UNIVERSITÉ DE STRASBOURG
Centre d'Études Internationales de la
Propriété Intellectuelle
LA DILUTION
DES MARQUES RENOMMÉES
Marion PINSON
Directeur de mémoire
M. Adrien BOUVEL
Master 2 recherche droit européen et international de la
propriété intellectuelle
Année universitaire 2011-2012
REMERCIEMENTS
Je remercie tout particulièrement mon directeur de
mémoire, Monsieur Adrien BOUVEL, pour m'avoir guidée et
encouragée dans l'élaboration de ce travail.
Je tiens également à remercier Monsieur Yann
BASIRE pour ses précieux éclairages.
Je remercie enfin Madame le professeurJoanna SCHMIDT-SZALEWSKI
de me faire l'honneur de sa présence à ma soutenance.
SOMMAIRE
Première partie : La protection
compréhensive contre le préjudice de dilution
Chapitre 1. L'opportunité d'une protection contre
le préjudice de dilution
Section 1. L'opposition à une protection contre
le préjudice de dilution
Section 2. La promotion d'une protection contre le
préjudice de dilution
Chapitre 2. La distension de la protection contre le
préjudice de dilution
Section 1. La désarticulation de la protection
au-delà de la spécialité
Section 2. La distorsion du champ d'application de la
protection
Seconde partie : La conception affinée du
préjudice de dilution
Chapitre 1. L'affinement des contours de la dilution : la
minimisation du préjudice
Section 1. La démonstration préalable
d'une proximité entre les signes
Section 2. La démonstration indispensable d'une
atteinte au caractère distinctif
Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution : la
réhabilitation du préjudice
Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions
traditionnelles de la marque
Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la
marque
ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
act. jurispr. Actualité jurisprudentielle
Ann. propr. ind. Annales de la propriété
intellectuelle
CA Cour d'appel
CJCE Cour de justice des Communautés
européennes
CJUE Cour de justice de l'Union européenne
Com. Chambre commerciale
Comm. com. électron. Communication commerce
électronique
CPI Code de la propriété intellectuelle
D. Recueil Dalloz
Gaz. Pal. Gazette du Palais
J.-Cl. Juris-Classeur
JCP Juris-Classeur Périodique
JCP E. Semaine juridique édition Entreprise
JCP G. Semaine juridique édition
Générale
LGDJ Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
OHMI Office de l'Harmonisation dans le Marché
Intérieur
op. cit. opere citato (cité
précédemment)
Mél. Mélanges
PIBD Bulletin de la propriété industrielle
Propr. ind. Propriété industrielle
Propr. intell. Propriétés intellectuelles
RD propr. intell. Revue du Droit de la
Propriété Intellectuelle
RMC Règlement sur la marque communautaire
RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial
TPICE Tribunal de première instance des
Communautés européennes
TPIUE Tribunal de première instance de l'Union
européenne
INTRODUCTION
« La marque a été la signature d'un
artisan, puis la garantie d'une qualité, ensuite la désignation
d'un produit, elle est maintenant une puissance en
elle-même »1(*).La marque continue son irrésistible
ascension.Grâce aux développements de la publicité moderne,
jouant notamment sur l'inlassable répétition d'un message ou sur
le développement d'une image, la marque a aujourd'hui un nouveau visage
et une nouvelle force : elle agagné en visibilité, ou
plutôt en distinctivité.
La distinctivité est une notion cardinale en droit des
marques. La marqueest d'abord distinctive par essence. Le dictionnaire
juridique Cornu la définit en effet comme un « signe sensible
apposé sur des produits ou accompagnant certains services afin de les
distinguer de produits ou de services émanant d'entreprises
concurrentes »2(*). L'article 711-1 du Code de propriété
intellectuelle, premier article du Livre consacré aux marques,
énoncequant à lui que « la marque (...) est un signe
servant à distinguer les produits ou services d'une personne
physique ou morale ». Ainsi, une marque est distinctive, ou elle
n'est pas. Cela explique d'ailleurs que l'article 711-2 en fasseuneexigence:la
marque n'est valableque si le signe choisi par le titulaire est composé
d'éléments arbitraires au regard des produits ou services qu'il
désigne.
Mais bien plus qu'une condition de validité de la
marque, la distinctivité estpar ailleurs une véritable source de
valeur. En effet, « plus une marque est distinctive, plus son pouvoir
de vendre est important »3(*).Cette distinctivité, force active, touche le
consommateur, marque son esprit et permet ainsi au titulaire de
développer une clientèle. C'est cette distinctivité
là que la publicité tente de développer.
Cette distinctivité-valeur, si considérable
soit-elle, restepourtant fragile. M. De Haas cerne parfaitement sa
précarité lorsqu'il affirme que la force que gagne une marque
« n'a aucune matérialité ; ce n'est
qu'une impression psychologique (...) qui peut disparaître de
l'esprit du public dès qu'elle ne parvient plus à s'imposer
à lui »4(*).
Cet affaiblissement de la force attractive de la marque
intervient notamment lorsqu'elle subit un préjudice de dilution5(*). La formule de
« dilution » est tout à fait heureuse puisquece
terme, communément défini comme l'action de
« délayer dans un liquide », peut également
être entendu au sens figuré comme un affaiblissement ou une
atténuation6(*).
Le terme de « dilution »,pourtant retenu
par la doctrine et plus récemment par la jurisprudence, ne figure pas
dans les textes normatifs. En effet, les articles 8.5° et 9.1° c) du
règlement sur la marque communautaire et 4.4° a) et 5.2° de la
directive du 21 décembre 1988 parlentd'un
« préjudiceau caractère distinctif » de
la marque. Plus laconique encore, l'article L. 713-5 du Code de la
propriété intellectuellen'évoque qu'un
« préjudice au propriétaire de la marque ».
Dans tous les cas, ce dernier article, issu de la loi de transposition du 4
janvier 1991, s'interprète à la lumière de la directive.
Ces textes sanctionnent ainsi l'emploi d'une marque renommée
communautaire ou nationale pour des produits ou services différents qui
porte atteinteà son caractère distinctif.
Avant d'examiner plus en détails en quoi consiste
cetteatteinte au caractère distinctif, il convient de situer cette
protection dans notre paysage juridique.La protection contre la dilution est en
effet l'une des manifestations de la protection renforcée des marques
renommées. Elle entre ainsi dans le débat plus large, auquel nous
ne pourrons échapper, de ces marques particulières qui jouissent
d'une protection dérogeant auprincipe de spécialité.
Véritable clef de voûte du droit des
marques7(*), ce
principeimplique que« la réservation d'un
élément à titre de signe distinctif est limitée
à la désignation d'un ou de plusieurs produits, services ou
activités déterminés »8(*). L'existence d'un droit de
marque absolu, emportant la réservation de toutes les utilités du
signe dans tous les secteurs d'activité, est en effet inconcevable car
il porterait une atteinte disproportionnée à la liberté du
commerce et de l'industrie, et plus précisément au principe de
libre concurrence. Le principe de spécialité permet ainsi la
conciliation du droit de marque et de la liberté de concurrence9(*).
Pour cette raison, la question d'une protection des marques
dérogeant à ce principe est extrêmement délicate.
Pourtant, lesmarques renomméesne peuvent pas se contenter d'une
protection confinée au cadre de la spécialité. La
très grande majorité de la doctrine s'accorde en effet pour
reconnaître que celles-ci ont besoin d'une protection à la mesure
de leur degré de distinctivité. La marque devenue puissance,
devenue « force attractive prodigieuse »10(*), devenue force
économique immense,requiertainsi un régime de protection
adapté qui puisse déroger au principe de
spécialité.
Nombreux sont pourtant ceux qui s'inquiètent, à
juste titre, de voir ce régime de faveur glisser vers une
« surprotection » de la marque renommée11(*), mettant ainsi en péril
le principe de libre concurrence. La gravité de la menace nous oblige
ainsi à redoubler de vigilance face à la théorie de la
dilution. Toutefois, il ne faudrait pas laisser ces craintes nous dissuader de
la nécessité d'accorder à certaines marques et dans
certaines hypothèses une protection contre l'atteinte à leur
caractère distinctif.
Pour bien s'en convaincre, il convient
de déterminer le mal qui se cache derrière cette nébuleuse
notion qu'est la dilution. La reconnaissance juridique de ce
phénomène a vu le jour en 1924 sous les auspices des juridictions
allemandes. Les juges ont ainsi considéré que la marque notoire
Odol désignant du dentifrice subissait un préjudice de dilution
suite à l'emploi de la même marque pour des produits
sidérurgiques12(*).
Quelques années plus tard, Schechter a théorisé et
fortement préconisé une protection contre la dilution. Ce juriste
américain, n'ayant jamais utilisé le terme de
« dilution », parle alors de « grignotage
progressif » ou de « dispersion » de
l'identitéd'une marque13(*). Lors d'une intervention devant un Comité du
Congrès américain, il tentera de sensibiliser son audience sur
les effets redoutables d'un tel phénomène : « si l'on
tolère des restaurants Rolls Royce, des cafétérias Rolls
Royce, des pantalons Rolls Royce et des bonbons Rolls Royce, dans dix ans, il
n'y aura plus de marque Rolls Royce »14(*).
Le processus de dilution peut ainsi oeuvreren dehors de tout
risque de confusion puisque le signe en cause est utilisé dans des
secteurs d'activité différents. Le préjudice causé
est alors d'une infinie subtilité. Lorsqu'un signe évoque
immédiatement au consommateur une marchandise précise, l'emploi
simultané de ce même signe pour des produits ou services
différents va entraîner un flottement dans l'esprit du public. Le
pouvoir d'évocation de la marque perd ainsi nécessairement de sa
puissance puisque le consommateur associe la marque non plus à un mais
à plusieurs produits15(*).Cette diminution du pouvoir d'évocation
provoque, par la même occasion, le déclin de la force attractive
et doncde la frappe économique de la marque.
Aussi nécessaire que puisse paraître la
protection contre ce préjudice pernicieux, on peut sentir le danger que
serait toutefois de reconnaître que le seul emploi d'une marque
renommée antérieure pour des produits ou services
différents constitue un préjudice de dilution. La seule prise en
compte de la perte d'unicité de la marque reviendrait en effet à
accorder une protection aveugle et automatique aux titulaires de marque
renommée16(*). Or
la dilution est une atteinte à la distinctivité, et non pas
à l'exclusivité de la marque.Il faut ainsi rester
extrêmement vigilant quant à la conception que l'on retient de la
dilution, car d'elle dépend la légitimité de la
protection.
La sortie du principe de spécialité
ajoutée à la subtilité même de la dilution rend la
question d'une protection contre ce préjudice extrêmement
délicate. Partagés entre l'inquiétude et la certitude de
la nécessité d'une protection, nous nous demanderons ainsi dans
quelle mesure la protection contre la dilution de la marque renommée
peut constituer une atteinte proportionnée à la liberté du
commerce et de l'industrie. Autrement dit, peut-elle exister au sein de notre
droit des marques sans en bouleverser la cohérence et la
légitimité ?
Nous constaterons qu'en dépit des réserves
formulées par la doctrine, la théorie de la dilution s'est
imposée sans retenue dans notre droit des marques (Partie 1). Les
dérives et les incohérences de cette protection excessivement
compréhensive ont ainsi nécessité un affinement de la
conception du préjudice de dilution, en vue de sa minimisation et de sa
réhabilitation (Partie 2).
Première partie :
La protection compréhensive contre le
préjudice de dilution
Depuis son apparition, la théorie de la dilution n'a
jamais laissé indifférent. Par son ambition et son audace,elle
fascine et inquiète à la fois. D'une part, elle permet à
un titulaire de voir sanctionné l'usage de sa marque pour des produits
ou services différents de la sienne. En défiant ainsi le principe
de spécialité, clef de voûte du droit des marques quipermet
d'assurer un équilibre entre le droit des signes distinctifs et la
liberté de concurrence, la théorie de la dilution joue
assurément avec le feu. D'autre part, la nature complexe et
insaisissable du préjudice en cause a de quoi laisser songeur.On se
demande en effet en quoi peut bien consister cette atteinte au caractère
distinctif d'une marque en dehors du cadre de la spécialité.
La doctrine est ainsi d'avis que la réparation de ce
préjudice « paraît devoir être admise avec les
plus vives réserves »17(*).Pourtant, la protection contre la dilution s'est
imposée sans retenue dans notre système juridique.Nous
constaterons ainsi les obstacles et la défiance qu'elle est parvenue
à surmonter (Chapitre 1) ainsi que l'étendue
démesurée du terrain qu'elle a conquis (Chapitre 2).
Chapitre 1. L'opportunité d'une protection
contre le préjudice de dilution
Avant d'être reconnue par le droit positif, la
protection contre le préjudice de dilution a longtemps existé
à l'état de simple théorie. Avant d'explorer son
régime juridique, il convient ainsi de rendre compte des enjeux et des
points de discorde qu'elle a pu soulever -et soulève d'ailleurs
toujours. Car prêchée et défendue avec ferveur par certains
(Section 2), la protection contre la dilution est sévèrement
battue en brèche par d'autres (Section 1).
Section 1. L'opposition à une protection contre le
préjudice de dilution
Beaucoup d'auteurs se sont fermement opposés à
l'idée d'une protection du caractère distinctif de la marque en
dehors du cadre de sa spécialité. En effet, pas seulement inutile
(§1), une telle protection serait également dangereuse
(§2).
§1. Une protection superflue
En se rappelant les propos de Portalis qui affirmait
que les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires18(*), on comprend qu'en droit, tout
ce qui est superflu est néfaste. Si la protection contre la dilution
était inutile, ellenuiraitainsi inévitablement à la
cohérence d'ensemble du droit des marques. Elle pourrait l'être
à deux égards. D'une part, il se pourrait que le préjudice
de dilution n'existe tout simplement pas (A). D'autre part, si préjudice
il y a, le recours au risque de confusion devrait être suffisant pour y
faire face (B).
A/. L'existence illusoire d'un préjudice de
dilution
De nombreux arguments ontété avancés afin
de s'opposer à une protection contre la dilution. Parmi les plus
radicaux figure celui qui nie l'existence même de ce préjudice.
Certains auteurs considèrent en effet que la dilution n'est qu'un mirage
juridique ne correspondant à aucune réalité
économique.
Pour eux, l'hypothèse d'une atteinte au
caractère distinctif d'une marque par l'usage d'un signe
postérieur dans un secteur d'activité différent n'aurait
pas de sens.Ils ont fait remarquer qu'aucune analyse empirique relative aux
effets psychologiques de la publicité sur les consommateurs ne
rapportait l'existence d'un tel préjudice19(*).Ils défendent ainsi
l'idée que l'usage d'un signe identique ou similaire à une marque
antérieure pour désigner des produits ou services
différents ne peut avoir aucune influence sur le pouvoir attractif de
celle-ci.
Une étude récemment menée s'est pourtant
penchée sur la réaction des consommateurs face à un nombre
élevé de produits différents désignés par
une même marque20(*). Elle prouve que le consommateur qui a
été exposé à plusieurs produits d'une même
marque mettra plus de temps et commettra davantage d'erreurs dans la
reconnaissance de la marque que celui qui n'y a pas été
exposé.
Il semblerait toutefois, selon cette même étude,
que les marques très renommées soient en quelque sorte
immunisées contre la dilution21(*).Leurpouvoir distinctif serait justement tellement
fort qu'il ne pourrait subir aucune atteinte. C'est là une conclusion
que nous ne pouvons approuver. Sans remettre en cause les résultats
concrets de cette étude, on remarque qu'elle n'est aucunement
adaptéeau phénomène qui nous intéresse. La dilution
est un préjudice qui s'étire dans le temps. L'étude qui
consiste à brouiller l'esprit du consommateur en lui montrant, dans un
espace temps très limité, une multitude de marques
différentes apposées sur des produits qu'elles ne
désignent normalement pas,ignore ainsi toute la subtilité du
préjudice de dilution.
Il est vrai que la complexité du
phénomène de dilution rend sa preuve très délicate.
On ne saurait toutefois, pour cette seule raison, nier l'existence même
de ce préjudice.
B/. Le recours suffisant au risque de confusion
Plutôt que d'accepter le principe d'une protection
spéciale contre la dilution, certains ontconsidéréque le
droit des marques disposait déjà d'instruments suffisamment
flexibles et efficaces pour sanctionner l'affaiblissement de la
distinctivité. L'un de ces instruments est le risque de
confusion22(*).
L'idée de cette substitution de fondements, de la dilution à la
confusion,est de pouvoir rester dans l'observation stricte du sacro-saint
principe de spécialité.
La théorie de la dilution veut en effet qu'une marque
soit protégée contre des atteintes à son pouvoir
distinctif en dehors de tout risque de confusion. Une
façond'éviter l'application de cette théorie scabreuse
serait alors d'étendre l'application du risque de confusion.
L'idée est qu'il vaut mieux sanctionner dans le cadre de la
spécialité,même s'il faut pour cela élargir son
champ d'application, plutôt que d'accepter une protection
dérogatoire.
L'extension de l'application du risque de confusion s'est
opérée par la reconnaissance d'une similitude extrinsèque
des produits ou services (1) mais aussi par le recours à une
méthode d'appréciation, dite globale, du risque de confusion
(2).
1) La reconnaissance d'une similitude
extrinsèque
La similitude est une notion par essence subjective,
puisqu'elle repose sur la perception de ressemblances visuelles,
phonétiques et même conceptuelles. Elle offre donc l'avantage
d'être malléable et a pu permettre à l'appréciation
du risque de confusion de gagner en souplesse.
L'acception classique de la similitude est dite
intrinsèque. Elle se borne à observer les ressemblances entre les
produits ou les services désignés par les signes. Cette
conception stricte ne suffit pourtant pas à conférer une
protection adaptée aux marques renommées car la seule
différence de spécialité des marques écartait
l'existence d'un risque de confusion. Les juges ont ainsi pu reconnaître
une similitude dite extrinsèque, attachée non plus seulement
à la nature des produits ou services en eux-mêmes mais à
leur origine. Un risque de confusion peut ainsi être retenu lorsque le
public risque de penser à tort que les produits, bien que
différents, proviennent d'une seule et même entreprise ou encore
lorsque, bien que conscient de deux entreprises distinctes, il pense qu'elles
sont économiquement liées.
La célèbre décision Lu est la
première à témoigner de cette démarche extensive.
Dans cette affaire,il était question de l'usurpation de la marque
renommée Lu désignant des biscuits par le signe Luc
désignant des biscottes et du pain d'épices. Lors de cette
affaire, la cour d'appel de Paris a pu retenir une similitude en raison de ce
que « les acheteurs [avaient] pu croire que les produits
présentés, bien que différents de ceux qui leur
[étaient] vendus d'ordinaire sous cette marque, émanaient de la
même entreprise »23(*). Adoptant le même raisonnement, des gaufrettes
pralinées Côté d'Or ont été
considérées similaires au fameux chocolat Côté d'Or
car ces produits étaient « suffisamment voisins par leur
nature ou leur destination pour que les acheteurs puissent croire qu'ils
[étaient] fabriqués ou mis en vente par l'entreprise
propriétaire de la marque déposée »24(*).
Cette solution fut confirmée par la Cour de justice des
Communautés européennesdans un arrêt
Canonlorsqu'elle affirma que « constitue un risque de
confusion au sens de l'article 4.1° b) de la directive le risque que le
public puisse croire que les produits ou services encause proviennent de la
même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises
liées économiquement »25(*).
Cette acception extensive de la similitude se trouve tout
à fait justifiée au regard de l'évolution des pratiques
économiques. Il aurait été en effet possible de se passer
de cette solution à l'époque où une marque ne
correspondait qu'à un seul produit. Aujourd'hui toutefois, les
entreprises diversifient leurs domaines d'activité ; le
consommateur sait que la marque d'une même entreprise peut donc
désigner toute une ligne de produits différents. Au vu de ce
phénomène, l'apparition delanotion de confusion sur l'origine du
produit est ainsi tout à fait opportune.
