L'imposition des gains du poker( Télécharger le fichier original )par Jerome Maniongui Université Paris 13 Villetaneuse - Master 2 droit fiscal international et européen 2013 |
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INTRODUCTION« Le jeu n'intéresse le droit qu'en tant qu'il est susceptible d'affecter le patrimoine des joueurs, qu'il est source d'obligations, bref le jeu ne devient jeu que lorsqu'il est en même temps un contrat. »1 Il en est le cas pour le jeu du poker lorsque le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a considéré que les revenus des joueurs de poker étaient des revenus imposables alors que les revenus tirés de jeux ont toujours été considérés comme non imposables.2 Le dictionnaire Larousse 2013 définit le Poker comme un : « Jeu de cartes d'origine américaine où le vainqueur est celui qui possède la combinaison la plus forte ou qui réussit à le faire croire à ses adversaires. (Les combinaisons sont : une paire, deux paires, un brelan, une séquence ou quinte, une couleur ou flush, un full ou main pleine, un poker ou carré et une quinte royale ou straight flush.)» Le poker est donc un jeu de cartes. Le jeu de poker peut être un jeu gratuit mais aussi un jeu payant3. S'il est un jeu payant, il est réglementé par la loi. En effet, le poker entre dans la catégorie des jeux de cercle4 et donc soumis à agrément. L'article 14-2 de la relative aux jeux en ligne dispose : « Pour l'application du I, seuls peuvent être proposés en ligne les jeux de cercle constituant des jeux de répartition reposant sur le hasard et sur le savoir-faire dans lesquels le joueur, postérieurement à l'intervention du hasard, décide, en tenant compte de la conduite des autres joueurs, d'une stratégie susceptible de modifier son espérance de gains.» Les jeux de cercle sont des jeux qui se jouent entre joueurs et les jeux de contrepartie sont ceux « dans lesquels les joueurs jouent contre l'opérateur.»5 S'agissant des jeux en ligne, seuls les jeux de cercle sont autorisés, les jeux de contrepartie sont autorisés dans les casinos et les sommes perdues par les joueurs sont conservées par l'organisateur du jeu.6 Le poker peut se jouer sous plusieurs formes : vidéo-poker7, sous forme de casino mais aussi en ligne.8 1 J-B, DARRACQ, « L'État et le jeu », Thèse de doctorat en droit public, Lyon , Université de Lyon 2, 2005, 667 p. 2 Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, n° 090640, M. et Mme Petit, RJF 6/2011, n° 702. 3 A. De GUILLENDSCHMID- GUIGNOT, « Les contrats de jeux et de hasard en ligne », JurisClasseur Contrats - Distribution, Fascicule 3330, p.50 4 Idem 5 Ibidem 6 F. TRUCY, Rapport d'information n° 223, "L'État croupier, le Parlement croupion ?", [2001-2002] au nom de la Commission des Finances ; Rapp. Sénat, 19 janv. 2010, n° 209, p. 119 7 L'article 68-20-1 alinéa 5 de l'Arrêté du 29 juillet 2009 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos dispose : « Dans ce cas, le casino doit affecter immédiatement la totalité de l'incrément du jackpot progressif arrêté à un jackpot progressif existant ou à créer sur une ou plusieurs machines ayant une mise maximum égale ou inférieure et sur des machines à sous de même type (rouleaux et vidéo-rouleaux ou vidéo-poker). Cet incrément est ajouté à la valeur de départ du nouveau jackpot progressif ou au montant d'un jackpot progressif existant. » 8 L'article 10 de la loi de 2010 dispose : « Au sens de la présente loi :1° Le jeu et le pari en ligne s'entendent d'un jeu et d'un pari dont l'engagement passe exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne. Ne constitue pas un jeu ou un pari en ligne le jeu ou le pari enregistré au moyen de terminaux servant exclusivement ou essentiellement à l'offre de jeux ou à la prise de paris et mis à la disposition des joueurs dans des lieux publics ou des lieux privés ouverts au public ; » 8
Il existe plusieurs formes de jeu de poker : Baccara9, Texas Hold'em poker10, Omaha poker qui se joue comme le précédent mais avec quatre cartes privatives fermées11, seuls les deux dernières sont autorisées pour les jeux en ligne.12 L'origine du jeu de poker remonte à la fin de l'année 1820, avec un jeu constitué de 20 cartes et la version actuelle du poker c'est-à-dire avec 52 cartes avec plusieurs variantes a été adoptée en 1857 et a été popularisé par les casinos de Las Vegas.13 En France, le poker a commencé à être pratiqué dans les années 1850 avec 32 cartes fermées mais avec plusieurs variantes.14 La pratique du poker va se développer au fil des années avec des tournois tels que les World Series of Poker « WSOP » mais aussi popularisé par les films tels que James BOND : « Casino Royale ». Dans les années 90, nous assistons à un tournant avec l'apparition des jeux en ligne.15 Le poker en ligne a pris de l'ampleur à partir de 2002 avec le succès de la variante « Texas Hold'em poker».16 Parmi les jeux de hasard, on distingue ceux dans lesquels la personnalité du joueur ne joue aucune influence, c'est le cas notamment du jeu des dés, des jeux dans lesquels le joueur use de son habilité, ses compétences, pour réduire la part du hasard, c'est le cas du bridge notamment.17 En France, la législation des jeux de hasard et d'argent est très prohibitive18 car plusieurs dispositions réglementent ces jeux. Cette méfiance envers fait en sorte que les jeux sont strictement réglementés : le principe est l'interdiction mais il y a des exceptions avec des autorisations, le Sénateur François Trucy parle de « triptyque prohibition-exception-monopole.»19 En effet, les jeux de hasard sont interdits en France mais l'État français a prévu des exceptions en accordant l'exploitation des jeux à deux sociétés : la Française des jeux et le Pari mutuel urbain dont il est actionnaire majoritaire.20 9 L'article 58 de l'Arrêté du 14 mai 2007 relatif aux jeux de casino dispose : « Au baccara chemin de fer, il est fait usage de six jeux de cinquante-deux cartes, trois d'une couleur et trois de l'autre. Les jeux peuvent servir plusieurs fois, mais ils doivent être remplacés par des jeux neufs dès qu'ils ne sont plus en parfait état. » 10 L'article 57 de l'Arrêté du 14 mai 2007 relatif aux jeux de casino dispose : « Le jeu du Texas hold'em poker se joue avec un jeu de cinquante-deux cartes à teinte unie. Le jeu doit être en parfait état et peut servir plusieurs fois. Les dispositions des articles 39 et 40 relatives au dépôt, à la conservation et à l'usage des cartes sont applicables au jeu du Texas hold'em poker. Après leur comptée et leur vérification, le croupier mélange ostensiblement les cartes devant les joueurs. » 11 A. De GUILLENDSCHMID- GUIGNOT, op.cit, p. 50 12 Idem. 13 S. VARRAULT, « Étude des distorsions cognitives, des troubles anxiodépressifs et de la personnalité chez les joueurs pathologiques en ligne et hors ligne », Thèse de doctorat en Psychologie, Université Paris 5 Descartes, Paris, 2012, pp. 45-47. 14 Idem. 15 F. DANINOS, « Histoire du poker : Le dernier avatar du rêve américain », Paris, Tallandie, 2010, p. 213. 16 C. BLANCHARD-DIGNAC, « La révolution numérique des jeux de hasard », In les jeux d'argent, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, novembre 2011, n° 139, p.31. 17 E. BOREL, J. VILLE, « Applications de la théorie des probabilités aux jeux de hasard », ed. Jacques Gabay, Paris, 2009, p.13 18 C. RIBEYRE, « Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Revue de Science criminelle 2011, p. 906. 19 F. TRUCY, rapp. Sénat, n° 223, 2001-2002, op.cit. 20 A. HAMDAN, « La réglementation des jeux de hasard et paris sur Internet », in : Jusletter 5 mai 2008, pp. 9-10. 9
S'agissant de la réglementation des jeux, il y avait tout d'abord la Loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries qui disposait en son article 1er : « Les loteries de toute espèce sont prohibées.» Ensuite il y avait la Loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard qui disposait en son article 1er : « Le fait d'établir ou de tenir sur la voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l'enjeu est en argent est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende.» Enfin, il y avait la Loi du 2 juin 1891 relative aux courses qui prohibe les jeux de course sans autorisation du Ministre de l'Agriculture.21 Toutes ces lois ont été abrogées par l'ordonnance 2012-351 du 12 mars 2012 et ont été codifiées par dans le Code de sécurité intérieure.22 L'article L. 324-1 du Code de la sécurité intérieure, qui reprend les dispositions de la loi de 1983 relative aux jeux de hasard dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.» L'article 324-2 du même code dispose : « L'importation ou la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet, éventuellement par l'apparition de signes, de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de parties gratuites, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. » Le principe est donc celui de l'interdiction mais il existe une dérogation prévue par la loi n° 190706-15 du 15 juin 2007 qui accorde des droits à certains établissements touristiques pour exercer ces activités avec autorisation. Des dérogations permettent l'organisation des jeux d'argent et de hasard dans un cadre réglementé. C'est le cas de certaines communes qui peuvent ouvrir des casinos mais aussi des cercles de jeu et les jeux de course avec l'autorisation préalable du Ministère de l'intérieur23. Les Lois du 31 mai 1933 portant fixation du budget général, et du 29 décembre 1984 sur les paris sportifs accordent, respectivement à la Française des jeux et à la société PMU (Paris Mutuel Urbain) le monopole d'organiser les jeux. 21 L'article 1er de la loi dispose : « Aucun champ de courses ne peut être ouvert sans l'autorisation préalable du ministre de l'agriculture. » 22 L'article L.320-1 du Code de la sécurité intérieure dispose : « Les jeux d'argent et de hasard sont régis par les dispositions du présent titre et par celles du chapitre Ier de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.» 23 Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, Loi du 15 juin 2007 relative aux casinos. 10
Cette situation de monopole qui avait conduit le Sénateur Trucy de qualifier l'État français d' « État Croupier»24 car l'État français est actionnaire à plus de 72% de la Française des Jeux. Ce monopole pouvait être contraire aux règles européennes, ce qui a conduit l'État français à adopter la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Pour pouvoir réguler les jeux en ligne, la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne a créé une autorité administrative dénommée Autorité de Régulation des jeux en ligne en sigle ARJEL.25 L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante. L'article 34 de l Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 dispose : « L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante. » L'ARJEL est donc une autorité administrative au sens de la loi. Cette indépendance implique que «l'autorité implique d'abord l'absence de toute tutelle ou pouvoir hiérarchique à son égard de la part du pouvoir exécutif.» Une autorité administrative indépendante, en sigle AAI, « ne reçoit ni ordre, ni instruction du Gouvernement.»26 L'Arjel étant indépendante, elle ne reçoit d'ordre ni d'instruction du Gouvernement. Comme la plupart des autorités administratives indépendantes, elle ne dispose pas de la personnalité morale. En effet, la loi n'accorde la personnalité juridique qu'à quatre autorités administratives : l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, la Haute autorité de santé, l'Agence française de lutte contre le dopage.27 Cette absence de la personnalité morale a pour conséquence que l'Arjel n'a pas de budget autonome28 et ne peut pas agir en justice en son nom propre. Toutefois, la loi accorde au Président de l'Arjel, la possibilité d'agir en justice. En effet, l'article 37 de la loi l Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 dispose : « Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à l'Autorité de régulation des jeux en ligne, le président de l'Autorité a qualité pour agir en justice devant toute juridiction.» En Europe, c'est le cas notamment du Luxembourg, l'autorité administrative relative aux jeux de hasard : « L'OEuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte », bien que placée sous la tutelle d'un ministère, a la personnalité juridique.29 24 F. TRUCY, « Rapport d'information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et d'argent en France.» JO, Documents-Sénat,session ordinaire 2001-2002, n° 223, 336 p. 25 L'article 34 de la loi dispose : « L'Autorité de régulation des jeux en ligne est une autorité administrative indépendante. » 26 P. GÉLARD, « Office parlementaire d'évaluation de la législation : rapport sur les autorités administratives indépendantes », Rapport du Sénat n° 404, Session ordinaire 2005-2006, p. 32. 27 Ibidem, p. 68 28 ARJEL, « Les jeux en ligne gagnent en transparence », Rapport d'activités, mai- décembre 2010, p. 63 disponible à: http://www.arjel.fr/IMG/pdf/rapport-activité-2010.pdf. 29 L'article 1er de la loi du 22 mai 2009 relative à l' OEuvre Nationale de secours Grande Duchesse charlotte et à la loterie nationale dispose : « L'OEuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, ci-après désignée 11
Par contre, en Belgique, l'autorité des jeux n'est pas une autorité administrative, n'est pas rattachée à un ministère et a un « statut hybride».30 Plusieurs rapports parlementaires préconisent, pour plus d'efficacité, de doter l'Arjel de la personnalité morale.31 En droit de l'Union européenne, s'agissant des jeux de hasard, le Procureur Général de la Cour de Justice de l'Union Européenne précisait : « Le droit communautaire n'a pas pour objet de soumettre les jeux de hasard et d'argent au marché communautaire. »32 En effet, le droit de l'Union européenne ne comprend aucune disposition relative aux jeux d'argent et de hasard : aucune directive ne régit les jeux d'argent de hasard, une tentative d'harmonisation avait échoué en 1992.33 Les directives 2000/31/CE Parlement et du Conseil du 8 juin 2000 relatif au commerce électronique et 2006/123/CE excluent les activités de jeux de leurs champ d'application.34 Avec une croissance annuelle au taux de 15% et un chiffre d'affaire de 15 milliard prévu en 2015, les jeux d'argent et de hasard en ligne font partie des secteurs d'activités présentant une forte expansion.35 Étant donné qu'il n'y a pas d'harmonisation au niveau européen, il revient aux États membres, en vertu du principe de subsidiarité, de réglementer les activités des jeux sur leurs territoires.36 «l'OEuvre», est un établissement public possédant la personnalité juridique et jouissant de l'autonomie financière.L'OEuvre est placée sous la tutelle du Premier Ministre, Ministre d'État » 30 Les documents de travail du Sénat, « Les instances de contrôle du secteur des jeux», Étude de législation comparée n° 180, 1er décembre 2007, p. 15 31 F. TRUCY, « Faut-il revoir la loi sur les jeux en ligne ? » Rapport d'information n° 17 (2011-2012) , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2011, p. 227. A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 7 32 Y. BOT, (Point 45 conclusion du 14 décembre 2008, Sur CJCE 8 septembre 2009 , n° C-42/07, Liga Portugesa de Futebol, BWIN international Ltc C/ Departementos de Jogos de Santa Casa Da Misericordia de Lisboa), AJDA 2009, p. 1584. 33 Communiqué du Conseil européen d'Édimbourg des 11 et 12 janvier 1992, Bull. CE 1992, n° 12. 34 D. ALLAND, « Droit de l'Union européenne et droit français des jeux de hasard et d'argent en ligne : Histoire d'une instrumentalisation », AJDA 2010, p. 1970. 35 C. DEMUNCK, « Plan d'action européen de jeux en ligne, État des lieux du marché des jeux e, ligne au 3e trimestre 2012, ARJEL », Dalloz Actualités 09 novembre 2012. 36 L'article 4 du Traité de l'Union Européenne dispose : « Conformément à l'article 5, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. » et l'article 5 du même traité dispose : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union.» 12
L'Union Européenne a constaté que les réglementations se classaient en deux grands modèles37 : l'un fonctionnant sous forme de licence strictement encadré, l'autre fonctionnant sous forme de monopole strictement réglementé. C'est le cas, notamment et respectivement du Royaume-Uni et de la France.38 Les jeux d'argents et de hasard, bien que n'étant pas harmonisés, constituent depuis longtemps une activité économique donc susceptible d'être encadrée par les règles européennes notamment celles relatives au marché intérieur. En effet, dès l'arrêt « Schindler »39, la Cour de Justice de l'Union Européenne ( anciennement Cour de Justice des Communautés Européennes) avait estimé que les jeux constituaient des activités économiques et non des activités illicites : « Les activités de loterie ne sont donc pas des activités relatives à des « marchandises relevant, comme telles, de l'article 30 du traité. Ces activités doivent, en revanche, être regardées comme des activités de « services», au sens du traité. Aux termes de l'article 60, premier alinéa, du traité:« ... sont considérées comme services les prestations normalement fournies contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.» Les réglementations des jeux n'étant pas appréhendées par le droit communautaire dérivé, elles ont été appréhendées par le droit primaire (les Traités). Or le monopole des États peu être contraire aux règles européennes notamment celles relatives à la libre circulation des services prévue à l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne40 mais aussi celle relative à la liberté d'établissement prévue à l'article 49 du même traité.41 La question qui se pose est celle de savoir si les réglementations des États en matière des jeux d'argent et de hasard sont compatibles avec le marché intérieur de l'Union Européenne ? En dehors de la procédure d'infraction ouverte par la Commission contre les États en 2005, aucune sanction n'a été prise par la Commission Européenne contre les États sur le fondement de la violation des règles communautaires. C'est la jurisprudence, sur le fondement des questions 37 Commission Européenne, « Livre vert sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur », Com (2011), 321 Final, Bruxelles, 2011. Disponible à l'adresse suivante : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0128:FIN:fr:PDF. 38 E. THOMAS, op. cit, p. 2. 39 CJCE, 24 mars 1994, aff. C-275/92, REC. CJCE I-1039. D. 1994 100 40 L'article 56 du TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.» 41 L'article 49 du TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. » 13
