolaise de rendre justice. On nous
présente ainsi une instance qui serait encore en processus de formation,
non encore indépendante mais que l'on voudrait engager dans
l'apprentissage de l'indépendance, de l'intégrité et de
capacité au moment même où lui est confiée une
responsabilité internationale historique337(*).
En droit positif congolais, la compétence de
connaitre de ces crimes est réservée aux juridictions militaires,
or ces dernières sont soumises à une subordination
hiérarchique accrue, à la discipline et à
l'obéissance de fer. C'est pour cela que le rapport lapping exclut
l'attribution de ces compétences aux juridictions militaires. Cette
situation est accentuée pour toutes les juridictions nationales suite au
projet de révision constitutionnelle déjà en examen au
parlement, qui, dans l'une de ses propositions tend à assujettir
d'avantage le pouvoir judiciaire338(*).
Il faut souligner que cette juridiction aura la charge de
juger des personnes qui exercent actuellement des hautes fonctions dans le
pays. En effet, le rapport lapping cite certains congolais encore aux affaires
aujourd'hui comme étant liés à la commission des crimes
internationaux commis au Congo ; et la non pertinence de la qualité
officielle, principe permettant de poursuivre même des personnes ayant
des fonctions publiques, ne pourra être appliqué parce que
l'indépendance de la justice est malmenée même dans les
procès ordinaires.
Ce cas de figure est totalement différent du Cambodge
que le gouvernement congolais prend comme exemple pour justifier la
création des chambres spécialisées au Congo. Au Cambodge,
les personnes visées par la chambre spéciale créée
dans l'ordre judiciaire nationale, ne sont plus depuis très longtemps au
pouvoir, et ont été écartées par le système
démocratique mis en place avec le concours de la communauté
internationale ; elles ne peuvent plus ni empêcher l'exercice de la
justice, ni influencer son déroulement, ni faire pression au tribunal.
La possibilité de dire la justice dans un cas comme le nôtre
où certains justiciables éventuels sont encore aux affaires, ne
peut exister que si une seule autorité, suprême, est capable de
mettre tout le monde au pas, remettre toutes les autres autorités
à la justice, mais sans pouvoir elle-même être
inquiétée parce qu'étant au-dessus de tout soupçon
pour n'avoir trempé d'aucune manière dans les
événements ni, a priori y être rattachée à
ces derniers. En tout état de cause, dépendant de la
volonté d'un seul, une telle «justice» ne peut qu'être
sélective et à géométrie variable, comme en
témoigne le sort différent que connaissent certains
présumés criminels congolais, les uns envoyés à la
CPI, les autres bénéficiant de mansuétude sans pouvoir
être inquiétés339(*).
Quant à la création d'un tribunal pénal
international, les raisons évoquées dans le rapport mapping nous
semble valablement suffisante pour ne pas y souscrire. Parmi ces raisons, nous
avons notamment un coût considérablement élevé, en
particulier au regard du faible nombre de poursuites engagées et de
procès tenus ; il reste peu visible pour la population et les
victimes en raison de la distance géographique (établi en dehors
du pays concerné) et d'une faible compréhension de ses
procédures ; il ne peut contribuer qu'indirectement et de
façon limitée au renforcement des capacités du
système judiciaire national ; et exige finalement une implication
directe et importante du conseil de sécurité340(*).
Pour toutes ces raisons, le tribunal qui convient pour la
République Démocratique du Congo est un tribunal international
mixte, établi sous l'autorité de l'ONU en vertu du chapitre VII
de la charte. Il sera indépendant vis-à-vis des autorités
politiques, il fonctionnera sur le territoire congolais et aura ainsi
l'avantage d'être visible pour la population et les victimes, il ne va
pas nécessiter un coût considérable et va faciliter les
enquêtes et investigations dans le délai raisonnable, etc. Etant
donné que la majorité des auteurs de ces crimes ne
résident pas au Congo, cette juridiction sera complétée
par les juridictions étrangères sur base de la compétence
universelle, car la coopération des systèmes juridictionnels
étrangers peut s'avérer indispensable. Concernant cette
dernière hypothèse, rien dans les statuts des chambres
spécialisées, relevant de l'ordre national judiciaire congolais,
ne pourrait contraindre juridiquement les Etats étrangers de rendre ces
criminels à la justice congolaise ou, même, de coopérer
avec elle341(*).
Section 2. ACCOMPAGNER L'ACTION DE LA COMMUNAUTE
INTERNATIONALE
La mise en oeuvre efficace de la responsabilité de
protéger nécessite un soutien infaillible des victimes, donc de
la population civile (§.1), ensuite des autorités étatiques
qui ont en premier la charger de protéger la population des crimes
internationaux (§.2) ; et enfin des pays de la région surtout
lorsque les autorités gouvernementales ont failli ou sont auteurs de ces
mêmes crimes (§.3).
§.1. L'implication du peuple congolais
La réussite de l'action internationale dans le cadre de
la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger est largement
tributaire de la pression et du soutien que peut exercer la population en
faveur de cette action.
Cela nécessite certes une large mobilisation et
sensibilisation de la population afin qu'elle comprenne le bien-fondé de
l'action et qu'elle la soutienne par la suite ; le gouvernement est de
notre point de vue bien placée pour réveiller la population quant
à ce. Mais étant donné que le gouvernement ne le fait et
ni pense même pas apparemment, il est du devoir des scientifiques de
jouer le rôle de lumière de la société, en tirant la
sonnette d'alarme pour éveiller les consciences.
Le peuple congolais est réputé être
naïf, mais cela n'est pas totalement vrai de notre point de vue, car
chaque fois que il a été en face de situation nécessitant
une réaction de sa part, il a eu à le faire d'une manière
ou d'une autre ; ce qui lui faut c'est toujours une vraie information et
des éveilleurs de conscience ; car dit-on, on peut tromper un
peuple pendant un temps, mais on ne peut pas tromper tout un peuple tout le
temps.
Le processus peut être long, mais il faut de la
détermination et du courage. Les crimes odieux qui ont été
commis et qui se commettent chaque jour en République
Démocratique du Congo sont d'une laideur et d'une barbarie telle qui si
le peuple est informé et conscientisé sur cela, il sera favorable
à toute action visant à y mettre un terme, mais seulement dans
l'unique intérêt des victimes.
Ce résultat est difficile à atteindre sans
l'implication des autorités politiques, d'où
l'intérêt d'analyser leur nécessaire soutien pour la
réalisation de ce but qu'est la protection des populations civiles de
l'Est de la RDC.
§.2. Ferme volonté des autorités
politiques
Dans le déclenchement et l'application effective de la
responsabilité de protéger l'appui des autorités
politiques à quelque niveau que ce soit est éminemment important.
C'est pourquoi les autorités congolaises, conscientes de leurs limites
en matière de respect des droits de l'homme et de protection des
populations civiles contre diverses atrocités, doivent prendre le devant
et exiger une action internationale dans le cadre de la responsabilité
de protéger. Ne pas le faire serait de notre point de vue un crime grave
envers le peuple et, même, la communauté internationale, car
finalement c'est l'humanité entière qui est froissée par
la commission de ces crimes.
En plus, les autorités congolaises ne doivent sous
aucun prétexte se cacher derrière des discours
souverainistes342(*) ou
de protection de la paix pour obstruer les poursuites judiciaires contre les
auteurs des crimes internationaux commis au Congo, ou pour empêcher le
déclenchement d'une intervention extérieure en vue de
protéger les populations civiles des massacres ; car cela les
discrédite inéluctablement. Elles ont dont tout à perdre
dans la perpétuation de l'impunité surtout à l'Est du
pays ; et dans cette perspective le professeur BASUE BABU KAZADI affirme
qu'il faut en finir avec l'impunité : une folie ou une
atrocité organisée par les gouvernants sans possibilités
de recours effectif contre l'arbitraire et l'oppression manifeste tel le
massacres des chrétiens à Kinshasa ou des étudiants
à l'université de Lubumbashi ou encore une faillite :
pillages organisés ou génocide perpétré par des
militaires mutins ou sous les ordres sont de nature à prouver que cet
Etat n'est plus digne et légitime car rejeté par son peuple,
détenteur en dernier ressort du pouvoir343(*).
Les autorités congolaises ont donc tout
intérêt à rechercher partout les moyens à
protéger les populations congolaises de la barbarie, et cela constitue
pour elles un devoir national et international.
Il est étonnant comme nous l'avons dit ci-haut de
constaté que ces autorités n'ont jamais fait allusion à ce
principe émergent de droit international. Est-ce par mauvaise foi ou par
ignorance. Pour éviter un procès d'intention nous
préférons leur accorder le bénéfice de l'ignorance
car le principe n'est pas encore bien connue ; tout en pensant que cette
étude va être ne fût-ce qu'un prélude à
l'idée de la mise en application du principe de la responsabilité
de protéger en RDC.