2) La méthode d'appréciation globale du
risque de confusion
La sanction du risque de confusion a également pu
gagner du terrain grâce à la mise en place d'une méthode
globale d'appréciation. Dans ses fameux arrêts Sabel,
Canon et Lloyd, la Cour de justice a ainsi
apprécié ledit préjudice en se fondant sur
« l'impression d'ensemble » produite par les marques en
cause sur le consommateur26(*). Cette nouvelle méthodepourrait fort bien
rendrel'appréciation du risque de confusion suffisamment souple pour
pouvoir se passer de la théorie de la dilution. Deux aspects de la
méthode globale intéressent notre démonstration.
D'une part, l'appréciation globale « implique
une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et
notamment la similitude des marques et celle des produits ou services
désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les
produits ou services désignés peut être compensé par
un degré élevé de similitude entre les marques et
inversement »27(*). On peut déduire de ce raisonnement que la
reproduction servile d'une marque pour désigner des produits non
identiques peut entraîner un risque de confusion. Il faut toutefois noter
que cela ne permettra pas de sanctionner un tel emploi pour des produits
différents puisqu'il faudra toujours rapporter la preuve d'une
similitude, même ténue, entre les produits ou services
désignés.
D'autre part, cette méthode implique de tenir compte
« de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ».
L'appréciation du risque de confusion devra ainsi non seulement prendre
en compte les similitudes entre les signes et entre les
spécialités, mais également l'intensité de la
renommée et le degré de distinctivité de la marque
usurpée. Les marques renommées et très distinctives,
particulièrement sujettes au préjudice de dilution, jouissent
donc d'une protection renforcée face au risque de confusion.
La reconnaissance d'une similitude extrinsèque ainsi
que l'apparition de cette méthode d'appréciationoffrent au risque
de confusion une souplesse remarquable qui permet d'étendre son champ
d'application. Nous verrons pourtant que le recours au risque de confusion
montre des insuffisances qui rendent indispensableune protection
spéciale contre le préjudice de dilution.
Les plus virulents détracteurs de la théorie de
la dilution ne se bornent pas, toutefois, à lui reprocher son
inutilité ; ils la dénoncent également comme une
théorie dangereusebouleversant l'équilibre et la cohérence
du droit des marques.
§2. Une protection dangereuse
La théorie de la dilution représenterait un
danger en ce qu'elle ferait prévaloir de façon
disproportionnée les intérêts privés sur
l'intérêt général. En ignorant ainsi les
intérêts des consommateurs ainsi que ceux des autres
commerçants, elle opèrerait un détournement de la fonction
du droit de marque (A) et porterait une atteinte excessive au principe de libre
concurrence (B).
A/. Un détournement de la fonction du droit de
marque
La marque a pour fonction essentielle d'indiquer l'origine des
produits ou services qu'elle désigne28(*). Le bien fondé d'une protection de la
marquecontre un risque de confusionest donc incontestable. Cette protection
repose précisément sur un double fondement :elle est en
effet tournée vers les intérêts du titulaire de la marque
mais veille égalementà ceux du consommateur. Elle permet au
premier de distinguer ses produits ou services de ses concurrents afin de
« conquérir sa place dans la compétition et de se
prémunir contre les abus de la libre concurrence » tandis
qu'elle permet au secondde « faire un choix parmi l'offre abondante
des concurrents et de retrouver les produits ou services qui lui ont
donné satisfaction »29(*).La protection contre le risque de confusion joue
ainsi le beau rôle en servant autant les intérêts des
consommateurs que ceux du titulaire. Elle jouit de la plus haute
légitimité et constitue ainsi la clef de voûte du
système de protection des marques.
La protection contre la dilution est loin de
bénéficier d'une telle aura. Véritable anomalie du droit
des marques pour certains, cette protection contre l'atteinte au pouvoir
distinctif de la marque est accordée alors même qu'aucun risque de
confusion n'est observé. La protection contre la dilution ne repose
ainsi sur aucune considération « sociale » puisque
seulsles intérêts du titulaire sont en jeu. Pour cette raison, ce
préjudice seraitindigne de protection30(*). En effet, les justifications d'une telle protection
sont d'ordre purement économique : il s'agit de protéger la
valeur de la marque, et non pas la marque elle-même. Le droit ne
s'empare-t-il pas là d'une question qui devrait lui
échapper ? La réponse est assurément positive pour
certains auteurs qui considèrent que le droit de marque n'a pas pour
objet de protéger les investissements consentis par le
titulaire31(*).
On aurait pourtant tort de se laisser séduire par cette
vision consumériste du droit des marques. La Cour de justice, en
reconnaissant la fonction de garantie d'identité d'origine32(*), laisse certes l'impression
que le droit de marque se préoccupe de la satisfaction des besoins des
consommateurs. Pourtant, si le consommateur est pris en considération
par le droit des marques, il n'est aucunement un sujet du droit de
marque33(*). Loin
d'être extravagante, la protection des seulsintérêts
économiques du titulaire est naturelle.Il convient ainsi de relativiser
la tyrannie d'une supposée fonction « sociale » de
la marque et admettre l'existence de fonctions économiques garantissant
les intérêts du titulaire.
B/. Une atteinte excessive au principe de libre
concurrence
Les marques, en tant que signes distinctifs, entretiennent
avec le principe de libre concurrence une relation ambiguë. On peut
considérer dans une certaine mesure qu'« en indiquant l'origine
d'un produit ou d'un service, elles permettent au jeu de la concurrence de
s'exercer dans des conditions saines et loyales »34(*). Pour autant, on ne peut nier
qu'elles sont également de nature à porter atteinte à la
liberté de la concurrence puisque « lorsqu'un sujet de droit
réserve un signe afin d'en faire sa marque (...), il empêche, par
la même occasion, ses concurrents d'utiliser cet élément
dans l'exercice de leur activité »35(*).
La réservation de ce signe distinctif doit être
ainsistrictement encadréesi l'on veut qu'elle ne soit pas trop
attentatoire à la liberté de concurrence. C'est bien pour cette
raison que de nombreux auteurs émettent des doutes quant à la
protection des marques renommées contre la dilution de leur
caractère distinctif. Ils dénoncent en effet cette protection
comme l'une des inquiétantes manifestations de la surprotection des
marques renommées et craignent qu'elle ne soit un moyen
détourné de constituer un monopole hors du cadre de la
spécialité36(*).
Ces inquiétudes sont justifiées dans la mesure
où une mauvaise application de la théorie de la dilution peut
constituer une grande menace pour la liberté de concurrence. Toutefois,
ce n'est là qu'un effet pervers de la théorie, et non pas son
essence. Cela veut dire qu'une protection contre la dilution peut être
légitime si elle est strictement encadrée et ne trouve à
s'appliquer que dans des hypothèses exceptionnelles.
Il est ainsi certain que la protection contre le
préjudice de dilution comporte des inconvénients.Pourtant, ces
craintes ne peuvent justifier que l'on ignore les intérêts
importants et légitimes du titulaire.
Section 2. La promotion d'une protection contre le
préjudice de dilution
Le droit des marques traditionnel accorde une place
essentielle à la fonction d'identification qui consiste à
garantir aux consommateurs l'origine des produits ou services. Il est vrai que
la protection contre la dilution s'éloigne de ces considérations
puisqu'elle s'applique en dehors de tout risque de confusion. Cela ne la rend
toutefois pas moinslégitime et nécessaire. Légitime en ce
qu'elle s'accorde avec la logique économique du marché (§1),
elle est également nécessaire pour pallier les insuffisances du
droit des marques (§2).
§1. Une protection légitime : la prise
en compte de la réalité économique
C'est sous l'impulsiondu principe de réalité
qu'est née l'idée d'une protection contre la dilution de la
marque. Schechter, son premier théoricien, considérait en effet
que les règles du début du XIXème siècle
étaient inadaptées aux nouvelles pratiques commerciales
qu'étaient la production de masse, la diversification des produits et le
développement de la publicité.Il fallait ainsi que la loi se
mette au diapason de la réalité, et non qu'elle tende vers un
idéal rétrograde. Dans son fameux article The Rational Basis
For Trademark Protection, il prône la protection des marques contre
la dilution comme étant le moyen de protection le plus rationnel et le
plus adapté à la réalité du marché37(*). Il s'agit par là de
protéger la valeur commerciale et l'aura de la marque, souvent acquises
au prix d'investissements considérables consentis par le titulaire.
Cette force attractive immense que peut exercer la marque est également
très fragile. Nous considérons ainsi que la protection contre la
dilution est tout à fait légitime en ce qu'elle est à la
mesure de la force attractive de la marque (A) et à la mesure de la
gravité du risque qu'elle encourt (B).
A/. Une protection à la mesure de la force
attractive de la marque
La marque n'est plus seulement un signe permettant de
distinguer ses produits ou services de ceux de ses concurrents. Grâce
à la publicité moderne, la marque est devenue une
véritableforce « motrice »38(*). Elle va développer une
force attractive considérable et laisser une empreinteforte dans
l'esprit du consommateur. La marque va ainsi gagner en notoriété,
en distinctivité et, ce faisant,en valeur marchande.Une protection sur
mesure doit donc être envisagée, car il n'est plus seulement
question de protéger la fonction d'identification d'origine de la
marque. La doctrine s'accorde ainsi désormais sur le fait qu'il est
« équitable et logique d'organiser la protection de la marque
en fonction même de sa force attractive »39(*).
De ce point de vue, la magie opérée par la
marque renommée est prodigieuse. Elle possède en effet une force
d'attraction telle qu'elle dépasse le secteur d'activité dans
lequel elle est utilisée40(*). Cela signifie que l'empreinte laissée dans
l'esprit du consommateur ne se limite pas aux produits et services que la
marque désigne. M. Jatonremarquait la puissance du
phénomèneen affirmant par ailleurs que « cette
omniprésence dans l'esprit de chacun permet à la marque d'exercer
son pouvoir avant même toute résolution d'achat, au stade de la
réflexion déjà, de s'imposer de prime abord à
l'attention du client »41(*).
On comprend bien que ces marques renommées
méritent d'autant plus une protection particulière que cette
force attractive, appelée par certains « magnétisme
commercial »42(*), constitue la valeur même de la
marque. La force économique de la marque est en effet fonction de sa
force attractive. Or l'emploi d'une marque renommée par un tiers,
même lorsqu'il ne provoque pas de risque de confusion, érode sa
distinctivité et, par la même occasion, sa force attractive. C'est
alors le « pouvoir de vendre »43(*) de la marque qui est
menacé. Considérant que celui-ci ne s'acquiert la plupart du
temps qu'au prixd'efforts publicitaires considérables, la protection de
cette distinctivité particulière n'est rien d'autre qu'un juste
retour juridique sur investissement.
Le seul fait que la marque renommée présente une
valeur économique considérable ne suffit pas, nous en sommes
conscients, à justifier une protection contre la dilution. L'estimation
de la gravité du dommage causé par la dilution devrait achever de
nous convaincre de sa nécessité.
B/. Une protection à la mesure de la
gravité du risque
L'empreinte laissée par la marque dans l'esprit du
consommateur n'est jamais indélébile. Si prodigieuse soit-elle,
la force attractive de la marque renommée reste en effet fragile.
Notons d'abord que plus le pouvoir d'attraction d'une marque
est fort, plus le risque d'usurpation est élevé. Les marques
renommées sont donc particulièrement sujettes aux cas
d'usurpation, et notamment au préjudice de dilution. Mais plus que sa
probabilité, c'est la gravité du préjudice de dilution qui
est extrêmement préoccupant.
Bien distincte du risque de confusion, ladilution est un
préjudice beaucoup plus redoutable. Le titulaire d'une marque
renommée a en effet beaucoup moins à craindre du risque de
confusion que de la dilution car, « pernicieuse comme un poison
lent »44(*),
elle épuise la marque de l'intérieur en détruisant
inexorablement son caractère distinctif. Or l'érosion de la
distinctivité atteint la marque dans ce qu'elle a de plus
précieux : sa force attractive, durement gagnée à
force de temps et d'efforts publicitaires. Ce magnétisme commercial
exercé sur les consommateurs est d'une telle importance qu'un fabricant
dirait sûrement : « si je me trouvais dans l'alternative de
perdre les fabriques ou de perdre la réputation que la
société s'est créée par sa publicité
constante pendant les vingt dernières années, je dirais
certainement : brûlez les usines ! De nouvelles peuvent
être construites en 90 jours mais notre publicité a pris des
années et aucun capital ne peut suppléer à l'impression
déterminée par elle »45(*).
En effet, la diminution de la distinctivité d'une
marque lui est fatale car « l'impression indélébile,
laissée par un signe singulier, perd de sa netteté dans la
mémoire du consommateur (...) la marque employée par des tiers
devient commune. Or la banalité entraîne
l'indifférence »46(*). Et l'indifférence, on le sait bien, est
funeste aux marques.
§2. Une protection nécessaire : la
prise en compte des contraintes juridiques
Loin d'être seulement légitime, la protection
contre la dilution est aussi nécessaire. D'une part, le droit des
marques ne dispose pas d'instruments adaptés pour faire face au
préjudice qui nous occupe. Le recours au risque de confusion, en effet,
est loin d'être satisfaisant (A). D'autre part, le système de
protection est bâti de telle manière qu'une marque non
protégée contre l'atteinte à son caractère
distinctif se verrait fortement amoindrie dans le cadre même de sa
spécialité. La protection contre la dilution permet ainsi de
garantir à la marque une protection optimale à l'encontre des
concurrents (B).
A/. Le recours insatisfaisant au risque de
confusion
Certains auteurs considéraient superflue la protection
contre le préjudice de dilution dans la mesure où le test du
risque de confusion, très souple, permet déjà d'offrir une
protection étendue aux titulaires de marques renommées. Nous
considérons pourtant que le recours à cet instrument clef du
droit des marques est inadapté (1) et inopérant (2).
1) Un recours inadapté : la nature
différente du préjudice
Il faut d'abord comprendre que la dilution n'équivaut
pas à une sorte de confusion hors spécialité. Si ces deux
préjudices constituenttous les deux des atteintes à la
distinctivité de la marque, leur nature est intrinsèquement
différente. Rudolf Callmann fut le premier à rigoureusement
distinguer la dilution de la confusion : « La confusion conduit
à un préjudice immédiat tandis que la dilution est une
infection qui, si on lui permet de se développer, détruira
inévitablement la valeur publicitaire de la marque »47(*). La dilution est un mal
sournois qui oeuvre doucement et en silence tandis que la confusion est un
préjudice de l'immédiatement. Outre cette différence de
temporalité, la dilution n'engendre pas de confusion mais
l'indifférence. Les dommages causés sont ainsi également
différents. Comment peut-on ainsi prétendre que la protection
contre le risque de confusion peut remédier au mal de la dilution ?
Le cancer se guérit-il avec de l'aspirine ? Il parait ainsi
évident que la subtilité de ce préjudice échappe
naturellement au test du risque de confusion.
2) Un recours inopérant : le cas de
spécialités radicalement différentes
Le préjudice de dilution peut frapper une marque en
dehors de tout rapport de concurrence. Ainsi, sauf à complètement
dénaturer la notion de similitude et considérer comme similaire
des produits ou services radicalement différents, le recours au risque
de confusion n'est d'aucun secours.
Il est vrai que le recours au risque de confusion offre une
souplesse remarquable. Sont ainsi considérés comme similaires
« des objets qui, lorsqu'ils portent la même marque, peuvent
être rattachés par la clientèle à la même
origine »48(*)
ou des produits qui ont la même destination49(*) ou encore qui relèvent
des mêmes habitudes de distribution50(*). Lorsque les produits sont très proches, comme
dans les affaires Lu et Côte d'Or, le recours au risque
de confusion n'est pas incongru51(*). Parfois pourtant, l'élargissement de la
notion de similitude est purement artificiel, au point que celle-ci perd tout
son sens. Nous pouvons citer à cet égard des chocolats et des
fromages qui avaient été considérés comme
similaires52(*).
Aussi souple soit elle, la méthode globale du risque de
confusion ne peut ainsi aller jusqu'à permettre la sanction de la
reproduction ou de l'imitation d'une marque pour des produits radicalement
différents.L'arrêt Canon est fort heureusement inflexible
sur cette question : il « reste nécessaire, même
dans l'hypothèse où existe une identité avec une marque
dont le caractère distinctif est particulièrement fort,
d'apporter la preuve de la présence d'une similitude entre les produits
ou les services désignés »53(*). Ainsi, l'appréciation
extensive du risque de confusion ne suffit pas à prémunir le
titulaire contre le préjudice de dilution car on ne peut l'utiliser pour
des spécialités radicalement différentes.Le risque de
confusion ne constituant pas une arme adaptée pour combattre la
dilution, une protection spéciale est nécessaire.
B/. La garantie d'une protection optimale dans le
cadre de la spécialité
La dilution entraîne l'érosion du
caractère distinctif d'une marque. Si l'on prive le titulaire d'un
recours adapté pour sanctionner ce préjudice, il pourrait perdre
bien plus que sa force attractive. Aujourd'hui en effet, la logique de la
protection des marques veut que son intensité soit fonction de son
pouvoir attractif. Rappelons que c'est pour cette raison que les marques
renommées jouissent d'une protection renforcée. Pour cette
même raison, l'affaiblissement de ce pouvoir attractif entraîne
l'affaiblissement de la protection.
On sait ainsi que le risque de confusion s'apprécie de
manière globale en tenant compted'un certain nombre de facteurs
pertinents, dont le degré de distinctivité de la marque. Or si
l'on constate que la marque désigne une quantité de produits ou
services différents, cette distinctivité s'en trouve
nécessairement amoindrie. Il sera donc moins facile pour le titulaire de
la marque de prouver un risque de confusion lorsque celle-ci sera imitée
pour des produits ou services identiques ou similaires.
Ainsi, une absence de protection contre la dilution pourra
avoir une incidence sur la protection ordinaire de la marque dans le cadre de
la spécialité. On reconnaît bien là les
caractéristiques de la dilution envisagée comme un poison qui
détruit tout le système immunitaire de la marque. Il commenceen
dehorsdes frontières de la spécialité, rendant le
consommateur progressivement indifférent à la marque, et poursuit
son infection jusque dans le cadre de la spécialité en rendant
plus ardue la preuve d'un risque de confusion.
L'idée d'une protection contre le préjudice de
dilution est ainsi loin d'être incontestée. La sortie du principe
de spécialité, ajoutée à la
nébulosité du phénomène, éveille
l'hostilité, sinon la perplexité.Nous restons pourtant convaincus
de la nécessité d'accorder à certaines marques une
protection spéciale contre l'atteinte à leur caractère
distinctif. La légitimité d'une telle protection réside
toutefois dans son régime. Celui-ci devra être ainsi
rigoureusement encadré si l'on ne veut pas porter une atteinte
disproportionnée à la liberté de la concurrence.
Chapitre 2. La distension de la protection contre le
préjudice de dilution
La protection contre la dilution est l'une des manifestations,
sans doute la plus subtile, de la protection renforcée dont
bénéficient les marques renommées. Or cette protection
spéciale, qui n'aurait dû jouer que dans des situations
exceptionnelles, a connu un mouvement d'expansion phénoménal. La
théorie de la dilution, dont l'application devait être
maîtrisée et fortement encadrée, menace ainsi de devenir
tentaculaire.
Dans son étude consacrée à la protection
spéciale des marques renommées, Mme Pérot-Morelparlait
d'une « extension » de protection54(*). Plus que d'extension, nous
préférons parleraujourd'hui de distension.L'extension s'est en
effet poursuivie de manière tellement excessive qu'il nous semble que le
régime actuel a perdu en intégrité, mais aussi et surtout
en légitimité et en cohérence.
Ce mouvement de distension est double.
Désarticulée d'une part, la protection contre le préjudice
de dilution se décompose en deux types de protection selon que l'on est
en présence d'une marque communautaire ou d'une marque française
(Section 1). On constate, d'autre part, une distorsion du champ d'application
de la protection dans la mesure où l'élargissement de ses
frontières est à la fois excessif et incohérent(Section
2).