préjudicielles qui a rendu des décisions en matière de jeux car la « Cour n'est pas vierge de jurisprudences » selon Philippe Icard.42 La question des jeux dans l'Union Européenne est délicate dans la mesure où, tout d'abord, la diversité des réglementations des jeux dans chaque État crée des tensions au niveau du marché intérieur car les États veulent conserver leurs monopoles et ont rejeté les propositions d'harmonisation des jeux de hasard de la Commission Européenne.43 Dans les années 9044, la Cour de Justice avait déjà admis que les Etats membres puissent restreindre les libertés relatives au jeu sur le fondement de l'intérêt général.45 En effet, la Cour de justice a été saisie, et ce à plusieurs reprises, d'une question préjudicielle sur la conformité des législations nationales prohibant les jeux, elle a estimé que les législations nationales n'étaient pas contraires aux règles européennes et des restrictions pouvaient être apportées aux libertés d'établissement et des services.46 Claire Lesne, avocat au Barreau de Paris a estimé qu'il y avait une cassure entre la Commission européenne et la Cour de justice47. En effet, la Commission estime que les monopoles des États sont contraires au marché intérieur et avait ouvert une procédure d'infraction contre les États alors que la Cour de Justice conforte les monopoles48. La Cour a précisé, dans l'arrêt Liga de Futebol du 8 septembre 2008 que : « l'article 49 du Traité instituant la Communauté Européenne (devenue article 56 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne) ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre qui interdit à des opérateurs établis dans les autres États membres où ils fournissent légalement de services analogues, de proposer des jeux de hasard sur le territoire dudit État membre. »49 Cette solution a été confirmée par les jurisprudences ultérieures.50 Ensuite, les jeux en ligne constituent une activité économique au sens des traités européens selon l'arrêt Schindler (CJCE, 24 mars 1994, Aff. C-275/92). A ce titre, les jeux devaient normalement 42 P. ICARD, « Le régime jurisprudentiel des paris sportifs dans l'Union européenne », Recueil Dalloz 2010, p.2816. 43 E. THOMAS, « Les Jeux et paris en ligne : Approches nationales et communautaires », Mémoire de Master 2 Juriste Européen, sous la direction de Monsieur Ludovic Bernardeau, Nancy, Université Nancy 2, 2007, 59 p. 44 Affaire Schindler : CJCE, 24 mars 1994, aff. C-275/92, REC. CJCE I-1039. D. 1994 100 et Affaire Laara : CJCE 21 septembre 1999 aff. c-124-97, Affaire Zenatti : CJCE 21 octobre 1999, aff. C-.67/98 45 C. LESNE « Aspects européens de la libération du marché des jeux d'argent : le récent rapport d'initiative SCHALMEDOSE préconise la le principe de subsidiarité et se prononce contre un marché unique d'argent », In : Droit des Jeux, La revue de l'avocat conseil d'entreprises, juin 2009, n° 108, p. 26 46 P. FOMBEUR, M. GUYOMAR « La française des jeux n'est pas investie d'une mission de service public », AJDA 1999, p. 1008. 47 C. LESNE, op.cit. 48 E. THOMAS, op. cit, p. 2. 49 CJCE 8 septembre 2009 , n° C-42/07, Liga Portugesa de Futebol, BWIN international Ltc C/ Departementos de Jogos de Santa Casa Da Misericordia de Lisboa 50 CJUE 3 juin 2010, Sporting Exchange, aff. c-203/08 et CJUE 3 juin 2010 Ladbrokes Betting, aff. C-258/08 14
être soumis à la TVA. Or la directive TVA (2006/112/CE) exclut les jeux de son champ d'application pour des raisons pratiques. La Cour de justice a confirmé cette solution dans plusieurs arrêts.51 Elle estime que : « S'agissant plus particulièrement des paris, loteries et autres jeux de hasard, il convient de relever que l'exonération dont ils bénéficient est motivée par des considérations d'ordre pratique, les jeux de hasard se prêtant mal à l'application de la TVA.»52 En matière fiscale, la Commission européenne avait ouvert une procédure d'infraction contre le Royaume d'Espagne car elle considérait que la législation espagnole qui prévoyait une exonération des gains de loterie d'une certaine catégorie d'organisations nationales de loteries et imposait d'autres catégories, y compris les organisations nationales et européennes, était contraire aux règles du marché intérieur prévues aux articles 49 et 36 EEE.53 Valérie Michel, en reprenant le raisonnement de la Cour estime que la Cour de justice de l'Union européenne « observe tout d'abord que la nature fiscale de la réglementation litigieuse n'écarte nullement l'application du droit communautaire, car, s'il est incontestable que la fiscalité relève de ma compétence des États, il l'est tout autant qu'ils sont tenus d'exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire. »54 En France, la Cour de Cassation et la Conseil d'État ont toujours validé le monopole de l'État malgré les tentatives de plusieurs requérants qui estimaient que le monopole français était contraire aux règles du marché intérieur. Le Conseil d'État avait saisi la Cour de Justice sur le fondement de la question préjudicielle55 en 2008 concernant le monopole de la PMU que la société ZETURF contestait, la Cour a estimé que le monopole était justifié par l'intérêt général.56 Ce monopole des États est encadré par des conditions. L'article 26 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne dispose : « 1. L'Union adopte les mesures destinées à établir ou assurer le fonctionnement du marché intérieur, conformément aux dispositions pertinentes des traités. 2. Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités. 3. Le Conseil, sur proposition de la Commission, définit les orientations et conditions nécessaires pour assurer un progrès équilibré 51 CJCE, 13 juillet 2006, United Utilities plc c/ commissionners of Customer and Excise, aff C-89/05, Rec. I-6813, pt 23, CJCE, 29 mai 2001, Freemans, aff. C-86/89, Rec. CJCE I-4167, pt. 301. 52 CJCE, 13 juillet 2006, United Utilities plc c/ commissionners of Customer and Excise, aff C-89/05, Rec. I-6813, pt 23. 53 CJCE, 6 octobre 2009, aff. C-153/08, Commission contre Espagne 54 V. MICHEL, « Fiscalité des gains de loterie », Actualités du droit de l'Union européenne n°12, décembre 2009, comm. 454 55 L'article 267 du TFUE dispose : « La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel: a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. » 56 CJCE 30 juin 2011, Zeturf Ltd contre Premier ministre, Affaire C-212/08, disponible depuis le lien suivant : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:62008J0212:FR:HTML 15
dans l'ensemble des secteurs concernés. ». Les jeux de hasard étant reconnus comme des activités économiques depuis l'arrêt Schindler (CJCE, 24 mars 1994, Aff. C-275/92), ils rentrent donc dans le champ d'application du marché intérieur. Or, les monopoles, interdictions, réglementations des États peuvent restreindre la liberté des capitaux, des services, des biens mais aussi des personnes comme prévu dans les articles des 49, 56 et 63 du traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne.57 Les requérants ont invoqué les arguments suivants pour contester le monopole des États : les monopoles, interdictions, sont contraires à la libre prestation des services au sens de l'article 56 mais aussi contraires à la liberté d'établissement prévue à l'article 63.58 Les États ont invoqué les « Raisons d'intérêts publics prévus par les traités» et la Cour de juste a « admis les raisons d'intérêts général». Le Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne admet, pour des raisons d'intérêt général, que des restrictions puissent être apportées aux libertés prévues par le marché intérieur. En effet, l'article 52 TFUE (Ex-article 46 TCE) dispose : « Les prescriptions du présent chapitre et les mesures prises en vertu de celles-ci ne préjugent pas l'applicabilité des dispositions législatives, réglementaires et administratives prévoyant un régime spécial pour les ressortissants étrangers, et justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique.» Le juge a validé les monopoles des États dans le domaine des jeux sur le fondement de ces motifs, c'est notamment le cas dans l'arrêt CJUE du 12 juillet 2012.59 La Cour de Justice a transposé le motif : « Raisons impérieuses d'intérêt général », déjà utilisées dans le domaine de liberté des marchandises au domaine des jeux.60 Mais pour que les motifs « Raisons d'intérêts publics prévus par les traités », « admis les raisons impérieuses d'intérêts général» puissent être admises par la Cour, cette dernière exige que ces raisons doivent être proportionnées doivent être adéquates.61 La Cour a rejeté l'argument des États sur le maintien des monopoles dans deux affaires.62 57 L'article 49 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre.», l'article 56 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. », l'article 63 TFUE dispose : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.» 58 C. DEMUNCK, « Le monopole du PMU saute avec succès l'obstacle du droit de l'Union européenne », Dalloz actualité, 5 septembre 2011. 59 A-L. SIBONY, « Jeux et paris : L'Autriche gagne le pari d'une protection exigeante, Cjue 12 juillet 2012, HIT, C176/11 », Revue trimestrielle de droit européen 2012, p. 731-117. 60 P. ICARD, op.cit, p. 8 61 F. PERALDI LENEUF, « La Cour de justice et la libération des jeux en ligne : l'exigence d'une cohérence. A propose de l'Arrêt Santa Clara.», Revue trimestrielle de droit européen, 2010, p. 7. 62 CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli, aff. C-243/01, REC. CJCE I-13031, D. 2003. 2868, CJCE, 6 mars 2007, 16
Puis, l'Europe est confrontée aux risques de criminalité, de blanchiment d'argent sur les jeux en ligne, elle souhaite pouvoir combattre cette criminalité en invitant les États à prévenir les fraudes et protéger les consommateurs63 mais aussi en renforçant la lutte contre le blanchiment des capitaux. Pour ce faire, deux propositions relatives à la lutte contre le crime et le blanchiment d'argent ont été adoptées le 5 février 2013.64 Le laboratoire d'Expertise et de Sécurité Informatique CERT-LEXSI, dans son livre blanc sur la criminalité des jeux en ligne de 2006, avait estimé que : « Le secteur des jeux en ligne est aujourd'hui largement contrôlée par des groupes criminels. En dehors de ces groupes, les sociétés actives dans ce secteur s'affranchissent de toute conformité aux législations internationales.»65, ce qui a conduit certains États tels que l'Italie, d'interdire des sites illégaux sur son territoire.66 En France, un rapport du ministère du Budget, des Comptes publics et de la fonction publique rédigé par Alain Bauer faisait état des risques de fraude liés aux jeux Internet : « Ces fraudes peuvent consister en un détournement des données bancaires, des clients... peuvent aussi prendre la forme de montages pour limiter les remboursements... consister en un environnement poussant au jeu ainsi que des facilités de crédit rapidement octroyé...»67 Les jeux en ligne peuvent être appréhendées par des menaces criminelles. En France, en 2001, s'agissant des sites internet illégaux, le juge judiciaire avait pris une décision lourde de conséquences.68 En effet, le Tribunal de Grande Instance de Paris avait ordonné à la société Yahoo d'empêcher toutes personne résident en France d'accéder aux sites Web proposant des jeux qui étaient contraires à l'ordre public, cela avait été considéré comme une naissance du « droit de l'Internet »69. Le juge judiciaire avait aussi fait condamner des sociétés françaises exploitant des jeux autorisés à l'étranger et interdits en France mais accessibles depuis Internet sur le territoire français ce qui avait posé des questions de territorialité.70 Concernant les modalités de blocage des sites Internet des jeux illégaux, lors des débats sur l'adoption de la Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, un amendement prévoyait la possibilité de bloquer directement les sites illégaux par décision administrative comme c'était le cas pour la loi HADOPI.71 Mais la décision du Conseil Constitutionnelle n°2009-580 DC du 10 juin72 avait Placanica, Affaires jointes, C-338/04, C-359/04 ET C-360/04. 63 Commission Européenne, « Livre vert sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur », op.cit p. 3. 64 C. Fleuriot, « Renforcement de la lutte contre le blanchiment de capitaux », Dalloz actualité, 13 février 2013. 65 CERT-LEXSI, « Cybercriminalité des jeux en ligne », Lire blanc du CERT-LEXSI, 22 juillet 2006, disponible sur le lien suivant : http://www.lexsi.fr/sites/default/files/publications/livre_blanc_-_cert_lexsi_-_jeux_en_ligne.pdf 66 Idem. 67 A. BAUER, « Jeux en ligne et menaces criminelles », La Documentation française, Paris, 2009, p.14. 68 TGI Paris, ord. Ref., 22 mai 2000, Legipresse, sept. 2000, 174-III-139, note Rojinsky ; D. 2000, IR, p. 172. 69 C. ROJINSKY, « Cyberespace et nouvelle régulation technologie », Recueil Dalloz 2001, p. 844. 70 J. FRANCILLON, « Exploitation des jeux de hasard sur internet », Revue de science criminelle 2008, p. 101. 71 Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet 17
estimé que la possibilité de bloquer administrativement les sites Internet était inconstitutionnelle.73 Suite à ces considérations, les possibilités de blocage de sites Internet illégaux, sont confiées au juge judiciaire.74 Pour pallier à ce problème et résoudre celui de la responsabilité des opérateurs, un décret du 30 novembre 2011 (Décret. N° 2011-2121, Jo 1er janvier) est venu préciser les modalités de blocage des sites internet par les fournisseurs d'accès internet.75 Le blocage des sites internet peut soulever plusieurs problèmes. Tout d'abord, cela peut constituer une atteinte à la liberté de communication notamment garantie à l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.76 Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision relative la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 201177 avait considéré que le blocage des sites internet sans passer par une autorité judiciaire ne « portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté de communication ».78 Ensuite, le blocage des sites internet peut être contourné par le biais de certains logiciels qui permettent aux utilisateurs internet de s'affranchir des blocages.79 Enfin, en droit international, notamment dans le cadre de l'OMC, des questions se sont posées sur l'interdiction des jeux en ligne. Cette interdiction était contraire aux règles de l'OMC ? Dans une affaire soumise à l'organe d'appel de l'OMC, l'État d'Antigua-et-Barbuda reprochait à la législation américaine l'interdiction faite aux résidents américains de participer à des jeux en ligne. Antigua-et-Barbuda estimait que cette interdiction était contraire à l'Accord Général sur le Commerce des Services de 1994.80 72 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, disponible à l'adresse suivante : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-580-dc/decision-n-2009-580-dc-du-10-juin-2009.42666.html 73 « Considérant que, selon les requérants, en conférant à une autorité administrative, même indépendante, des pouvoirs de sanction consistant à suspendre l'accès à internet, le législateur aurait, d'une part, méconnu le caractère fondamental du droit à la liberté d'expression et de communication et, d'autre part, institué des sanctions manifestement disproportionnées ; qu'ils font valoir, en outre, que les conditions de cette répression institueraient une présomption de culpabilité et porteraient une atteinte caractérisée aux droits de la défense ; » 74 Ariane de Guillenchmidt-Guignot , « Contrats en matière de jeux de hasard- Paris- Jeux d'argent », JCP Contrat-Distribution, 2010, p. 72. 75 X. DELPECH, « Modalités de blocage des sites illégaux », Dalloz actualité 10 janvier 2012. 76 L'article 11 de la DDHC dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » 77 Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011. 78 C-E. MINET, « Les aspects administratifs de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 », Droit Administratif n° 5, Mai 2011, comm. 51. 79 A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 132 80 Accord Général sur les Commerces de services disponible sur le lien suivant : 18
L'organe d'appel de l'OMC a rejeté l'argument de l'État d'Antigua-et-Barbuda et a estimé que la législation américaine n'était pas contraire aux règles de l'OMC.81 En France, la législation applicable au poker en ligne était « inadaptée à l'internet »82. En effet les lois du 21 mai 1836 relative à la prohibition des de loteries, du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard avaient été adoptées avant l'apparition de l'internet et n'appréhendaient donc pas les spécificités des jeux en ligne. Toutefois, les juges ont estimé que ces lois étaient applicables aux jeux en ligne et ont condamné des sociétés proposant de jeux en ligne sur le territoire français.83 S'agissant des joueurs de poker en ligne résidents en France, eux-mêmes ne sont pas passibles du délit prévu par l'infraction. En effet, l'article 324-1 L'article Code de la sécurité intérieure dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. », les joueurs ne participent pas à la tenue de la maison de hasard sauf s'ils en ont été les organisateurs.84 Ils ne peuvent pas être complices au sens de l'article 121-7 du Code pénale.85 Cette solution est applicable aussi aux jeux en dur.86 L'article 2 de la loi n°2010476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» Le poker étant un jeu d'argent et de hasard et surtout réglementé, la question qui se pose est celle de savoir si les revenus tirés des gains du jeu de poker sont-ils des revenus imposables ? Cette question est d'une importance capitale tout d'abord parce que le Code général des impôts ne définit pas la notion de gains et surtout contrairement à certains pays européens tels que l'Allemagne qui imposent les revenus des jeux de loterie, les revenus des jeux ne sont pas expressément prévus par la loi française.87 Ensuite, si imposition il y a, cette imposition ne peut se faire que sur le fondement de l'article 92 du http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/26-gats.pdf 81 A. TENENBAUM, « Les jeux d'argent sur l'internet facilité dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce- Réflexions à propos de la décision de l'organe d'appel de l'OMC du 7 avril 2005 », Communication Commerce électronique, septembre 2005, N° 9, étude 31. 82 A. BENSOUSSAN, « Les jeux d'argent sur internet : une réglementation disparate, ancienne et inadaptée de part et d'autre de l'Atlantique », Gazette du Palais, 18 janvier 2007, n° 18, p. 25. 83 CA Versailles, 9ème chambre, 4 mars 2009, Ministère Public contre Part ouche et autres). (RG07/01408). 84 A. BENSOUSSAN, « Le cadre juridique des jeux et paris en ligne », Gazette du Palais, 24 juillet 2008, n° 206, p. 3. 85 L'article 121-7 du Code pénal dispose : « Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. » 86 Cass. Crim., 27 février 1957, Bull. Crim 1957, p.204. 87 S. CAMILLIERI, « Les finances publiques et le jeu », Thèse de doctorat en droit public, mention finances publiques et fiscalité, Lyon, Université de Lyon 3, 2008, p.56-57.
