Section 2: Une Remise en cause discutable de
l'aléa
Le Code civil place le contrat de jeu dans la catégorie
des contrats aléatoires. En effet, l'article 1964 du code civil dispose:
«Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont
les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties,
soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un
événement incertain. Tels sont : Le contrat d'assurance, Le jeu
et le pari, Le contrat de rente viagère. »
Or les décisions des juges administratifs et judiciaire
remettent en cause l'aléa du jeu de hasard, ce qui peut paraître
discutable (Paragraphe 1) et peut conduire à une imposition qui peut
paraître injuste.
Paragraphe 1 : La remise en cause discutable de
l'aléa
L'aléa étant un élément essentiel du
contrat de jeu de paris, la loi française, pour distinguer les jeux de
hasard du jeu d'adresse qualifie de jeu de hasard « un jeu payant
où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons
de l'intelligence pour l'obtention du gain.»
La définition de jeu de hasard est souvent confondue avec
celle de l'aléa. Or Jean Ville et Emile Borel font une distinction entre
hasard et aléa : « Un
événement est aléatoire lorsqu'il existe une incertitude
quant à sa réalisation future. Or si un événement
est aléatoire, ce n'est pas nécessairement un
événement fortuit.»228
Or l'aléa n'est qu'un élément du hasard
selon Gérard Cornu : «élément du hasard,
d'incertitude, qui introduit, dans l'économie d'une opération,
une chance de gain ou de perte pour
l'intéressé.»229
Il y a une certaine remise en cause de l'aléa qui n'est
plus la cause des jeux de hasard (A) et se pose donc la question de savoir si
le poker est un jeu de hasard.
A- L'aléa n'est plus la cause des jeux de
hasard
Un des éléments essentiel du jeu de hasard est
l'aléa. En effet, Anne de Guillenschmidt-Guignot précise: «
Dans le contrat de jeu de hasard, lequel est un contrat aléatoire,
l'élément essentiel du contrat, la prestation du joueur, est
affectée de l'aléa qui en constitue un des éléments
essentiels.»230
Le juge administratif de Clermont-Ferrand avait estimé que
l'activité intensive du joueur, le caractère professionnel
réduisait ou supprimait l'aléa et que le poker ne pouvait
être considéré que comme « marginalement un jeu de
hasard».
Le juge judiciaire avait estimé que l'aléa
inhérent au jeu de hasard était réduit par
l'habileté, la stratégie des joueurs.
Jean-Pierre Martignoni-Hutin se posait la question suivante :
« Est-il possible d'appréhender
228 E. BOREL, J. VILLE, « Applications de la
théorie des probabilités aux jeux de hasard », op.cit,
p. 10.
229 G. CORNU, « Vocabulaire juridique », 7e
éd. Puf, Paris, 2011, voir Aléa.
230 A. De GUILLENCHMIDT - GUIGNOT, « Les contrats de
jeux d'argent et de hasard en ligne», op. cit, p.6.
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rationnellement le hasard ? »231 Les
juges judiciaires ont estimé que les joueurs avaient réduit ou
supprimé l'aléa inhérent au jeu de hasard si bien que
lorsqu'il n'y a plus d'aléa ou s'il est fortement réduit, ce
n'est plus un jeu de hasard.
Le raisonnement des juges paraît discutable dans la mesure
où en matière de contrat de jeu de hasard, il y a un risque de
gain ou de perte de la part des joueurs, une part d'incertitude, donc un
caractère aléatoire.232
Le caractère professionnel d'une activité de jeu
n'enlève en rien la qualité de jeu de hasard. Dans cette affaire,
une personne avait été imposée sur ses revenus
découlant de jeu de hasard dans laquelle elle avait une qualité
de banquier.233
Si l'aléa qui est la cause du jeu de hasard, n'est plus la
cause de cette dernière, il ne peut plus donc avoir contrat de jeu et de
pari car ces contrats sont des contrats aléatoires.234
Les décisions des juges remettent en cause le
caractère de jeu de hasard du poker.
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