Section 1. La désarticulation de la protection
au-delà de la spécialité
Dans notre système juridique, deux solutions cohabitent
pour mettre en oeuvre la protection renforcée des marques
renommées. La première, qui s'applique aux marques
renommées communautaires, consiste à intervenir sur le terrain du
droit des marques. La seconde, qui s'applique aux marques renommées
françaises, sort du droit des marques et recourt à la
responsabilité civile délictuelle. Nous parlons ainsi de
protection « désarticulée » dans la mesure
où elle ne sera pas de même nature selon que l'on est en
présence d'une marque usurpée française ou
communautaire.
On aboutit alors à une protection à
géométrie variable. En effet, la nature de la protection aura
inévitablement des incidences sur les sanctions et procédures qui
pourront en découler. L'analyse respective de ces deux protections,
celle des marques renommées communautaires dans le cadre du droit des
marques, d'une part (§1), et celle des marques renommées
françaises en dehors du droit des marques, d'autre part (§2),nous
amènera à constater l'existence d'une protection à deux
vitesses (§3).
§1. Une protection dans le cadre du droit des
marques
pour les marques communautaires
L'article 9.1° du RMCindique que la marque
« confère à son titulaire un droit
exclusif ». Cette solution n'est en soi pas vraiment étonnante
puisque le droit de marque, dans les limites de la spécialité,
constitue bien un droit de propriété. Pourtant, c'est dans ce
même article, plus précisément en son point c), qu'est
prévue la protection spéciale des marques renommées qui
consiste, on le rappelle, à s'appliquer au-delà des
frontières de la spécialité. Cela signifie que le droit
communautaire considère que l'usage d'une marque renommée pour
des produits ou services différents constitue toujours une atteinte au
droit exclusif conféré par la marque communautaire.
En présence d'une marque communautaire, la sortie du
principe de spécialité n'implique donc pas la sortie du droit des
marques. L'usurpation d'une marque renommée communautaire par un non
concurrent, consistant en une atteinte au droit de propriété de
la marque, sera ainsi sanctionnée dans le cadre d'une action en
contrefaçon. Cette solution est confirmée par l'article L. 717-1
du Code de la propriété intellectuelle qui considère que
cette usurpation « constitue une contrefaçon engageant la
responsabilité civile de son auteur ».
Cette solution communautaire présente
l'inconvénient d'élargir le périmètre du droit de
propriété au-delà des limites de la
spécialité. Or on sait que l'équilibre entre le droit de
marque et lalibre concurrence se maintient justement grâce à la
garantie que le droit exclusif ne s'exerce que dans le secteur
d'activité où le signe est utilisé. En contournant ce
principe de spécialité, la solution communautaire bouleverse cet
équilibre et fait du droit de marque un droit hypertrophié. La
liberté de concurrence s'en trouve ainsi nécessairement
diminuée.
Il semble toutefois que cette approche communautaire
consistant à se placer sur le terrain de la contrefaçon
était inévitable. En effet, le législateur français
a pu se permettre d'ouvrir une action en responsabilité civile
spéciale parce que notre droit disposait déjà d'une solide
construction prétorienne. Comme le note le professeur Marino,
« le législateur européen ne pouvait procéder
ainsi par référence, faute d'un droit communautaire de la
concurrence déloyale. Et d'autant qu'en Europe, alors que certains pays
disposent d'une théorie de la concurrence déloyale très
efficace (Allemagne), d'autres en sont dépourvus ou presque
(Royaume-Uni) »55(*). Le législateur communautaire a ainsi fait de
son mieuxavec les instruments dont il disposait.
§2. Une protection en dehors du droit des
marques
pour les marques françaises
Le silence,sur la nature de la protection,de l'article
5.2° de la directivedu 21 décembre 1988a permis au
législateur français de faire le choix de sanctionner
l'usurpation d'une marque renomméecomme un délit civil.L'article
L. 716-1 du Code de propriété intellectuelle prévoit que
« l'atteinte portée au droit du propriétaire de la
marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité
civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la
violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2, L. 713-3 et
L. 713-4 ». L'article L. 713-5 n'étant pas mentionné,
l'usurpation des marques renomméesne constituepas uneatteinte au droit
de marque. L'action en contrefaçon est alors logiquement
inapplicable.
Ce hiatus entre les marques renommées communautaire et
française constitue une anomalie dans l'harmonisation du droit des
marques. Ce choix, qui n'est pas sans conséquences,nous semble pourtant
justifié. En effet, il nous semble que le décalage existant entre
le droit communautaire et le droit français est le prix à payer
si nous voulons préserver l'intégrité du droit des marques
(A). Par ailleurs, on ne peut nier que la responsabilité civile
délictuelle offre une souplesse remarquable (B).
A/. La préservation de
l'intégrité du droit des marques
Pour Mme Pérot-Morel, « l'idée de
faire appel à d'autres règles juridiques pour admettre une
protection plus large des marques notoires est a priori la plus
satisfaisante. Elle permet d'entendre des revendications reposant sur
l'équité tout en sauvegardant les principes fondamentaux du droit
des marques »56(*). Protéger la marque renommée hors
spécialité sur le fondement de la responsabilité civile
délictuelle permettrait ainsid'éviter la dénaturation du
droit des marques. Cette solution maintenant ancienne a eu en effet le
mérite de préserver, d'une part, la notion de similitude (1) et
d'autre part, dans une certaine mesure, le principe de spécialité
(2).
1) La préservation de la notion de
similitude
La doctrine a très bien su montrer, dans le temps et
dans l'espace, les différents visages que prit la protection
renforcée des marques renommées57(*). En France, les juges ont été longtemps
réticents à l'idée de conférer à la marque
une protectionau-delàde sa spécialité. Il fallut pourtant
bien trouver un moyen de conférer aux marques renommées la
protection dont elles avaient besoin.
Ils ont ainsi, dans un premier temps,interprété
la notion de similitude avec plus de souplesse afin d'étendre le
périmètre de la spécialité. Ce raisonnement
trouvait cependant ses limites en présence de produits ou services
différents. Afin de ne pas dénaturer la notion de similitude en
considérant des produits ou services similaires alors qu'ils
étaient en réalité différents58(*), les juges ont cherché
des fondements de droit commun pour donner à la marque renommée
une protection renforcée. Le célèbre arrêt
Pontiac témoigne de cette démarche. Les juges ont en
effet sanctionné l'usage d'une marque renommée dans un secteur
d'activité différent sur le fondement de l'article 1382 du Code
civil59(*). Quelques
années plus tard, cette solution fut reprise dans l'affaire
Mazda60(*).
Le recours à la responsabilité civile
délictuelle permit ainsi de sanctionner l'usurpation d'une marque
renommée sans élargir de manière artificielle le
périmètre de la spécialité et donc sans
dénaturer la notion de similitude.
2) La relative préservation du principe de
spécialité
Le principe de spécialitéest
nécessairement malmené dès lors que la protection de la
marque s'étend au-delà du secteur dans lequel elle est
utilisée. Mais alors qu'offrir une telle protection sur le terrain du
droit des marques constitue une atteinte directe à ce principe, le
recours au droit commun apparaît comme une solution plus intègre.
Celle-ci futdéfendue par la doctrine classique :
« lorsqu'on dépasse le stade de la similitude des produits ou
services et que l'on veut protéger la marque en elle-même,
indépendamment de tout risque de confusion, on sort
nécessairement du cadre du droit des marques »61(*). Le professeur Pollaud-Dulian
fait écho à ce raisonnement ensoulignant que « hors de
la spécialité (...), il n'y a pas de contrefaçon, car le
droit exclusif s'arrête aux frontières de la
spécialité »62(*). Ce choix de l'action en responsabilité
délictuelle plutôt que de l'action en contrefaçon
illustrebien l'attachement français particulier à ce principe
selon lequel le droit de marque n'existe pas au-delà du cadre
concurrentiel.
Certains auteurs sont allés jusqu'à dire que la
protection des marques renommées prévue par l'article L. 713-5 ne
constituait pas, en raison de ce fondement, une véritable
dérogation au principe de spécialité. Le professeur Passa
considère en effet que « si le législateur avait
effectivement apporté une exception à ce principe
cardinal du droit des marques, il aurait en réalité étendu
l'objet habituel du droit des marques et donc le domaine de l'action en
contrefaçon, ce qui n'est pas le cas »63(*). Pourtant, la nature de
l'action n'enlève rien au fait que le principe de
spécialité est bien écarté. On se rallie donc
à l'opinion d'autres auteurs qui considèrent que l'article L.
713-5 offre aux marques renommées une protection devant laquelle le
principe de spécialité,de facto, ne résiste
pas64(*).
La préservation du principe de spécialité
n'est ainsi que relative. Il faut toutefois retenir l'esprit de cette solution
qui évite d'élargir le périmètre du droit de
propriété que constitue le droit de marque.
B/. La souplesse de l'action en responsabilité
civile délictuelle
Le droit commun recèle d'instruments pouvant
sanctionner l'usurpation des marques renommées. Plusieurs techniques ont
ainsiété mobilisées puis exclues au profit de la
responsabilité délictuelle issue de l'article 1382 du Code civil.
Dans l'affaire Pontiac, l'usurpation d'une marque
notoire en dehors de sa spécialité a été
sanctionnée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil65(*). Cela n'a pourtant pas
empêché les juges de faire preuve d'imagination par la suite en
recourant à la théorie de l'abus de droit66(*) ou aux agissement
parasitaires67(*). Ce
n'est que lors de la réforme du 4 janvier 1991 que l'article L. 713-5
retient définitivement et exclusivement la responsabilité civile
délictuelle. Ce choix, plus respectueux du principe de
spécialité, offre également l'avantage de la souplesse. M.
Mermillod l'avait bien compris : « Un système juridique
au noyau bien défini entouré d'une certaine
« aura » aux contours moins nets offre des qualités
de souplesse et d'adaptation à une réalité changeante qui
peuvent le rendre préférable à l'édification d'un
système plus rigide, exhaustif un jour et partiellement
dépassé le lendemain. En notre domaine, la variété
des agissements répréhensibles est trop grande et leur nombre
trop susceptible de s'accroître en fonction de
l'ingéniosité humaine pour qu'on puisse les faire figurer tous
dans une classification législative détaillée ou leur
opposer, à chacun, des droits spécifiques. L'important est de
disposer, à défaut d'une création législative ou
jurisprudentielle particulière, de cette base solide qu'est l'article
1382 du Code civil et de ne pas hésiter à s'y
référer »68(*).Pour ces raisons, il nous semble très
judicieux d'accueillir la responsabilité civile délictuelle comme
sanction aux usurpations de marques renommées en dehors de leur
spécialité.
§3. Une protection à
géométrie variable
L'usurpation d'une marque renommée communautaire en
dehors de son secteur d'activité constitue une atteinte au droit de
marque. Le titulaire pourra ainsi exercer une action en contrefaçon
à l'encontre de l'usurpateur. Le titulaire d'une marque renommée
française, quant à lui,ne pourra exercerqu'une action en
responsabilité civile délictuelle. La nature de l'action
engagée emporte bien entendu des conséquences, faisant ainsi
varier l'intensité de la protection selon l'origine de la marque. Nous
étudierons les avantages attachés à l'action en
contrefaçon (A) ainsi que les différents sorts du signe litigieux
(B).
A/. Les avantages propres à l'action en
contrefaçon
Dans le cadre d'une action en contrefaçon, le titulaire
pourra logiquement bénéficier des avantages propres à ce
type d'action. On pense d'abord aux sanctions pénales et
douanières, exclues dans le cadre d'une action en responsabilité
délictuelle. On pense également aux procédures accessoires
à la contrefaçon telles que la saisie-contrefaçon,
exclusivement ouverte aux personnes « ayant qualité pour agir
en contrefaçon »69(*). Notons toutefois que la Cour de cassation a pu
ouvrir ce type de procédure au titulaire d'une marque agissant sur le
fondement de l'article L. 713-5. Si cette solution est incohérente et
clairement contraire à la lettre de l'article L. 716-7, elle a le
mérite d'être justifiée par un souci
d'égalité entre les titulaires des marques communautaire et
française.
Mais c'est surtout depuis la loi de lutte contre la
contrefaçon que le titulaire d'une marque renommée communautaire
se trouve considérablement avantagé. Comme le remarque M. Maetz,
« la portée de la distinction entre le délit civil et
l'atteinte au droit de marque est renforcée depuis l'adoption de la loi
du 29 octobre 2007 dite « de lutte contre la
contrefaçon »70(*) qui transpose la directive communautaire du 29 avril
2004 relative au respect des droits de propriété
intellectuelle71(*). Le
propriétaire d'un véritable droit de marque, plus que jamais, se
voit offrir des gages de protection dont est, par définition, exclu le
titulaire d'une marque célèbre dans le cadre de l'application de
l'article L. 713-5 »72(*).
Depuis cette loi en effet, les sanctions civiles de la
contrefaçon se départissent du principe de réparation
intégrale selon lequel tout le préjudice est réparé
mais rien que le préjudice. La nouvelle logique prend ainsi en compte,
dans l'évaluation des dommages-intérêts, les
bénéfices injustement réalisés par le contrefacteur
ou propose une évaluation forfaitaire. Cette solution donne ainsi au
juge davantage de latitude dans l'indemnisation du titulaire et permet de lui
allouer des dommages-intérêts plus conséquents que ce qui
aurait été alloué sur le fondement de la
responsabilité civile délictuelle.
Le titulaire d'une marque renommée française se
voit toutefois reconnaître un avantage. C'est celui de
l'inopposabilité de la forclusion par tolérance qui ne s'applique
justement qu'à l'action en contrefaçon.
B/. Le sort du signe litigieux
Que l'on soit en présence d'une marque renommée
communautaire ou française, il sera toujours possible pour le juge
d'interdire l'exploitation du signe postérieur litigieux. Il semble que
l'article L. 713-5 applicable aux marques françaises n'offre d'ailleurs
que cette possibilité. Le titulaire d'une marque renommée
communautaire, lui, pourra s'opposer à l'enregistrement ou faire une
demande en nullité du signe litigieux.
L'opposition à l'enregistrement, qui n'est pas
prévue par le Code de la propriété intellectuelle, est en
effet envisagée par l'article 8.5° du RMC. L'annulation du signe
litigieux est, quant à elle, prévue à l'article 53.1°
a) du même texte. Là encore, malgré les doutes de certains
membres de la doctrine73(*), il ne semble pas que l'article L. 713-5 puisse le
permettre. D'une part parce que, selon le fameux adage, il n'y a pas de
nullité sans texte. D'autre part, on note que cet article du Code de la
propriété intellectuelle est la transposition de l'article
5.2° de la directive et non pas celle de l'article 4.4° a) qui
prévoit spécifiquement l'annulation du signe postérieur
litigieux74(*). La non
transposition de ce dernier article par le législateur marque bien une
volonté de ne pas aller jusqu'à l'annulation.
Certains souhaitent que l'annulation du signe
postérieur litigieux soit possible dans le cadre de l'article L. 713-5
parce qu'il est bien inutile de laisser valable une marque qui ne peut
être exploitée75(*). Cela consiste en effet à maintenir une marque
en vie de manière artificielle. Par ailleurs, cette solution n'est pas
très opportune dans la mesure où elle crée un hiatus avec
le droit communautaire76(*). On sait en effet que l'article 8.5° du RMC
permet l'annulation de la marque. Cette différence de solutions ne fait
qu'ajouter à la complexité du système de protection des
marques renommées et creuser le déséquilibre entre les
droits conférés par la marque renommée communautaire et la
marque renommée française.
Plus préoccupante que ce dispersion de la protection
est toutefois la distorsion à laquelle elle est soumise. Son champ
d'application s'est en effet tellement étendu que la protection contre
la dilution risque de perdre sa légitimité mais aussi sa
cohérence.
Section 2. La distorsion du champ d'application de la
protection
Après avoir étudié la nature de la
protection contre le préjudice de dilution, il reste à
déterminer quelle est son étendue. En d'autres termes, quelles
marques peuvent en bénéficier et dans quelles hypothèses.
Cette étape du raisonnement est déterminante puisque de
l'étendue du champ d'application dépend la
légitimité même de la protection. En effet, nous avons vu
que si le principe d'une protection contre le préjudice de dilution est
nécessaire, il ne faut pas que son étendue soit excessive
afin-on n'aura de cesse de le répéter - de ne
pas porter atteinte à la liberté de la concurrence.
L'étude de notre droit positif ne
peutqu'inquiéter, et ceci à deux égards. Les marques qui
bénéficient de la protection sont les marques connues d'un public
spécialisé (§1). En effet, la Cour de justice retient une
interprétation particulièrement extensive de la notion de
renommée, si bien qu'un nombre très élevé de
marques entre dans le champ d'application de la protection. Par ailleurs, il
est indifférent que l'usurpateur soit ou non un concurrent ; la
protection contre la dilution, normalement cantonnée aux rapports non
concurrentiels, s'est ainsi étendueaux rapports concurrentiels
(§2).
§1. Une protection de la marque connue d'un public
spécialisé
Les textes offrent une protection contre l'atteinte au
caractère distinctif à la marque « qui jouit d'une
renommée » ou« jouissant d'une
renommée ». On se penchera d'abord sur l'opportunité du
choixdu critère de la renommée (A) avant d'étudier
l'interprétation que notre droit positif en retient (B).
A/. Le choix du critère : entre
renommée et distinctivité
Certains auteurs ont pu préconiser la protection de
toutes les marques contre le préjudice de dilution77(*). Contestable dans son principe
en ce qu'elle étend démesurément le champ d'application de
la protection, cette solution l'est également dans sa logique : car
l'existence d'une atteinte au pouvoir distinctif d'une marque nécessite
ab initioque celle-ci ait un fort pouvoir distinctif78(*).Ainsi, par définition,
le préjudice de dilution ne peut toucher toutes les marques.
Plus pertinente est la proposition du critère de la
distinctivité.Schechter, père de la théorie de la
dilution, n'avait en effet pas dans l'idée de protéger les
marques renommées. Il prenait comme critère déterminant la
distinctivité de la marque, et non pas sa renommée.
Précisons que si ces deux critères vont souvent de pair, ils ne
se confondent pas systématiquement. Il préconisait ainsi une
protection contre la dilution des marques « inventées,
arbitraires, fantaisistes »79(*), soit des marques au degré de
distinctivité particulièrement élevé. Callmann,
fervent défenseur de la dilution aux côtés de Schechter,
prône également la protection des marques hautement
distinctives : « La doctrine de la dilution ne doit pas
être limitée aux marques
« célèbres » ou
« renommées ». Le véritable objet de la
protection est la distinctivité de la marque résultant de son
extraordinaire singularité ou de considérables efforts
publicitaires, et ce avant même qu'elle ne soit
connue »80(*).
On comprend la logique ici défendue. La dilution
consistant en une atteinte au caractère distinctif d'une marque, le
recours au critère de la distinctivité semble parfaitement
adéquat dans la mesure où cet élément est l'objet
même de la protection. Par ailleurs, on sait que la protection contre la
dilution est justifiée par le fort pouvoir d'irradiation qui
émane d'une marque. Or la distinctivité est justement ce qui
permet à la marque de briller, d'attirer et éventuellement de
fidéliser. Faire le choix de la distinctivité comme
critère du champ d'application de la protection ne semble donc pas
totalement incongru.
Ces auteurs, on le voit bien, ont la volonté de donner
à la protection contre la dilution un champ d'application très
large. Ils partent en effet du principe que le critère de la
renommée est trop restrictif et que c'est bien toutes les marques
distinctives, même celles qui ne sont pas renommées, qui doivent
être protégées. Ce raisonnement part ainsi du postulat que
la distinctivité est une notion plus large que la renommée.Le
choix ducritère de la distinctivité nous semble toutefois
dangereux car cela aboutirait à conférer une protection contre la
dilution à un nombre trop élevé de marques.