Les Etats de la région de l'Afrique centrale et mieux
encore ceux de la région des Grands-Lacs sont autant concernés
par le drame congolais qu'ils ne peuvent en être dissociés, encore
que certaines causes du conflit proviennent des Etats voisins.
La République se trouvent au coeur de l'Afrique et ses
pays voisins ont des eu comme on l'a vu plus haut des réactions
mitigés et timides quant au drame congolais. Alors que l'Angola, le
Soudan, le Zimbabwe, sont venus officiellement au secours de la nation
congolaise pour combattre les rebelles ; le Rwanda, l'Ouganda et le
Burundi ont participé activement à l'exacerbation de ce conflit
et par ricochet à la commission de plusieurs crimes odieux sur le
territoire congolais.
Le gouvernement congolais tout en privilégiant d'abord
et avant tout l'intérêt de sa population, peut rechercher à
aplanir ses relations aves les uns et à consolider ses rapports avec les
autres. Mais l'on ne peut admettre que le gouvernement en quête
d'intérêt stratégique ou de rapprochement avec les pays
voisins, puisse reléguer au second plan la protection de ses citoyens,
et édulcorer la réalité par des subterfuges politiques.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
La République Démocratique du Congo a connu des
périodes sombres et tragiques dans son histoire, mais ceux de la
décennie nonante et deux mille sont les plus funestes. Face à la
perpétration des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité
et de crime de génocide, il y avait lieu de chercher à tout prix
à protéger les populations civiles par un mécanisme de
droit international. Mais hélas, pour la responsabilité de
protéger, principe que nous avons examiné dans la première
partie de cette étude, ce fut un grand rendez-vous
manqué !
Avec l'évolution du processus électoral et les
changements intervenus dans le système politique et juridique, un brin
d'espoir naissait quant à la paix, et à la protection des
populations civiles de tout danger. Mais cela n'as pas duré longtemps,
car différentes formes de violence ont refait surface surtout à
l'Est du pays, suite à la floraison des groupes armés en
quête des ressources minières ou instrumentalisés par
l'étranger. Cette situation a dégénéré au
point que la sécurité est devenue un concept oublié dans
les mémoires des populations congolaises surtout à l'Est.
Face à l'insécurité grandissante et
à la perpétration sans fin des crimes odieux, comment
réagir. Nous avons estimé que la mise en oeuvre de la
responsabilité de protéger par ses moyens et mécanismes
préventifs peut être un remède aux tourments que vivent
chaque jour les populations de l'Est de la République
Démocratique du Congo.
Dans cette optique, le déclenchement de la mise en
oeuvre par le conseil de sécurité, la modification du mandat de
la MONUSCO, et la création d'un tribunal international mixte pour les
crimes commis en RDC, semblent être de notre point de vue, les
premières actions à entreprendre pour protéger les
populations civiles des crimes internationaux. Le déclenchement du
processus par le conseil de sécurité consiste en une prise de
position sans équivoque de la part du conseil de sécurité,
en vue de mettre en oeuvre la responsabilité de protéger en RDC,
comme il l'a fait au Soudan. La modification du mandat de la MONUSCO a comme
principal but la mise à sa disposition des moyens suffisants et d'une
mission claire pour qu'elle protège efficacement les populations
congolaises dans le cadre de la responsabilité de protéger ;
et la création d'un tribunal international mixte a comme objectif la
mise à l'écart des criminels, et la réparation des
dommages causés aux victimes.
Tous ces mécanismes mis en mouvement peuvent soulager
les douleurs des populations victimes d'exactions et apporter un souffle
nouveau pour le développement du pays. Cependant, l'appui de la
population est nécessaire au déclenchement d'un tel
mécanisme, de même que la volonté manifeste des
autorités politiques pour la réalisation d'un tel projet est
indispensable. D'où l'importance de l'implication de tous ces acteurs
dans la mise e oeuvre de la responsabilité de protéger en
République Démocratique du Congo.
Si, toutes ces recommandations sont assimilées et
appliquées, nous osons croire que la question de la protection des
populations civiles congolaises face aux crimes les plus ignobles sera
résolue, en attendant que l'Etat retrouve toutes ses capacités
dans le cadre de ses activités régaliennes.
CONCLUSION GENERALE
Née dans la quête permanente d'une assise
juridique pour les interventions à des fins de protection humaine, la
responsabilité de protéger peut être une issue favorable
pour la protection des populations civiles contre les crimes de guerre, crimes
contre l'humanité, et le crime de génocide.
Il ne s'agit pas d'une nouvelle institution de droit
international, mais plutôt d'une nouvelle vision, qui veut que les
interventions à des fins humanitaires ou de protection humaine,
s'inscrivent dans une perspective, celle d'un continuum qui privilégie
d'abord la prévention avant la réaction, et qui intègre
forcement la reconstruction, au risque de perdre tous les acquis de la
réaction.
Etant donné que le principe est en
réalité un nouvel avatar du droit d'ingérence humanitaire
et de l'intervention d'humanité, il est inéluctable que les
stigmates ataviques de ses prédécesseurs puissent le
caractériser aussi, notamment la tendance à l'instrumentalisation
qui peut aboutir à un néocolonialisme voilé ou à un
impérialisme mesquin.
Au reste, le principe est neutre en lui-même. Ce
faisant, les Etats ont la latitude de ne pas en faire un simple slogan
sclérosé ou une coquille vide, car son échec ou sa
réussite est tributaire du bon vouloir des Etats selon leurs
intérêts vitaux. Le principe a déjà connu des
échecs, en Birmanie avec la catastrophe causé par le cyclone
Nargis, au Soudan avec la crise du Darfour, au Sri Lanka avec le conflit
opposant le gouvernement aux Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul
(LTTE). Dans tous ces cas, seul, le bon vouloir des Etats était de
mise.
Les populations de l'Est de la République
Démocratique du Congo sont aujourd'hui victimes des crimes de guerre et
des crimes contre l'humanité, et cela dure depuis plus de dix ans. La
responsabilité de protéger ne serait-elle pas le meilleur moyen
pour protéger ces populations ? Les initiatives tant nationales
qu'internationales mises en place pour restaurer la paix et venir en aide
à ces populations n'ont pas jusque là réussie à
protéger les populations de viol et des tueries.
Il est donc opportun et nécessaire de penser à
un mécanisme adéquat pour épargner ces populations des
pires souffrances et des tourments. Et la responsabilité de
protéger est pour nous une voie favorable et disponible qu'offre le
droit international. Sa mise en oeuvre en RDC, doit se faire d'abord par ses
mécanismes préventifs.
Ces mécanismes préventifs à mettre en
oeuvre sont le déclenchement du principe par le Conseil de
sécurité de l'ONU, ce qui va entrainer un ensemble des
corollaires qui vont avec la protection des populations civiles comme telles,
notamment la disponibilité des moyens matériels et humains pour
cette tâche; ensuite la modification du mandat de la mission des Nations
Unies pour la stabilisation de la RDC (MONUSCO) ; et enfin la
création d'un tribunal international mixte pour juger les coupables des
crimes commis avant l'entrée en vigueur du statut de la cour
pénale internationale.
Ces différents mécanismes peuvent dans premier
temps constituer une avancée significative dans la recherche des voies
et moyens pour protéger les populations civiles, mais tant que les
autorités nationales ne s'y attèlent pas, et que l'ensemble de la
population en commençant par l'élite intellectuelle ne l'invoque
pas, nous continuerons à déplorer le viol de nos soeurs et le
meurtre de nos frères dans l'impuissance totale.
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S/2010/512.
IV. TRAITES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX
1. Accord de Lusaka du 10 juillet 1999.
2. Acte constitutif de l'Union Africaine.
3. Charte des Nations Unies.
4. Document final du Sommet mondial du millénaire de
2005.
5. Résolution 43/131 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies.
6. Résolution 1674 du Conseil de sécurité
des Nations Unies, S/RES/1674 (2006).
7. Résolution 1706 du Conseil de sécurité
des Nations Unies, S/RES/1706 (2006).
8. Résolution 1304 du Conseil de Sécurité
des Nations Unies (2000).
V. WEBBOGRAPHIE
1. www.un.org
2. www.eurac-network.org
3. www.dandurand.uqam.ca
4. www.globalwitness.org
VI. THESES ET MEMOIRES
1. ABEKYAMWALE EBUELA ABI, La théologie de la
réconciliation dans le contexte congolais d'après-guerre : une
contribution pour la construction de la paix et le développement,
Thèse de doctorat, Faculté de Théologie protestante de
Yaoundé, Cameroun, mai 2007
2. TSAGARIS Konstantinos, Le droit d'ingérence
humanitaire, Mémoire de DEA, Université de Lille II -
Faculté de Sciences Juridiques, Politiques, et Sociales, Année
Universitaire 2000-2001.