Code général des impôts qui dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.» La question est de savoir si les revenus tirés du poker constituent : « toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus» ? Puis, en période de crise financière actuelle, le marché des jeux en ligne est un marché en pleine expansion avec des revenus générés de plus de 50 milliards d'euros88, la tendance des États européen est, tout d'abord, de vouloir imposer les revenus perçus par les joueurs. Il en est le cas en France et en Suède lorsque les administrations fiscales effectuent des perquisitions aux domiciles des joueurs de poker afin de déterminer la masse imposable des revenus tirés des jeux de poker. Certains députés, à l'instar de Yann Galut, souhaitent une imposition des gains tirés des jeux de hasard, y compris les jeux de poker, à hauteur de 15% à partir de 30000 euros.89 Un rapport de l'Assemblée nationale souligne que la fiscalité actuelle est mal adaptée aux jeux en ligne car il y a plusieurs prélèvements effectués sur les opérateurs de jeu et la répartition de ces prélèvements est disparate.90 Enfin, les États veulent lutter contre l'apparition des « cyber paradis fiscaux » qui se développent avec le développement des jeux en ligne.91 En effet, les jeux en ligne, faute d'avoir été harmonisés, les sociétés de jeux en ligne cherchent à tirer meilleur profit de leurs activités en profitant des législations des pays européens ou la fiscalité est moindre et la réglementation des jeux laxistes.92 Afin de mieux comprendre la question de la fiscalité du poker, nous verrons qu'en droit français le principe est la non-imposition des revenus tirés des jeux de poker (première partie). Mais ces revenus peuvent, exceptionnellement, être qualifiés de revenus imposables (seconde partie). 19 88 L. IDOT, « Les enjeux du jeu », Actualité de l'Union européenne, Europe n° 4, Avril 2009, repère 4. 89 Y. GALUT, « Question écrite n° 185», Assemblée Nationale, 14e législature, Question publiée au JO le : 23/10/2012 p. 5849 90 A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 16 91 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet », Gazette du Palais, 17 février 2001 n° 48, p. 54. 92 CERT-LEXSI, « Cybercriminalité des jeux en ligne », op. cit, p.14. 20
Première partie : Le principe : la non-impositiondes gainsLa loi ne définissant pas la notion de revenu imposable, il y a un élargissement de la catégorie des revenus imposables de la part de la doctrine mais aussi de la jurisprudence.93 Mais la loi comme la jurisprudence française estiment que les gains du poker ne sont pas imposables. Il conviendra de voir les fondements de cette non-imposition (Section 1) et les critères de cette non-imposition (Section 2). Section 1 : Les fondements de la non-imposition des gainstirés des activités du pokerLes contribuables sont imposables sur l'ensemble de leurs revenus. L'article 12 du CGI dispose : « L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. » et l'article 6 du même code dispose : « Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. Les revenus perçus par les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont, sauf preuve contraire, réputés également partagés entre les parents. » Aucune disposition du Code des impôts ne classe les revenus d'activités de poker. Si imposition il devait y avoir, cette imposition se ferait sous le fondement des bénéfices non commerciaux prévus à l'article 92 du Code général des impôts qui disposent : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. » Toutefois, le poker étant un jeu de hasard, les revenus tirés ne sont pas des revenus imposables au sens de la loi et la jurisprudence (Paragraphe 1) mais aussi en droit international français (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La Loi et la jurisprudenceSelon la loi française (A) et la jurisprudence (B), les revenus tirés des activités de jeux de hasard, ne sont pas des revenus imposables. 93 O. FOUQUET, « Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale » Dalloz-Sirey, 5e éd, 2009, p. 235. 21
A- La loiLe poker étant un jeu de hasard, aucune disposition légale ne prévoit expressément une exonération d'imposition des revenus tirés des activités de poker. La non-imposition est prévue par le Code général des impôts de façon indirecte (1), la doctrine administrative est venue éclairer la non-imposition (2). D'autres textes aussi prévoient la non-imposition. (3) 1- Le Code général des impôtsAucune disposition du Code général des impôts ne prévoit une exonération d'imposition des gains tirés des jeux de hasard en général et en particulier du poker. L'article 126 annexe IV dispose : « Sont considérés, en principe, comme jeux de hasard, tous les jeux d'argent qu'il s'agisse de jeux de cartes ou d'autres jeux. Toutefois, le caractère de "jeux de commerce" peut être reconnu exceptionnellement à des jeux d'argent à condition qu'aucune personne ne puisse parier sur les chances d'un joueur, que la perception au profit de la cagnotte soit réduite à un droit fixe obligatoire, par joueur et par séance et qu'aucun jeu de hasard ne soit pratiqué dans le même établissement. Le caractère propre à chaque jeu de commerce doit avoir été déclaré par le cercle ou la maison de jeux conformément aux prescriptions du ministre de l'intérieur et n'avoir pas été contesté par celui-ci. Les cercles de jeux sont les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 dont les membres ont été autorisés par le ministre de l'intérieur à pratiquer les jeux de hasard ainsi que les associations régies par la loi de 1901, dont les membres ont fait au ministre de l'intérieur la déclaration prévue pour les jeux de commerce. Les maisons de jeux sont celles où sont pratiqués les jeux d'argent et qui n'entrent dans aucune des catégories ci-dessus. » Cet article précise ce qu'est un jeu de hasard sans mentionner que les revenus tirés de ces jeux sont des revenus imposables. Cette position de la loi française est semblable à celle de plusieurs pays de l'Union européenne qui exonèrent d'impôt les revenus tirés des gains de loterie. C'est le cas notamment de la Finlande94 du Luxembourg qui exonère les revenus qui ne rentrent pas dans la catégorie des revenus expressément prévue, c'est le cas notamment des jeux de hasard et des loteries.95 94L'article 85 de l'inkomstskattelagen (1535/1992) (loi relative l'impôt sur le revenu) dispose : «les gains obtenus dans le cadre des jeux de hasard visés à l'article 2 de la lotteriskattelagen ne constituent pas des revenus imposables. » 95 L'article 7 de la Loi sur l'impot sur le revenu du Luxembourg dispose : « Le revenu imposable est obtenu par la déduction des dépenses spéciales visées à l'article 109 du total des revenus nets. Le total des revenus nets est constitué par l'ensemble des revenus nets, déterminés distinctement pour chacune des catégories énumérées à l'article 10, les pertes dégagées pour l'une ou l'autre catégorie se compensant, s'il n'en est pas autrement disposé, avec les revenus nets des autres catégories. » L'article 10 dispose : « Entrent seuls en ligne de compte pour la détermination du total des revenus nets au sens du second alinéa de l'article 7: 1. le bénéfice commercial, 2. le bénéfice agricole et forestier, 3. le bénéfice provenant 22
Par contre, d'autres pays européens imposent les revenus tirés des jeux de hasard. C'est le cas notamment de la Suède qui exonère les revenus tirés des jeux organisés dans l'Union européenne mais impose, les revenus tirés des jeux de poker organisés hors Union européenne dès qu'ils sont supérieurs à 100 Couronnes suédoises96 mais aussi de l'Italie qui prévoit une retenue à la source des revenus tirés des jeux de hasard.97 Cette non-imposition n'étant pas prévue expressément par le Code général des impôts, la doctrine administrative est venue préciser cette non-imposition. 2- La doctrine administrativeEn matière fiscale, il existe plusieurs sources de droit : la loi, la Constitution, la jurisprudence et la doctrine. S'agissant de la doctrine, elle est élaborée par l'administration centrale et a pour but d'éclairer les contribuables mais aussi les agents du fisc. Elle est composée de plusieurs documents : instructions fiscales, circulaires commentaires de jurisprudence, questions écrites posées par le contribuable à l'administration et compte environ 40.000 pages.98 La particularité de la doctrine administrative c'est qu'elle accorde une garantie spécifique au contribuable. En effet, l'article L 80 A alinéa 2 du Livre de procédure fiscale dispose : « Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales.» Cette garantie permet aux contribuables d'opposer une doctrine administrative, même illégale à l'administration.99 En matière de jeux de hasard, il existe plusieurs doctrines qui peuvent être invoquées par les contribuables pour justifier la non-imposition des gains. Il y a d'abord la réponse du Ministre du budget en date du 15 novembre 2011100 qui précise : « Les gains réalisés à l'occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne constituent pas, au sens de l'article 92 du CGI, une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition. Toutefois, selon la doctrine publiée de l'administration fiscale (Doc.adm. 5 G-116, § 61 de l'exercice d'une profession libérale, 4. le revenu net provenant d'une occupation salariée, 5. le revenu net résultant de pensions ou de rentes, 6. le revenu net provenant de capitaux mobiliers, 7. le revenu net provenant de la location de biens, 8. les revenus nets divers spécifiés à l'article 99 ci-après. » 96 Voir le tutoriel d'imposition de la Suède disponible à l'adresse suivane : http://www.skatteverket.se/download/18.71004e4c133e23bf6db800066072/399-2-01.pdf 97 L'article 8 alinéa 4du Code des impôts italien prévoit une imposition des gains tirés des jeux. Voir le lien suivant : http://stefanogelao.com/caaf/8_cap_guida1_2013_redditi_Diversi_Def.pdf 98 M. COZIAN, F. DEBOISSY, « Précis de fiscalité d'entreprises », Paris, LexisNexis, 36 ed., 2012, p. 25. 99 Idem. min. budget n° 110952 à Mme Aurélie Filippetti : JOAN Q 15 nov. 2011, p. 12011 100 Rép. 23
et 119, 15 sept. 2000), sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d'atténuer fortement l'aléa normalement inhérent aux jeux de hasard. Cette position est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu'il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle. L'imposition des gains ainsi réalisés par des joueurs de poker est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence (TA Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, n° 0900640.» Ensuite, il y a une question écrite posée par le député Didier Robert au Ministre du Budget concernant les gains des joueurs du poker. Le Ministre avait répondu : « En outre, il est rappelé qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts, l'impôt sur le revenu est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. Le revenu s'entend, en principe, de tous les produits qui se renouvellent ou sont susceptibles de se renouveler, quel que soit leur montant. Les gains de jeu de hasard ne constituent donc pas un revenu imposable au sens de l'article précité.»101 Cette doctrine a repris une doctrine publiée en 2000 qui précisait : « la pratique, même habituelle, des jeux de hasard tels que les loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux.»102 Cette dernière doctrine peut poser problème dans la mesure où elle ne mentionne pas expressément le poker et la jurisprudence administrative fait une application littérale des textes.103 Cette non-imposition prévue pour les joueurs de poker, jouant de façon amateur, a été appliquée aux joueurs de bridge, qui sont, eux aussi, exonérés d'imposition sur les revenus tirés des gains de jeu de bridge, mais à condition, qu'ils puissent jouer en amateur.104 Mais elle diffère de celle des parieurs de chevaux de course qui sont exonérés d'impôts sur les revenus tirés des paris sur les chevaux, que ces revenus soient perçus en professionnels ou en amateurs. En effet, la même doctrine précise : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique, même habituelle, de paris sur les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de revenus au sens de l'article 92 du CGI.»105 3- Les autres textesIl s'agit notamment des règlements de la Française des Jeux qui prévoient que les gains ne sont pas des gains imposables. L'article 13 du règlement de la Française des jeux relatifs au jeu106 « Cote et Match » dispose : « Conformément aux dispositions légales en vigueur, les gains au jeu n'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu.» 101 Rép. min. budget n° 49561à Monsieur Didier ROBERT, JOAN, 06 octobre 2009, p.9424 102 Doc. Adm. DGI 5 G-116 n° 8 61 et 119 103 M. COZIAN, F. DEBOISSY, op. cit. p. 213 104 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012. 105 Idem. 106 Règlement du jeu de La Française des jeux dénommé « Cote & Match » JORF du 4 janvier 2003 p.285 texte n° 14 24
L'article 17 du règlement de La Française des Jeux relative au jeu de loto107 précise : « conformément aux dispositions légales en vigueur, les gains résultant de la participation aux tirages du loto n'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu.» La non-imposition des revenus tirés des activités de poker n'étant pas prévue par la loi, la jurisprudence est venue préciser les contours de cette non-imposition. B- La JurisprudenceLa jurisprudence administrative devra être distinguée de la jurisprudence judiciaire car elles n'ont pas le même fondement. En effet, le juge administratif est le juge de l'impôt dans la mesure où il est compétent pour les réclamations d'impôt.108 Le juge judiciaire est saisi notamment sur le volet pénal pour les infractions sur la législation des jeux de hasard prévues par la loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard.109 Il convient donc de voir les fondements de la non-imposition des gains du jeu de poker prévus par la jurisprudence administrative (1) puis ceux prévus par les juridictions judiciaires (2). 1- La jurisprudence administrativeLa première décision concernant la non-imposition des revenus tirés des jeux a été rendue en 1969 concernant un joueur de bridge.110 Dans cette affaire, un gérant de restaurant avait été imposé sur les revenus qu'il percevait en tant que joueur de bridge. Il avait fait avait appel de cette décision devant le Conseil d'État. La question qui se posait était celle de savoir si les gains tirés du jeu de bridge constituaient des revenus imposables au sens de l'article 92 du Code général des impôts? Le Conseil d'État a estimé « Que les gains qu'il a réalisés en qualité d'amateur ne peuvent, dans l'exercice de ce jeu être regardés comme constituant la rémunération d'une activité déployée en vue de réaliser un profit, ni comme ayant leur source dans une "occupation » ou "exploitation lucrative" au sens de l'article 92 précité du code général des impôts ; qu'ainsi les gains dont s'agit n'étaient pas 107 Le règlement général de La Française des Jeux pris en application du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 (JO du 10 novembre 1978, p. 3812) 108 L'article L. 199-1 du Livre des procédure fiscales dispose : « En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. Il en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles.» 109 L'article 1er de la loi de 12 juillet 1983 dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. fait d'établir ou de tenir sur la voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l'enjeu est en argent est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. Le fait de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'une maison de jeux de hasard non autorisée est puni de 100 000 euros d'amende. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale. » 110 CE, 12 juillet 1969, req. N° 75976, DF, 1969, comm. 1010. 25