Aujourd'hui pourtant, le choix d'un autre critère,
celui de la renommée, constitue la même menace.En effet, la Cour
de justice donne à la renommée une interprétation
tellement souple qu'elle est devenue une notion beaucoup plus large que la
distinctivité. Ce qu'on pouvait ainsi reprocher au critère de la
distinctivité peut aujourd'hui l'être à celui de la
renommée.
La seule renommée ne saurait pourtant suffire à
déclencher la protection. En effet, le critère de
distinctivité est, de manière assez logique, pris en compte par
la jurisprudence. Celle-ci a ainsi refusé d'appliquer la théorie
de la dilution à une marque renommée constituée d'un signe
banal81(*). Ainsi, la
renommée et la distinctivité sont deux critères cumulatifs
pour qu'une marque puisse prétendre à la protection contre le
préjudice de dilution. C'est toutefois la renommée qui ouvre la
possibilité d'une protection contre la dilution.
B/. L'appréciation démesurément
extensive de la renommée
A titre liminaire, il convient de faire mention de la place de
la marque notoire dans ce système de protection renforcée.En
effet, celle-ci s'apparente à la marque renommée puisqu'il s'agit
grossièrement d'une marque qui jouit d'une certaine
célébrité. Elle s'en distingue toutefois par son absence
d'enregistrement. Nous n'évoquerons pas la question de la distinction
des deux notions sur laquelle la littérature juridique s'est
déjà abondamment penchée82(*). Il nous importe toutefois de déterminer si la
marque notoire peut bénéficier de la protection reconnue à
la marque renommée.
Alors que l'article L. 713-5 du Code de la
propriété intellectuelle étend expressément la
protection spéciale des marques renommées aux marques
notoires83(*), les
articles 8.5° et 9.1° c) du RMC ainsi que les articles 4.4° a)
et 5.2° de la directive du 21 décembre 1988 ne font
référence qu'à la marque qui « jouit d'une
renommée ». Ce silence ne serait toutefois pas un obstacle
pour faire profiter d'une protection spéciale aux marques notoires.Dans
un arrêt du 22 novembre 2007, la Cour de justice a en effet
considéré que la marque notoire et la marque renommée
constituaient des notions voisines84(*). Par ailleurs, il semble qu'une lecture
combinée des articles de la directive du 21 décembre 1988 et du
règlement sur la marque communautaire permet d'accorder aux marques
notoirement connues la même protection qu'aux marques
renommées85(*). La
marque notoire, au même titre que la marque renommée, pourra ainsi
bénéficier d'une protection contre la dilution de son
caractère distinctif.
La renommée est une notion déterminante puisque
d'elle dépend le bénéfice de la protection contre le
préjudice de dilution. De la conception plus ou moins large que l'on en
retient dépend ainsi le nombre de marques pouvant prétendre
à une protection en dehors de leur spécialité. On comprend
alors que cette conception plus ou moins large met en jeu
l'intégrité du principe de libre concurrence.
Sans craindre de dénaturer le concept86(*), la Cour de justice des
communautés européennes retientde la renommée une
définition très laxiste puisque le degré de
réputation requis est très faible,au regardà la fois du
public (1) et de la zone géographique (2).
1) Le public de référence
Deux conceptions de la renommée et de la
notoriété peuvent être retenues en fonction du degré
de réputation exigé. Une interprétation souple voudra
qu'on retienne une marque renomméelorsque celle-ci est connue d'une
large fraction du public concerné par les produits ou services qu'elle
désigne. Une conception plus stricte de la renommée consiste
à prendre en compte la connaissance de la marque par une large fraction
du grand public.
Notre droit positif retient la première solution. Dans
un arrêt General Motors, la Cour de justice des
communautés européennes estime en effet qu'une marque est
renommée lorsqu'elle est « connue d'une partie significative
du public concerné par les produits ou services couverts par cette
marque »87(*).
Cette appréciation extensive de la renommée est contestable
à plusieurs égards.
D'une part, en qualifiant de renommée une marque connue
seulement d'un public spécialisé, le nombre de marques
bénéficiant du régime dérogatoire s'accroît
démesurément. Or cette protection ne devrait rester
qu'exceptionnelle, sous peine de malmenerle principe de
spécialité et, partant, la liberté de la concurrence. Par
ailleurs, accorder une protection renforcée à une marque connue
des seuls professionnels d'un secteur entraîne l'indisponibilité
de signes qui sont pourtant inconnus du grand public88(*). Le titulaire d'une marque
renommée dans le secteur de matériels de plongée pourrait
ainsi empêcher l'emploi de son signe pour désigner des
cosmétiques. On ne voit là aucune utilité à cette
protection.
D'autre part, M. Bouvel note avec raison que retenir une
définition extensive de la renommée est dénué
d'intérêt. En effet, le titulaire d'une marque qui n'est connue
que d'un public spécialisé peinera à effectivement
bénéficier de la protection élargie89(*). En effet, fort heureusement,
la seule preuve de la renommée ne suffit pas puisque la
démonstration d'un lien entre les signes devra être
également rapportée.Ainsi, les marques utilisées dans un
secteur spécialisé qui auraient passé le test de la
renommée se verront de toute manière refuser la protection
lorsqu'elles échoueront à démontrer l'association mentale
faite par les consommateurs entre les signes en conflit.
Notons que le droit américain a, dans le cadre de son
système anti-dilution, tiré les conséquences de
l'incohérence d'une telle solution en revenantà une
interprétation stricte de la renommée. Une marque n'est
désormais caractérisée comme telle que lorsqu'elle est
largement connue du grand public90(*).
2) Le territoire de référence
Dans le même arrêt General Motors, la
Cour de justice persiste dans le laxisme sur la question de l'étendue
territoriale de la renommée. Les textes communautaires exigenten effet
que la marque jouisse d'une renommée « dans l'Etat
membre ». Les juges communautaires ont adopté une lecture
très compréhensive de cette exigence lorsqu'ils
affirmentqu'« il ne peut être exigé que la renommée
existe dans « tout » le territoire de l'Etat membre. Il
suffit qu'elle existe dans une partie substantielle de celui-ci »91(*). La solution n'est en soi pas
choquante ; on ne saurait exiger d'une renommée qu'elle
s'étende sur la totalité du territoire. Plus inquiétante
est par contre la conception qu'a la Cour de justice de ce que constitue la
« partie substantielle » d'un territoire puisque c'est
comme telle qu'elle considère un seul des trois pays du Benelux92(*). La marque pourra donc
être renommée même si elle n'est connue que sur une partie
restreinte du territoire.
Ainsi, la reconnaissance locale d'une marque par un public
spécialisé suffit à caractériser la
renommée. Il est aisé de comprendre qu'un nombre
considérable de marques peut donc prétendre à la
protection contre le préjudice de dilution alors que celle-ci ne devrait
être limitée qu'à des cas exceptionnels.
Cette distorsion du champ d'application de la protection se
poursuit avec son extension au cadre concurrentiel.
§2. Une extension de la protection au cadre
concurrentiel
Les articles 8.5° et 9.1° c) du règlement sur
la marque communautaire ainsi que les articles 4.4° a) et 5.2° de la
directive du 21 décembre 1988 permettent au titulaire d'une marque
renommée de sanctionner l'utilisation de son signe par un tiers pour
désigner des produits ou services différents. Cette protection
spécifique de la marque renommées'applique ainsi en dehors du
cadre de la spécialité et son bénéfice est, en
toute logique, dispensé de la preuve d'un risque de confusion.
En dehors de cette hypothèse, c'est-à-dire en
présence de deux signes désignant des produits ou services
identiques ou similaires, deux cas de figure peuvent être
distingués. Conformément à l'article 5.1° a) de la
directive, le titulaire d'une marque peut empêcher l'utilisation d'un
signe postérieur identique désignant des produits ou services
identiques. Il pourra faire de même, conformément à
l'article 5.1° b), face à un signe postérieur identique ou
similaire désignant des produits ou services identiques ou similaires,
à condition, cette fois, de rapporter la preuve d'un risque de
confusion.
A première vue, le terrain de protection des marques
semble bien balisé. Pourtant, une zone d'ombre subsiste. Qu'advient-il
lorsque l'emploi d'une marque renommée antérieure pour des
produits ou services similaires n'entraîne aucun risque de
confusion ?Si l'on suit la lettre des textes, il semble que le titulaire
de la marque renommée ne puisse agir que sur le terrain de l'article
5.1° b) puisqu'on est en présence de produits ou services
similaires. La Cour de justice en a pourtant décidé autrement en
dégageant une solution contra legem (A) dont on peine à
saisir l'opportunité (B).
A/. Une solution contra legem
Au vu des textes, il semble que le titulaire se trouve
dépourvu de protection face à l'usurpation de sa marque
renommée pour des produits ou services similaires qui n'entraîne
aucun risque de confusion. Il est vrai que la cohérence de cette
solution laisse à désirer puisque si le tiers usurpateur n'avait
pas été un concurrent, le titulaire de la marque renommée
aurait pu bénéficier d'une protection sans avoir à prouver
un risque de confusion. Il est dès lors surprenant que la protection
d'une marque renommée soit moins efficace dans le cadre concurrentiel
que dans le cadre non concurrentiel.
Partant de ce constat, la Cour de justice a, dans un
arrêt Davidoff de 2003, permis aux Etats membres octroyant aux
marques renommées une protection renforcée d'étendre
celle-ci au cadre concurrentiel. Elle justifie sa décision en affirmant
que l'article 5.2° de la directive doit être
interprété « en considération de l'économie
générale et des objectifs du système dans lequel il
s'insère » et qu' « il ne saurait être
donné dudit article une interprétation qui aurait pour
conséquence une protection des marques renommées moindre en cas
d'usage d'un signe pour des produits ou des services identiques ou similaires
qu'en cas d'usage d'un signe pour des produits ou des services non
similaires »93(*).
Cette solution, rendue contre l'avis de
l'avocatgénéral Jacobs94(*), contredit ouvertement la lettre des textes
communautaires. Les articles 4.4° a) et 5.2° de la directive sont en
effet explicites : le régime de faveur des marques renommées
ne s'applique qu'en présence de produits ou services différents,
doncdans un cadre non concurrentiel. Dès lors que l'on est en
présence de signes en conflit désignant des produits ou services
similaires, les articles 5.1° a) et 5.1° b) trouvent exclusivement
à s'appliquer95(*).
Les juges ont pourtant redoublé d'audace dans un
arrêt Adidas de la même année en transformant cette
faculté en une obligation : « l'option de l'Etat membre
porte sur le principe même de l'octroi d'une protection renforcée
au profit des marques renommées, mais non sur les situations couvertes
par cette protection lorsqu'il l'accorde »96(*).
B/. Une solution inopportune
Cette solution est pour le moins critiquable. Les
régimes de protection ne sont pas censés être à la
carte, laissant au titulaire le choix de l'action la plus favorable. Les
différentes dispositions correspondent en effet à des
hypothèses bien distinctes qu'il convient de respecter, car le
mélange des genres ne fait que nuire à la cohérence du
droit des marques.
Par ailleurs, la doctrine a pu signaler que cette extension de
la protection renforcée au cadre concurrentiel ne présente pas de
grand intérêt pratique, notamment parce que l'appréciation
globale du risque de confusion, en prenant en compte la renommée de la
marque, rend déjà très aisée la preuve d'un tel
risque97(*). Elle a
également pu dénoncer les effets pervers d'un possible cumul
d'actions98(*).
Ainsi, le champ d'application de la protection
renforcée des marques renommées, censé être
initialement très restreint, est aujourd'hui démesurément
étendu. D'une part, la conception particulièrement laxiste de la
renommée permet à un nombre de marques considérablement
élevé de bénéficier de la protection. D'autre part,
la marque renommée bénéficie de cette protection
renforcée dans un nombre d'hypothèses démultiplié.
La protection exceptionnelle dont devait jouir le titulaire d'une marque
renommée se trouve dès lors généralisée. Le
droit des marques s'égare et le principe de libre concurrence en
pâtit sévèrement.
Le champ d'application de la protection contre le
préjudice de dilution est ainsi particulièrement extensif. Cette
solution, loin de tourner à son avantage, conforte l'opposition de ses
détracteurs et nuit à sa cohérence.En effet, la protection
contre la dilution ne devrait être un fondement général
d'action ; elle était censée, et devrait rester une
défense spécifique et particulière des marques
renommées. La généralisation de la protection contre la
dilution bouleverse l'équilibre et la cohérence du droit des
marques et remet ainsi en cause toute sa légitimité. Il est
dès lors nécessaire que les juges remédient à cette
dérive en affinant la conception de la dilution. Les excès que
les juges se sont permis sur le terrain du champ d'application de la protection
devront être modérés sur celui de la notion de dilution.
Seconde partie :
La conception affinée du préjudice de
dilution
Les juges ont procédé à une
interprétation extensive très critiquable des dispositions
communautaires relatives à la protection des marques renommées.
La Cour de justice retient d'une part une conception très souple de la
renommée, permettant ainsi à un nombre de marques très
élevé de bénéficier d'une protection contre le
préjudice de dilution. D'autre part, elle multiplie les
hypothèses de cette protection spéciale en étendant son
application au cadre concurrentiel. Cet égarement du droit des marques,
laissant présager une protection quasi généralisée
contre le préjudice de dilution,permet un véritable contournement
du principe de spécialité.L'équilibre bien fragile entre
le droit des marques et le principe de libre concurrence est ainsi
sévèrement menacé.
La protection contre le préjudice de dilution, beaucoup
trop compréhensive et distendue, traverse ainsi une crise de
légitimité. Face à cette dérive, les juges n'eurent
d'autre choix que d'adopter une conception restrictive du préjudice. Le
concept de dilution en sortira inévitablement malmené. La
compréhension et la redéfinition théoriques du
préjudice de dilution pourront toutefois favoriser sa
réhabilitation au sein de notre droit des marques. La résolution
des crises de légitimité et de cohérence que traverse la
théorie de la dilution nécessite ainsi un affinement des contours
de la notion, d'une part (Chapitre 1), et de son contenu, d'autre part
(Chapitre 2).
Chapitre 1. L'affinement des contours de la
dilution :
la minimisation du préjudice
Les juges ont tenté de neutraliser l'extension
excessive du champ d'application sur un autre terrain. Ils ont ainsi
précisé et minimisé le préjudice de dilution en
rendant plus ardue sa démonstration. Alors que la preuve du seul emploi
de la marque renommée antérieure a parfois pu suffire à
caractériser le préjudice, les juges exigent désormais que
soit démontré une association intellectuelle faite par le
consommateur entre les signesmais également un changement de son
comportement économique. Le préjudice de dilution ne correspond
donc aucunement, et fort heureusement, à une seule perte
d'exclusivité du signe. S'ajoute ainsi à la démonstration
préalable d'une proximité entre les signes (Section 1) l'exigence
de démontrer une véritable atteinte au pouvoir distinctif
(Section 2).
Section 1. La démonstration préalable d'une
proximité entre les signes
Avant de démontrer une atteinte au caractère
distinctif, le titulaire de la marque devra logiquement apporter la preuve
d'une proximité entre les signes. Pour ce faire, il devra
démontrer l'existence d'un fait générateur, consistant en
la reproduction ou l'imitation de sa marque par le signe litigieux
postérieur (§1) et le fait que cet emploi pousse le consommateur
à faire un lien entre les deux signes (§2).
§1. La démonstration d'un emploi de la
marque renommée
Avant une ordonnance de 2008, la nature de l'emploi requis
était très discutée (A). Le débat étant
aujourd'hui tranché, nous ne feronsqu'un bref rappel de la
controverse.Nous étudierons également la question, souvent
ignorée, de l'origine de l'emploi, c'est-à-dire du type de signe
qui peut constituer cet emploi (B).
A/. La nature de l'emploi
Avant l'ordonnance du 11 décembre 200899(*), l'article L. 713-5 du Code de
la propriété intellectuelle ne faisait référence
qu'à l'« emploi » de la marque renommée. Un
doute existait alors sur le type d'utilisation sanctionné :
était-ce limité à la reproduction servile du signe ou
s'étendait-il à son imitation ? Il est vrai que la
protection renforcée des marques renommées constituant une
exception au principe de spécialité, celle-ci devrait être
interprétée stricto sensu et ne renvoyer qu'à la
reproduction100(*).Dans
le cadre de l'affaire Olymprix, la Chambre commerciale avait pu
décider que l'emploi de l'article L. 713-5 renvoyait à la seule
reproduction tandis que l'imitation pouvait être sanctionnée sur
le fondement de l'article 1382 du Code civil101(*).Elle est toutefois revenue sur sa décision
dans un arrêt Cartier en considérant qu'un titulaire de
marque renommée pouvait bénéficier de la protection
renforcéesuite à l'usage d'un signe similaire102(*). Autrement dit, l'imitation
d'un signe, au même titre que sa reproduction, pouvait être
sanctionnée sur le terrain de la protection spéciale.
Une ordonnance du 11 décembre 2008 vint confirmer ce
raisonnement et mettre fin à la controverse en modifiant l'article L.
713-5. Celui-ci vise désormais explicitementà la fois la
reproduction et l'imitation. Inquiétante en ce qu'elle aggrave
l'élargissement du champ d'application de la protection contre le
préjudice de dilution, cette solution était pourtant
inévitable.Le professeur Passa fait remarquer que l'article L. 713-5 est
de toute façon interprété à la lumière de
l'article 5.2° de la directive qui, lui, prévoit que « le
titulaire est habilité à interdire à tout tiers de faire
usage dans la vie des affaires d'un signe identique ou comparable à la
marque »103(*). Par ailleurs, il est évident que les marques
renommées peuvent autant souffrir de la reproduction que de l'imitation
de leur signe. La dilution consiste en l'érosion de la
distinctivité, en une banalisation du signe. L'imitation, si elle n'est
pas trop éloignée, parvient tout autant à ce
résultat si le consommateur associe intellectuellement les deux
signes104(*).
B/. L'origine de l'emploi
L'emploi de la marque renommée peut être
sanctionné au titre de la protection renforcée alors même
que celui-ci n'est pas le fait d'une marque. Dans un arrêt
Adidas, la Cour de justice a en effet considéré que
l'emploi d'une marque renommée par un simple signe, même s'il
n'était pas perçu comme une marque, pouvait porter atteinte au
caractère distinctif de la marque antérieure105(*).Il est intéressant de
noter que cette décision fut rendue, une fois de plus, contre l'avis de
l'avocat général Jacobs qui considère que c'est seulement
si le signe est utilisé en tant que marque que la protection peut
être déclenchée106(*). On ne voit pas en quoi, en effet, l'utilisation
d'un signe à titre simplement décoratif pourrait porter atteinte
au caractère distinctif de la marque. Par nature, le préjudice de
dilution ne peut être provoqué que par la multiplication d'autres
signes distinctifs pouvant brouiller les repères des consommateurs.
Là encore, la généralisation de la protection ne laisse
rien présager de bon.
Fort heureusement, cette protection excessivement
compréhensive contre le préjudice de dilution va être
neutralisée par l'ajout de conditions strictes pour la mettre
effectivement en oeuvre. Plus qu'une nécessité pratique pour
réguler la protection, il s'agit d'un retour à une certaine
cohérence : par définition, la dilution n'est pas une
atteinte à l'unicité de la marque, mais à sa
distinctivité. La jurisprudence s'est ainsi tournée vers la
perception du consommateur.
§2. La démonstration d'un lien entre les
marques dans l'esprit du public
La dilution est un préjudice qui va brouiller les
repères dans l'esprit du consommateur. Il n'est donc pas surprenant de
prendre ce dernier comme référence afind'apprécier
l'existence réelle du préjudice. C'est dans un arrêt
Adidas que la Cour de justice a ainsi exigé la
démonstration supplémentaire d'un lien entre les signes dans
l'esprit du public concerné.Reste à savoir quelle est la nature
(A) et la méthode d'appréciation (B) de ce lien.
A/. La nature du lien
Si la Cour reste assez évasive sur ce que constitue ce
lien, on saitqu'il ne se confond pas avec le risque de confusion107(*). Les conclusions de l'avocat
général sont plus généreuses. On peut y lire qu'
« il y aurait risque d'association lorsque le public effectue un
rapprochement entre le signe et la marque, la perception du signe
éveillant le souvenir de la marque, sans toutefois les
confondre»108(*).