3. TSHILUMBAYI MUSAWU I. J-C., De l'obligation de
non-ingérence au droit d'ingérence. Dilemme ou
paradoxe ? , Mémoire de DEA en Relations Internationales,
UNIKIN, 2007-2008.
4. VEZINA L. P., La responsabilité de
protéger et l'intervention humanitaire : De la reconceptualisation
de la souveraineté des Etats à l'individualisme normatif,
Mémoire de master, Université de Montréal, Faculté
des Arts et des Sciences, Département d'Etudes Internationales,
2009-2010.
VII. JURISPRUDENCE
1. Affaire du détroit de Corfou, Albanie contre
Royaume-Uni, Arrêt sur le fond, CIJ, Rec. 1949.
2. Décision de confirmation des charges, le Procureur
contre Thomas Lubanga, 29 janvier 2007, ICC-01/04-01/06.
3. Affaire des activités armées sur le
territoire du Congo, RDC contre Ouganda, Arrêt sur le fond, CIJ, Recueil
2005.
4. Kordiæ et Cerkez, TPIY, Chambre d'appel, no
IT-95-14/2-A, 17 décembre 2004
5. Mrkiæ et ljivanèanin , TPIY, Chambre d'appel,
5 mai 2009.
6. Fatmir Limaj, TPIY, Chambre de première instance, no
IT-03-66-T, 30 novembre 2005.
X. AUTRES DOCUMENTS
1. Christian ILEKA ATOKI (Représentant permanent de la
RDC à l'ONU), « Réaction du gouvernement congolais face
au rapport du projet mapping », New-York, 1er Octobre
2010.
2. Ministère des Droits Humains de la RDC,
Observations du gouvernement congolais sur le rapport du projet
mapping, Août 2010.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE
1
Ière PARTIE. LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER :Nouveau parangon ou ingénieux subterfuge ?
14
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL ET JURIDIQUE DU
PRINCIPE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
15
Section 1. GENESE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
15
§.1. De l'intervention d'humanité au
droit d'ingérence humanitaire
15
A. L'intervention d'humanité
15
B. L'intervention humanitaire
18
C. Le droit d'ingérence humanitaire
19
§.2. De la sécurité humaine
à la responsabilité de protéger
24
§.3. L'affirmation et la reconnaissance de la
responsabilité de protéger
26
A. L'affirmation du principe
26
B. La reconnaissance du principe
27
Section 2. NOTION DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
29
§.1. La responsabilité de
protéger comme obligation de l'Etat et de la communauté
internationale
29
A. La responsabilité de protéger
comme obligation de l'Etat
30
B. La responsabilité de protéger
comme obligation de la communauté internationale
32
§.2. La responsabilité de
protéger comme droit des populations
34
Section 3. NATURE JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITE DE
PROTEGER
34
§.1. Fondement juridique du principe
35
§.2. Fondements philosophiques de la
responsabilité de protéger
36
§.3. Fondements du principe
évoqués par la commission
38
CHAPITRE II. CONTENU ET PORTEE DE LA RESPONSABILITE
DE PROTEGER
40
Section 1. LES TROIS PALIERS DE LA RESPONSABILITE
DE PROTEGER
40
§.1. La responsabilité de
prévenir
40
A. La prévention au niveau des causes
profondes des conflits
41
B. La prévention au niveau des causes
directes des conflits
43
C. Mécanisme d'alerte rapide
45
§.2. La responsabilité de
réagir
46
A. Mesures autres que l'action militaire
46
B. L'intervention militaire
48
§.3. La responsabilité de
reconstruire
53
A. La sécurité
54
B. La justice et la
réconciliation
55
C. Le développement
55
D. Les aspects négatifs d'une
intervention prolongée
56
Section 2. L'AUTORITE COMPETENTE POUR DECLENCHER LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER
58
§.1. Sources de l'autorité en vertu de
la charte des nations unies
58
§.2. La responsabilité du Conseil de
sécurité
59
A. Capacité juridique
60
B. Légitimité et droit de
veto
60
C. Volonté politique et
résultats
61
§.3. En cas d'inaction du Conseil de
sécurité
62
A. L'assemblée
générale
62
B. Les conséquences de
l'inaction : Possible action coercitive en dehors de l'ONU
64
Section 3. AUTONOMIE DU PRINCIPE DE LA
RESPONSABILITE DE PROTEGER
65
§.1. Un indice de plus de la caducité
du système de sécurité collective
65
§.2. Une fenêtre pour légitimer
des interventions collectives en dehors de l'ONU
67
CHAPITRE III. LES LIMITES INTRESEQUES A
L'APPLICATION DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER
69
Section 1. LES INDETERMINATIONS DU PRINCIPE
69
§. 1. Le seuil de la juste cause
69
§. 2. L'autorité appropriée
71
§.3. La bonne intention
73
§.4. Le dernier recours
74
Section 2. LE RECUL ET L'INSTRUMENTALISATION DU
PRINCIPE
74
§.1. Le recul du principe : l'amputation
des cas de famines et catastrophe naturelle
74
§.2. L'instrumentalisation du principe
76
A. L'instrumentalisation politique
77
B. L'instrumentalisation militaire de la
responsabilité de protéger
80
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
83
MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DE PROTEGER EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO : ENTRE RENDEZ-VOUS MANQUE ET ESPOIR
85
CHAPITRE IV. LES CRIMES COMMIS EN RDC AVANT 2003 ET
LES REACTIONS SUR LA SCENE INTERNATIONALE
86
Section I. LES CRIMES COMMIS EN RDC
86
§.1. Les crimes de guerre
86
A. Existence des conflits armés
86
B. Les actes prohibés
89
C. Les personnes protégées
90
D. Le lien de connexité
90
§.2. Les crimes contre l'humanité
91
A. Les actes prohibés
91
B. Attaque généralisée
ou systématique
92
C. Attaque lancée contre toute
population civile
93
§.3. Crime de génocide
94
A. Les actes
énumérés
95
B. Commis à l'encontre d'un groupe
national, ethnique, racial ou religieux
96
C. Dans l'intention spécifique de
détruire, en tout ou en partie, le groupe protégé comm
tel
96
Section 2. LES REACTIONS SUR LA SCENE
INTERATIONALE
99
§.1. Les réactions étatiques
100
A. La République Démocratique
du Congo
100
B. Le Rwanda
102
C. L'Ouganda
102
D. Le Burundi
102
E. Les Etats-Unis d'Amérique
103
§.2. Les réactions des organisations
internationales et non gouvernementales
103
A. Les organisations internationales
104
B. Les organisations non
gouvernementales
107
CHAPITRE V. PERSISTANCE DE VIOLENCE ET ECHEC DES
INITIATIVES TENDANT A RESTAURER LA PAIX
110
Section I. PERSISTANCE DE VIOLENCE A L'EST DE LA
RDC
110
§.1. Regain de violence et perpétration
constante des crimes
110
§.2. Prolifération des groupes
armés et succès limité du DDR et du DDRRR
114
Section 2. ECHEC DES OPERATIONS GOUVERNEMENTALES ET
DE LA MONUSCO
118
§.1. Fiasco des opérations tendant
à anéantir les forces négatives en matière de
protection des populations civiles
118
A. L'opération Umoja wetu
118
B. L'opération Kimia II
121
C. L'opération Amani Léo
122
D. Opération Rudia II
123
E. Opération Ruwenzori
124
F. Opération Iron Stone
125
§.2. Déficience des FARDC et
Impuissance de la MONUSCO
125
A. Déficience des FARDC
125
B. Impuissance de la MONUSCO
127
CHAPITRE VI. PERSPECTIVES POUR LA MISE EN OEUVRE DE
LA RESPONSABILITE DE PROTEGER EN RDC
130
Section 1. PREVENIR LA COMMISSION DES CRIMES
131
§.1. La mise en mouvement du principe par le
Conseil de sécurité
131
§.2. Modifier le mandat de la MONUSCO
132
§.3. La création d'un tribunal
international mixte pour la RDC
135
Section 2. ACCOMPAGNER L'ACTION DE LA COMMUNAUTE
INTERNATIONALE
137
§.1. L'implication du peuple congolais
137
§.2. Ferme volonté des autorités
politiques
138
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
140
CONCLUSION GENERALE
142
BIBLIOGRAPHIE
144
TABLE DES MATIERES
150
* 1 GASSER Hans-Peter, Le
Droit International Humanitaire, tiré à part de Hans Haug,
Humanité pour tous, Institut Henry-Dunant, Haupt, 1993, p. 4
* 2 BULA-BULA Sayeman,
« Droit international humanitaire », in Droits de l'homme
et droit international humanitaire, Séminaire de formation du
cinquantenaire de la DUDH, Kinshasa, Presses de l'université de
Kinshasa, 1999, p. 132.