imposables.» Cette solution est pleinement applicable aux jeux de poker dans la mesure où le poker est un jeu de cartes en plus d'être un jeu de hasard.111 La non-imposition des jeux de hasard a été confirmée par plusieurs arrêts dans plusieurs jeux de hasard. C'est tout d'abord le cas du gain de loto que le Conseil d'État estimait qu'il «constitue un gain en capital, situé hors du champ d'application de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.» 112 Ensuite, c'est le cas des paris sur les chevaux. La Cour estime que : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique de paris sur les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits (au sens de l'article 92 du CGI), alors même que le montant des gains provenant de ces paris au cours d'une année serait supérieur au montant des bénéfices ou revenus déclarés par l'intéressé au titre de ladite année ou que les chances de gagner seraient, comme en l'espèce, plus grandes grâce aux connaissances acquises par l'intéressé comme éditeur d'une note d'« informations hippiques.»113 Enfin, en matière de Tiercé, le Conseil d'État avait estimé que : « Qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts, "sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimiles aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices...de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas a une autre catégorie de bénéfices ou de revenus" ;que, sauf circonstances exceptionnelles, la pratique, même habituelle, de paris sur les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de revenus au sens de ce texte.»114 Le juge judiciaire justifie la non-imposition des revenus du poker de façon différente. 2- Le juge judiciaireLe juge judiciaire a été, le plus souvent saisi à l'occasion du délit de tenue de maison de jeux de hasard. La non-imposition des jeux d'argent n'intervient que si ces jeux sont considérés comme des jeux de hasard. Dans plusieurs décisions, le juge judiciaire a considéré que le poker est un jeu de hasard. Dans un ancien de 1930115, la Cour de cassation précisait que : « les pertes et les gains parfois considérables que les joueurs peuvent faire [à ce jeu] dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habileté, de leur ruse, de leur audace et des combinaisons diverses dont ce jeu est susceptible.» s'agissant des jeux de poker en dur. Les jeux de hasard en dur s'opposent aux jeux 111 F. DURAND, « Le sort des gains issus de la pratique du poker en ligne au regard de l'impôt sur le revenu », Droit fiscal n° 7, 16 février 2012, 143, p.93. 112 CE, 8e et 9e ss-sect., 23 juill. 1976, req. N° 99398. 113 CE, 7e et 8e sous-sections, 25 avril 1979, req. n. 2306. 114 CE, 8 / 7 SSR, du 21 mars 1980, 11235. 115Cass. crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65 26
de hasard en ligne.116 De même, la Cour d'appel de Paris a considéré que les jeux de poker en ligne étaient des jeux de hasard. C'était le cas dans l'affaire Partouche. Dans cette affaire, les prévenus avaient été poursuivi pour infraction à la législation des jeux pour avoir crée un site de poker en ligne.117 Enfin, dans plusieurs affaires concernant le vidéo-poker, les juges judiciaires ont considéré que le video-poker était un jeu de hasard. C'est notamment le cas lorsque des prévenus ont été condamnés pour infraction à la législation des jeux en proposant des machines de video-poker sans autorisation.118 Les activités des jeux ont un impact sur le droit international. Il y a tout d'abord internet qui a pris une place prépondérante dans la vie quotidienne des États et qui a fait « fi des barrières nationales, culturelles ou économiques.»119 Enfin, il y a les règles du marché intérieur notamment celles de la libre circulation des personnes et des capitaux qui ont un impact sur les jeux.120 La non-imposition des revenus du poker peut être fondée sur les dispositions du droit international. Paragraphe 2 : Le droit internationalLe développement industriel conjugué au développement des échanges commerciaux ont eu des impacts sur les législations fiscales des États.121 En effet, un des attributs des États est la souveraineté. Cette souveraineté leur permet de réglementer les activités économiques s'effectuant leurs territoires y compris l'application des règles d'imposition relatives aux jeux de hasard.122 L'exercice de cette souveraineté s'est manifesté, en France par le monopole de l'État en matière des jeux de hasard.123 Or cette souveraineté a été atténuée par deux situations. 116 L'article 13 de la du 12 mai 2010 dispose : « En matière de paris en ligne sur les épreuves hippiques ou sportives, sont seules autorisées l'organisation et la prise de paris enregistrés en compte par transfert de données numériques exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé. » 117 CA Versailles, 9ème chambre, 4 mars 2009, Ministère Public contre Partouche et autres). (RG07/01408) 118 CA PARIS, 30 Octobre 2009, JurisData : 2009-380116.s 119 A-A. MAGGIAR, « Ouverture du marché des jeux : tous en ligne », La revue de l'avocat conseil d'entreprises n°108, juin 2009, p.17. 120 L'article 26 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose : «le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée». 121 B. CASTADEGNE « Précis de fiscalité internationale », PUF, Paris, 2010, 3e ed., p.8-9 122La Charte des Nations Unies n°3281 (XXIX) du 12 décembre 1974 intitulée «Charte des droits et devoirs économique des États», en son article 1erdispose que «Chaque État membre a le droit souverain et inaliénable de choisir son système économique» et l'article 2-2 précise que «Chaque État a le droit: De réglementer les investissements étrangers dans la limite de sa juridiction nationale et d'exercer sur eux en conformité avec ses lois et règlements, et conformément à ses priorités et objectifs nationaux». 123 C. BLANCHARD-DIGNAC, op.cit, pp. 26-27. 27
Tout d'abord, il s'agit des règles européennes du marché intérieur. Les États membres de l'Union européenne sont libre d'exercer leurs compétences fiscales mais dans le respect du droit de l'Union européenne.124 Ensuite, il y a internet qui est venue bouleverser les règles relatives aux jeux. La Professeur de droit privé Catherine Prieto précisait même que : « L'internet démultiplie les possibilités de prestations transfrontalières sans déplacement.»125 C'est dire l'impact d'internet sur les législations internes. S'agissant de l'imposition des jeux en ligne, les mouvements des capitaux, des personnes, posent plusieurs problèmes. Prenons l'exemple d'une personne de nationalité congolaise qui réside en France et participe à des tournois de Poker en Grande-Bretagne, joue à des jeux en ligne dont les serveurs sont situés en Chine. Quel est l'État qui imposera les gains ? Cela peut avoir des conséquences au niveau de la double-imposition. La France voudra imposer sur l'ensemble des revenus car la personne est résidente126, les autres États voudront imposer les revenus en tant que revenus provenant d'une activité effectuée sur leurs territoires. Il se peut aussi qu'il y ait des conventions fiscales internationales qui peuvent venir impacter la répartition des revenus car pour prévenir les situations de double-imposition, des conventions fiscales sont conclues.127 Il peut se poser la question de la répartition du pouvoir d'imposition entre les États, notamment pour les entreprises des jeux en ligne exerçant à l'international. En effet, entre deux États liés par une convention fiscale, le droit d'imposition des bénéfices appartient à l'État de résidence de l'entreprise sauf si cette dernière exerce des activités lui conférant le statut d'établissement stable.128 Si l'entreprise constitue un établissement stable, le droit d'imposer appartient à l'État où l'entreprise exerce son activité.129 La question est de savoir si les sites internet constituent des établissements stables au sens des conventions fiscales internationales ? Le comité des affaires fiscales de l'OCDE a conclu en 2000 qu'un site internet ne pouvait en lui-même être considéré comme un établissement stable mais un serveur physiquement localisable est constitutif d'un établissement stable.130 En matière des jeux de hasard, le droit international français peut être un fondement de la non-imposition des jeux par le biais des conventions fiscales internationales (B) mais aussi par les règles de l'Union européenne (A). 124 V. MICHEL, op.cit, p.454. 125 C. PRIETO, « Liberté d'établissement et de prestations de services », Revue trimestriel de droit européen, 2004, p.533. 126 L'article 4 du code général des impôts dispose : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. » 127 B. CASTADEGNE, op. cit, pp. 11-13 128 Idem. 129 Ibidem. 130 F. Lozano, « Modèle OCDE de convention fiscale : mise à jour 2003 » BF Lefebvre, 2/2003, p. 2. 28
A- Les règles de l'Union européenneLe droit de l'Union européenne impacte la législation des États membre, notamment en matière d'imposition. Dans une affaire relative aux loteries espagnoles : « Commission contre Espagne » la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que la législation espagnole était discriminatoire car elle exonérait certains gains nationaux et imposait d'autres gains. La Cour a estimé que : « si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire.» 131 Dans une autre affaire, une ressortissante Finlandaise, Madame Lindman, avait obtenu des gains d'une loterie organisée en Suède. Or, les revenus tirés de jeux de hasard ne sont pas des revenus imposables en Suède et il en est de même en Finlande. Sauf qu'en Finlande, les revenus des jeux de hasard ne sont pas imposables que si elles sont organisées en Finlande. Les gains issus des jeux de hasard étrangers sont des revenus imposables. Madame Lindman a donc été imposée, en Finlande, pour des gains obtenus de la loterie en Suède et a contesté cette décision devant les juridictions finlandaises et ces dernières ont posé une question préjudicielle à la CJCE.132 La question préjudicielle qui était posée la Cour était la suivante : « La législation d'un État membre selon laquelle les gains provenant de jeux d e hasard organisés dans d'autres États membres sont considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre d e l'impôt sur les revenus, tandis que les gains provenant de jeux de hasard organisés dans l'État membre en question ne sont pas imposables, est-elle compatible avec l'article 49 CE?» La Cour a estimé que la législation finlandaise était discriminatoire et donc contraire aux règles de l'Union européenne.133 La France étant membre de l'Union européenne, la solution de cet arrêt est pleinement applicable aux jeux de hasard et de poker en particulier. En effet, en France, le poker est considéré comme un jeu de hasard. Les gains qu'un joueur pourrait obtenir en jouant dans un pays membre de l'Union européenne et qui ne sont pas imposables dans ce pays, ne pourraient être considérés comme des revenus imposables en France sinon cela serait discriminatoire et donc contraire aux règles de l'Union européenne. Le fondement de la non-imposition par les conventions fiscales internationale est d'un autre acabit. 131 CJCE, 6 oct. 2009, aff. C-153/08, Commission c/ Espagne 132 CJCE, 13 nov. 2003, aff. C-42/02, Lindman : Rec. CJCE 2003, I, p. 13519 133 « L'article 49 C E s'oppose à la législation d'un État membre selon laquelle les gains provenant de jeux de hasard organisés dans d'autres États membres sont considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre de l'impôt sur les revenus, tandis que les gains provenant de jeux d e hasard organisés dans l'État membre en question ne sont pas imposables .» 29
B- Les conventions fiscales internationalesLes conventions fiscales internationales ont pour but d'éviter la double-imposition en répartissant le droit d'imposer des États parties à une convention fiscale.134 Cette répartition du pouvoir d'imposer conduit à définir les catégories des revenus imposables. Il y a des revenus nommés des revenus innommés.135 Or les revenus tirés des jeux de poker ne sont pas expressément nommés dans les conventions fiscales à l'exception de la Convention fiscale conclue entre la France et la Géorgie du 7 mars 2007 mars 2011 dont le protocole 11 exclut les gains provenant des jeux.136 Les règles applicables au revenus innommés, dans les conventions fiscales conclues par la France, sont celles prévus à l'article 21-1 de la Convention modèle OCDE qui dispose : « Les éléments du revenu d'un résident d'un État contractant, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet État. » Les conventions fiscales auxquelles la France est partie, qui reprennent la convention modèle OCDE peut servir de non-imposition des revenus du poker. En effet, un joueur, résident en France, qui percevrait des revenus de jeux provenant d'un pays ayant conclu une convention fiscale internationale avec la France pourrait invoquer les dispositions de cette convention. Si les revenus des jeux ne sont pas expressément mentionnés, ces revenus sont donc des revenus innommés au sens de l'article 21 de la convention modèle OCDE et donc imposables dans l'État de résidence. Étant donné que l'État de résidence est la France et qu'en France, les revenus de jeux de hasard ne sont pas de revenus imposables, le joueur ne sera pas imposé sur ses revenus de jeux perçus à l'étranger. Les critères de la non-imposition des gains du poker nécessitent que le jeu soit un jeu de hasard. Section 2 : Les critères de la non-impositionTous les revenus provenant des jeux ne sont pas exempts d'imposition. Pour être exempts d'imposition, les revenus doivent provenir des gains de jeux d'argent et de hasard. Qu'entend-on par jeu d'argent et de hasard ? Le poker est-il un jeu de hasard ? Les jeux de hasard se distinguent des jeux d'adresse.137 Le critère de distinction est le hasard, mais cette distinction est souvent difficile à mettre en oeuvre car dans certains jeux de hasard, il y a une 134 B. CASTADEGNE, op. cit, p. 13. 135 B. GOUTHIERE, « Les impôts dans les affaires internationales », Francis Lefebvre, Paris, 9e ed., p.15. 136 Le protocole 11 de la Convention fiscale du 07/03/2007 entré en vigueur le 01/06/2010 dispose : « Les dispositions de l'article 22 ne sont pas applicables aux gains provenant des jeux.» 137 L'article 2 de la loi de 2010 dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» 30
part d'adresse.138 Il convient de voir les critères de distinction entre les jeux d'adresse et de hasard (paragraphe 1) puis les conséquences fiscales de cette distinction (paragraphe 2). La distinction entre jeu d'adresse et jeu de hasard est très importante dans la mesure où, tout d'abord, cette distinction permet de qualifier si les revenus tirés de ces activités de jeux sont des revenus imposables ou non. Paragraphe 1 : La distinction jeu de hasard/ jeu d'adresse« Le terme hasard est tiré du mot arabe, Al-zarh, qui signifiait jeu de dé, il implique, par sa seule origine, la notion de jeu, de gain, d'élément aléatoire mais qui rapporte ou qui fait perdre. »139 A travers cette assertion, nous constatons que le jeu est intiment lié au hasard. Le Professeur Jean-Louis Mouralis, pour distinguer les jeux d'adresse et de hasard estime que : « Les jeux d'adresse sont ceux dont le résultat dépend principalement de l'adresse corporelle ou intellectuelle de parties.» et « Les jeux d'adresses sont ceux dont le résultat dépend essentiellement du hasard.»140 Il y a donc parmi les jeux d'adresse : les jeux d'adresse corporelle et les jeux d'adresse intellectuelle. Le code civil ne réglemente que les jeux d'adresse corporelle.141 Parmi les jeux de hasard, Émile Borel et Jean Ville distinguent deux catégories : « dans la première figurent les jeux de pur hasard, où la personnalité du joueur n'intervient pas... dans la deuxième classe : ce sont les jeux où interviennent à la fois le hasard proprement dit et l'habileté des joueurs. Cette classe comprend en particulier l'immense majorité des de cartes.»142 Afin de mieux cerner les critères de la distinction entre les jeux de hasard, il convient de voir les critères légaux (A) qui ont été précisés par la jurisprudence (B) mais dont les contours demeurent flous notamment. (C) A- Les critères légaux de la distinctionLa loi ne définissant pas ce qu'est un jeu d'adresse, la loi de 2010 relative aux jeux en ligne a défini le jeu de hasard par opposition au jeu d'adresse. En effet, l'article 2 de la loi de 2010 relative aux jeux en ligne dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» 138 J-L MOURALIS, « Jeu-pari », Répertoire de droit civil, Généralités, Janvier 2012. 139 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet », op.cit 140 J-L MOURALIS, « Jeu-pari », Répertoire de droit civil, op. cit. 141 L'article 1966 du code civil dispose : « Les jeux propres à exercer au fait des armes, les courses à pied ou à cheval, les courses de chariot, le jeu de paume et autres jeux de même nature qui tiennent à l'adresse et à l'exercice du corps, sont exceptés de la disposition précédente. Néanmoins, le tribunal peut rejeter la demande quand la somme lui paraît excessive. » 142 E. BOREL, J. VILLE, E. BOREL, J. VILLE, « Applications de la théorie des probabilités aux jeux de hasard », op.cit, p. 10 31