Dans son arrêt Intel, la Cour gagne en
précision en affirmant que le lien est constitué dès
lorsque « la marque postérieure évoque la marque
antérieure dans l'esprit du consommateur moyen, normalement
informé et raisonnablement attentif et
avisé »109(*). Le lien requis correspond donc à une
association mentale d'une faible intensité puisqu'il suffit d'une
« pensée pour le signe antérieur, même
très fugitive »110(*). Il sera donc aisé de remplir cette condition
si les signes sont suffisamment similaires.
B/. L'appréciation du lien
Bien que distinct du risque de confusion, le lien
s'apprécie de la même manière : conformément
à la méthode globale d'appréciation, tous les facteurs
pertinents sont pris en compte111(*). Si le lien renvoiede manière évidente
à l'identité ou similarité des signes, il renvoieainsi
également à l'intensité de la renommée et de la
distinctivité de la marque antérieure, mais encore à la
proximité des produits et services désignés. En effet, si
les secteurs d'activité sont spécialisés et radicalement
différents, il est fort probableque les publics visés ne se
chevauchent pas et qu'aucune association mentale ne puisse ainsi être
établie112(*).
Cette appréciation globale a le mérite de faire
office de correctif naturel à la conception très
compréhensive retenue de la renommée. En effet, une marque peut
être qualifiée comme telle alors même qu'elle est
utilisée dans un secteur d'activité très pointu et donc
inconnue du grand public.Dans ce cas, de manière tout à fait
logique, l'association intellectuelle ne sera probablement pas
constituée, même si les signes en conflit sont identiques ou
similaires. Un auteur de la doctrine affirmait d'ailleurs à cet
égard que l' « on ne dilue pas dans un mouchoir de
poche »113(*).
Autrement dit, il est peu probable qu'une marque renommée dans un
secteur très spécialisé subisse un préjudice de
dilution. La protection des marques renommées contre la dilution
retrouve donc une certaine cohérence par l'ajout de ce critère
qu'est le lien.
Une incohérence persiste pourtant selon nous dans le
raisonnement de la Cour. Elle affirme en effet qu' « un lien entre
les marques en conflit est nécessairement établi en cas de risque
de confusion »114(*). Le bon sens veut que l'on approuve cette solution
qui suit la logique du « qui peut le plus peut le moins ».
En effet, comme le relève M. Bouvel, la Cour considère le risque
de confusion et le lien comme deux réactions de même nature, mais
de degrés de suggestion différents. Dans le premier cas, le
consommateur ne fait que songer à la marque renommée, dans le
second, il confond ou associe les signes115(*). Partant de ce raisonnement, il semblerait que le
titulaire qui parvient à établir un risque de confusion parvient
nécessairement à établir le lien que fait le consommateur.
On peut toutefois émettre des doutes sur cette logique
en apparence implacable. En effet, si la réaction du consommateur va
jusqu'au risque de confusion, cela exclut par définition l'existence du
lien, et par extension celle d'un préjudice de dilution116(*). Si le consommateur a
confondu les signes, c'est justement qu'il n'a pas fait le lienentre eux. La
marque ne peut donc être atteinte dans sa distinctivité
puisqu'à ce stade, elle l'a déjà perdue. Il faut rappeler
que le risque de confusion et la dilution sont deux préjudices
différents ; le premierannihile la distinctivité, le second
ne fait que l'éroder. Par définition, le premier exclut le
second.
Pour cette raison, la preuve du risque de confusion pour
caractériser le lien ne semble pas très pertinente. En persistant
dans le mélange des genres amorcé par les jurisprudences
Davidoff et Adidas, la Cour ne fait que complexifier une
protection qui aurait besoin de plus de clarté.
Section 2. La démonstration indispensable d'une
atteinte au caractère distinctif
La démonstration de ce lien, si elle est
nécessaire, n'est toutefois pas suffisante. Il faut s'en réjouir
si l'on retient la définition très souple de la renommée
et l'intensité très faible requise de cette association mentale.
La Cour a ainsi considéré à juste titre que le lien ne
pouvait constituer la preuve du préjudice. Celui-ci n'étant en
réalité qu'un prérequis, il faut démontrer une
véritable atteinte au pouvoir distinctif. Elle réduit ainsi cette
atteinte à la démonstration d'une modification du comportement
économique du consommateur (A) et exclut, par là même,
d'autres critères (B).
§1. L'exigence d'une modification du comportement
économique
du consommateur
La démonstration d'un lien entre les signes dans
l'esprit du public concerné est nécessaire mais elle n'est pas
suffisante. Cette condition n'a en effet pour objet que de déterminer la
similitude des signes, et non de véritablement établir un
préjudice. Il faudra que le titulaire apporte ainsi la preuve que le
lien entre les signes fait par le public visé par sa marque emporte des
conséquences préjudiciables. Ce raisonnement n'est pas
surprenant. On ne pourrait en effet considérer que le seul fait que le
signe postérieur évoque la marque renommée
antérieure dans l'esprit du consommateur entraîne en soi la
dilution de la marque. C'est d'ailleurs également la solution retenue
par le droit américain qui exige que l'association mentale affaiblisse
effectivement sa distinctivité117(*). Beaucoup plus spécifique, la Cour de justice
exige quant à elle « une modification du comportement
économique du consommateur moyen des produits ou services pour lesquels
la marque antérieure est enregistrée »118(*). Cela n'est pas sans
rappeler le critère caractéristique de la pratique commerciale
déloyale en droit de la consommation119(*). La protection contre le préjudice de
dilution, si elle ne relève pas à strictement parler de la
concurrence déloyale, s'en rapproche fortement. On peut toutefois se
demander si ce critère est adapté pour caractériser une
atteinte au pouvoir distinctif de la marque.
Si l'ajout d'un critère doit être salué en
ce qu'elle vient corriger une jurisprudence trop laxiste (A), on peut se
demander si la Cour ne fait pas un excès de zèle en exigeant la
démonstration d'un critère aussi obscure que restrictif (B).
Malgré les inquiétudes, il semble que l'ajout de cette condition
n'affecte pas outre mesure la protection des marques renommées contre le
préjudice de dilution (C).
A/. La correction d'une jurisprudence laxiste
Avant que l'arrêt Intel ne soit rendu, les
juridictions françaises faisaient preuve d'un laxisme exemplaire.
Certains juges ont ainsi considéré que le préjudice
était constitué par le seul constat de l'emploi d'une marque
renommée, solution aberrante qui entraîne une application
automatique et aveugle de la protection contre le préjudice de
dilution120(*). Moins
fantaisistes mais toujours aussi peu rigoureuses sont les décisions qui
faisaient présumer l'existence d'une atteinte au caractère
distinctif de la marque à partir de la seule démonstration de
l'association mentale faite par le consommateur. En effet, dans deux
arrêts rendus respectivement en mars et septembre 2008, la Chambre
commerciale de la Cour de cassation censure la cour d'appel pour avoir
exigé, en plus de la démonstration d'un lien entre les signes, la
preuve d'un préjudice réel121(*). La lecture très souple que fait la Cour de
l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle est
pour le moins douteuse, d'autant que les juges communautaires montraient
déjà la voie pour une application plus stricte de la protection
des marques renommées. Plus exigeants, ces derniers ont en effet
considéré que le lien entre les signesne suffisait pas à
établir l'existence d'un préjudice122(*). Des années plus
tôt, l'OHMIavait également soutenu ce qui relève
aujourd'hui de l'évidence, c'est-à-dire que le seul emploi d'une
marque renommée antérieure ne peut présumer une atteinte
à son pouvoir distinctif123(*).
B/. Un critère insatisfaisant
C'est dans ce contexte que la Cour de justice, dans son
arrêt Intel, vint avaliser mais aussi préciser les
solutions communautaires. Elle affirme ainsi que le préjudice de
dilution ne peut se trouver constitué que si l'usage de la marque
« entraîne une dispersion de l'identité de la marque
antérieure et de son emprise sur le public »124(*). La Cour va plus loin en
exigeant que ces conséquences préjudiciablessoienten quelque
sorte quantifiées et revêtent une réalité
commerciale puisque le titulaire devra démontrer « une
modification du comportement économique du consommateur moyen des
produits ou services pour lesquels la marque antérieure est
enregistrée consécutive à l'usage de la marque
postérieure ou un risque sérieux qu'une telle atteinte se
produise »125(*). Cette nouvelle exigence laisse la doctrine perplexe
et inquiète les titulaires des marques renommées car elle
constitue une minimisation excessive du préjudice de dilution (1) et
semble constituer une preuve diabolique (2).
1) Une minimisation excessive du préjudice de
dilution
L'exigence de démontrer un telcritère implique
que le préjudice de dilution ne se réduit finalement qu'à
la modification du comportement économique du consommateur visé
par la marque renommée. C'est là une vision trop restrictive de
la dilution qui est plus largement conçue, par les textes comme par la
doctrine, comme une atteinte au pouvoir distinctif de la marque. Comme
l'affirme le professeur Caron, il peut y avoir dilution sans
nécessairement qu'il y ait une modification du comportement
économique du consommateur126(*). Il est également intéressant de noter
que la décision de la Cour, sur ce point, est en contradiction avec les
conclusions de l'avocat général Sharpston. Celui-ci
considérait en effet que l'atteinte au caractère distinctif de la
marque « n'implique pas nécessairement un préjudice
économique ». De ce fait, la preuve d'une incidence sur le
comportement économique du public concerné ne devrait pas
constituer une condition mais seulement un indice de la dilution127(*).
2) Une preuve diabolique du préjudice de
dilution
La doctrine s'est surtout interrogée sur la teneur de
la preuve qui doit désormais être apportée128(*). Comment prouver que
l'emploi d'une marque renommée, qui plus est pour des produits ou
services différents, entraîne la modification du comportement
économique du consommateur visé par la marque
antérieure ? C'est là une preuve presque diabolique dans la
mesure où les produits et services appartiennent à des secteurs
d'activité différents. Il est vrai que plus les
spécialités sont éloignées, plus il sera difficile
de prouver que l'emploi de la marque renommée lui porte
préjudice, surtout si les spécialités sont pointues comme
nous l'avons vu.
Mais le fardeau de cette preuve est d'autant plus
écrasant qu'il est bien incertain qu'une telle modification puisse
être constatée au moment de l'usurpation. Au risque de
paraître redondant, la dilution est un phénomène latent qui
ne devient véritablement préjudiciable qu'après une
succession d'usages de la marque. Ce n'est donc qu'au bout d'un certain temps
qu'une éventuelle modification du comportement économique du
consommateur pourra être constatée. Encore faut-il que celle-ci
parvienne à être évaluée et attribuée
à l'usurpation en cause. Il est donc illusoire de pouvoir rapporter une
telle preuve lors du litige.
C/. Une protection toujours compréhensive
envers le titulaire
La situation n'est pas aussi inextricable qu'il n'y
paraît pour les titulaires de marques renommées129(*). Loin d'être dans
l'impasse, le titulaire a toujours la possibilité de ne prouver qu'un
risque de modification du comportement économique du consommateur (1).
On remarque par ailleurs la persistance d'une jurisprudence
compréhensive vis-à-vis du préjudice de dilution (2).
1) La possibilité de ne prouver qu'un risque
de dilution
La Cour exige la preuve d'une modification du comportement
économique du consommateur ou un risque sérieux qu'elle se
produise. Elle affirme ainsi clairement que le titulaire de la marque
antérieure n'est pas tenu de démontrer une atteinte effective et
actuelle à sa marque et peut se contenter « d'établir
l'existence d'éléments permettant de conclure à un risque
sérieux qu'une telle atteinte se produise dans le
futur ».130(*)
Il est intéressant de noter que le droit américain introduit la
même solution, d'ailleurs très controversée, lors de sa
réforme anti-dilution de 2006131(*).La possibilité de ne prouver qu'un risque de
préjudice, même si elle n'est pas envisagée par la
directive, nous sembleparfaitement cohérente.
Cette solution est, d'une part, en accord avec le
régime de protection contre le préjudice de dilution. On sait en
effet que cette protection permet notamment au titulaire d'une marque
renommée communautaire de s'opposer à l'enregistrement du signe
litigieux132(*). On voit
alors mal comment ce dernier pourrait prouver une modification actuelle du
comportement économique du consommateur alors que le signe litigieux n'a
pas encore été utilisé sur le marché et est donc
resté inconnu des consommateurs. Cette solution logique est d'ailleurs
prévue par l'article 8.5° du RMC133(*).
Cette solution est, d'autre part et surtout, en accord avec la
nature même du préjudice. La dilution est en effetun
préjudice qui, la plupart du temps, n'est pas actuel. Comme l'expliquait
M. Jaton, elle « se présente le plus souvent à
l'état de simple menace quand l'affaire vient en justice, car le
phénomène n'évolue que très lentement
jusqu'à son stade final. Il s'agit donc d'évaluer un risque, de
faire un pronostic »134(*). La particularité du phénomène
de dilution nécessitait donc que soit acceptée la
démonstration d'un seul risque de préjudice.
Pourtant, l'assouplissement de cette condition ne
résout le problèmequ'en surface. La Cour de justice exige en
effet la preuve d'un risque sérieux, laissant entendre que les juges
s'attendent à obtenir des éléments empiriques prouvant la
probabilité, et non pas la seule possibilité, d'une modification
du comportement économique du consommateur. Sur le principe, on ne peut
qu'approuver ce refus d'indemniser un dommage purement hypothétique. On
pressent pourtant que cette solution, en pratique, conduit à une
impasse.
En effet,rapporter la preuve d'un risque sérieux reste
une tâche toujours aussi difficile. Car ce qui entraînela dilution
n'est pas le seul emploi en cause lors du litige mais bien la
réitération de ce genre d'emploi. Evaluer un risque de dilution
relève ainsi d'un exercice purement spéculatif. « Sans
doute, dans certains cas, la marque ne s'affaiblira pas, notamment si l'acte
reste isolé. Mais nul ne saurait le prévoir. Au contraire, il y a
tout lieu de considérer que, si une seule reproduction est
tolérée, les hésitants se libèreront bien vite de
leurs scrupules, après quoi la désignation apparaîtra,
identique ou analogue, sur toutes sortes de produits, du rouge à
lèvres à la pelle mécanique »135(*). À en lire cette
analyse de M. Jaton, il semblerait que le risque de préjudice soit par
définition purement théorique.Cette causalité
hypothétiquequ'il existe entre l'usurpation de la marque renommée
et la constatation d'un préjudice est bien ce qui rend la preuve de la
dilution si embarrassante.
Certes, les juges communautaires avaient déjà pu
préciserqu'un risque futur de préjudice pouvait être
établi « notamment sur la base de déductions logiques
résultant d'une analyse des probabilités et en prenant en compte
les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute
autre circonstance de l'espèce »136(*). Celane facilite pas pour
autant l'apport de la preuve en ce sens qu'une analyse des probabilités
reste un exercice spéculatif. En effet, comment évaluer la
probabilité de la multiplication d'un signe ?
La possibilité de ne prouver qu'un risque de
préjudice, si elle a le mérite de la cohérence, reste
ainsiillusoire. C'est sûrement pour cette raison que les juges font
preuve d'une grande indulgence confinant, une fois encore, au laxisme.
2) Une jurisprudence toujours favorable aux
titulaires de marque renommée
Suite à la jurisprudence Intel, le premier
arrêt qui retient un risque de dilution témoigne de cette approche
très compréhensive de la protection. Le conflit opposait le
titulaire de la marque renommée Botox au signe Botumax, tous deux
utilisés dans le secteur pharmaceutique. Le Tribunal de première
instance de l'Union européenne retient alors que « (...)
l'élément verbal « botox » n'a aucune signification
propre, mais constitue un terme fantaisiste auquel le public ne sera
confronté qu'en relation avec les produits visés par la marque
antérieure renommée. Par conséquent, l'utilisation de cet
élément verbal ou d'un élément verbal similaire par
une autre marque enregistrée pour des produits susceptibles de concerner
le grand public conduira incontestablement à la dilution du
caractère distinctif de la marque antérieure
renommée »137(*). Cette argumentation des juges communautaires est
trop lapidaire pour emporter l'adhésion. Pour retenir un
préjudice de dilution, seules la distinctivité de la marque
renommée et la similarité des signes sont examinées.
Ainsi, non seulement le tribunal élude totalement le critère de
la modification du comportement économique du consommateur, mais il
n'explique à aucun moment en quoi l'emploi du signe Botumax porte
atteinte au pouvoir distinctif de Botox.
Plus récemment, le Tribunal de première instance
de l'Union européenne a confirmé cette approche laxiste. Il
considère ainsi que la non démonstration des effets
économiques du rapprochement entre les marques en conflit
n'empêche pas la caractérisation d'un préjudice de
dilution138(*). Faisant
ainsi clairement résistance aux exigences posées par la Cour de
justice dans l'arrêt Intel, le Tribunal préfère se
référer à son arrêt Citibankdans lequel il
requiert la démonstration d'un risque futur de
préjudice« sur la base de déductions
logiques résultant d'une analyse des
probabilités (...) ». Ce critère bien trouble,
très pratique pour contourner les difficultés de preuve en
matière de dilution, témoigne clairement d'une exigence à
la baisse des juges communautaires de première instance.
En revanche, les juges français semblent avoir compris
la leçon et appliquent rigoureusement les critères
dégagés par la Cour de justice, notamment celui de la
modification dans le comportement économique du consommateur.
La Chambre commerciale a ainsi pu statuer surl'usage litigieux de la marque
renommée Agatha, représentant un petit chien désignant des
bijoux et accessoires de mode,pour désigner des colliers et laisses pour
chien. Elle affirme ainsi que « la preuve que l'usage d'un signe
similaire à une marque antérieure de renommée porte ou
risque de porter préjudice au caractère distinctif de cette
marque suppose qu'il soit démontré que le comportement
économique du consommateur moyen des produits pour lesquels la marque
est enregistrée a été modifié
consécutivement à l'usage de ce signe ». Elle
décide alors que la ressemblance entre les signes et le lien
établi entre eux par le consommateur moyen des articles vendus par le
titulaire de la marque antérieurene constituent pas une preuve
suffisante de dilution ou d'un risque de dilution du caractère
distinctif de sa marque139(*).
§2. L'indifférence d'autres
critères
Alors que la Cour requiert la démonstration d'une
modification du comportement économique du consommateur ou un risque
sérieux qu'elle se produise, elle écarte explicitement d'autres
critères. Seront ainsi écartés pour caractériser
l'atteinte au pouvoir distinctif l'avantage économique tiré par
l'usurpateur (A) ainsi que l'unicité de la marque antérieure
(B).
A/. L'indifférence de l'avantage
économique tiré par l'usurpateur
La Cour de justice est claire sur ce point : si la preuve
d'une atteinte au pouvoir distinctif de la marque renommée
antérieure suppose la démonstration d'une modification du
comportement économique du consommateur, « il est en revanche
indifférent (...) que le titulaire de la marque postérieure tire
ou non un réel avantage commercial du caractère distinctif de la
marque antérieure »140(*).Cette solution est en accord avec les textes
communautaires selon lesquels la preuve d'une faute et d'un préjudice
est alternative et non cumulative.Par ailleurs, il est vrai qu'on ne voit pas
en quoi il serait pertinent de prendre en compte la situation de l'usurpateur
pour constater un préjudice de dilution.
La doctrine a toutefois pu avoir une interprétation
quelque peu alarmiste de l'arrêt Intel en pensant le contraire.