* 3 Cicéron
cité par GASSER Hans-Peter, op. cit. p. 4
* 4 Code Lieber (1863),
Déclaration de Saint-Pétersbourg (1868), Le droit de la Haye.
* 5 Le droit de
Genève.
* 6 GASSER Hans-Peter, op.
cit., p.7
* 7 BULA-BULA S., op.cit., p.
133
* 8 Vitoria cité par
Christiane ALIBERT, Du droit de se faire justice dans la
société internationale depuis 1945, Paris, L.G.D.J, 1983, p.
248.
* 9 DJIENA WEMBOU Michel-Cyr,
« Le droit d'ingérence humanitaire : un droit aux
fondements incertains, au contenu imprécis et à
géométrie variable », in Revue Africaine de Droit
International et Comparé (RADIC), Tome 4, N° 3, 1992, p. 570.
* 10 BULA-BULA S.,
« L'idée d'ingérence à la lumière du
nouvel ordre mondial », in Revue Africaine de Droit International et
Comparé, Tome 6 N° 1, Mars 1994, p.14.
* 11 Lire à ce sujet
MASSROURI Maryam, « La responsabilité de
protéger », in MOREILLON L.(dir.), Droit pénal
humanitaire, 2ième édition, Bruxelles, Bruylant,
2009, p. 200.
* 12 Lire à ce sujet
BOUSTANY Katia, « Intervention humanitaire et intervention
d'humanité évolution ou mutation en droit
international ? », in Revue québécoise de droit
international, Vol 8, n° 1, 1993-1994.
* 13 ANNAN K., cité
par MASSROURI Maryam, op. cit., p. 198.
* 14 Idem., p. 199.
* 15 MASSROURI Maryam, op.
cit., p. 199.
* 16 Commission
Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats
(CIISE), La responsabilité de protéger, Centre de
recherche pour le développement international, Ottawa, décembre
2001, p. VIII.
* 17 CORTEN O.,
Méthodologie du droit international public, Bruxelles,
édition de l'université de Bruxelles, 2009, p. 23
* 18 Idem, p. 26
* 19 RENAUT Alain et SOSOE
Lukas, Philosophie du droit, Paris, PUF, 1991, p. 15 et suiv.
* 2021 MAMPUYA KANUNK'a
TSHIABO, Emergence des Etats nouveaux et droit international :
quelques tendances théoriques, Kinshasa, PUZ, 1984, p. 31
* 22 BELANGER Michel,
Droit international humanitaire, Mémentos, Paris, Gualino,
2002, p. 87
* 23 BETTATI Mario, Le
droit d'ingérence : mutation de l'ordre international, Paris,
Odile Jacob, 1996, p. 204.
* 24 BELANGER Michel, op.
cit., p. 87.
* 25 DETAUBE Baron Michel,
« L'apport de Byzance au développement du droit international
occidental », in (I) R.C.A.D.I., (1939), p. 305 ; cité
par BOUSTANY Katia, « Intervention humanitaire et intervention
d'humanité évolution ou mutation du droit
international ? », in revue québécoise de droit
international, Vol 8 n° 1, 1993-94, pp. 103-111
* 26 Vitoria cité par
Christiane ALIBERT, Du droit de se faire justice dans la
société internationale depuis 1945, Paris, L.G.D.J, 1983, p.
248.
* 27 SCELLE Georges,
Précis de Droit des gens, Deuxième partie, Librairie du Recueil
Sirey, 1934, p. 50.
* 28 ROUGIER Antoine,
« La théorie de l'intervention d'humanité en droit
international », in R.G.D.I.P, 1910, pp. 478-479.
* 29 Idem, p. 487.
* 30 Ibidem, p. 489.
* 31 Ibidem, pp. 495-496.
* 32 BOUSTANY Katia,
« Intervention humanitaire et intervention d'humanité
évolution ou mutation du droit international ? », in
revue québécoise de droit international, Vol 8 n° 1,
1993-94, p. 104.
* 33 BELANGER Michel,
Droit international humanitaire, Mémentos, Paris, Gualino,
2002, p. 88
* 34 Idem
* 35 Ibidem
* 36 Ibidem, p. 89
* 37 VISSCHER Charles de,
Théories et réalités en droit international
public, Paris, Pédone, 4ième édition,
1970, pp. 158-159.
* 38 BELANGER Michel,
Droit international humanitaire, Mémentos, Paris, Gualino,
2002, p. 90
* 39 A ce sujet lire
l'arrêt de la CIJ du 9 avril 1949 sur l'affaire du détroit de
Corfou opposant l'Albanie au Royaume-Uni, CIJ, Recueil 1949.
* 40 BELANGER Michel, op.
cit., p. 90
* 41 Idem, p. 90
* 42 BOUSTANY K. et DORMOY D.,
« L'intervention de l'OTAN au Kosovo : l'humanitaire aux confins
du politique, de la force armée et du droit », in Perspectives
humanitaires entre conflits, droit(s) et action, Collection de Droit
International, Bruxelles, Editions Bruylant, Editions de l'Université de
Bruxelles, 2002, p. 16
* 43 « Droit
d'ingérence humanitaire », Microsoft® Études 2008
[DVD]. Microsoft Corporation, 2007.
* 44 Par. 10 du
préambule de la résolution 43/131.
* 45 Par. 13 du
préambule de la résolution 43/131.
* 46 TSAGARIS Konstantinos,
Le droit d'ingérence humanitaire, Mémoire de DEA,
Université de Lille II - Faculté de Sciences Juridiques,
Politiques, et Sociales, année universitaire 2000-2001, p. 65
* 47 TSAGARIS Konstantinos,
op. cit., p. 70.
* 48 Idem, p. 74
* 49 CORTEN O. et KLEIN P.,
« L'autorisation de recourir à la force à des fins
humanitaires »,in 4 EJIL, 1993, pp. 506-533
* 50 Idem
* 51 Ibidem, p. 514
* 52 Communiqué de
presse du 23 mars 1999 (040), in
http://www.nato.int/docu/pr/1999/p99-040.htm
* 53 BOUSTANY K. et DORMOY
D., « L'intervention de l'OTAN au Kosovo : l'humanitaire aux
confins du politique, de la force armée et du droit », in
Perspectives humanitaires entre conflits, droit(s) et action, Collection de
Droit International, Bruxelles, Editions Bruylant, Editions de
l'Université de Bruxelles, 2002, p. 18
* 54 TSHILUMBAYI MUSAWU I.
J-C., De l'obligation de non-ingérence au droit d'ingérence.
Dilemme ou paradoxe ? , Mémoire de DEA en Relations
Internationales, UNIKIN, 2007-2008, pp. 332-334 ; CORTEN O. & DELCOURT
B., Droit, légitimation et politique extérieure :
l'Europe et la guerre du Kosovo, Collection de droit international,
Bruxelles, Bruylant, éditions de l'Université de Bruxelles, 2000,
pp. 135-138
* 55 CORTEN O. & KLEIN
P., Droit de l'ingérence ou obligation de
réaction ?, Collection de droit international, Bruxelles,
Bruylant, 2ième édition, 1996, p. 162-170.
* 56 Boutros-Ghali cité
par Nguyen Quoc Dinh, Alain Pellet et Patrick Daillier, Droit International
Public, 7ème édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p.
449
* 57 SALMON J. (Dir.),
Dictionnaire de Droit International, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 580
* 58 MAMPUYA KANUNK'a
TSHIABO A., « Le système onusien de protection des droits de
l'homme : Introduction générale », in Droits
de l'homme et droit international humanitaire, séminaire de
formation cinquantenaire de la DUDH, Kinshasa, PUK, 1999, p. 37
* 59 Article 4 point h) de
l'Acte constitutif de l'Union africaine.
* 60 Créé en
Norvège en 1999 et rassemblant plusieurs pays dont l'Autriche, le
Canada, le Chili, le Costa Rica, la Grèce, l'Irlande, la Jordanie, le
Mali, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, la Slovénie, la
Thaïlande et l'Afrique du Sud (statut d'observateur).
* 61 MBONDA Ernest-Marie,
La sécurité humaine et la responsabilité de
protéger : vers un ordre international plus humain,
Université Catholique d'Afrique centrale, Yaoundé, Cameroun, p.