Le critère est donc la prédominance du hasard sur l'adresse. Comment est quantifiée cette prédominance ? Cette prédominance doit-elle être partielle, totale ? Avant la loi de 2010, il n'y avait aucune définition légale du jeu de hasard. La loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard n'appréhendait le jeu de hasard que sous l'aspect pénal sans pour autant définir ce qu'est un jeu de hasard.143 En effet, la loi de 1983, en son article 1er condamnait la tenue de maison des de hasard : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. » mais aussi l'importation des machines de jeux.144 S'agissant du poker, il est un jeu de hasard et non un jeu d'adresse au sens de la loi. En effet, plusieurs dispositions classent le poker dans la catégorie des jeux de hasard. Tout d'abord, le Code civil, bien que ne régulant pas les jeux d'adresse classe les contrats de jeu et de pari dans la catégorie des contrats aléatoires.145 Le code civil distingue bien le contrat de jeu et celui de pari mais la pratique légale et judiciaire ne font pas cette distinction notamment en matière de jeu de hasard selon le Professeur Mouralis.146 Ensuite, plusieurs décrets réglementant les jeux de hasard, classent le poker dans la catégorie des jeux de hasard.147 La jurisprudence est venue préciser la distinction entre les jeux d'adresse et les jeux de hasard car le critère légal n'est pas clairement défini. En effet, il n"existe pas de liste clairement défini de jeux de hasard. La cour d'appel de Paris, dans une affaire relative au poker en ligne, précisait : « Certes, il est constant qu'il n'existe ni définition précise des jeux de hasard ni de liste les énumérant. »148 143 A. De GUILLENCHMIDT - GUIGNOT, « Les contrats de jeux d'argent et de hasard en ligne», in Jurisclasseur, fasc. 330, p.5. 144 L'article 2 de la loi dispose : « L'importation ou la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet, éventuellement par l'apparition de signes, de procurer moyennant enjeu un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, même sous forme de parties gratuites, est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45000 Euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 Euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. » 145 L'article 1964 du code civil dispose : « Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. Tels sont : Le contrat d'assurance, Le jeu et le pari,Le contrat de rente viagère. » 146 J-L MOURALIS, « Jeu-pari », Répertoire de droit civil, op. cit. 147 L'article 1er du Décret n° 2010-723 du 29 juin 2010 relatif aux catégories de jeux de cercle mentionnées au II de l'article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ainsi que les principes régissant leurs règles techniques dispose : « Tout opérateur de jeux de cercle en ligne titulaire de l'agrément mentionné à l'article 21 de la loi du 12 mai 2010 susvisée peut exploiter les différents types du jeu de cartes dénommé « Poker » mentionnés à l'article 3 du présent décret. » Arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, Loi du 15 juin 2007 relative aux casinos. 148 CA Versailles, 9ème ch., 4 mars 2009, n° 07/01 408 32
Les critères jurisprudentiels de la distinctionLes juges de la Cour de cassation (Cass.crim 9 novembre 1861)149 avaient, tout d'abord, fait une interprétation stricte de la notion de hasard en estimant que : « « Les jeux de hasard sont ceux où le hasard seul préside». Il y avait une interprétation stricte. Les jeux de hasard devaient être les seuls où le hasard existe. Ensuite, l'interprétation des juges a été moins stricte car ils ont estimé que : « Le jeu de hasard se définit comme tout jeu où la chance prédomine sur l'habileté, la ruse, l'audace et les combinaisons de l'intelligence. Il importe peu que les enjeux joués soient modiques.»150 S'agissant du jeu de Bridge, qui est un jeu de cartes, le Conseil d'État a estimé, pour exonérer l'imposition des gains, que ce le jeu de Bridge était un jeu de hasard donc les revenus tirés de cette activité ne sont pas imposables.151 Le poker a été considéré comme jeu de hasard en 1930 par la Cour de Cassation : «les et les gains parfois considérables que les joueurs peuvent faire [à ce jeu] dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habileté, de leur ruse, de leur audace et des combinaisons diverses dont ce jeu est susceptible.»152 S'agissant du poker en ligne, la Cour d'appel a qualifié ce jeu de hasard mais a estimé que : le hasard dans le jeu de poker pouvait être "neutralisé par la multiplication des coups et des parties" 153 Selon la jurisprudence et la loi, le critère de distinction entre le jeu d'adresse et le jeu de hasard est le degré de hasard. Le jeu est un jeu d'adresse, même quand il y a une part de hasard, pourvu que le hasard soit prépondérant à l'adresse sinon cela constitue un jeu de hasard. S'agissant du Vidéo-poker, la Cour estime que le "vidéo-poker" est un jeu de hasard, dans lequel le joueur se contente d'appuyer sur un bouton, après avoir inséré une pièce de monnaie, et dont le fonctionnement permet de procurer au joueur un gain en argent.154 Toutefois, ce critère, au regard des applications jurisprudentielles, pose souvent problème. Les contours flous de la distinctionSelon l'article 2 de la loi de 2010 relative aux jeux en ligne dispose : « Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» Or cette définition pose plusieurs problèmes. 149 S. LIPOVETSKY, « Le poker est-il un jeu de hasard ou un jeu d'adresse ? », Lexbase Hebdo, édition affaires n°274 du 23 novembre 2011. 150Cass. crim., 5 janv. 1877 : DP 1878, 1, p. 191 151CE, 12 juillet 1969, req. n° 75976, DF, 1969, comm. 1010. 152 Cass.crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65 153CA Versailles, 9ème ch., 4 mars 2009, n° 07/01 408 154 Cass.crim, 24 novembre 2006, n° 06-8008 33
Tout d'abord, s'agissant du jeu de Bridge, le Conseil d'État a considéré que c'est un jeu de hasard dont les revenus ne sont pas imposables.155 Or le jeu de Bridge est un jeu qui peut être considéré comme jeu d'adresse parce que l'adresse y joue un rôle prépondérant par rapport au hasard.156 Ensuite, concernant les machines de jeux, notamment ceux du vidéo-poker, les juges judiciaires, ont , dans plusieurs décisions, condamné des prévenus pour des délits d'infraction de jeux de hasard prévus à l'article 2 de la loi de 1983 car ils estiment que le délit était constitué par l'importation et la mise à disposition de ces jeux aux publics et que le vidéo-poker était un jeu de hasard.157 or le vidéo-poker peut être considéré comme un jeu d'adresse et à ce propos, Jean-Pierre Martignoni-Hutin précisait : « Le vidéo-poker c'est la tension interne, le joueur vient vider son stress sur la machine. C'est un jeu interactif, le joueur a des choix à faire à chaque coup. Ce n'est donc plus tout à fait de la chance mais une prise de risque bien pensée, exercée volontairement au moment opportun.»158 Puis, s'agissant du jeu de poker, notamment en sa version Texas Hold'em Poker, la question de pose de savoir si c'est bien un jeu de poker. La loi et la jurisprudence considère le poker comme un jeu de hasard mais le poker fait appel à l'adresse et à ce propos, un auteur, à propos du poker estimait que : « Le hasard que représentent la feinte et le calcul de l'adversaire ou de la meute des adversaires n'est pas le hasard de la nature, n'est pas le vrai hasard. Il donne donc prise à des calculs, des hypothèses et des combinaisons auxquels le hasard des jeux de chance échappe totalement. »159 Enfin, avec le développement des jeux en ligne, il y a eu l'apparition des jeux appelés « Skills Games » qui font à la fois appel au hasard et à l'adresse et peuvent donc être considérés soit comme des jeux soit comme des jeux de hasard ou des jeux d'adresse.160 Le Sénateur François Trucy se posait la question de savoir quel était le statut de ces jeux car ces derniers ne répondent pas à qualification de jeux de hasard mais ont la qualité de ces jeux : offre au public, jeu de hasard, payant est espérance de gain.161 La distinction jeu d'adresse/ jeu de hasard a des conséquences sur le plan fiscal. Paragraphe 2 : Les conséquences fiscalesLa distinction jeu d'adresse/ jeu de hasard a des conséquences sur l'imposition des revenus tirés de ces jeux. Il convient de distinguer selon que les revenus tirés de ces jeux proviennent des jeux licites (A) de ceux provenant des jeux illicites (B). 155 CE, 12 juillet 1969, req. n° 75976, DF, 1969, comm. 1010. 156 B. CAROBENE, « Jeux de cartes pour tous », De Vecchi, Paris, 2003, p.60. 157 Ariane de Guillenchmidt-Guignot , « Contrats en matière de jeux de hasard- Paris- Jeux d'argent », JCP Contrat-Distribution, op.cit. 158 J-P, MARTIGNONI-HUTIN, « Ethno-Sociologie des machines à sous», Paris, L'Harmattan, 2000, p.97. 159 J-O GRANDJOUAN, « L'astragale et le pari », G.-P. Maisonneuve & Larose, Paris, 1969, p.227 160 Réponse du Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État publiée dans le JO Sénat du 13/10/2011 - page 2630 161 F. TRUCY, Question écrite n° 18866 publiée dans le JO Sénat du 09/06/2011 - page 1520. 34
A- Les jeux licitesL'imposition est différente selon qu'il s'agit d'un jeu de hasard (1) ou d'un jeu d'adresse (2). Le jeux de hasard : non-imposition des gainsLes revenus tirés des jeux de hasard ne sont pas des revenus imposables au sens de la loi française.162 Cette solution a été confirmée par la jurisprudence en matière de jeu Bridge163, de loteries, des paris sur les chevaux.164 Mais aussi par la doctrine administrative.165 Imposition des gains de jeux d'adresseLes revenus tirés des jeux d'adresse ne sont pas de revenus imposables exonérés d'impôt. L'article 12 du Code général des impôts dispose : « L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année.» En vertu de cet article, les joueurs de jeux d'adresse seront imposables sur l'ensemble de leurs revenus perçus au cours d'une année. Étant donné que le Code général des impôts ne contient aucune catégorie de revenu des jeux, les revenus des jeux d'adresse seront classés dans la catégorie « balai » de l'article 92 du code qui dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.» La jurisprudence a notamment imposé les revenus tirés d'un prix d'une course de voilier.166 Le traitement des revenus tirés des jeux illicites est différent. B- Les jeux illicitesS'agissant des jeux illicites, la jurisprudence ne fait pas de distinction pour fonder l'imposition peu importe que les revenus soient tirés des jeux de hasard qui sont normalement des revenus imposables.167 162 Rép. min. budget n° 49561à Monsieur Didier ROBERT, JOAN, 06 octobre 2009, p.9424 163 CE, 12 juillet 1969 op.cit 164 V. MICHEL, op.cit, p.454. 165 Doc. Adm. DGI 5 G-116 n° 8 61 et 119 166 CAA Nantes, 1ch., 19 oct. 1995, req. n° 93-576 167 Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 Janvier 2011, N° 09-88.580. 35
La loi de 2010 relative aux jeux en ligne permet une traçabilité des mouvements financiers effectués sur les sites internet agréés.168 Or des joueurs peuvent percevoir des revenus sur des jeux en ligne non autorisés et donc il n'y a pas de traçabilité de ces revenus, ce qui peut conduire à une évasion fiscale.169 L'administration fiscale a plusieurs armes permettant de contrer ce genre de situation (2) et la jurisprudence a plusieurs fois imposé des revenus de jeux de hasard alors que ces revenus sont normalement imposables (1). 1- L'imposition des revenus des jeux de hasard illicites par la jurisprudenceDes revenus tirés des activités de jeux de hasard constituent normalement des revenus exonérés de l'impôt sur le revenu. Mais ces revenus peuvent constituer des revenus imposables dans certains cas : activités de bookmaker (a), activités de banquier de jeux (b), activités illicites (c) et aussi en cas d'origine indéterminé des gains des jeux (d). Les activités de bookmakerLes activités de bookmaker, c'est à dire, prise des paris pour des joueurs sont interdites en France.170 Le Conseil d'État, par une décision de 1937 avait considéré qu'un joueur percevant des revenus au titre de son activité de jeu, en qualité de bookmaker, était imposable sur les revenus perçus lors de cette activité.171 Une doctrine administrative de 2012 est venue confirmée cette solution en estimant que les revenus perçus en qualité de bookmaker sont des revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.172 Les activités de banquierL'ancien article 2 de la loi de 1983 relative aux jeux de hasard dont les dispositions ont été reprises par l'article L. 324-1 du Code de sécurité intérieur dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande 168 L'article 10 alinéa 4 de la loi de 2010 dispose : « Un compte de joueur en ligne s'entend du compte attribué à chaque joueur par un opérateur de jeux ou de paris en ligne pour un ou plusieurs jeux. Il retrace les mises et les gains liés aux jeux et paris, les mouvements financiers qui leur sont liés ainsi que le solde des avoirs du joueur auprès de l'opérateur. » 169 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet », op.cit 170 L'article 4 de la loi Loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux dispose : « Quiconque aura en quelque lieu et sous quelque forme que ce soit, offert de recevoir ou reçu des paris sur les courses de chevaux, soit directement, soit par intermédiaire, sera puni d'un emprisonnement de de trois ans et d'une amende de 90 000 6 . Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 200 000 6 d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.» 171 CE, 27 déc. 1937, n° 44644 : RO 1937, p. 771. 172 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 70, 12 sept. 2012 36
organisée. Le fait d'établir ou de tenir sur la voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l'enjeu est en argent est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Le fait de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'une maison de jeux de hasard non autorisée est puni de 100 000 euros d'amende. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l'opération illégale.» Le fait de participer à une activité de jeu en tant que banquier est un délit. Les revenus tirés de cette activité de jeux sont des revenus imposables. Des joueurs ont vu leurs revenus de jeux être imposés car ils avaient constitué un « consortium de banques ».173 Cette solution a été confirmée ultérieurement par la Cour de cassation pour des joueurs qui avaient effectué des activités de banquier en matière de jeux.174 Le Conseil d'État retient aussi la même solution. C'est le cas dans l'affaire Andréani.175 c) Les activités illicitesLes activités illicites des jeux n'excluent pas l'imposition des gains tirés de ces jeux.176 Dans cette affaire, des prévenus étaient poursuivis, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, les a condamnés solidairement à trois amendes de 15 euros chacune, au paiement de pénalités proportionnelles et des droits fraudés. Les prévenus arguaient que l'article 1559 du CGI ne leur était pas applicable dans la mesure où l'activité de jeux de vidéo-poker était une activité illicite. Ce qui était contraire à la libre circulation prévues par les règles de l'Union européenne. La Cour de cassation a rejeté l'argument des prévenus et a validé les arguments de l'administration fiscale qui estimaient que l'article 1559 CGI177 est applicable sans discrimination aussi bien aux jeux de cercle licites qu'illicites. L'illicéité des activités ne chasse pas l'imposition des revenus tirés de ces activités : « Le contribuable ne saurait invoquer le caractère délictueux de son activité pour soutenir que les ressources qu'il en tire ne sont pas imposables.»178 Il en est le cas notamment des activités de proxénétisme qui sont des activités illicites mais sont imposables au titre des bénéfices non commerciaux.179 173CE, 2 juillet 2001, n° 211134 174 Cass.crim, 20 octobre 2004, n° 03-85767 175 CE, 22 mai 1992, req. n° 69 903 et 69 904 176 Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 Janvier 2011, N° 09-88.580 177 L'article 1559 du code général des impôts dispose : « Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt dans les formes et selon les modalités déterminées par les articles 1560 à 1566.Toutefois, l'impôt ne s'applique plus qu'aux réunions sportives d'une part, aux cercles et maisons de jeux, d'autre part. » 178 T. SCHMITT, « Bénéfices non commerciaux- Définitions- Solutions particulière», in Jurisclasseur, fasc. 501-10. 179 CE, 7e et 8e ss-sect., 5 nov. 1980, req. n° 13222 37