Le professeur Caron comprend en effet le critère de la modification du
comportement économique du consommateur comme un détournement des
produits ou services désignés par la marque antérieure au
profit de ceux désignés par le signe postérieur. Une telle
preuve serait en effet très difficile, voire impossible à
rapporter. Comment démontrer le déplacement d'une même
clientèle pour des produits ou services
différents ?141(*) Pourtant, le professeur fait dire à la Cour
de justicejustement ce qu'elle réfute. Certes, ce critère
implique que le consommateur se soit détourné des produits ou
services de la marque renommée ; il faudra ainsi démontrer
une baisse des ventes, mais sans pour autant indiquer vers qui le consommateur
se sera reporté. D'ailleurs, si baisse de ventes il y a, elle se fera
nécessairement au profit de marques concurrentes et non pas au profit du
signe usurpé qui est utilisé dans un secteur d'activité
différent de la marque renommée. Autrement dit, la Cour de
justice exige la preuve du préjudice du titulaire mais pas celle d'un
quelconquebénéfice tiré par l'usurpateur.
Bien entendu, si la preuve cumulative d'une faute est exclue,
sa preuve alternative est toujours possible. Car la dilution et le parasitisme
constituent en quelque sorte les deux faces d'une même pièce. Si
le titulaire échoue à démontrer un préjudice de
dilution, il pourra toujours se tourner vers la faute en démontrant un
profit indûment tiré du caractère distinctif de sa marque
par le tiers usurpateur.
B/. L'indifférence de l'unicité de la
marque
Le préjudice de dilution ne devrait-il pas être
écarté dès lors que la marque renommée coexiste
déjà avec d'autres signes identiques ? L'image de M. Beier
qui affirme que seul un champagne pur peut être dilué est tout
à fait parlante. Cet auteur allemand se demandera toutefois si ce
champagne n'est pas susceptible d'être dilué plus encore, alors
même que de nombreuses gouttes y sont déjà
tombées142(*).
C'est de toute évidence la solution retenue par la Cour qui
considère que le fait que la marque soit unique au moment de l'emploi
litigieux est tout à fait indifférent pour apprécier
l'existence d'une atteinte à son pouvoir distinctif.
On ne peut qu'approuver le raisonnement des juges
communautaires. Retenir la solution contraire s'avèrerait en effet
problématique à plusieurs égards. D'abord, d'un point de
vue pratique, cela impliquerait que le titulaire ne puisse agir que contre le
premier usage de sa marque par un tiers. S'il ne réagit pas dès
cette première usurpation, la voie d'une protection contre le
préjudice de dilution lui sera fermée. Or M. Brandt relève
qu'il est impossible pour un titulaire de connaître l'existence de toutes
les usurpations de sa marque143(*).
La deuxième raison tient à la nature même
de la dilution. Celle-ci, comme nous le savons bien à présent,
est un mal pernicieux qui oeuvre dans le temps. C'est donc une succession
d'usages de la marque qui conduira au préjudice de dilution. La marque
renommée peut donc avoir perdu son unicité mais toujours
être exposée à la dilution de son caractère
distinctif.
Enfin, poussant le raisonnement jusqu'au bout, la prise en
compte de l'unicité aurait pu empêcher le titulaire de diversifier
sa ligne de produits sous sa marque renommée. En effet, la dilution
consiste en la distension du lien entre la marque et les produits ou services
qu'elle désigne. Que cela provienne du titulaire ou d'un tiers ne change
rien à cette réalité : la marque n'est plus
associée à un seul type de produits ou services. On voit donc
bien là les limites de ce critère d'unicité en
matière de dilution.
En définitive, on ne peut que saluer les efforts des
juges pour affiner les contours de la dilution et tenter d'en avoir une
interprétation restrictive. Cette approche était pour le moins
nécessaire quand on pense à la conception particulièrement
large de la renommée et à l'extension de la protection
spéciale des marques renommées au cadre concurrentiel.
Notons qu'il eut toutefois été beaucoup plus
cohérent de restreindre le champ d'application plutôt que la
notion du préjudice lui-même, d'autant que l'on voit que les
nouvelles exigences posées par la Cour sont déconnectées
de la réalité. Plus précisément, il eut fallu
retenir une conception restrictive de la renommée afin de donner plus de
souplesse à l'appréciation du préjudice de dilution. Si
les conditions de l'emploi de la marque renommée et du lien entre les
signes établi par le public sont justifiées, celle de la
modification du comportement économique du consommateur nous semble en
effet inadaptée pour caractériser un préjudice de
dilution.
Nous observons ainsi qu'à la crise de
légitimité que traverse la protection contre la dilution s'ajoute
une crise de sa cohérence. L'inadaptation du régime actuel de la
protection contre la dilution résulte en partie de
l'incompréhension de ce préjudice. Peut-être faut-il alors
affiner voire redéfinir le contenu de la dilution afin de la
réhabiliter au sein du droit des marques.
Chapitre 2. L'affinement du contenu de la
dilution :
la réhabilitation du préjudice
Notion nébuleuse, préjudice pernicieux, la
dilution est un phénomène bien insaisissable. Un membre de la
doctrine américaine a pu faire remarquer que les failles du
système de protection anti-dilution proviennent sûrement, en
grande partie, d'un problème de compréhension du
préjudice144(*).
Peut-être convient-il ainsi d'achever cette étude en tâchant
de déterminer lateneurjuridique de la dilution et, partant, sa place au
sein du droit des marques. Car en réalité, la dilutionne semble
pas êtreencore bien établie etdonne l'impression de nager entre
deux eaux ; entre cadre concurrentiel et cadre non concurrentiel, entre
distinctivité au sens d'identification et distinctivité au sens
d'attraction. C'est pourquoi nous aimons envisager une possible
réhabilitation du préjudice de dilution. En droit des marques,
des repères utiles, indispensables même, vont pouvoir nous aider
à résoudre cette question. Il s'agit des fonctions de la marque.
Le droit de marque constituant un droit exclusif, et donc une
limite à la liberté d'autrui, il n'est justifié que
lorsque lui est reconnue une fonction sociale ou économique. En effet,
la propriété individuelle « ne se justifie et ne vaut
que dans la mesure où elle cadre avec les intérêts de la
communauté nationale et spécialement avec ses
intérêts économiques (...) tout droit a une fonction dont
son titulaire ne peut s'évader qu'en commettant un délit qui a un
nom : l'abus de droit »145(*).Embrassant ce raisonnement, le juge communautaire
estime ainsi que le bien-fondé d'une action en contrefaçon est
subordonné à l'existence d'une atteinte à l'une des
fonctions de la marque146(*).Ces fonctions permettent ainsi de fixer les limites
du droit de marque et, par la même occasion, d'en déterminer la
substance.
L'observation de la dilution à travers le prisme de ces
fonctionsnous semble être d'une grande utilité.En
déterminant à quelle fonction de la marque la dilution porte
atteinte, on pourra situerce préjudice dans notre paysage juridique et
lui permettre ainsi de regagner en cohérence.Nous découvrirons
ainsi que la dilution ne constitue pas une atteinteà l'une des fonctions
traditionnelles de la marque (Section 1) mais à une nouvelle fonction de
la marque (Section 2).
Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions
traditionnelles de la marque
La marque permet à son titulaire d'identifier des
produits ou services pour se distinguer de ses concurrents, s'attacher et
fidéliser une clientèle. Il s'agit là de la fonction
d'identification de la marque. Mais elle lui permet également, en tant
que droit de propriété, de bénéficier d'un monopole
d'exploitation et d'exclure les tiers. C'est la fonction d'exclusivité
de la marque.
Nous pourrions être tentés de considérer
le préjudice de dilution comme une atteinte à ces deux fonctions
traditionnelles de la marque. Pourtant, ce rattachement ne résiste pas
à l'analyse. Celles-ci sont en effet imprégnées de
spécialité et ne peuvent jouer que dans ce cadre. La dilution
étant un préjudice qui oeuvre en dehors de tout rapport de
concurrence, elle ne peut ainsi constituer une atteinteni à la fonction
d'exclusivité (§1) ni à celle d'identification d'origine
(§2).
§1. L'exclusion d'une atteinte à la
fonction d'exclusivité
Dans un arrêt Centrafarm de 1974, la Cour de
justice définit l'objet spécifique du droit de marque comme
étant « d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la
marque (...) et de se protéger ainsi contre les concurrents qui
voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en
vendant des produits indûment pourvus de cette
marque »147(*). La doctrine reconnut cet objet spécifique
comme la fonction d'exclusivité de la marque148(*).
Conçue comme un moyen depréserver
l'unicité de la marque149(*), la théorie de la dilution telle
qu'imaginée par Schechter consistait bien en une atteinte à cette
fonction. Celui-ci considérait en effetque le seul emploi d'une marque
antérieure hautement distinctive entrainait sa banalisation et
méritait, de ce fait, d'être sanctionné. Ce raisonnement
avait l'avantage de la simplicité car « l'unicité est
un concept absolu : soit une marque est unique, soit elle ne l'est
pas »150(*).
La dilution se trouvait ainsi caractérisée dès lors
qu'était constatée l'existence d'un autre signe identique ou
similaire.
Il est toutefois impensable d'admettre aujourd'hui une telle
conception de la dilution.En effet, le titulaire n'est pas investi d'un droit
sur le signe en lui-même car l'exclusivité dont il
bénéficie ne joue que dansle secteur d'activité pour
lequel la marque est utilisée. Or la protection contre la dilution, on
le sait, s'étend au-delà des limites de la
spécialité. Il n'est donc pas concevable que la fonction
d'exclusivité soit en jeu en matière de dilution. M. Bouvel a
déjà pu l'affirmer très clairement : « La
perte d'unicité toutes spécialités confondues ne peut
être un préjudice recevable pour actionner la protection
spécifique des marques renommées. En effet, l'exclusivité
de la marque n'est reconnue que dans le principe de
spécialité ; le titulaire d'une marque renommée ne
peut prétendre, du seul fait de la célébrité de son
signe, à une exclusivité inconditionnelle dans tous les secteurs
d'activité ». Il ajoute que« la dilution ainsi
conçue reviendrait en effet à bénéficier de la
protection de manière automatique: il suffirait de démontrer que
le signe n'est plus unique et que le consommateur fait un lien. La protection
des marques renommées, normalement exceptionnelle, deviendrait alors
banale »151(*).
§2. L'exclusion d'une atteinte à la
fonction d'identification
La fonction d'identification d'origine, consacrée
« fonction de garantie d'identité d'origine » dans
un arrêt Terrapin de 1976152(*), consiste à « garantir au
consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du
produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de
distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une
autre provenance »153(*). Une atteinte à cette fonction est donc
constituée dès lors qu'est rapportée la preuve d'un risque
de confusion. Or on sait que la dilution est bien distincte de ce risque. Aux
prémices de la théorie de la dilution, il n'était pas
question que celle-ci consiste en une atteinte à la fonction
d'identification d'origine puisqu'elle s'est justement construite contre cette
idée (A). On a pourtant vu la dilution s'en rapprocher fortement (B),
alors même que cela relève du pur artifice (C).
A/. Le détachement originel de la fonction
d'identification
Le droit des marques traditionnel ne sanctionne un usage de
marque antérieure sans autorisation que s'il entraîne un risque de
confusion. La théorie de la dilution vient bouleverser cette approche
étriquée eninstaurant une protection du pouvoir distinctif
en dehors de tout risque de confusion.Considéré par beaucoup
comme une anomalie du droit des marques, ce détachement de la fonction
dite essentielle de la marque était pourtant nécessaire afin de
pallier les carences de notre droit des marques. Pour Schechter, la protection
fondée sur le risque de confusion est archaïque et inadaptée
à la réalité du marché. Mais elle est
également source d'insécurité juridique puisque la
confusion, subjective par nature, sera appréciée
différemment selon les juges154(*). Il impose ainsi la théorie de la dilution
comme une alternative à celle de la confusion.
Schechter va en réalité plus loin encore :
plus que revendiquer l'autonomie de la dilution, il envisage celle-ci comme une
théorie générale supérieure à celle reposant
sur le risque de confusion. Il affirme en effet que la véritable
fonction de la marque n'est pas l'identification de l'origine mais la
création et la fidélisation d'une clientèle. A ses yeux,
la protection du « pouvoir de vendre » estainsi bien plus
primordiale que la protection contre la confusion des consommateurs155(*). La dilution, entendue comme
perte d'unicité, devrait constituer « le seul fondement
rationnel » à la protection des marques hautement
distinctives156(*).
À l'origine, la théorie de la dilution a ainsi
été envisagée comme une protection quasiment concurrente
à celle du risque de confusion. C'est d'ailleurs de cette rupture
qu'elle tire sa singularité, sa force, mais plus encore sa raison
d'être. Pourtant, un rapprochement, contre naturecertes, a pu s'effectuer
entre la dilution et la fonction d'identification d'origine.
B/. Le rattachement opportuniste à la fonction
d'identification
Le rattachement à la fonction d'identification
d'origine, au premier abord, ne surprend pas. La dilution est en effet
envisagée comme une atteinte au caractère distinctif de la
marque. Dès lors qu'il est question de distinctivité, la fonction
d'identification de la marque entre alors en jeu.Ce rattachement est par
ailleurs opportun à deux égards. Il l'est, d'une part, pour
donner à la protection contre la dilution, en réintroduisant un
certain souci du consommateur, un regain de légitimité ; il
l'est, d'autre part, pour donner une assise juridique à cette
protection. En effet, avant la reconnaissance de nouvelles fonctions de la
marque, la protection contre la dilution ne pouvait être rattachée
qu'à la fonction d'exclusivité ou à celle de garantie
d'identité d'origine.
Ce rattachement peut prendre plusieurs visages. Il peut
s'opérer par une dénaturation du concept, en assimilant tout
bonnement dilution et risque de confusion (1) mais aussi,méthode plus
douce, par l'adaptation du concept menée de concert par la doctrine et
la jurisprudence (2).
1) La dénaturation du concept de dilution :
l'exigence cumulative d'un risque de confusion
Ce premier type de rattachement à la fonction
d'identification d'origine est particulièrement évident aux
Etats-Unis. Même s'il ne touche que très peu notre droit positif,
cette solution peut être intéressante à évoquer pour
comprendre à quel point la protection contre la dilution éveille
la méfiance.
Outre-Atlantique, l'attachement à la fonction
d'identification d'origine et la perplexité face à la
dilution157(*) sont tels
que les juges n'accordent une protection contre ce préjudice que lorsque
la preuve d'un risque de confusion est également rapportée.
Ainsi, la jurisprudence américaine refuse avec ténacité
que la dilution puisse constituer le fondement autonome d'une action du
titulaire. Alors même que les textes affirment explicitement le
contraire158(*), un
risque de confusion reste exigé.
Ainsi, il est surprenant d'observer que les deux
décisions américaines Tiffany et Rolls
Royce159(*),
considérées comme les plus emblématiques en la
matière, retiennent chacune un risque de confusion pour
caractériser une dilution. Le coup de grâce est donné dans
une décision ultérieure qui affirme que « le demandeur
ne peut bénéficier de la protection anti-dilution car il n'a pas
rapporté la preuve d'un risque de confusion »160(*). De toutes les affaires
rendues en la matière, seule une retient la dilution sans risque de
confusion161(*).
Ces solutions témoignent de l'échec de la
législation américaine anti-dilution. Carla protection contre la
dilution ne présenteaucun intérêt si elle n'est
accordée qu'en présence d'un risque de confusion.
2) L'adaptation du concept de dilution : la prise en
compte de la perception du consommateur
Envisagée comme perte d'unicité de la marque, la
dilution était à l'origine une théorie complètement
détachée du consommateur. D'une part, elle avait pour seul souci
la protection des intérêts du titulaire. D'autre part, il
n'était aucunement besoin de se référer à la
perception du consommateur pour la caractériser puisqu'il suffisait
de constater l'existence d'un signe postérieur identique ou
similaire.
Aujourd'hui, cette théorie renoue avec le consommateur
comme référence et semble glisser vers une protection de la
fonction d'identification. On introduit ainsi dans la conception de la dilution
ce contre quoi elle s'est construite.
Il était pourtant nécessaire d'adapter la
théorie de la dilution. Certains auteurs ont ainsi montré qu'elle
n'était pas tenable d'un point de vue économique. En effet,
l'idée de dilution telle que conçue par Schechter dans les
années 20 n'est pas transposable de nos jours parce que le contexte
économique a profondément changé162(*). Par ailleurs et surtout,
l'approche de Schechter consistait en une protection de la fonction
d'exclusivité hors du cadre de la spécialité. Comme nous
l'avons vu, ce raisonnement n'estdonc pas non plus tenable juridiquement.
Enfin, la théorie de la dilution se soucie exclusivement de la
protection des intérêts du titulaire et, pour cette raison, ne
parvient pas à emporter une complète adhésion. La notion
de dilution fut donc contrainte d'évoluer pour gagner en
légitimité.
On a ainsi pu voir, au sein de la doctrine, l'émergence
d'une nouvelle justification : celle de l'optimisation du consumer
search costs163(*).
On tente ainsi de justifier la protection contre la dilution non plus parce
qu'elle préserve l'unicité de la marque mais parce qu'elle
évite une augmentation des efforts du consommateur pour identifier les
produits ou services qu'il recherche. La dilution ayant pour effet de distendre
le lien marque-produit, l'association mentale du consommateur se fait en effet
moins rapidement. La dilution n'est donc plus envisagée comme une perte
d'unicité mais comme une perte de distinctivité au sens d'une
atteinte à la fonction d'identification de la marque.Cela implique pour
les juges non plus seulement de constater la seule identité ou
similarité du signe avec la marque antérieure mais
également d'envisager une protection à travers le prisme du
comportement du consommateur164(*).
Ce raisonnement est amorcé par l'arrêtAdidas
lorsque la Cour de justice exigera la démonstration d'un lien entre
les signes dans l'esprit du public. Il est d'ailleurs intéressant de
rappeler que la méthode d'appréciation de ce lien est la
même que celle du risque de confusion165(*). Le recours à cette même méthode
globale peut d'ailleurs faire craindre que les juges évaluent ces deux
réactions distinctes avec la même exigence166(*).
Ce rapprochement de la fonction d'identification est
consolidé dans l'arrêtIntel. La Cour de justice affirme
en effet que la dilution se trouve constituée« dès lors
que se trouve affaiblie l'aptitude de la marque à identifier les
produits ou services pour lesquels elle est enregistrée ou
utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l'usage de la
marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité
de la marque antérieure et de son emprise sur le public. Tel est
notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une
association immédiate avec les produits ou services pour lesquels elle
est enregistrée, n'est plus en mesure de la faire »167(*). Comme le remarque justement
M. Bouvel, « la Cour donne une définition stricte de la
dilution : elle ne fait pas allusion à la perte
d'exclusivité mais à l'atteinte à la fonction
d'identification de la marque »168(*). On remarque ainsi que la réaction du public
est devenue un élément primordial dans la caractérisation
du préjudice de dilution.
C/. Le rattachement artificiel à la fonction
d'identification
Ce rapprochement contre nature de la protection contre la
dilution à la fonction d'identification de la marque relève
toutefois de l'artifice.La protection contre la dilution trouve à
s'appliquer en dehors des limites de la spécialité. Or
l'idée d'une protection de la fonction d'identificationau-delà de
ces limites n'a tout simplement pas de sens. Cette fonction, en effet, consiste
en l'identification des produits ou services afin d'éviter tout risque
de confusion du consommateur. Cette distinctivité s'exerce ainsi
nécessairementet exclusivement dans un rapport de concurrence. Ce serait
un non sens d'imaginerque la marque puisse avoir une fonction d'identification
alors qu'aucun risque de confusion n'est encouru. La dilution, qui opère
en dehors du cadre concurrentiel, ne peut donc consister en une atteinte
à la fonction d'identification.
On ne peut pourtant pas entièrement reprocher à
la Cour de justice d'avoir glissé vers une telle acception de la
dilution. En effet, avant qu'elle ne reconnaisse à la marque de
nouvelles fonctions, la Cour de justice n'avait à sa disposition que
deux fonctions : la fonction d'exclusivité et la fonction de
garantie d'identité d'origine. Si une action contre la dilution d'une
marque voulait être bien fondée, il fallait nécessairement
que soit invoquée une atteinte à l'une de ces fonctions. La
dilution comme atteinte à la fonction d'exclusivité
n'étant pas envisageable, elle ne pouvait être envisagée
que comme une atteinte à la fonction d'identification.