1
* 62 Idem, p. 2
* 63 CIISE, La
responsabilité de protéger, p. 16
* 64 MARCLAY Eric, La
responsabilité de protéger : un nouveau paradigme ou une
boite à outils ?, in Étude Raoul-Dandurand 10
publiée par la Chaire Raoul-Dandurand en études
stratégiques et diplomatiques, Université du Québec
à Montréal, novembre 2005, p. 9
* 65 CIISE, La
responsabilité de protéger, Ottawa, CRDI, 2001, p. 15.
* 66 Commission
Internationale sur l'Intervention et la Souveraineté des Etats, La
responsabilité de protéger, Ottawa, Centre de recherches
pour le développement international, 2001, p. VIII.
* 67 CIISE, op. cit., p.
91
* 68 § 138 et 139
Document final du sommet mondial de 2005, A/60/L.1, disponible sur
www.un.org
* 69 Françoise
Bouchet-Saulnier, Dictionnaire pratique de droit humanitaire,
3ième édition, La Découverte, Paris, 2006,
p.9
* 70 §. 4 de la
résolution 1674 du Conseil de sécurité, S/RES/1674
(2006)
* 71 Préambule de la
résolution 1706 du Conseil de sécurité, S/RES/1706
(2006)
* 72 Document A/RES/63/308
disponible sur www.un.org
* 73 CIISE,
« La responsabilité de protéger »r,
Centre de Recherches pour le Développement International, Ottawa, 2001,
p. VIII.
* 74 CIISE, op. cit., p.
14
* 75 Ibidem
* 76 Nguyen Quoc Dinh,
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit International Public,
7ième édition, Paris, L.G.D.J, 2002, p. 423.
* 77 VEZINA L. P., La
responsabilité de protéger et l'intervention humanitaire :
De la reconceptualisation de la souveraineté des Etats à
l'individualisme normatif, Mémoire de master, Université de
Montréal, Faculté des Arts et des Sciences, Département
d'Etudes Internationales, 2010, p. 12
* 78 Idem
* 79 Ibidem, p. 13
* 80 Ibidem
* 81 CIISE, La
responsabilité de protéger, op. cit., p. 14
* 82 Idem, p. 18
* 83 BIAD Abdelwahab, Droit
international humanitaire, Paris, Ellipses, 2006, p. 92
* 84 Idem
* 85 CIISE, op. cit., p.
17
* 86 Idem, p. 18
* 87 Document A/60/L.1*
disponible sur www.un.org
* 88 §.1 et 2 de la
résolution 63/308 de l'Assemblée générale des
Nations Unies
* 89 DJIENA WEMBOU
Michel-Cyr, « Le droit d'ingérence humanitaire : un droit
aux fondements incertains, au contenu imprécis et à
géométrie variable », in Revue Africaine de Droit
International et Comparé (RADIC), Tome 4, N° 3, 1992, p. 580.
* 90 DAVID E., Principes de
droit des conflits armés, 4ème édition,
Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 106
* 91 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO,
« Le système onusien de protection des droits de
l'homme : Introduction générale », in Droits de
l'homme et droit international humanitaire, Séminaire de formation
cinquantenaire de la DUDH, Kinshasa, PUK, 1999, p. 37
* 92 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO,
Emergence des nouveaux Etats et droit international : Quelques
tendances théoriques, Kinshasa, PUZ, 1984, p. 37
* 93 MBONDA Ernest-Marie,
La sécurité humaine et la responsabilité de
protéger : vers un ordre international plus humain,
Université Catholique d'Afrique centrale, Yaoundé, Cameroun, p.
9
* 94 Idem, p. 10
* 95 DEFARGES Philippe Moreau,
Droits d'ingérence dans le monde post-2001, Paris, Science Po,
2006, p. 77
* 96 MARCLAY Eric,
« La responsabilité de protéger : un nouveau
paradigme ou une boite à outils ? », in Étude
Raoul-Dandurand n° 10 publiée par la Chaire
Raoul-Dandurand en Etudes Stratégiques et Diplomatiques,
Université du Québec, Montréal, novembre 2005, p. 13
* 97 CIISE, op. cit., p. 21
* 98 Idem.
* 99 MARCLAY Eric, op. cit., p.
14
* 100 CIISE, op. cit., p. 26
* 101 Voir le rapport de la
commission Carnegie.
* 102 CIISE, La
responsabilité de protéger, op. cit., p. 21
* 103 CIISE, op. cit., p.
27
* 104 CIISE, op. cit., p.
27
* 105 CIISE, op. cit., p.
28
* 106 Idem.
* 107 Idem, p. 29
* 108 CIISE, op. cit., p.
29
* 109 CIISE, op. cit., p.
24
* 110 Idem, p. 25
* 111 CIISE, op. cit., p.
34
* 112 Pour un compte rendu
sommaire de ces critères propres à la tradition de la guerre
juste et de leur applicabilité à l'intervention humanitaire, voir
Mona Fixdal et Dan Smith, « Humanitarian Intervention and Just War
»,in Mershon International Studies Review 42 (1998), pp.
283-312.
* 113 VEZINA L. P., La
responsabilité de protéger et l'intervention humanitaire :
de la reconceptualisation de la souveraineté des Etats à
l'individualisme normatif, Mémoire de Master, Université de
Montréal, Faculté des Arts et des Sciences, Département
d'Etudes Internationales, p. 11
* 114 CIISE, La
responsabilité de protéger, op. cit., p. 37
* 115 WALZER Michael,
Just and Unjust Wars: A Moral Argument with Historical Illustrations
(New York: Basic Books, 1977), chapitre VI., cité par VEZINA L. P.,
op. cit., p. 12.
* 116 CIISE, op. cit., p.
37
* 117 CIISE, op. cit., p.
37
* 118 CIISE, op. cit., p.
38
* 119 Idem, p. 39
* 120 CIISE, op. cit., p.
39
* 121 Idem
* 122 Idem, p. 40
* 123 Ibidem
* 124 CIISE, op. cit., p.
40
* 125 ALIBERT C., Du droit
de se faire justice dans la société internationale depuis
1945, Paris, L.G.D.J, 1983, p. 250
* 126 VEZINA L. P., op. cit.,
p. 14
* 127 CIISE, op. cit., p.
41
* 128 CIISE, op. cit., p.
42
* 129 Idem
* 130 DUPUY P-M., Droit
International Public, 9ème édition, Paris,
Dalloz, 2008, p. 645
* 131 MARCLAY Eric,
« La responsabilité de protéger : un nouveau
paradigme ou une boite à outils ? », in Étude
Raoul-Dandurand 10 publiée par la Chaire
Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques,
Université du Québec à Montréal, novembre 2005, p.
17
* 132 Lire à ce sujet
NKUNZUMWAMI Emmanuel, La Tragédie Rwandaise : Historique et
perspectives, Paris, L'Harmattan, 1996.
* 133 CIISE, op. cit., p.
45
* 134 Idem.
* 135 CIISE, op. cit., p.
46
* 136 Ibidem
* 137 CIISE, op. cit., p.
47
* 138 Idem p. 48
* 139 CIISE, op. cit., p.
48
* 140 Idem.
* 141 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO
A., La désuétude du système de sécurité
collective, Kinshasa, PUZ, 1986, p. 141
* 142 CIISE, op. cit., p.
52
* 143 CIISE, op. cit., p.
52
* 144 CIISE, op. cit., p.
54
* 145 CIISE, op. cit., pp.
54-55.
* 146 CIISE, op. cit., p.
55
* 147 DUPUY P-M., Droit
International Public, 9ème édition, Paris,
Dalloz, 2008, p. 635
* 148 CIISE, op. cit., p.
56
* 149 ANNAN K. cité par
la CIISE, op. cit., p. 56
* 150 CIISE, op. cit., p.
57
* 151 CIISE, op. cit., p.
57
* 152 Idem, 58
* 153 CIISE, op. cit., p.
58
* 154 CIISE, op. cit., p.
59
* 155 Idem
* 156 Ibidem
* 157 MANRIQUE Marie-France,
« La responsabilité de protéger, un concept en mal
d'application », p. 6,
* 158 François
Grünewald, La responsabilité de protéger, Actes des
5èmes Universités d'Automne de l'Humanitaire,
Sécurité et protection : mission impossible ? Group URD
(Urgence, réhabilitation, développement), septembre 2007, p.
40
* 159 CIISE, La
responsabilité de protéger, Op. cit., p, 37
* 160 MAMPUYA
KANUNK'a-TSHIABO, La désuétude du système de
sécurité collective, Kinshasa, PUZ, 1986, p. 6
* 161 Pierre Marie DUPUY,
Droit International Public, 9ème édition,
Paris, Dalloz, 2008, pp. 632-633
* 162 MAMPUYA KAUNK'a-TSHIABO,
op. cit.,, p. 107
* 163 Ibidem, p. 192.