d) Les revenus d'origine indéterminéeLes revenus dont l'origine est indéterminée mais dont le joueur prétend que ces revenus sont tirés des jeux de hasard sont des revenus imposables si le joueur n'est pas en mesure de prouver la provenance des ces gains.180 Dans cette affaire, le contribuable avait fait l'objet d'un contrôle fiscal. Pour prouver l'origine de ces revenus, il avait argué que ces revenus étaient des revenus de jeux de hasard donc exempts d'imposition. Mais il n'avait pas apporté la preuve de cette affirmation. La Cour avait estimé « qu'à défaut de présentation des preuves, il pourrait y avoir imposition d'office, la preuve de l'existence de gains en espèces perçus par le contribuable peut être regardée comme rapportée dans la limite d'une fraction qui peut équitablement être fixée à 30 % des gains qui lui ont été payés par chèques.» Cette solution reprend une solution précédente de la Cour d'appel de Paris dans laquelle un contribuable n'était pas en mesure d'apporter la preuve de l'origine de ses gains.181 Le Conseil d'État a fait application de cette solution en matière de gains de jeu de loterie dont un contribuable n'a pas pu apporter la preuve de l'origine de ces gains182 mais aussi pour des revenus dont la preuve de l'origine n'était que partielle183 et des sommes disponibles sur un compte bancaire dont l'origine est indéterminée.184 Pour pouvoir appréhender ces revenus, l'administration fiscale dispose de plusieurs armes. 2- Les armes des l'administrationPlusieurs dispositions du Code général des impôts mais aussi du Livre de procédure fiscales permettent à l'administration d'imposer les gains tirés des activités illicites : L'extension du délai de reprise (a), l'examen de la situation fiscale du contribuable (b), la vérification de la comptabilité (c). a) L'extension du délai de repriseL'action de l'administration est cantonnée dans les délais. L'article L. 169 du Livre de procédures fiscales dispose : « Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. 180 CAA Nancy, 11 mai 1994, req. N° 92127, DF, 1995, com. 801. 181 CAA Paris, 2 juin 1992, req. n° 2 790, RJF, n° 1 293. 182 CE, 1 er juin 1990, req. n° 67 053, RJF, 1990, n° 944. 183 CE, 15 novembre 1989 Fratoni, DF, 1990, n° 46, comm. 2 159 184 CE, 15 décembre 1986, req. n° 51 238, RJF, 1987, n° 103 38
Le droit de reprise mentionné au troisième alinéa ne s'applique qu'aux seules catégories de revenus que le contribuable n'a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu'il a déposées dans le délai légal. Il ne s'applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque les obligations déclaratives prévues aux articles 123 bis, 209 B, 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du même code n'ont pas été respectées. Toutefois, en cas de non-respect de l'obligation déclarative prévue à l'article 1649 A, cette extension de délai ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Le droit de reprise de l'administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n'ont pas été respectées. » En vertu des dispositions de cet article, le délai de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de trois ans. Mais ce délai est étendu à 10 ans pour les activités illicites et occultes. S'agissant des jeux de hasard, le délai de recouvrement pour les gains est étendu pour des personnes qui jouent sur des sites illégaux non agrées par l'ARJEL. Ce délai est aussi étendu pour toutes les personnes qui ont obtenu des gains sur les jeux en ligne avant la loi de 2010 car ces jeux n'étaient pas autorisés en France avant cette date et donc considérés comme illicites.185 Le nombre de joueurs ayant joué sur les jeux en ligne avant la loi de 2010 est assez important186 et cela peut avoir beaucoup de conséquences notamment sur les rappels d'imposition, les pénalités, les intérêts de retard.187 Nous sommes en 2013. L'administration peut donc effectuer des rappels d'imposition jusqu'en 2003, 185 N. PONS, « Les jeux de hasard et internet », op.cit 186 F. TRUCY, « L'évolution des jeux de hasard et d'argent : le modèle français à l'épreuve », op.cit 187 L'article 1728 du Code général des impôts dispose : « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de :a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ;b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ;c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte.2. Pour les déclarations prévues à l'article 800, la majoration de 10 % est applicable à partir du premier jour du septième mois suivant celui de l'expiration des délais de six mois et de vingt-quatre mois prévus respectivement aux articles 641 et 641 bis. La majoration de 40 % s'applique lorsque cette déclaration n'a pas été déposée dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé d'avoir, à la produire dans ce délai. »
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cela peut conduire à une taxation d'office pour défaut de déclaration188 mais aussi en cas de défaut de réponse aux demandes de justifications ou d'éclaircissements.189 Le contrôle des revenus tirés des jeux peut se faire par le biais de l'examen de la situation fiscale personnelle du contribuable. L'examen de la situation fiscale personnelle (ESFP)L'article 12 du Livre des procédures fiscales dispose : « Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. » En vertu des dispositions de cet article, l'administration fiscale peut contrôler la situation fiscale des joueurs en examinant leurs revenus déclarés et leur train de vie. Ce contrôle est mis en place notamment quand l'administration fiscale remarque qu'il y a une disproportion entre les revenus déclarés et les dépenses d'acquisition.190 En matière des jeux, l'administration fiscale avait effectué un contrôle sur l'origine des fonds que le contribuable avait utilisé pour acheter un billet de loterie pour une somme assez importante.191 La Cour estime qu'à défaut de présentation des preuves, il pourrait y avoir imposition d'office. L'administration peut aussi effectuer des vérifications de la comptabilité. c) La vérification de la comptabilitéL'article L. 16-B du livre de procédure fiscales dispose : « Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le 188 L'article 66-1 du Livre des procédures fiscales dispose : « Sont taxés d'office :1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ; » 189 L'article 69 du Livre des procédures fiscales dispose : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16.» 190 CE 11 juillet 1988 n° 73302 sect.: RJF 10/88 n° 1055 avec chronique J.Turot p. 574. 191 CE, 1 er juin 1990, req. n° 67 053, RJF, 1990, n° 944. 40
code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. » En vertu de cet article, la vérification de la comptabilité peut concerner le joueur ayant une activité professionnelle soit dans le cadre d'une société commerciale ou civile, soit à titre individuel mais dans le cadre d'une activité qui impose un certain nombre d'obligations comptables, même si elles sont réduites. C'est le cas notamment des joueurs qui exercent des activités de banquier des jeux dans l'affaire Andréani.192 Dans cette affaire, l'administration a imposé les revenus tirés des jeux de Monsieur Andréani dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement de l'article 155 du Code général des impôts193 alors que les gains du jeu sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Cette disqualification des bénéfices non commerciaux en bénéfices industriels et commerciaux est une «arme silencieuse du fisc» qui peut avoir des conséquences graves dans la situation du contribuable et entrainer des impositions supplémentaires telles que la taxe d'apprentissage.194 Le principe étant la non-imposition des gains tirés des jeux de hasard. Ce principe peut recevoir une exception qui peut conduire à l'imposition des gains tirés des jeux de hasard. Seconde partie: L'exceptionnelle imposition desgains de jeux hasardDeux décisions juridictionnelles sont venues remettre en cause le principe de la non-imposition des jeux de hasard en général et en particulier celui du poker. La première est celle rendue par le tribunal administrative de Clermont-Ferrand en 2010.195 Dans cette affaire, des parents ont vu l'administration effectuer des rehaussements d'impôts sur les gains des jeux issus des activités de jeu de hasard de leur fils, notamment ceux du poker. 192 CE, 22 mai 1992, req. n° 69903 et 69904 193 L'article 155 du Code général des impôts dispose : « I.-1. Lorsqu'une entreprise industrielle ou commerciale étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices des professions non commerciales, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu. 2. Lorsqu'un titulaire de bénéfices non commerciaux étend son activité à des opérations dont les résultats entrent dans la catégorie des bénéfices de l'exploitation agricole ou dans celle des bénéfices industriels et commerciaux, il est tenu compte de ces résultats pour la détermination des bénéfices non commerciaux à comprendre dans les bases de l'impôt sur le revenu. » 194 C. BERGERES, « Une arme silencieuse du fisc : la disqualification des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles en bénéfices industriels ou commerciaux», La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 3, 15 Janvier 1987, 14842 195Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, n° 090640, M. et Mme Petit, RJF 6/2011, n° 702. 41
Ils ont contesté cette décision devant le tribunal car ils estimaient que selon la jurisprudence établie, les gains de jeux de hasard ne constituaient pas des revenus imposables. Le tribunal administratif a considéré que : «La pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des conditions assimilables à une activité professionnelle, est susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits générant un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions de l' article 92 du code général des impôts» La seconde affaire concerne des joueurs qui organisaient des parties de poker. Ils sont été poursuivis sur le fondement du délit de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard prévu à l'article 1er de la loi de 1983 relative aux jeux de hasard.196 Les prévenus ont été relaxés par une décision du tribunal correctionnelle de Toulouse qui a considéré que le délit n'est pas constitué dans la mesure où le caractère de jeu de hasard, en sa version Hold'em Poker, n'était pas établi.197 Cette décision du tribunal correctionnel a été confirmée, en appel, par la Cour d'Appel de Toulouse.198 Les juges judiciaires ont considéré que le caractère de jeu de hasard du poker n'était pas avéré. Si le poker n'est plus un jeu de hasard, il est donc un jeu d'adresse dont les gains constituent des revenus imposables. Le juge administratif de Clermont-Ferrand a considéré que des revenus de poker pouvaient constituer, sous certaines conditions, des revenus imposables. L'interprétation des critères d'imposition retenus par les juge est contestable (Section 1) car elle remet en cause le caractère aléatoire des jeux, ce qui est discutable (section 2). Section 1: Une interprétation contestableLe tribunal administratif de Clermont-Ferrand, pour fonder l'imposition des gains du poker a estimé que: «que dès lors, la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dans des conditions assimilables à une activité professionnelle, est susceptible de constituer une occupation lucrative ou une source de profits générant un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions précitées de l'article 92 du CGI ; qu'en deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le fils des requérants a perçu, durant l'année 2005, et alors qu'il n'exerçait, ainsi que l'indique l'administration fiscale en défense sans être utilement contredite sur ce point, aucune autre activité professionnelle effective susceptible de lui procurer des revenus, des gains récurrents importants, matérialisés par de nombreux crédits sur ses comptes bancaires personnels, provenant de sites internet offrant notamment des services de jeu de poker en ligne ; 196 L'article 1er de la loi de 12 juillet 1983 dispose : « Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, même lorsque cette admission est subordonnée à la présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 90 000 euros d'amende. 197 Tribunal Correctionnel Toulouse, 20 juillet 2011, n° 06 000 061 278. 198 Cour d'appel Toulouse, 17 Janvier 2013, N° 11/00947, JurisData : 2013-003024. 42
que l'administration fiscale fait également valoir en défense que le nom du fils des intéressés apparaissait de plus sur des sites internet consacrés à la pratique à un niveau élevé du jeu de poker, les requérants ayant d'ailleurs admis, au cours des opérations de contrôle, que les nombreux crédits portés sur les comptes bancaires de leur fils provenaient de la pratique de ce jeu, et dans leurs écritures, qu'il avait participé à deux tournois au cours de l'année 2005 ; qu'en outre, et compte tenu du type l'activité que constitue la pratique professionnelle du jeu de poker, que ce soit en ligne ou dans le cadre de la participation à des tournois, l'absence de mise en oeuvre de moyens importants par le fils des requérants, soit la seule utilisation d'une ligne internet, d'un ordinateur, d'un ou plusieurs comptes bancaires avec une ou plusieurs cartes de crédits et d'une voiture, ne saurait être de nature à enlever à la pratique habituelle de ce jeu en dehors de toute autre activité professionnelle concrète, le caractère d'une occupation lucrative générant des revenus imposables ; que par suite et dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que le fils des requérants exerçait, en pratiquant le jeu de poker durant l'année 2005, une activité professionnelle taxable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu des dispositions susvisées de l'article 92 du CGI» Il convient de voir les conditions d'imposition (Paragraphe 1) et les conséquences (Paragraphe 2). Paragraphe 1: Les conditions d'impositionLe juge administratif, retient faisceaux d'indices pour fonder l'imposition: les circonstances de jeux (A), le caractère professionnel (B), l'importance des gains (C). A- Les circonstances de jeuxLe tribunal mentionne les moyens mis en oeuvre (1) mais aussi la pratique habituelle (2). 1- Les moyens mis en oeuvreLes requérants, dans cette affaire ont argué que l'absence de mise en oeuvre des moyens de jeu : « soit la seule utilisation d'une ligne internet, d'un ordinateur, d'un ou plusieurs comptes bancaires avec une ou plusieurs cartes de crédits et d'une voiture», enlevait à leur fils la qualité de joueur professionnel. La Cour a estimé cette absence de mise en oeuvre des moyens n'enlevait pas le caractère professionnel du joueur. Cette solution est discutable dans la mesure où la décision de justice refuse de prendre en compte la faiblesse des moyens mis en oeuvre par le joueur afin d'obtenir les gains. Cette décision remet en cause une jurisprudence antérieure dans laquelle le Conseil d'Etat, pour fonder l'imposition des revenus de jeu de course de hasard, notamment en matière de course de chevaux, avait pris en compte les moyens d'installation en estimant que: «dans le cas où le propriétaire des chevaux dispose d'installations matérielles et de personnel lui permettant d'assurer la préparation et l'entraînement des chevaux et, à cette fin, prend des initiatives et se livre à des contrôles... il donne ainsi à son activité le caractère d'une exploitation ou occupation lucrative... qui le rend passible de 43 l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux;»199 Dans cette affaire, la jurisprudence, pour faire exception à la non-imposition des gains du jeu de hasard, a pris en compte l'importance des moyens mis en oeuvre pour qualifier les revenus provenant de ces jeux d'exploitations lucratives au sens de l'article 92 du CODE Général des impôts. Or, dans l'arrêt de 2010, le tribunal administratif n'a pas pris en compte l'importance des moyens mis en oeuvre. Quid de la pratique habituelle ? 2- La pratique habituelleLa décision du tribunal a pris comme faisceau d'indices la pratique habituelle du joueur. Cette prise en compte de la pratique habituelle des jeux pour fonder l'imposition est discutable car elle remet en cause la jurisprudence mais aussi la jurisprudence précédente. En effet, s'agissant de la doctrine administrative, une instruction publiée en 2000 précise : « La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux. »200 Cette doctrine a été confirmée en matière des jeux de course : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique, même habituelle, de paris sur les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de revenus au sens de l'article 92 du CGI.»201 S'agissant de la jurisprudence, plusieurs arrêts relatifs au jeu de hasard ont confirmé que la pratique même habituelle des jeux de hasard ne conduisait pas à la qualification des gains en revenu imposable. C'est notamment le cas des gains de jeu de course.202 Un autre faisceau d'indices est le caractère professionnel des activités de jeu. B- Le caractère professionnel des activités de jeuPour imposer les revenus du joueur, le juge administratif avait estimé « qu'il avait participé à deux tournois au cours de l'année 2005 ; qu'en outre, et compte tenu du type l'activité que constitue la pratique professionnelle du jeu de poker, que ce soit en ligne ou dans le cadre de la participation à des tournois» Les revenus perçus étaient en qualité de professionnel fondait l'imposition des revenus du joueur. Cette solution reprend la solution prise en matière de jeu de Bridge203 confirmé par un arrêt de 1969 dans lequel le Conseil d'Etat estimait, s'agissant des revenus d'un joueur de Bridge: «Que les 199 Conseil d'Etat, 7 Mai 1980, n° 18035 200 Doc. Adm. DGI 5 G-116 n° 8 61 et 119 201 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012. 202 Conseil d'État, 8 / 7 SSR, du 21 mars 1980, 11235. 203 CE, 27 décembre 1937, req. n° 44 644 44