De nouvelles fonctions ont toutefois été
découvertes. La protection contre le préjudice de dilution peut
donc espérer disposer d'une assise juridique plus adaptée. Encore
très récemment pourtant, le Tribunal de première instance
de l'Union européenne a envisagé le préjudice de dilution
comme une atteinte à la fonction d'origine de la marque169(*).
Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la
marque
La Cour de justice n'a jamais établi une liste
limitative de fonctions. Au contraire, elle admettait déjà
implicitement dans son arrêt Arsenal que d'autres fonctions
étaient envisageables170(*). Certaines de ces autres fonctions, apparemment
propres aux marques renommées, ont finalement pu être
identifiées par le juge communautaire. Cette identification de nouvelles
fonctions s'est amorcée par la reconnaissance implicite d'une fonction
économique et s'est poursuivie par la consécration explicite de
fonctions spécifiques, notamment celles de publicité et
d'investissement.
Devant cette solution récente, la doctrine reste bien
perplexe et s'interroge sur la réelle teneur et la portée de ces
nouvelles fonctions171(*). Conscients des critiques qui ont pu être
formulées, le principe d'une reconnaissance de nouvelles fonctions nous
semble pourtant revitaliser la protection spéciale des marques
renommées. Surtout, c'est à la lumière de ces fonctions
que la dilution va pouvoirtrouver une existence juridique. Avant leur
découverte en effet, la protection contre la dilution était en
quelque sorte hors la loi puisque son rattachement à la fonction
d'exclusivité ou à la fonction essentielle-comme nous
l'avons vu -n'était en réalité pas valable.
La dilution ne peut ainsi se concevoir juridiquement que comme
une atteinte à une fonction économique de la marque (§1).
L'existence latente d'une autre fonction, quoique non explicitement reconnue
par la Cour de justice, pourrait toutefois également nous
éclairer. Après avoir examiné la dilution à la
lumière de fonctions patrimoniales, nous nous pencherons, sans craindre
la contradiction, sur ses rapports avec une possible fonction extrapatrimoniale
de la marque (§2).
§1. L'atteinte à une fonction
économique de la marque
La jurisprudence va reconnaître, sous l'impulsion de la
doctrine, que la protection des marques renommées n'est pas
justifiée par les fonctions traditionnelles de la marque mais par son
pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou service
désigné172(*). Loin de procéder d'un « bricolage
juridique », la reconnaissance- certes implicite-
d'une fonction propre à la marque renommée allait de soi (A). La
récente découverte d'une fonction d'investissement a,par la
suite, permis à la protection contre la dilution de trouver une assise
juridique (B).
A/. L'atteinte à unefonction propre à la
marque renommée
Dans son arrêt Arsenal, la Cour de justice
sous-entend que la fonction essentielle n'est pas la seule fonction de la
marque. Les conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer
sont plus beaucoup plus explicites et semblent encourager la reconnaissance
d'une nouvelle fonction. Celui-ci affirme en effet qu'il lui paraît
« simpliste et réducteur de limiter la fonction de la marque
à une simple indication d'origine (...). L'expérience
démontre que les consommateurs ignorent généralement
l'identité du fabricant des biens qu'ils consomment. La marque acquiert
une vie propre (...) elle exprime une qualité, une réputation et
même, dans certains cas, une conception de vie »173(*).
Cette nouvelle approche de la marque, détachée
de sa dimension purement référentielle, s'est
développée dans le cadre de la protection de la marque
renommée. Les juges communautaires ont reconnu, par à coups, que
celle-ci avait une fonction qui lui était propre ; la fonction
d'identifier l'origine des produits ou services n'est plus la seule digne de
protection contre les atteintes de tiers. Le Tribunal de première
instance de l'Union européenne a ainsi pu reconnaître que le
régime spécifique des marques renommées n'avait pas pour
objet de protéger la fonction classique d'identification d'origine dans
la mesure où « la marque possède une valeur
économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à
celle des produits ou services pour lesquels elle est
enregistrée ». Elle prend également acte que la
renommée « est le résultat d'efforts et d'investissements
considérables de son titulaire »174(*).
Les premières pierres de l'édifice des fonctions
économiques de la marque sont ainsi posées.
B/. L'atteinte à la fonction d'investissement
de la marque
Si la dilution se reflète déjà dans cette
fonction propre de la marque renommée, ce n'est qu'avec la
consécration de nouvelles fonctions spécifiques de la marque (1)
que celle-ci va accéder à une véritable existence
juridique au sein du droit des marques (2).
1) La reconnaissance dela fonction
d'investissement
Dans la très controversée décision
L'Oréal-Bellure, la Cour de justice fera preuve de beaucoup
d'audace en reconnaissant à la marque quatre nouvelles fonctions. Elle
affirme ainsi que parmi ces fonctions « figurent non seulement la
fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la
provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions
de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la
qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication,
d'investissement ou de publicité »175(*). Ces nouvelles fonctions, si
l'on note qu'elles renvoient à l'aspect commercial de la marque, restent
bien « mystérieuses »176(*). La Cour de justice a
toutefois pu apporter des précisions sur certaines d'entre elles. Deux
retiendront particulièrement notre attention: celle d'investissement et
celle de publicité.
La Cour est venue préciser le sens de la fonction de
publicité dans les affaires jointes Google Adwords en affirmant
que « le titulaire d'une marque peut avoir non seulement l'objectif
d'indiquer, par ladite marque, l'origine de ses produits ou de ses services,
mais également celui d'employer sa marque à des fins
publicitaires visant à informer et à persuader le
consommateur »177(*). L'acte du tiers qui aura ainsi pour
« pour effet de priver le titulaire de la possibilité
d'utiliser efficacement sa marque pour informer et persuader les
consommateurs » pourra ainsi être sanctionné178(*). Le fait d'attirer
l'attention du public est donc une fonction de la marque digne de
protection.
Précisons que cette fonction de réclame,
reconnue seulement aujourd'hui par les juges, a derrière elle un long
passé doctrinal. Dès le début du siècle dernier,
l'auteur allemand H. Isay, quifut le premier à se demander s'il ne
fallait pas protéger cette fonction179(*), donna ainsi naissance à un mouvement qui
revendiqua la protection de l'incidence psychologique de la marque sur
l'acheteur.
La Cour de justice poursuit l'affinement des fonctions dans un
arrêt Interflora en précisant que la fonction
d'investissement implique que la marque permette « d'acquérir
ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser
des consommateurs »180(*). On comprend également que cette fonction
englobe la fonction publicitaire puisque le juge communautaire poursuit en
affirmant que « l'emploi de la marque pour acquérir ou
conserver une réputation s'effectue non seulement au moyen de la
publicité, mais également au moyen de diverses techniques
commerciales »181(*).
2) Le rattachement à la fonction
d'investissement
Certes, les éclaircissements que donne la Cour de
justice ne permettent pas de tout à fait cerner le contenu de ces
fonctions. Les zones d'ombre et les maladresses qui demeurent ne peuvent
toutefois nous empêcher de noterque ces fonctions nouvellement reconnues
font directement écho à la théorie de la dilution. Tout au
long de notre démonstration, nous avons en effet souligné que la
dilution consistait en une diminution de la force attractive de la marque. Dans
ses conclusions de l'arrêt Adidas, l'avocat
général Jacobs ne dit d'ailleurs pas autre chose. Il fait ainsi
référence à la notion de dilution telle que retenue par
Schechter et reprend ses termes, la décrivant comme « le
grignotage progressif [de certaines marques] ou la dispersion de leur
identité et de leur emprise sur l'esprit du public »182(*).La dilution, entendue comme
une perte du pouvoir d'évocation de la marque, minimise ainsi
nécessairement la persuasion et la fidélisation accomplie par la
marque.Ce sont donc bien les fonctions de publicité, et plus largement
d'investissement qui sont ici touchées.
La doctrine a pu penser que la Cour de justice
n'assignaità ces nouvelles fonctions qu'un rôle
résiduel183(*),
excluant ainsi leur mobilisation dans le cadre de la protection spéciale
de la marque renommée.Il n'en est rien. Il est vrai qu'elle affirme que
« dans l'hypothèse, visée aux articles 5,
paragraphe 1, a) de la directive (...) et 9, paragraphe 1,
a) du règlement (...), où l'usage par un tiers d'un
signe identique à la marque est fait pour des produits ou des services
identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, le
titulaire de la marque est habilité à interdire cet usage si
celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de la
marque, qu'il s'agisse de la fonction d'indication d'origine ou de l'une des
autres fonctions »184(*). En l'espèce, les nouvelles fonctions
étaient ainsi mobilisées dans l'hypothèse d'une double
identité. Mais il ne faudrait pas comprendre qu'elles puissent
l'être uniquement dans ce cas-là.En effet, on ne voit pas pourquoi
la marque ne pourrait être atteinte dans ses fonctions d'investissement
et de publicitéque dans le cadre de la spécialité.
Malgré les vives critiques de la doctrine, nous
persistons à penser qu'au regard du sujet qui nous concerne, l'apport de
ces nouvelles fonctions est bénéfique. Il est vrai que dans
l'affaire L'Oréal-Bellure, la reconnaissance de nouvelles
fonctions était inutile puisque la fonction d'exclusivité
était à disposition. Par ailleurs, appliquée aux articles
5.1° a) de la directive et 9.1° a) du RMC, elle réduit
considérablement la portée du droit de marque du titulaire. Ce
droit exclusif se trouve en effet bien amoindri si, dans l'hypothèse
d'une double identité, entre signes, d'une part, et entre produits ou
services, d'autre part, il faut démontrer une atteinte à ces
fonctions, et non pas seulement à la fonction d'exclusivité.
C'est pourtant l'application de ces fonctions telle que
retenue par la Cour plus le principe même de leur reconnaissance qui nous
paraît contestable. Car appliquées aux marques renommées
dans le cadre de leur protection spéciale, les fonctions
d'investissement et de publicité sont opportunes. Elles en solidifient
les fondements et leur donnent une légitimité juridique. La
dilution constituant une atteinte à la fonction d'investissement, le
bien fondé d'une action voulant faire sanctionner une atteinte au
caractère distinctif de la marque renommée est ainsi
désormais incontestable. Ce rattachement redonne ainsi de la
matière au système de protection de la marquerenommée et
trace une frontière bien marquée entre la dilution et le risque
de confusion.
Nous avons jusque là envisager la dilution comme un
préjudice purement économique. Pourtant, l'atteinte à une
fonction extrapatrimoniale de la marque n'est pas à écarter.
§2. La possible atteinte à une fonction
extrapatrimoniale de la marque
Dans sa thèse sur les fonctions de la marque185(*), M. Basire tente de
démontrer que ce signe distinctifexerce en réalité, et ce
contre toute attente, une fonction extrapatrimoniale. Sachant que la doctrine
considère la marquecomme pleinement patrimoniale186(*), cette démarche
ambitieuse peut, au premier abord, laisser perplexe.Lui-même le
reconnaît lorsqu'il affirme que « la marque est un bien
objet de propriété, marqué en cela par un fort aspect
patrimonial » et qu'il est dès lors « difficile
d'envisager la marque comme le siège d'un droit
extrapatrimonial »187(*).
M. Basire parviendra toutefois à ébranler la
vision classique de notre droit des marques en y relevant l'existence
troublante d'éléments d'extrapatrimonialité trop nombreux
pour être ignorés. Sans aller jusqu'à reconnaître le
droit de marque comme un droit de la personnalité188(*), il constate en effet que
« la marque semble de plus en plus imprégnée par des
concepts étrangers au droit des marques tels que la réputation,
l'image ou bien l'identité »189(*).Ainsi, la trace psychologique laissée par la
marque dans l'esprit du consommateur ne reflèterait plus seulement les
qualités intrinsèques du produit ou service
désignés, elle laisserait également l'empreinte des
caractères identitaires de son titulaire. M. De Haas parlait à
cet égard d'une fonction de symbolisation de l'image ou de la
qualité190(*).
M. Basire envisage alors le préjudice de dilution comme
l'une des manifestations des atteintes à cette fonction
extrapatrimoniale de la marque.Partant d'une conception managériale de
la dilution191(*), M.
Basire en propose ainsi une approche élargie :celle-ci ne devrait
en effet pas être envisagée comme une perte de
distinctivité au sens d'atteinte à la fonction d'identification
mais comme un affaiblissement de l'identité de la marque. C'est
ainsi la personnalité du titulaire de la marque qui se trouverait
diluée192(*).
On doute toutefois que la dilution, si elle consiste bien en
une perte d'attractivité, touche à l'image même du produit.
En effet, celle-ci consiste exclusivement en l'atteinte portée au
caractère distinctif de la marque, au sens où le consommateur ne
fait plus d'association immédiate entre la marque et le produit. Il
n'est là aucunement question de symbolisation, d'identité ou
d'image du produit ou du service.
Seule une conception à l'américaine de la
dilution pourrait en réalité admettre un tel raisonnement. En
effet, le droit américain retient le préjudice porté
à la renommée de la marque comme un cas de dilution (dilution
by tarnishment). On pourrait ainsi tout à fait envisager cette
dilution par ternissement, entendue comme atteinte à l'image de la
marque et aux symboles qu'elle véhicule, comme une menace pour la
réputation du titulaire et donc pour une fonction extrapatrimoniale de
la marque.
Si nous n'excluons pas qu'il est des hypothèses
où l'atteinte à la marque renommée constitue une atteinte
à des droits extrapatrimoniaux, la dilution telle qu'elle est
conçue par notre droit positif n'en fait pas partie. On ne peut donc que
se rallier à la position de Mme Pérot-Morel selon laquelle la
dilution est préjudice économique par excellence193(*).
CONCLUSION
C'est un parcours bien mouvementé que suit la
théorie de la dilution. Élaborée aux Etats-Unis, cette
construction progresse aujourd'hui au sein de notre droit des marques et tente
toujours, tant bien que mal, d'y trouver sa place.
La tâche est loin d'être facile car la dilution,
à juste titre,continue d'éveillerla méfiance. En allant
s'appliquer au-delà des frontières de la
spécialité, la protection contre la dilution peut en effet
constituer une menace sérieuse pour la liberté du commerce et de
l'industrie. Malgré cela, la force attractive de la marque nous semble
être pourtant digne de protection.Il est ainsi important de surmonter ces
craintes afin d'éviter que la théorie de la dilution ne devienne
un paria du droit des marques, comme c'est le cas aux Etats-Unis.
Nous restons certains qu'il est possible de parvenir à
une protection légitime et cohérentecontre la dilution. Pour
cela, il faudraitque son régime soit rigoureusement encadré et
qu'elle ne s'applique que dans des hypothèses exceptionnelles.
Malgré les récents efforts de la Cour de justice, on constate que
c'est loin d'être le cas. En effet, le champ d'application
démesurément étendu de la protection, d'une part,et la
complexité de la preuve de la dilution, d'autre part, conduisent souvent
à des solutions laxistes.
Toutefois, convaincus que des remèdes existent, cet
échec ne nous semble pas insurmontable. Peut-être faut-il renoncer
au critère de la modification du comportement économique du
consommateur, réduire l'étendue du champ d'application en
revenant au seul cadre non concurrentiel et à une conception de la
renommée plus raisonnable. Il est vrai que ces pistes impliquent une
refonte de notre droit des marques, mais peut-être est-ce là le
prix à payer si l'on veut redonner une certaine cohérence
à la protection des marques renommées en
général.
Nous choisissons de conclure cette étude sur une note
positive. La théorie de la dilution dispose depuis peu d'une
véritable assise juridique puisqu'elle peut être envisagée
comme une protection de la fonction d'investissement de la marque,
récemment identifiée par la Cour de justice. Cette solution
conforte l'existence juridique de la dilution etlui permet de regagner en
légitimité mais aussi, en quelque sorte, de retrouver son
identité. Elle peut aujourd'hui exister comme une atteinte à la
distinctivité, non pas au sens d'identification mais au sens
d'attraction de la marque. C'est là un premier pas vers sa
réhabilitation au sein de notre droit.
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173
- CA Paris, 8 décembre 1962, D. 1963, 406
- CA Paris, 26 avril 1960, Gaz. Pal., 1960, II, 299
- CA Paris, 3 novembre 1958, JCP, 1958, II, 10862
TABLE DES MATIÈRES
Introduction..........................................................................................
5
Première partie : La protection
compréhensive contre le préjudice de
dilution.................................................................................................
10
Chapitre 1. L'opportunité d'une protection contre le
préjudice de dilution .................... 10
Section 1. L'opposition à une protection contre le
préjudice de dilution ....................... 10
§1. Une protection superflue
..........................................................................
11
A/. L'existence illusoire d'un préjudice de dilution
..........................................11
B/. Le recours suffisant au risque de
confusion ..............................................12
1) La reconnaissance d'une similitude extrinsèque
...................................13
2) La méthode d'appréciation globale du risque de
confusion ..................... 14
§2. Une protection dangereuse
.........................................................................
15
A/. Un détournement de la fonction du droit de marque
.................................... 15
B/. Une atteinte excessive au principe de libre concurrence
...............................17
Section 2. La promotion d'une protection contre le
préjudice de dilution ...................... 17
§1. Une protection légitime : la prise en
compte de la réalité économique
.....................18
A/. Une protection à la mesure de la force attractive de
la marque ........................ 18
B/. Une protection à la mesure de la gravité du
risque ..................................... 19
§2. Une protection nécessaire : la prise en
compte des contraintes juridiques ................ 20
A/. Le recours insatisfaisant au risque de confusion
........................................ 20
1) Un recours inadapté : la nature
différente du préjudice ........................... 21
2) Un recours inopérant : le cas de
spécialités radicalement différentes .......... 21
B/. La garantie d'une protection optimale dans le cadre de la
spécialité ................. 22
Chapitre 2. La distension de la protection contre le
préjudice de dilution.......................23
Section 1. La désarticulation de la protection
au-delà de la spécialité ............................24
§1. Une protection dans le cadre du droit des marques
pour les marques communautaires24
§2. Une protection en dehors du droit des marques pour
les marques françaises ............ 25
A/. La préservation de l'intégrité
du droit des marques ..................................... 26
1) La préservation de la notion de similitude
.......................................... 26
2) La relative préservation du principe de
spécialité .................................. 27
B/. La souplesse de la responsabilité civile
délictuelle ...................................... 28
§3. Une protection à géométrie
variable ..............................................................
29
A/. Les avantages propres à l'action en
contrefaçon ........................................ 29
B/. Le sort du signe litigieux
......................................................................30
Section 2. La distorsion du champ d'application de la protection
................................. 31
§1. Une protection de la marque connue d'un public
spécialisé ..................................32
A/. Le choix du critère : entre
renommée et distinctivité ....................................
32
B/. L'appréciation démesurément extensive
de la renommée ............................. 33
1) Le public de référence
................................................................... 34
2) Le territoire de référence
............................................................... 36
§2. Une extension de la protection au cadre
concurrentiel.........................................36
A/. Une solution contra
legem...................................................................
37
B/. Une solution inopportune
.................................................................... 38
Seconde partie : La conception affinée du
préjudice de dilution...............40
Chapitre 1. L'affinement des contours de la dilution: la
minimisation du préjudice.......... 40
Section 1. La démonstration préalable d'une
proximité entre les signes ................................41
§1. La démonstration d'un emploi de la marque
renommée .........................................41
A/. La nature de
l'emploi......................................................................................41
B/. L'origine de l'emploi
......................................................................................42
§2. La démonstration d'un lien entre les marques
dans l'esprit du public ...................43
A/. La nature du lien
.........................................................................43
B/. L'appréciation du lien
.................................................................. 43
Section 2. La démonstration indispensable d'une atteinte
au caractère distinctif .............. 45
§1. L'exigence d'une modification du comportement
économique du consommateur ..........45
A/. La correction d'une jurisprudence laxiste
................................................. 46
B/. Un critère insatisfaisant
.........................................................................47
1) Une minimisation excessive du préjudice de dilution
.............................47
2) Une preuve diabolique du préjudice de dilution
....................................48
C/. Une protection toujours compréhensive envers le
titulaire .............................48
1) La possibilité de ne prouver qu'un risque de dilution
................................48
2) Une jurisprudence favorable aux titulaires de marque
renommée ............... 50
§2. L'indifférence d'autres critères
......................................................................