* 164 CIISE, La
responsabilité de protéger, Ottawa, CRDI, 2001, p. 37
* 165 MBONDA Ernest-Marie,
« La sécurité humaine et la responsabilité de
protéger : vers un ordre international plus
humain ? », Université catholique d'Afrique centrale,
Faculté de philosophie, Yaoundé, Cameroun, p. 14
* 166 CIISE, op. cit., p.
37
* 167 MBONDA Ernest-Marie,
« La sécurité humaine et la responsabilité de
protéger : vers un ordre international plus
humain ? », Université catholique d'Afrique centrale,
Faculté de philosophie, Yaoundé, Cameroun, p. 14
* 168 Lire à ce sujet
Jean-François THIBAULT, « L'intervention humanitaire
armée, du Kosovo à la responsabilité de
protéger : le défi des critères », in
Annuaire français des relations internationales, volume x, 2009, p. 6
* 169 CIISE, op. cit., p.
XII
* 170 MBONDA Ernest-Marie, op.
cit., p. 15
* 171 CIISE, op. cit., §
6.23
* 172 THIBAULT
Jean-François, « L'intervention humanitaire armée, du
Kosovo à la responsabilité de protéger : le
défi des critères »,in Annuaire français des
relations internationales, Volume X, 2009, p. 6
* 173 CIISE, op. cit., §.
6. 37
* 174 CIISE, p. XIII
* 175 MBONDA Ernest-Marie, op.
cit., p. 16
* 176 Idem
* 177 PEREZ-VERA, Elisa,
« La protection d'humanité en droit international »,
in RBDI, 1969, p. 417.
* 178 ROUGIER, Antoine,
« La théorie de l'intervention d'humanité »,
in R.G.D.I.P., 1910, p. 502 et 503.
* 179 OLIVIER C. et KLEIN P.,
Droit d'ingérence ou obligation de réaction ?,
Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 156.
* 180 VERWEY, W.D.,
« Humanitarian intervention under International Law »,
NILR, 1985, p. 418
* 181 OLIVIER C. et KLEIN P.,
op. cit., p. 157.
* 182 BIAD Abdelwahab,
Droit international humanitaire, Paris, Ellipses, 2006, p. 93
* 183 Conception de la
commission internationale sur l'intervention et la souveraineté des
Etats.
* 184 MANRIQUE Marie-France,
« La responsabilité de protéger : un concept en
mal d'application », p. 12
* 185 MANRIQUE Marie-France,
« La responsabilité de protéger : un concept en
mal d'application », p. 13
* 186 BOUCHET-SAULNIER
Françoise, Dictionnaire de droit humanitaire, Paris, La
Découverte, p. 9
* 187 CROUZATIER Jean-Marie,
« La responsabilité de protéger : avancée
de la solidarité internationale ou ultime avatar de
l'impérialisme », in revue aspect n° 2, 2008, p. 20.
* 188 BIAD Abdelwahab,
Droit international humanitaire, Paris, Ellipses, p. 93
* 189 CROUZATIER Jean-Marie,
op. cit., p. 21
* 190 Idem
* 191 CROUZATIER Jean-Marie,
op. cit., p. 21
* 192 Idem, p. 22
* 193 Ibidem
* 194 CROUZATIER Jean-Marie,
op. cit., p. 21
* 195 Idem
* 196 Ibidem, p. 22
* 197 Idem
* 198 KOUCHNER Bernard,
interview dans la revue inflexion de janvier-mai 2007, p. 26-29
* 199 CROUZATIER Jean-Marie,
La responsabilité de protéger : avancée de la
solidarité internationale ou ultime avatar de l'impérialisme, in
revue aspect n° 2, 2008, p. 26
* 200 Idem
* 201 Jean-Marie CROUZATIER,
op. cit., p. 27
* 202 Idem.
* 203 Approche
adoptée par les rédacteurs du statut de la cour pénale
internationale, à la suite du TPIY et du TPIR.
* 204 Rapport du Projet
Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l'homme et du
droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le
territoire de la République Démocratique du Congo, Haut
Commissariat des nations unies aux droits de l'Homme, Août 2010, p.
271
* 205 Accords de paix
signés le 30 juillet 2002 à Pretoria (RSA) et le 6 septembre 2002
à Luanda (Angola).
* 206 Rapport de
l'Équipe d'enquête du Secrétaire général
(S/1998/581), annexe, par. 16.
* 207 Dans une interview
accordée au Washington Post le 9 juillet 1997, le
Président rwandais Paul Kagame (Ministre de la défense à
l'époque) a reconnu que des troupes rwandaises avaient joué un
rôle clef dans la campagne de l'AFDL. Selon le Président Kagame,
le plan de bataille était composé de trois
éléments: a démanteler les camps de
réfugiés, b détruire la structure des ex-FAR et
des Interahamwe basés dans les camps et autour des camps et c
renverser le régime de Mobutu. Le Rwanda avait planifié la
rébellion et y avait participé en fournissant des armes et des
munitions et des facilités d'entraînement pour les forces rebelles
congolaises. Les opérations, surtout les opérations clefs, ont
été dirigées, selon Kagame, par des commandants rwandais
de rang intermédiaire (« Mid-level commanders »).
Washington Post, « Rwandans Led Revolt in Congo »,
9 juillet 1997. Voir également l'entretien accordé par le
général James Kabarebe, l'officier rwandais qui a dirigé
les opérations militaires de l'AFDL, à l'Observatoire de
l'Afrique centrale : « Kigali, Rwanda. Plus jamais le Congo
», Volume 6, numéro 10 du 3 au 9 mars 2003. Voir
également les interviews télévisées du
Président de l'Ouganda, du Président du Rwanda et du
général James Kaberere expliquant en détail leurs
rôles respectifs dans cette première guerre, dans « L'Afrique
en morceaux », documentaire réalisé par Jihan El
Tahri, Peter Chappell et Hervé Chabalier, 100 minutes, produit par canal
Horizon, 2000.
* 208 Rapport du projet
Mapping, op. cit., p. 274
* 209 Rapport du Rapporteur
Spécial (A/55/403), par. 15.
* 210 Art. III, par. 12 de
l'Accord de cessez-le-feu. L'Accord a été signé à
Lusaka le 10 juillet 1999, par l'Angola, la Namibie, l'Ouganda, la RDC, le
Rwanda et le Zimbabwe. Il a ensuite été signé par
Jean-Pierre Bemba, du MLC, le 1er août 1999, et par 50 membres fondateurs
du RCD le 31 août 1999. L'Organisation de l'unité africaine,
l'Organisation des Nations Unies et la Communauté pour le
développement de l'Afrique australe en ont été
témoins.
* 211 Voir la
résolution 1304 du Conseil de Sécurité (2000).
* 212 Art. 8, par. 3 de
l'Accord de paix de Pretoria du 31 juillet 2002 entre la RDC et le Rwanda (voir
S/2002/914), annexe; art. 1er de l'Accord de paix de Luanda du 6 septembre 2002
entre la RDC et l'Ouganda.
* 213 Le Procureur c. Thomas
Lubanga Dyilo. Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier
2007,
ICC-01/04-01/06 ;
* 214 Arrêt sur les
activités des activités armées sur le territoire du Congo,
RDC contre Ouganda, CIJ, Recueil 2005, §. 55 et suiv.
* 215 Rapport du projet
Mapping, p. 73, 80, 123 et 160.
* 216 MAMPUYA KANUNK'a TSHIABO
A., Le Droit International a l'épreuve du conflit des Grands Lacs au
Congo-Zaïre, Guerre-droit, responsabilité et
réparations, Kinshasa - Nancy, AMAEd., 2004, 64
* 217 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 336 et suiv.
* 218 EAFGA : Enfants
associés aux forces et groupes armés.
* 219 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 269
* 220 Idem, p. 271
* 221 Article 7 du statut de
la cour pénale internationale
* 222 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 281 et suiv.
* 223 Eléments des
crimes, sous l'article 7.
* 224 Voir Kordiæ et
Cerkez, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-14/2-A, 17 décembre 2004, par.
94.
* 225 Ibidem.
* 226 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 281
* 227 Voir Mrkiæ et
ljivanèanin , TPIY, Chambre d'appel, 5 mai 2009, par. 32 et 33.
* 228 Voir Fatmir Limaj, TPIY,
Chambre de première instance, no IT-03-66-T, 30 novembre 2005, par.
186.
* 229 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 282
* 230 Mandat d'arrêt
international du Juge d'instruction Vandermeersch à l'encontre de M.
Abdulaye Yerodia
Ndombasi, du 11 avril 2000.