gains qu'il a réalisés en qualité d'amateur ne peuvent, dans l'exercice de ce jeu être regardes comme constituant la rémunération d'une activité déployée en vue de réaliser un profit, ni comme ayant leur source dans une "occupation" ou "exploitation lucrative. «204 La doctrine adopte la même solution en estimant que les gains de jeux de Bridge obtenus en qualité de joueur professionnel sont des gains imposables.205 La question peut se poser si le Bridge est vraiment un jeu de hasard dans la mesure où l'adresse est prépondérante au hasard.206 S'agissant du poker, le Conseil d'Etat a pris en compte la qualité de joueur professionnel d'un joueur qui avait des activités illicites, des revenus indéterminés et qui était directeur d'une maison de jeu de hasard illicite.207 Ces solutions sont spécifiques au bridge et aux activités illicites.208 La prise en compte, par le tribunal, du caractère professionnel du joueur pour justifier l'imposition des revenus est discutable dans la mesure où, s'agissant de certains jeux de hasard tels que les paris sur les chevaux, les parieurs, même ayant la qualité de professionnel, sont exemptés d'impôt sur le revenu sur le montant des gains perçus lors de ces jeux.209 Mais cette décision est discutable dans la mesure où s'agissant des parieurs de jeux de course, qui est un jeu de hasard, les joueurs, même professionnels sont exemptés d'imposition sur leurs gains.210 C- L'importance des gainsLa prise en compte de l'importance de gains pour fonder l'imposition est discutable dans la mesure où les gains de jeux de hasard, si importants soient-ils, ne sont pas des gains constituant des revenus imposables.211 Dans une affaire concernant les paris hippiques dont le joueur avait des gains réguliers et important, le Conseil d'Etat avait estimé que : « Ensuite, c'est le cas des paris sur les chevaux. La Cour estime que : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique, même habituelle des jeux de hasard, de paris sur les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits (au sens de l'article 92 du CGI), alors même que le montant des gains provenant de ces paris au cours d'une année serait supérieur au montant des bénéfices ou revenus déclarés par l'intéressé au titre de ladite année ou que les chances de gagner seraient, comme en l'espèce, plus grandes grâce aux connaissances acquises par l'intéressé comme éditeur d'une note d'informations hippiques.» Cette solution a été confirmée par un arrêt de 1980 dans une affaire concernant un joueur de 204CE, 12 juillet 1969 op.cit. 205 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012). 206 B. CAROBENE, « Jeux de cartes pour tous », op. cit. 207 CE, 7e et 8e sous-sections, 4 décembre 1985, req. n. 43.383 208 F. DOUET, « Le traitement fiscal des gains procurés par les jeux de hasard et des prix académiques, artistiques, littéraires et sportifs », Gazette du Palais, 17 février 2001 n° 48, P. 31 209 Idem. 210 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012). 211 F. DOUET, « Le traitement fiscal des gains procurés par les jeux de hasard et des prix académiques, artistiques, littéraires et sportifs », op. cit 45
« Tiercé ».212 Les décisions des juges judiciaires et administratifs ont des conséquences sur les gains des joueurs de poker. Paragraphe 2: Les conséquencesLes décisions des juges judiciaires et administratifs ont des conséquences sur l'imposition des joueurs (A) qui entrainent certaines obligations à ces derniers mais qui peut entrainer des fraudes fiscales. A- L'imposition des gains des joueursLe juge du tribunal administratif, pour fonder l'imposition des gains du joueur a estimé que le poker est un jeu de hasard raisonné et les revenus devaient être taxés si ce jeu était exercé en tant qu'amateur.213 Par contre, le juge judicaire (Tribunal correctionnel et Cour d'Appel de Toulouse) ont considéré que le poker, en sa version Hold'em Poker n'avait pas les caractéristiques de jeu de hasard et le délit de participation à la tenue de maison de jeu de hasard ne pouvait être constitué.214 Si le poker n'est pas un jeu de hasard, c'est donc un jeu d'adresse. La première conséquence est que si le poker est un jeu d'adresse et non un jeu de hasard, les revenus tirés de ces jeux sont des revenus imposables au sens de l'article 92 du Code général des impôts.215 La deuxième conséquence est que ces revenus étant des revenus tirés de jeu d'adresse, sont des revenus imposables, qu'ils aient été obtenus en professionnel ou en amateur. Cette précision est importante dans la mesure où le juge administratif de Clermont-Ferrand, pour fonder l'imposition des gains des joueurs du poker, faisait la distinction entre joueurs professionnels et amateurs.216 Enfin, cela a un impact sur les joueurs surtout en matière de droit international car il y a des joueurs qui participent à des tournois internationaux soit physiquement soit par le biais d'internet.217 Ces activités de joueurs à l'international ont un impact sur l'imposition des gains. En effet, l'article 4 A du Code général des impôts dispose: « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs 212 Conseil d'État, 8 / 7 SSR, op.cit. 213 TA Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, op.cit 214 Cour d'appel Toulouse, 17 Janvier 2013, N° 11/00947, op. cit. 215 L'article 92 du Code général des impôts dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus » 216TA Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, op.cit 217 S. GEORGE, « Le droit public des jeux : Émergence et mutations d'une forme de maîtrise étatique », In les jeux d'argent, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, novembre 2011, n° 139, p.77. 46 seuls revenus de source française.» En vertu de cet article, des joueurs résident en France sont imposables en France sur leurs revenus mêmes obtenus à l'étranger, ce qui peut conduire à des situations de double-imposition.218 Pour éviter les double-impositions, des conventions fiscales ont été conclues par la France selon la convention modèle OCDE.219 L'article 21-1 de la convention modèle OCDE dispose : « Les éléments du revenu d'un résident d'un État contractant, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente convention, sont imposables dans cet État. » En vertu de cet article, si un joueur obtient des gains de jeux de hasard dans un État ayant conclu une convention fiscale avec la France et même si ces gains sont des revenus non-imposables dans ce pays tel que la Suède, ces gains seront imposables en France.220 Cette solution est renforcée par les dispositions de l'article 4-b du Code général des impôts qui dispose : « Les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.» Cette imposition des gains comporte des obligations comptables de la part des joueurs. Les obligations des joueursÉtant donné que les revenus des joueurs sont soumis à l'impôt sur les bénéfices non commerciaux, les joueurs sont tenus à des déclarations comptables.221 Ces obligations varient selon le montant du des recettes annuels. Si le montant des recettes annuelles hors taxe excède le seuil de 32600 euros, le joueur est soumis au régime de la déclaration contrôlée. C'est une comptabilité de caisse qui leur permet d'enregistrer les opérations d'encaissement et décaissement.222 Lorsque le montant du chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas les 32000 euros, les joueurs sont soumis au régime de micro entreprise avec un taux forfaitaire de 34% mais ils peuvent opter pour le régime de la déclaration contrôlée.223 Les joueurs peuvent, lorsque le montant de chiffre d'affaire annuelle ne dépasse pas 32000 euros, peuvent opter pour le régime très favorable d'auto-entrepreneur qui permet d'avoir prélèvement forfaitaire libératoire sur l'impôt sur le revenu au taux de 2% et de 18% sur les cotisations sociales.224 L'imposition des joueurs peut conduire les joueurs à frauder.
218 B. CASTADEGNE « Précis de fiscalité internationale », op.cit 219 Idem 220 Voir le tutoriel d'imposition de la Suède disponible à l'adresse suivante : http://www.skatteverket.se/download/18.71004e4c133e23bf6db800066072/399-2-01.pdf 221 M. COZIAN, F. DEBOISSY, op. cit. p. 204. 222 Idem. 223 Ibidem 224 Idem 47
S'agissant des jeux d'argent et de hasard, Francis Donna estimait que c'est: «Une industrie milliardaire, qui concerne une activité dangereuse et culturellement sensible. Un service qui, grâce aux nouveaux moyens de communication, franchit facilement les frontières. Un secteur mal non harmonisé sur lequel n'existe qu'une jurisprudence au cas par cas»225 Le secteur des jeux n'étant pas harmonisé, cela peut conduire à des fraudes et à des activités criminelles.226 En matière des gains des jeux, les joueurs résidents en France peuvent percevoir des revenus de jeux dans d'autres pays sans avoir à les déclarer, ce qui constitue un manque à gagner à l'Etat. La loi de 2010 permet à l'administration fiscale d'avoir une traçabilité des mouvements des gains des joueurs mais cette loi n'est applicable que pour les jeux autorisés en France et les coopérations entre les autorités de jeux ne permettent pas d'appréhender tous les aspects illicites des jeux.227 Le jeu de poker étant un jeu d'adresse, cela remet en cause le caractère aléatoire du jeu de hasard, ce qui peut paraître discutable. 225 F.DONNAT « Les jeux d'argent et de hasard et le droit de l'Union européenne », In les jeux d'argent, Revue française d'études constitutionnelles et politiques, novembre 2011, n° 139, p.77. 226 A. BAUER, « Jeux en ligne et menaces criminelles », op.cit. 227 Convention de coopération et d'échange d'informations entre l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour la France et la Gambling Commission pour la Grande-Bretagne, JORF n°0166 du 19 juillet 2012 page texte n° 137 48
Section 2: Une Remise en cause discutable de l'aléaLe Code civil place le contrat de jeu dans la catégorie des contrats aléatoires. En effet, l'article 1964 du code civil dispose: «Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain. Tels sont : Le contrat d'assurance, Le jeu et le pari, Le contrat de rente viagère. » Or les décisions des juges administratifs et judiciaire remettent en cause l'aléa du jeu de hasard, ce qui peut paraître discutable (Paragraphe 1) et peut conduire à une imposition qui peut paraître injuste. Paragraphe 1 : La remise en cause discutable de l'aléaL'aléa étant un élément essentiel du contrat de jeu de paris, la loi française, pour distinguer les jeux de hasard du jeu d'adresse qualifie de jeu de hasard « un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» La définition de jeu de hasard est souvent confondue avec celle de l'aléa. Or Jean Ville et Emile Borel font une distinction entre hasard et aléa : « Un événement est aléatoire lorsqu'il existe une incertitude quant à sa réalisation future. Or si un événement est aléatoire, ce n'est pas nécessairement un événement fortuit.»228 Or l'aléa n'est qu'un élément du hasard selon Gérard Cornu : «élément du hasard, d'incertitude, qui introduit, dans l'économie d'une opération, une chance de gain ou de perte pour l'intéressé.»229 Il y a une certaine remise en cause de l'aléa qui n'est plus la cause des jeux de hasard (A) et se pose donc la question de savoir si le poker est un jeu de hasard. A- L'aléa n'est plus la cause des jeux de hasardUn des éléments essentiel du jeu de hasard est l'aléa. En effet, Anne de Guillenschmidt-Guignot précise: « Dans le contrat de jeu de hasard, lequel est un contrat aléatoire, l'élément essentiel du contrat, la prestation du joueur, est affectée de l'aléa qui en constitue un des éléments essentiels.»230 Le juge administratif de Clermont-Ferrand avait estimé que l'activité intensive du joueur, le caractère professionnel réduisait ou supprimait l'aléa et que le poker ne pouvait être considéré que comme « marginalement un jeu de hasard». Le juge judiciaire avait estimé que l'aléa inhérent au jeu de hasard était réduit par l'habileté, la stratégie des joueurs. Jean-Pierre Martignoni-Hutin se posait la question suivante : « Est-il possible d'appréhender 228 E. BOREL, J. VILLE, « Applications de la théorie des probabilités aux jeux de hasard », op.cit, p. 10. 229 G. CORNU, « Vocabulaire juridique », 7e éd. Puf, Paris, 2011, voir Aléa. 230 A. De GUILLENCHMIDT - GUIGNOT, « Les contrats de jeux d'argent et de hasard en ligne», op. cit, p.6. 49
rationnellement le hasard ? »231 Les juges judiciaires ont estimé que les joueurs avaient réduit ou supprimé l'aléa inhérent au jeu de hasard si bien que lorsqu'il n'y a plus d'aléa ou s'il est fortement réduit, ce n'est plus un jeu de hasard. Le raisonnement des juges paraît discutable dans la mesure où en matière de contrat de jeu de hasard, il y a un risque de gain ou de perte de la part des joueurs, une part d'incertitude, donc un caractère aléatoire.232 Le caractère professionnel d'une activité de jeu n'enlève en rien la qualité de jeu de hasard. Dans cette affaire, une personne avait été imposée sur ses revenus découlant de jeu de hasard dans laquelle elle avait une qualité de banquier.233 Si l'aléa qui est la cause du jeu de hasard, n'est plus la cause de cette dernière, il ne peut plus donc avoir contrat de jeu et de pari car ces contrats sont des contrats aléatoires.234 Les décisions des juges remettent en cause le caractère de jeu de hasard du poker. B- Le poker doit-il être considéré comme un sport ou un jeu d'adresseLe poker a été considéré comme jeu de hasard en 1930 par la Cour de Cassation : «les et les gains parfois considérables que les joueurs peuvent faire [à ce jeu] dépendent beaucoup plus du hasard et de la chance que de leur habileté, de leur ruse, de leur audace et des combinaisons diverses dont ce jeu est susceptible.»235 Le poker entre aussi dans le champ d'application de l'article 2 de la loi de 2010 relative aux jeux en ligne mais aussi de la loi de 1983 relatives aux jeux de hasard qui a été codifiée dans le Code de sécurité intérieure. Il y a une remise en cause du caractère de jeu de hasard de la part des juges. Tout d'abord, le juge administratif de Clermont-Ferrand a considéré que le poker n'est pas un pur jeu de hasard en estimant que : « Le poker ne saurait être regardé comme un jeu de hasard pur dans lequel seul l'aléa permettrait de remporter les gains, dès lors que l'habileté et la stratégie dans la pratique sont nécessaires afin d'accroître de façon importante la possibilité de percevoir des gains et d'augmenter leur montant.» Les juges judiciaires de Toulouse, ont estimé, pour leur part que : « l'universalité du poker Texas Hold'em poker n'étant pas établie.» Les juges estiment donc que le poker n'est pas un jeu de hasard. 231 J-P. MARTIGNONI-HUTIN, « Faites vos jeux », L'Harmattan, Paris, 1993, p.225 232 S. CAMILLIERI, « Les finances publiques et le jeu », op.cit, p.57 233CE, 2 juillet 2001, n° 211134 234 A. BENABENT, « La chance et le droit », Thèse de doctorat de de droit privé, Université de Paris, Paris, 1971, 231p. 235 Cass.crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65 50