* 231 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 283
* 232 GODIN C.,
Dictionnaire de philosophie, Paris, Fayard, 2004, p.535
* 233 Il s'agit de la
traite négrière et l'esclavage par l'Europe et l'Amérique,
les massacres des Kurdes par Saddam Hussein entre 1960 et 2003, l'extermination
des Hereros par les Allemands en 1904, les massacres du Kampuchéa
démocratique en vue d'uniformisation ethnique entre 1975 et 1979 au
Cambodge par Pol Pot et les Khmers, le massacre et la déportation des
Azéris au Haut-Karabagh par le gouvernement Arménien en 1993, les
massacres des populations noires du Darfour au Soudan en 2004, les massacres
des congolais par les Tutsis Ougandais, Rwandais et Burundais depuis septembre
1996, les trente millions de personnes affamées par Mao entre 1959 et
1962, les sept millions d'Ukrainiens affamés par Joseph Staline, les
cent mille Indiens mayas massacrés par l'armée nationale
guatémaltèque et les massacres au Tibet par les autorités
chinoises depuis 1950. Voir ABEKYAMWALE EBUELA ABI, La théologie de
la réconciliation dans le contexte congolais d'après-guerre : une
contribution pour la construction de la paix et le développement,
Thèse de doctorat, Faculté de Théologie protestante de
Yaoundé, Cameroun, mai 2007, p. 12
* 234 Rapport Projet Mapping
du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme.
* 235 Libre Blanc,
numéro spécial, pp. 22-31
* 236 ABEKYAMWALE EBUELA
ABI, La théologie de la réconciliation dans le contexte
congolais d'après-guerre : une contribution pour la construction de la
paix et le développement, Thèse de doctorat, Faculté
de Théologie protestante de Yaoundé, Cameroun, mai 2007, p.
59.
* 237 Rapport de la Commission
internationale d'enquête sur le Darfour (voir S/2005/60), par. 494.
* 238 Ibidem, par. 498
à 501; voir Akayesu, ICTR-96-4-T, Chambre de première instance,
1er et 2 septembre 1998, par. 170 à 172; Kayishema et
Ruzindana, ICTR-95-1-T, Chambre de première instance, 2 et 21 mai 1999,
par. 98; Musema, ICTR-96-13-T, Chambre de première instance, 21 janvier
2000, par. 161; Rutaganda, ICTR-96-3-T, Chambre de première instance, 6
décembre 1999, par. 56; et Jelisiæ, TPIY, Chambre de
première instance, no IT-95-10-T, 14 décembre 1999, par. 70 et
71; Krstiæ TPIY, Chambre de première instance, no IT-98-33-T, 2
août 2001, par. 556, 557, 559 et 560.
* 239 Rapport Projet Mapping,
op. cit., p. 288.
* 240 Voir en
général l'Affaire relative à l'application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzegovine c. Serbie et Montenegro), CIJ, 26
février 2007, par. 186 à 201.
* 241 Arrêt
Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001,
par. 49; CIJ, décision sur le génocide, par. 189.
* 242 Arrêt Brdanin,
TPIY, Chambre de première instance, no IT-99-36-T, 1er septembre 2004,
par. 700.
* 243 Arrêt
Krstiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-98-33-A, 19 avril 2004,
par. 8; voir également Krstiæ, TPIY, Chambre de
première instance,no IT-98-33-T, 2 août 2001, par. 590: « La
destruction physique peut ne viser qu'une partie géographiquement
limitée d'un groupe plus vaste, parce que les auteurs du génocide
considèrent que la destruction envisagée suffit à
annihiler le groupe en tant qu'entité distincte dans la zone
géographique en question »; confirmé par la Chambre d'appel,
arrêt du 19 avril 2004, par. 6 à 23; CIJ, décision sur le
génocide, par. 198 à 2001.
* 244 Ibid. par. 9. Voir en
général CIJ, décision sur le génocide, par. 198
à 201.
* 245 Arrêt
Krstiæ, TPIY, Chambre de première instance, no IT-98-33-T, 2
août 2001, par. 561
* 246 Arrêt
Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001, par.
47.
* 247 Voir Akayesu,
ICTR-96-4-T, Chambre de première instance, 1er et 2 septembre 1998,
par.730.
* 248 Kayishema et
Ruzindanda, ICTR-95-1-T, Chambre de première instance, 2 et 21 mai 1999,
par. 531 à 533.
* 249 Arrêt
Jelisiæ, TPIY, Chambre d'appel, no IT-95-10-A, 5 juillet 2001,
par. 47 et 48.
* 250 Voir la Section I du
Rapport du Projet Mapping sur les violations les plus graves des droits de
l'homme et du droit international humanitaire commises en RDC e 1993 et 2003,
Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Août 2010.
* 251 Rapport du Projet
Mapping, op. cit., p. 288.
* 252 Idem, p. 289.
* 253 ABEKYAMWALE EBUELA
ABI, La théologie de la réconciliation dans le contexte
congolais d'après-guerre : une contribution pour la construction de la
paix et le développement, Thèse de doctorat, Faculté
de Théologie protestante de Yaoundé, Cameroun, mai 2007, p.
71.
* 254 Idem, p. 71.
* 255 MAMPUYA KANUNK'a
TSHIABO, Le droit international à l'épreuve du conflit des
Grands-Lacs au Congo-Zaïre, Guerre-droit, responsabilité et
réparations, Kinshasa - Nancy, AMAEd., 2004, p. 64.
* 256 Idem, p. 81.
* 257 Christian ILEKA ATOKI
(Représentant permanent de la RDC à l'ONU),
« Réaction du gouvernement congolais face au rapport du projet
mapping », New-York, 1er Octobre 2010, p. 1.
* 258 Il s'agit des
procès Lubanga, Bemba, Katanga et Gundjolo.
* 259 Ministère des
droits humains de la RDC, Observations du gouvernement congolais sur le
rapport du projet mapping, Août 2010, p. 7.
* 260 Idem, pp. 3 et suiv.
* 261 CNDP :
Congrès national pour la défense du peuple. Ancien mouvement
rebelle devenu parti politique.
* 262 Grands Lacs Echos,
« Les réactions des ONG et pays de la région sur le
rapport mapping », publication mensuelle du réseau
européen pour l'Afrique centrale (EURAC), n° 69 octobre 2010,
disponible sur www.eurac-network.org
* 263 Ibidem.
* 264 Grands Lacs Echos,
« Les réactions des ONG et pays de la région sur le
rapport mapping », publication mensuelle du réseau
européen pour l'Afrique centrale (EURAC), n° 69 octobre 2010,
disponible sur www.eurac-network.org
* 265 Ibidem.
* 266 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité des acteurs
dans un contexte d'émergence démocratique en République
Démocratique du Congo, Actes des journées scientifiques de
la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin
2007, Kinshasa, PUK, 2007, p. 158.
* 267 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité des acteurs
dans un contexte d'émergence démocratique en République
Démocratique du Congo, Actes des journées scientifiques de
la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin
2007, Kinshasa, PUK, 2007, p. 166.
* 268 Voir en
général le Rapport du Secrétaire Général sur
la Mission de l'ONU pour la stabilisation de la RDC du 8 octobre 2010,
S/2010/512.
* 269 MAVUNGU J-P.,
« Le rôle de l'Union européenne dans le processus de
démocratisation de la RDC », in Participation et
responsabilité des acteurs dans un contexte d'émergence
démocratique en RDC, Actes des Journées scientifiques de la
Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin
2007, Kinshasa, PUK, 2007, p. 231.
* 270 MAVUNGU J-P., op. cit.,
p. 231.
* 271 Idem.
* 272 Global Witness,
« Global Witness salue la publication d'un rapport de l'ONU mettant
en évidence le lien entre les minerais et le conflit en RDC et demande
la fin de l'impunité à l'égard des crimes »,
1er octobre 2010, article disponible sur
www.globalwitness.org, p.
1.
* 273 Tous ces rapports sont
disponibles sur www.globalwitness.org
* 274 Global Witness,
« Global Witness salue la publication d'un rapport de l'ONU mettant
en évidence le lien entre les minerais et le conflit en RDC et demande
la fin de l'impunité à l'égard des crimes », op.
cit., p. 1.
* 275 Tous ces rapports sont
disponibles sur www.hrw.org
* 276 Human Rights Watch,
RD Congo : Un rapport de l'ONU révèle des crimes
graves, 1er Octobre 2010, disponible sur www.hrw.org
* 277 Voir le rapport Afrique
de International Crisis Group n° 140, Congo : Quatre
priorités pour une paix durable en Ituri, 13 mai 2008, p. 1,
disponible sur www.crisisgroup.org
* 278 Human Rights Watch,
Ituri : couvert de sang, violences ciblées sur certaines
ethnies dans le Nord-Est de la RDC, juillet 2003, disponible sur
www.hrw.org
* 279 Rapport Afrique
d'International Crisis Group n° 140, Congo : quatre
priorités pour une paix durable en Ituri, 13 mai 2008, p. 1
* 280 Voir le rapport
Afrique d'International Crisis Group n° 165, Congo : Pas de
stabilité au Kivu malgré le rapprochement avec le Rwanda,
16 novembre 2010, p. 1.