Ces solutions remettent en cause la jurisprudence antérieure. Si le poker n'est pas un jeu de hasard, c'est donc un jeu d'adresse. Pour fonder leurs décisions, les juges ont estimé que l'habileté, le professionnalisme, les caractéristiques du joueur permettaient de réduire sinon faire disparaître l'aléa. Certains auteurs estiment que les attitudes de joueurs font en sorte que le comportement priment sur le hasard : « la feinte et le calcul l'emportent beaucoup sur le hasard. Le hasard que représentent la feinte et le calcul de l'adversaire ou la meute des adversaires n'est pas le hasard de la nature, n'est pas le vrai hasard.»236 D'autres auteurs estiment que « le poker est un jeu complexe, où le hasard n'est qu'un élément parmi 'autres... Bien entendu, le poker n'est pas un jeu de hasard, comme la roulette par exemple. L'expert fera en sorte d'avoir (presque) toujours les chances de son coté et c'est ce qui lui permet de gagner sur le long terme.»237 Ces assertions permettent de considérer que le poker n'est pas un jeu de hasard car l'adresse et l'habileté priment sur le hasard. Cela remet en cause la définition légale du jeu de hasard prévue par la loi de 2010 selon laquelle : «Est un jeu de hasard un jeu payant où le hasard prédomine sur l'habileté et les combinaisons de l'intelligence pour l'obtention du gain.» Pour ma part, j'estime que le poker est un jeu de hasard malgré l'habileté des joueurs. En effet, dans le jeu de poker, avant toute manoeuvre de la part des joueurs, il y a une distribution aléatoire des cartes. Cette distribution des cartes est l'essence même du jeu de poker. Elle est prépondérante aux manoeuvres des joueurs si bien que le fait qu'il y ait aléa au début du jeu, c'est un jeu de hasard car l'intervention des joueurs n'intervient que plus tard. La remise en cause de l'aléa des jeux de hasard peut conduire à une imposition injuste des gains du joueur. 236 J-O GRANDJOUAN, « L'astragale et le pari », op.cit 237 C. FRANCOIS, « L'art du poker - Principes généraux, défense et attaque, psychologie », MA Editions , Paris, 2012, pp 10-13. 51
Paragraphe 2 : Une imposition qui peut paraître injusteL'imposition des gains peut paraître injuste car les revenus imposables le sont dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels (A) mais surtout, l'imposition se fait selon les qualités des joueurs. (B) Imposition dans les BNC non professionnelsL'article 92 du CGI dispose : « Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. » Cet article distingue les revenus provenant d'activités professionnelles et ceux qui ne proviennent pas de ces dernières. Cette distinction a un impact dans l'imposition des revenus dans la mesure où les professionnels bénéficient des avantages que les non professionnels n'ont pas.238 Les non professionnels ne peuvent pas, par exemple, imputer les déficits sur le revenu global, exonérer l'outil de travail de l'impôt sur le revenu.239 Cela peut paraître injuste dans la mesure où pour fonder l'imposition du joueur de poker, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait pris pour faisceau d'indices le caractère professionnel de l'activité du joueur. L'imposition a donc consisté à leur donner le statut du professionnel mais sans bénéfice des avantages qui vont avec. La difficulté se pose aussi au niveau de la qualité du joueur. Imposition selon la qualité du joueurLe juge judiciaire, pour fonder la qualification de jeu d'adresse, a pris les qualités du joueur, ses caractéristiques et surtout le fait qu'il ne soit pas amateur. Le juge administratif, pour fonder l'imposition du joueur, a pris en compte ses qualités techniques et surtout le fait qu'il soit professionnel. Ces qualifications sont injustes dans la mesure où elles conduisent à des qualifications à deux vitesses : le poker serait un jeu d'adresse pour un professionnel et un jeu de hasard pour un joueur amateur et ensuite, l'imposition serait fondée si le joueur exerce ses activités de jeux en tant que professionnel et il y aurait exonération d'imposition si les revenus sont acquis en tant qu'amateur. 238 M. COZIAN, F. DEBOISSY, op. cit. p. 204. 239 Idem. 52
ConclusionLa question de l'imposition des revenus tirés des gains du poker ne semble pas être résolue aujourd'hui car pour un seul régime de jeux d'argent et de hasard, il plusieurs régimes d'imposition. En effet, la loi française regroupe sous la catégorie des jeux de hasard, des jeux où l'adresse domine sur le hasard, c'est le cas du bridge mais aussi des jeux où le hasard domine sur l'adresse, c'est le cas de la loterie.240 En effet, longtemps considéré comme jeux de hasard dont les revenus ne sont pas imposables, les revenus tirés du poker peuvent, sous certaines conditions, devenir des revenus imposables. Un autre trouble a été jeté lorsque les juges de Toulouse ont considéré que le poker n'était pas un jeu de hasard. Les positions du juge administratif et judiciaire divergent dans le sens où le juge administratif n'a pas considéré que le poker ne soit pas un jeu de hasard mais dont les revenus sont imposables sous certaines conditions alors que le juge judiciaire a considéré que le poker n'est pas un jeu de hasard. Pour le juge administratif, les revenus du poker, pour être imposables, doivent être obtenus en tant que professionnel alors que pour le juge judiciaire, étant donné que le poker n'est plus un jeu de hasard mais un jeu d'adresse, l'imposition des gains sera possible que les gains soient obtenus en amateur ou en professionnel. Ces situations créent une forme d'insécurité juridique car les joueurs de poker ne savent plus si leurs revenus constituent des revenus imposables. Le problème vient du fait qu'avant 2010, il n'y avait pas de définition légale de jeu de hasard et aussi surtout le fait qu'il n y a aucune disposition légale qui exonère, de façon explicite, les revenus tirés des jeux de hasard. C'est la jurisprudence qui en a dessiné les contours. Je pense que le législateur devrait légiférer en ce sens, en inscrivant, dans le Code général des impôts un article qui exonère ou impose les gains des jeux de hasard en général et du poker en particulier. Une tentative a eu lieu en ce sens, la députée Aurélie Filippeti avait essayé, par un amendement n° 373 relatif à l'article 12 du projet de loi de finances rectificative 2011, de faire adopter la précision suivante pour modifier l'article 92 du CGI : « I. - Le 2. de l'article 92 du code général des impôts est complété par un 8° ainsi rédigé : 8° Des gains répétés tirés de la participation à des jeux de hasard, lorsque leur montant cumulé excède 5 000 euros par an. ». II. - Le présent I est applicable aux gains réalisés à compter du 1er décembre 2011. » Mais cet amendement avait été rejeté en Commission.241 Les décisions étant rendus par des juges de première instance et d'appel, Les décisions de la Cour de Cassation ou du Conseil d'Etat sont attendues. 240 J-P. MARTIGNONI-HUTIN, « Faites vos jeux », op.cit, p.9. 241 Voir en ce sens : http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/3952/395200373.asp 53
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5- Textes de loisAccord Général sur les Commerces de services La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Loi du 2 juin 1891 relative aux courses Loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries. Les Lois du 31 mai 1933 portant fixation du budget général. La Charte des Nations Unies n°3281 (XXIX) du 12 décembre 1974 Le règlement général de La Française des Jeux pris en application du décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 Loi du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard. Loi du 29 décembre 1984 sur les paris sportifs La directive TVA (2006/112/CE) Arrêté du 14 mai 2007 relatif aux jeux de casino. Loi n° 1907-06-15 du 15 juin 2007 relative à la réglementation des casinos en zone touristique. Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet Arrêté du 29 juillet 2009 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos. Rép. min. budget n° 49561à Monsieur Didier ROBERT, JOAN, 06 octobre 2009, p.9424 Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative aux jeux en ligne. Décret n° 2010-723 du 29 juin 2010 relatif aux catégories de jeux de cercle mentionnées au II de l'article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 F. TRUCY, Question écrite n° 18866 publiée dans le JO Sénat du 09/06/2011 - page 1520 Réponse du Ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État publiée dans le JO Sénat du 13/10/2011 - page 2630 58
Rép. min. budget n° 110952 à Mme Aurélie Filippetti : JOAN Q 15 nov. 2011, p. 12011 Décret. N° 2011-2121 du 30 novembre 2011 relatif aux modalités de blocages des sites internet. L'ordonnance 2012-351 du 12 mars 2012. Convention de coopération et d'échange d'informations entre l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour la France et la Gambling Commission pour la Grande-Bretagne, JORF n°0166 du 19 juillet 2012 page texte n° 137 BOI-BNC-CHAMP-10-30-40, § 20, 12 sept. 2012. Le Code de sécurité intérieure 2012 Le Code pénal 2013 Le Code civil 2012 Le Livre des procédures fiscales. Le Code général des impôts 2013 Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne. 6- RapportsA. DE GUILLENCHMIDT-GUIGNOT, « Contrats en matière de jeux de hasard- Paris- Jeux d'argent », JCP Contrat- Distribution », 2010, p. 72. A. FILIPETTI, J-F. LAMOUR, « La mise en application de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne », Rapport d'information n° 3463, 25 mai 2011, p. 7 ARJEL, « Les jeux en ligne gagnent en transparence », Rapport d'activités, mai- décembre 2010, p. 63. CERT-LEXSI, « Cybercriminalité des jeux en ligne », Lire blanc du CERT-LEXSI, 22 juillet 2006 Commission Européenne, « Livre vert sur les jeux d'argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur », Com (2011), 321 Final, Bruxelles, 2011 F. TRUCY, « Rapport d'information fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la mission sur les jeux de hasard et 59
d'argent en France.» JO, Documents-Sénat,session ordinaire 2001-2002, n° 223, 336 p. F. TRUCY, « L'évolution des jeux de hasard et d'argent : le modèle français à l'épreuve », Rapport d'information n° 58 fait au nom de la commission des finances du Sénat, 2006, p. 341. F. TRUCY, « Faut-il revoir la loi sur les jeux en ligne ? » Rapport d'information n° 17 (20112012) , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2011, p. 227. P. GÉLARD, « Office parlementaire d'évaluation de la législation : rapport sur les autorités administratives indépendantes », Rapport du Sénat n° 404, Session ordinaire 2005-2006, p. 32 Les documents de travail du Sénat, « Les instances de contrôle du secteur des jeux», Étude de législation comparée n° 180, 1er décembre 2007, p. 15 Y. GALUT, « Question écrite n° 185», Assemblée Nationale, 14e législature, Question publiée au JO le : 23/10/2012 p. 5849 7- JurisprudenceCass.crim, 9 novembre 1861 Cass. crim., 5 janv. 1877 : DP 1878, 1, p. 191 Cass. crim. 28 mai 1930, Gaz. Pal., 1930.2.65 CE, 27 déc. 1937, n° 44644 : RO 1937, p. 771 Cass. Crim., 27 février 1957, Bull. Crim 1957, p.204. CE, 12 juillet 1969, req. n° 75976, DF, 1969, comm. 1010 CE, 8e et 9e ss-sect., 23 juill. 1976, req. N° 99398 CE, 7e et 8e sous-sections, 25 avril 1979, req. n. 2306 CE, 8 / 7 SSR, du 21 mars 1980, 11235 CE, 7e et 8e sous-sections, 4 décembre 1985, req. n. 43.383 CE, 15 décembre 1986, req. n° 51 238, RJF, 1987, n° 103 CE 11 juillet 1988 n° 73302 sect.: RJF 10/88 n° 1055 p. 574 CE, 15 novembre 1989 Fratoni, DF, 1990, n° 46, comm. 2 159 CE, 1 er juin 1990, req. n° 67 053, RJF, 1990, n° 944 60 CE, 22 mai 1992, req. n° 69 903 et 69 904 CJCE, 24 mars 1994, Aff. C-275/92, REC. CJCE I-1039. D. 1994 100 CAA Paris, 2 juin 1992, req. n° 2 790, RJF, n° 1 293 CAA Nancy, 11 mai 1994, req. N° 92127, DF, 1995, com. 801 CAA Nantes, 1ch., 19 oct. 1995, req. n° 93-576 CJCE 21 septembre 1999 aff. c-124-97, Affaire Laara CJCE 21 octobre 1999, aff. C-.67/98, Affaire Zenatti TGI Paris, ord. Ref., 22 mai 2000, Legipresse, sept. 2000, 174-III-139, note Rojinsky ; D. 2000, IR, p. 172 CE, 2 juillet 2001, n° 211134 CJCE, 6 novembre 2003, Gambelli, aff. C-243/01, REC. CJCE I-13031, D. 2003. 2868, CJCE, 13 nov. 2003, aff. C-42/02, Lindman : Rec. CJCE 2003, I, p. 13519 Cass.crim, 20 octobre 2004, n° 03-85767 CJCE, 13 juillet 2006, United Utilities plc c/ commissionners of Customer and Excise, aff C89/05, Rec. I-6813, pt 23, CJCE, 29 mai 2001, Freemans, aff. C-86/89, Rec. CJCE I-4167, pt. 301. Cass.crim, 24 novembre 2006, n° 06-8008 CJCE, 6 mars 2007, Placanica, Affaires jointes, C-338/04, C-359/04 ET C-360/04. CA Versailles, 9ème chambre, 4 mars 2009, Ministère Public contre Part ouche et autres). (RG07/01408). Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 CA PARIS, 30 Octobre 2009, JurisData : 2009-380116.s CJCE 8 septembre 2009, n° C-42/07, Liga Portugesa de Futebol, BWIN international Ltc C/ Departementos de Jogos de Santa Casa Da Misericordia de Lisboa CJCE, 6 octobre 2009, aff. C-153/08, Commission contre Espagne CJUE 3 juin 2010, Sporting Exchange, aff. c-203/08 et CJUE 3 juin 2010 Ladbrokes Betting, aff. C-258/08 Cass.crim, 12 Janvier 2011, N° 09-88.580 61 Conseil Constitutionnel, Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011. CJCE 30 juin 2011, Zeturf Ltd contre Premier ministre, Affaire C-212/08 Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, 1re ch., 21 oct. 2010, n° 090640, Petit. Tribunal Correctionnel Toulouse, 20 juillet 2011, n° 06 000 061 278. Cour d'appel Toulouse, 17 Janvier 2013, N° 11/00947, JurisData : 2013-003024. 8- Sites internetwww.dalloz.fr Editions juridiques www.lexisnexis.fr Jurisclasseur Litec www.lextenso.fr La base du droit expert www.legifrance.gouv.fr Service public de la diffusion du droit
www.efl.fr Editions Francis
Lefebvre http://www.conseil-etat.fr/ Site du Conseil d'Etat www.curia.europa.eu Site officiel de la Cour de Justice de l'Union européenne www.ec.europa.eu Site officiel de la Commission Européenne. www.arjel.fr Autorité de régulation des jeux en ligne 62
TABLE DES MATIERESSOMMAIRE 5 Listes des abréviations 6 INTRODUCTION 7 Première partie : Le principe : la non-imposition des gains 20 Section 1 : Les fondements de la non-imposition des gains tirés des activités du poker 20 Paragraphe 1 : La Loi et la jurisprudence 20 A- La loi 21
B- La Jurisprudence 24
Paragraphe 2 : Le droit international 26
Section 2 : Les critères de la non-imposition 29 Paragraphe 1 : La distinction jeu de hasard/ jeu d'adresse 30
Paragraphe 2 : Les conséquences fiscales 33 A- Les jeux licites 34
B- Les jeux illicites 34 1- L'imposition des revenus des jeux de hasard illicites par la jurisprudence 35
d) Les revenus d'origine indéterminée 37 63
2- Les armes des l'administration 37
Seconde partie: L'exceptionnelle imposition des gains de jeux hasard 40 Section 1: Une interprétation contestable 41 Paragraphe 1: Les conditions d'imposition 42 A- Les circonstances de jeux 42
B- Le caractère professionnel des activités de jeu 43 C- L'importance des gains 44 Paragraphe 2: Les conséquences 45
Section 2: Une Remise en cause discutable de l'aléa 48 Paragraphe 1 : La remise en cause discutable de l'aléa 48
Paragraphe 2 : Une imposition qui peut paraître injuste 51
Conclusion 52 BIBLIOGRAPHIE 53
TABLE DES MATIERES 62 64
| "Enrichissons-nous de nos différences mutuelles " |