* 281 Le 2 février
2008, le président Kabila a crée par décret
présidentiel le programme de paix « Amani » destiné
à mettre en oeuvre les recommandations de la conférence de Goma
pour le Nord et le Sud Kivu.
* 282 Voir Fourth
special report of the Secretary-General on the United Nations Organisation
Mission in the Democratic Republic of Congo, 21 novembre 2008, S/2008/728,
p. 2.
* 283 Voir le Rapport final
du Groupe d'Experts sur la République démocratique du Congo,
S/2008/773, 12 décembre 2008.
* 284 Rapport Afrique
d'International Crisis Group n° 150, Congo : cinq
priorités pour une stratégie durable de construction de la
paix, 11 mai 2009, p. 3
* 285 Rapport Afrique
d'International Crisis Group n° 151, Congo : une stratégie
globale pour désarmer les FDLR, 9 juillet 2009, p. 3
* 286 Le 16 janvier 2009,
Bosco Ntaganda a évincé Laurent Nkunda en obtenant le ralliement
des cadres militaires du CNDP. Il a tenu le même jour une
conférence de presse aux cotés du ministre congolais de
l'intérieur Célestin Mbuyu et du chef d'état-major des
forces rwandaises James Kaberebe. Au cours de cette conférence de
presse, Ntaganda annonçait la transformation du CNDP en parti politique
et l'intégration de ses combattants dans l'armée nationale
congolaise.
* 287 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 151, op. cit., p. 6
* 288 Nous revenons sur les
détails du bilan de cette opération à la deuxième
section de ce chapitre.
* 289 Rapport du
Secrétaire Général de l'ONU au Conseil de
sécurité sur la MONUSCO, S/2010/512, disponible sur
www.un.org, p. 19, §.80
* 290 Rapport Afrique
d'International Crisis Group n° 140, Congo : quatre
priorités pour une paix durable en Ituri, 13 mai 2008, p. 1
* 291 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, S/2010/596, 29 novembre 2010, p. 17
* 292 Idem
* 293 Ibidem
* 294 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, S/2009/603, 04 décembre 2009, par. 374
à 376
* 295 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, S/2010/596, 29 novembre 2010, p. 17
* 296 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, S/2010/596, 29 novembre 2010, p. 17
* 297 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, S/2010/596, 29 novembre 2010, p. 33
* 298 Idem, p. 35
* 299 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité des acteurs
dans un contexte d'émergence démocratique en République
Démocratique du Congo, Actes des Journées scientifiques de
la Faculté de Droit de l'Université de Kinshasa..., op. cit., p.
166
* 300 Idem, p. 167
* 301 RCD-N et RDC-ML
* 302 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité ...,
op. cit., p. 168
* 303 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité ...,
op. cit., p. 169.
* 304 Idem.
* 305 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 151, Congo : une stratégie globale
pour désarmer les FDLR, 9 juillet 2009, p. 10.
* 306 Idem, p. 11.
* 307 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 151, Congo : une stratégie globale pour
désarmer les FDLR, 9 juillet 2009, p. 11.
* 308 Idem, p. 12.
* 309 Voir « South
Kivu Situation Report », n° 1, 19 mai 2009.
* 310 Idem.
* 311 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 151, Congo : Une stratégie globale pour
désarmer les FDLR, 9 juillet 2009, p. 9.
* 312 Idem, p. 10.
* 313 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 165, Congo : Pas de stabilité au Kivu
malgré le rapprochement avec le Rwanda, 16 novembre 2010, p. 8.
* 314 Voir la Rapport de l'ONG
CADI (Comité d'Action pour le Développement Intégral),
Les opérations Kimia II et leurs conséquences sur les
populations civiles d'Uvira, Bujumbura, 4 septembre 2009.
* 315 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 165, Congo : Pas de stabilité au Kivu
malgré le rapprochement avec le Rwanda, 16 novembre 2010, p. 6.
* 316 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, Conseil de sécurité, S/2010/596,
novembre 2010, p. 13.
* 317 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, Conseil de sécurité, S/2010/596,
novembre 2010, p. 15
* 318 Idem, p. 15.
* 319 Ibidem, p. 14.
* 320 Rapport du
Secrétaire Général de l'ONU sur la Mission de
l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation de la RDC, S/2010/512, 8
octobre 2010, p. 5.
* 321 Grands Lacs Echos,
« Opération Ruwenzori ou opération
haricots ? », Publication mensuelle du réseau
européen pour l'Afrique centrale (EURAC,) n° 71, décembre
2010, disponible sur www.eurac-network.org.
* 322 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, Conseil de sécurité, S/2010/596,
novembre 2010, p. 15.
* 323 Voir le Rapport du
projet Mapping du Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme, le rapport
du Secrétaire Général de l'ONU sur la MONUSCO, novembre
2010, rapport du groupe d'experts sur la RDC, novembre 2010 ; lire aussi
le rapport Afrique de Crisis Group, Congo : une stratégie
globale pour désarmer les FDLR, 9 juillet 2009.
* 324 Human Rights watch,
Vous serez punis, attaques contre les civils à l'Est du Congo,
décembre 2009, p. 48.
* 325 Rapport du groupe
d'experts de l'ONU sur la RDC, Conseil de sécurité, S/2010/596,
novembre 2010.
* 326 Human Rights Watch,
Vous serezs punis ... , op. cit., p. 49.
* 327 ZACHARIE A. et KABAMBA
B., La reconstruction congolaise, Bruxelles, Luc pire, 2009, p.
138.
* 328 Human Rights Watch,
Massacres à Kiwandja, l'incapacité de la MONUC à
protéger les civils, décembre 2008, disponible sur
www.hrw.org, p. 22.
* 329 Rapport Afrique de
Crisis Group n° 165, Pas de stabilité au Kivu, malgré le
rapprochement avec le Rwanda, 16 novembre 2010, p. 12.
* 330 Rapport du
Sous-secrétaire général en charge des opérations de
maintien sur les viols massifs commis en RDC.
* 331 MAZYAMBO A.,
« La participation de l'ONU au processus de démocratisation de
la RDC », in Participation et responsabilité des acteurs dans
un contexte d'émergence démocratique en RDC, Actes des
journées scientifiques de la Faculté de Droit de
l'Université de Kinshasa du 18 au 19 juin 2007, Kinshasa, PUK, 2007, p.
179.
* 332 A. MAMPUYA KANUNK'a
TSHIABO, Le droit international à l'épreuve du conflit des
grads-lacs au Congo-Zaïre, guerre-droit, responsabilité et
réparation, Nancy/Kinshasa, AMAEd., 2004, p. 109.
* 333 Grand Kivu regroupe
trois provinces : le Nord Kivu, le Sud Kivu et le Maniema.
* 334 SALMON J. (Dir.),
Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles, Bruylant, 2001,
p. 780.
* 335 §. 12 de la
résolution 1925 du conseil de sécurité de l'ONU,
S/RES/1925 (2010).
* 336 §.12 de la
résolution 1706 du conseil de sécurité de l'ONU,
S/RES/1706 (2006).
* 337 MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO
A., « Justice internationale, quel tribunal pour la
RDC ? », article publié sur www.le post.fr et
consulté le 21 décembre 2010.
* 338 Idem.
* 339 MAMPUYA
KANUNK'a-TSHIABO A., « Justice internationale, quel tribunal pour la
RDC ? », article publié sur www.le post.fr et
consulté le 21 décembre 2010.
* 340 Rapport du projet
mapping sur les graves violations des droits de l'homme et de droit
international humanitaire commises en RDC, Haut Commissariat de l'ONU aux
droits de l'homme, 1er octobre 2010, p. 480.
* 341 MAMPUYA
KANUNK'a-TSHIABO A., « Justice internationale, quel tribunal pour la
RDC ? », article publié sur www.le post.fr et
consulté le 21 décembre 2010.
* 342 Comme le fait
actuellement le ministre de la communication et des médias pour rejeter
toute interpellation étrangère sur le respect des droits de
l'homme en RDC.
* 343 BASUE BABU KAZADI
Greg, « L'action en vue de la démocratie : relecture du
principe de non-intervention dans un cotexte d'émergence
démocratique », in Participations et responsabilités
des acteurs dans un contexte d'émergence démocratique en RDC,
Actes des journées scientifiques de la Faculté de Droit de
l'Université de Kinshasa, PUK, 2007, p. 220
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