52
A/. L'indifférence de l'avantage économique
tiré par l'usurpateur ........................ 52
B/. L'indifférence de l'unicité de la marque
......................................................... 53
Chapitre 2. L'affinement du contenu de la dilution: la
réhabilitation du préjudice............ 54
Section 1. L'exclusion d'une atteinte aux fonctions
traditionnelles de la marque ............... 55
§1. L'exclusion d'une atteinte à la fonction
d'exclusivité ........................................... 56
§2. L'exclusion d'une atteinte à la fonction
d'identification .............................................57
A/. Le détachement originel de la fonction
d'identification ...................................57
B/. Le rattachement opportuniste à la fonction
d'identification .............................58
1) La dénaturation du concept de
dilution ................................................58
2) L'adaptation du concept de
dilution ................................................... 59
C/. Le rattachement artificiel à la fonction
d'identification ............................................61
Section 2. L'atteinte à une nouvelle fonction de la marque
........................................... 62
§1. L'atteinte à une fonction économique
de la marque ..............................................63
A/. L'atteinte à une fonction propre à la
marque renommée ...................................63
B/. L'atteinte à la fonction d'investissement de la
marque ...................................64
1) La reconnaissance de la
fonctiond'investissement......................................... 64
2) Le rattachement à la fonction d'investissement
...............................................65
§2. La possible atteinte à une fonction
extrapatrimoniale de la marque ..........................67
Conclusion.....................................................................................................
69
Bibliographie
...................................................................................................71
* 1 H. PORTET, Les
marques notoirement connues ou de haute renommées selon la
Convention de Paris et la loi française du 31 décembre 1964,
thèse Paris, 1975, p. 16.
* 2 G. CORNU, Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, PUF, 9ème
édition, 2011, p. 568.
* 3 F.I. SCHECHTER,
« Trade Morals and Regulations: The American Scene », 6
Fordham Law Review 190, 204, n. 42, 1937 : « The
more distinctive the mark, the more effective is its selling
power ».
* 4 C. DE HAAS,
« La contrefaçon de la marque notoire en droit comparé
américain, européen et français : une leçon
encore mal comprise », Propr. intell., 2003, n° 7, p.
138.
* 5 Ce préjudice peut
être également désigné sous d'autres formules :
dilution du pouvoir distinctif ou du pouvoir attractif, dilution par
brouillage, vulgarisation, banalisation, perte de l'unicité.
* 6 Dictionnaire de langue
française, Le petit Robert.
* 7 V. sur ce point : A.
BOUVEL, Principe de spécialité et signes distinctifs,
LITEC, 2004.
* 8 A. BOUVEL, op.
cit., p. 4.
* 9 A. BOUVEL, op.
cit., p. 2.
* 10 M. JATON, La
protection des marques de haute renommée au regard du droit suisse,
Lausanne, 1961, p. 29.
* 11 Intervention de J.-J.
Evrard lors de la séance de travail de l'APRAM/UNIVERSITES,
« Vers une surprotection de la marque
renommée ? », 21 mars 2011.
* 12 Landgericht
d'Elberfeld, 11 septembre 1924, JW 1925, p. 502.
* 13 F.I. SCHECHTER,
« The Rational Basis For Trademark Protection », 40
Harvard Law Review 813, 1927, 825.
* 14 Hearing before the
House Committee on Patents, 72nd Cong., 1st Sess. p. 15 : cité par W.J.
Derenberg, Trademark Dilution, p. 449 : « if you allow Rolls
Royce restaurants and Rolls Royce cafeterias, and Rolls Royce pants and Rolls
Royce candy, in ten years you will not have the Rolls Royce mark any
more ».
* 15 M.-A.
PÉROT-MOREL, « L'extension de la protection des marques
notoires », RTD Com. 1966, p. 9 et s.
* 16 A. BOUVEL,
« Marques et renommées. A propos de l'arrêt
« Intel », rendu par la Cour de justice des
communautés européennes le 27 novembre 2008 », Les
défis du droit des marques au XXIème siècle, Actes du
colloque en l'honneur du professeur Yves Reboul, Collections du CEIPI,
n° 56, p. 123 et s.
* 17 A. BOUVEL, Principe de
spécialité et signes distinctifs, op. cit., p. 368.
* 18 J.-E. PORTALIS,
Discours préliminaire au premier projet de Code civil,
éd.
Confluences, 22 déc. 1998.
* 19 R. VUARIDEL,
« Les marques de haute renommée et l'effet de halo. Une
protection accrue est-elle justifiée ? », WuR
1969, p. 125 ; H. KOHL, Die « Verwässerung »
berühmter Kennzeichen, Duncker & Humblot, Berlin, 1975, p. 79.
* 20 M. MORRIN & J.
JACOBY, « Trademark Dilution : Empirical Measures for an Elusive
Concept », 19 Journal of Public Policy & Marketing 265,
2000.
* 21 M. MORRIN & J.
JACOBY, op. cit., p. 23 : : « It appears that very
strong brands are immune to dilution because their memory connections are so
strong that it is difficult for consumers to alter them or create new ones with
the same brand name ».
* 22 V. par exemple, G.
DASSAS, L'élargissement de la protection des marques en droit
français, allemand et international, LITEC, 1976, p. 104 ; D.
BRANDT, La protection élargie de la marque de haute renommée
au-delà des produits identiques et similaires, Droz, Genève,
1985, p. 215.
* 23 CA Paris, 3 nov. 1958,
JCP, 1958, II, 10862.
* 24 CA Paris, 26 avril
1960, Gaz. Pal., 1960, II, 299.
* 25 CJCE, 29 sept. 1998,
aff. C-39/97, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, Rec. 1998, I-5507,
pt. 29.
* 26 CJCE, 11 nov. 1997,
aff. C-251/95, Sabel c/ Puma, Rudolf Dassler Sport, Rec. 1997, I-6191 ;
CJCE, 29 sept. 1998, Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op.
cit. ; CJCE, 22 juin 1999, aff. C-342/97, Lloyd Schuhfabrik Meyer,
Rec. 1999, I-3819.
* 27 CJCE, 29 sept. 1998,
Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op. cit.,pt.
20.
* 28 CJCE, 22 juin 1976,
aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova, Rec. 1976, p. 1039.
* 29 F. POLLAUD-DULIAN,
Droit de la propriété industrielle, Economica, Corpus droit
privé, 2010, n° 1309.
* 30 V. par exemple, S.
ZLINKOFF, « Monopoly Versus Competition », 53 Yale Law
Journal 514, 1944 ; R.-G. BONE, « A Skeptical View Of The
Trademark Dilution Revision Act », 11 Intellectual Property Law
Bulletin 187, 2007 ; « Schechter's Ideas in Historical
Context and Dilution's Rocky Road », 24 Santa Clara Computer
& High Tech Law Journal, 2008, p. 474.
* 31 G. RIEHLE,
« Markenrecht und Parallelimport », Enke Stuttgart, 1968,
p. 130.
* 32 CJCE, 22 juin 1976,
Terrapin c/ Terranova, op. cit.
* 33 Y. BASIRE, Les
fonctions de la marque - Essai sur la cohérence du régime
juridique d'un signe distinctif, Strasbourg, 2011, p. 473.
* 34 A. BOUVEL, op.
cit., p. 2.
* 35 A. BOUVEL,
Ibid.
* 36 V. la séance de
travail de l'APRAM/UNIVERSITÉS, « Vers une surprotection de la
marque renommée ? », 21 mars 2011.
* 37 F.I. SCHECHTER,
« The Rational Basis For Trademark Protection », 40
Harvard Law Review 813, 1927.
* 38 H. PORTET,
Lesmarques notoirement connues ou de haute renommées selon la
Convention de Paris et la loi française du 31 décembre 1964,
Paris, 1975, p. 12.
* 39 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.
* 40 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.
* 41 M. JATON,
op.cit., p. 29.
* 42PATTISHALL (B. W.),
« The Dilution Rationale For Trademark - Trade Identity Protection,
Its Progress and Prospects »,71 Northwestern University Law
Review 618, 1976, p. 631 : « commercial
magnetism ».
* 43 F.I. SCHECHTER, op.
cit., p. 832 : « selling power ».
* 44 M. JATON, op.
cit., p. 49.
* 45 H. PORTET, op.
cit., p. 8.
* 46 H. PORTET, op.
cit., p. 49.
* 47 R. CALLMANN, The
Law Of Unfair Competition and Trade-Marks, 1945, p. 1643 :
« Confusion leads to immediate injury, while dilution is the
infection which, if allowed to spread, will inevitably destroy the advertising
value of the mark ».
* 48 Com. 7 avril 1992,
Bull. civ., IV, n° 152.
* 49 CA Paris, 17 septembre
1990, Ann. propr. ind., 1990, 287.
* 50 CA Paris, 16 avril
1992, Ann. propr. ind., 1992, 279.
* 51 A. BOUVEL, op.
cit., p. 283.
* 52 CA Paris, 17
déc. 1974, PIBD 1975, n° 147, III, 173.
* 53 CJCE, 29 sept. 1998,
Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer, op. cit., pt. 22.
* 54 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.
* 55 L. MARINO,
« L'affaire l'Oréal : le droit des marques et la
publicité comparative sous le sceau du parasitisme »,
JCPG, n° 31, 27 juillet 2009, p. 39.
* 56 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.
* 57 V. par exemple :
M.-A. PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s. ; G. DASSAS,
op. cit., p. 104 et s. ; D. BRANDT, op. cit., p. 215 et
s. ; C.-A. MAETZ, La notoriété, essai sur
l'appropriation d'une valeur économique,PUAM, 2010, p. 75 et s.
* 58 V. par exemple CA
Paris, 17 déc. 1974, PIBD 1975, n° 147, III, 173 qui avait
considéré que des chocolats et des fromages étaient des
produits similaires.
* 59CA Paris, 8 déc.
1962, D. 1963, p. 406.
* 60TGI Paris, 25 oct. 1969,
Ann. propr. ind. 1971, p. 1.
* 61 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 9 et s.
* 62 F. POLLAUD-DULIAN,
Droit de la propriété industrielle,op. cit., p.
946.
* 63 J. PASSA,
« Protection de la marque notoire contre l'usage d'un signe similaire
hors de la spécialité: droit spécial et droit commun de la
responsabilité civile », Propr. intell. 2001, n°
1, p. 85 ; F. POLLAUD-DULIAN, « Marque de renommée.
Histoire de la dénaturation d'un concept », Propr.
intell., oct. 2001, n°1, p. 43.
* 64 G. BONET,
« La protection des marques notoires dans le Code de la
propriété intellectuelle », Jean Foyer, Auteur et
législateur, PUF, 1997, p. 189 ; A. BOUVEL, op. cit.,
p. 61 ; C.-A. MAETZ, op. cit., p. 74.
* 65CA Paris, 8 déc.
1962, op. cit.
* 66 Com. 27 mai 1986,
D. 1986, 526 ; TGI Paris, 22 mars 1989, PIBD 1989,
n° 464, III, p. 537 ; CA Paris, 18 déc. 1991, Ann. propr.
ind. 1995, p. 45.
* 67CA Paris, 11
févr. 1989, RD propr. intell. 1989, n° 27, p. 109.
* 68 M. MERMILLOD, RTD
Com., 1966, p. 32 et s.
* 69 Article L. 716-7 du
Code de la propriété intellectuelle.
* 70 Loi n° 2007-1544
du 29 oct. 2007, JO 30 oct. 2007, p. 17775.
* 71 Directive n°
2004/48/CE du 29 avril 2004, JOUE n° L 157, 30 avr. 2004, p. 0045-0086.
* 72 C.-A. MAETZ, La
notoriété, essai sur l'appropriation d'une valeur
économique,PUAM, 2010, p. 118.
* 73 F. POLLAUD-DULIAN,
Droit de la propriété industrielle, op. cit., p.
796.
* 74 J. PASSA,
Traité de droit de la propriété industrielle, t.
1, Marques et autres signes distinctifs, Dessins et modèles, LGDJ, 2009,
p. 383.
* 75 A. BOUVEL, op.
cit., p. 387.
* 76 Y. BASIRE, op.
cit., p. 318.
* 77 J. LUNSFORD,
« Trademarks: Dilution and Deception », 63 Trademark
Repertoire 41, 47-48, 1973, p. 53.
* 78 A. BOUVEL,
« La protection des marques renommées », J.-Cl.
Marques - Dessins et modèles, 7320, 2008, n° 89.
* 79 F.I. SCHECHTER, op.
cit., p. 829.
* 80 R. CALLMANN,
The Law Of Unfair Competition Trademarks and Monopolies, 3rd
édition, 1969, §84.2(a) : « the
doctrine of dilution should not be limited to'celebrated' or `famous' marks.
The proper matter of protection is the distinctiveness of the mark, which may
be the result of its extraordinary uniqueness, or a considerable advertising
effort, even before it becomes well known ».
* 81TPICE, 25 mai 2005, aff.
T-67/04, pt. 44, Propr. ind. 2005 ; V. également TPICE, 22
mars 2007, aff. T-215/03, Vips, pts 38 et 62.
* 82 Pour plus
d'informations sur la distinction des deux notions : V. A. BOUVEL, La
protection des marques renommées, op. cit., n° 16 et
s.
* 83 Article L. 713-5 al.
2 du CPI: « Les dispositions de l'alinéa
précédent sont applicables à la reproduction ou
l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis
de la Convention de Paris ».
* 84 CJCE, 22 nov. 2007,
aff. C-328/06, Nieto Nuño, Rec. 2007, I-10093.
* 85 A. BOUVEL, op.
cit., n° 16.
* 86 F. POLLAUD-DULIAN,
« Marques de renommée. Histoire de la dénaturation d'un
concept », Propr. intell., oct. 2001, n°1, p. 43.
* 87 CJCE, 14 sept. 1999,
aff. C-375/97, General Motors c/ Yplon, Rec. 1999, I-5421, pt. 26.
* 88 F. POLLAUD-DULIAN,
op. cit., p. 50 ; A. BOUVEL, op. cit., p. 15.
* 89 A. BOUVEL, op.
cit., n° 32.
* 90 The Trademark Dilution
Revision Act of 2006 (H.R. 683), Section 43 c)(2)(A) : « A
mark is famous if it is widely recognized by the general consuming public of
the United States as a designation of source ».
* 91 CJCE, 14 sept. 1999,
General Motors c/ Yplon, op. cit., pt. 28.
* 92 A. BOUVEL, op.
cit., n° 34.
* 93CJCE, 9 janv. 2003, aff.
C-292/00, Davidoff, Rec. 2003, I-389, pts. 24 et 25.
* 94 M.F.G. JACOBS, concl.
21 mars 2002, aff. C-292/00, Davidoff, pt. 25.
* 95 Le dixième
Considérant de la directive, par ailleurs, affirme bien qu'en cas de
similitude entre les signes et entre les produits ou services
désignés, le risque de confusion constitue la
« condition spécifique » de la protection.
* 96CJCE, 23 oct. 2003, aff.
C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, Rec. I-12537, pt. 20.
* 97 V. pour plus de
détails : A. BOUVEL, « Etendue de la protection des
marques renommées en droit communautaire », JCP E,
n° 36, 4 sept. 2003, 1249, n° 13.
* 98 A. BOUVEL, op.
cit., n° 7.
* 99
Ordonnance
n° 2008-1301 du 11 décembre 2008 relative aux brevets d'invention
et aux marques.
* 100 G. BONET,
« La protection des marques notoires dans le Code de la
propriété intellectuelle », Mél. Jean Foyer,
Auteur et législateur, PUF 1997, p. 189.
* 101 Com. 11 mars
2003,JurisData n° 2003-018191.
* 102 Com. 12 juillet 2005,
D. 2005, act. jurispr. p. 2074.
* 103 J. PASSA,
« Protection de la marque notoire contre l'usage d'un signe similaire
hors de la spécialité », Propr. intell.,
octobre 2001, n° 1, p. 85.
* 104 J. PASSA, op.
cit., p. 86.
* 105CJCE, 23 oct. 2003,
aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, Rec. I-12537, pt. 39.
* 106 M.F.G. JACOBS, concl.
10 juillet 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, pt. 60.
* 107CJCE, 23 oct. 2003,
Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 29.
* 108M.F.G. JACOBS, concl.
10 juillet 2003, aff. C-408/01, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, pt. 45.
* 109CJCE, 27 nov. 2008,
aff. C-252/07, Intel Corporation Inc., Rec. 2008, I-8823, pt. 60.
* 110 A. BOUVEL,
« Marques et renommées. A propos de l'arrêt
« Intel », op. cit., p. 125.
* 111CJCE, 23 oct. 2003,
Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 30.
* 112CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 48.
* 113 A.
FOLLIARD-MONGUIRAL, « Un an de jurisprudence en matière de
droit communautaire des marques », Propr. ind., 2008, chron.
2, n° 90.
* 114CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 57.
* 115 A. BOUVEL, op.
cit., p. 126.
* 116 B.W. PATTISHALL,
op. cit., p. 625.
* 11715 U.S.C. §
1125(c)(2)(B) : dilution by blurring is defined as an
« association arising from the similarity between a mark or a
trade name and a famous mark that impairs the distinctiveness of the famous
mark ».
* 118CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 77.
* 119 L'article 5.2°
de la directive no 2005/29/CE du 11 mai 2005, transposé
à l'article L. 120-1 du Code de la consommation, considère en
effet qu'une pratique commerciale est déloyale dès lors qu'elle
« altère ou est susceptible d'altérer de manière
substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du
consommateur moyen qu'elle touche ou auquel elle s'adresse ».
* 120TGI Nanterre,
2ème ch., 14 mars 2005, S.A. Kraft Foods Scweiz Holding AG c/
Madame Milka B, Propr. ind. 2005, comm. 41.
* 121 Com. 11 mars 2008,
n° 06-15.594, Sté Louis Vuitton Malletier c/ Sté Emi Music
France ; Com. 23 sept. 2008, n° 07-11.288, Sté Hachette
Filipacchi Presse c/ Sté Chefaro Ardeval.
* 122 TPICE, 30 janv. 2008,
aff. T-128/06, Japan Tobacco Inc. c/ OHMI, pt. 40.
* 123OHMI, Chambre de
recours, 5 juin 2000, R-802/1999-1, Duplo c/ Duplo, pt. 24.
* 124CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 76.
* 125CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 77.
* 126C. CARON,
« Les marques renommées face à la dilution de leur
caractère distinctif », Comm. com. électron.
n° 2, fév. 2009, comm. 14.
* 127E. SHARPSTON, concl.
26 juin 2008, aff. C-252/07, Intel Corporation Inc., pt. 74.
* 128 C. CARON, op.
cit. ; C.-A. MAETZ, op. cit., p. 113.
* 129 J. PASSA, op.
cit., p. 539 : il est probable que les juges nationaux
« contournent la difficulté en se contentant du risque que la
modification de comportement se produise et l'appréciant
souplement ».
* 130CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 38.
* 131 The Trademark
Dilution Revision Act of 2006 (H.R. 683), Section 2(c)(1) :
« (...) it provides injunctive relief on proof that another
person has used a mark or trade name in commerce that is likely to cause
dilution by blurring or tarnishment of the famous mark ».
* 132 Article 8.5° du
RMC et article 4.4° a) de la directive du 21 décembre 1988.
* 133 par l'emploi du
conditionnel « porterait préjudice ».
* 134 M. JATON, op.
cit., p. 50.
* 135 M. JATON, op.
cit., p. 50.
* 136TPICE, 16 avril 2008,
T-181/05, Citigroup et Citibank/OHMI c/ CITI, Rec. II-669, pt. 78.
* 137TPIUE, 28 oct. 2010,
aff. T-131/09, Farmeco c/ OHMI, Rec. II-00243, pt. 99.
* 138 TPIUE, 22 mai 2012,
aff. T-570/10, Environmental Manufacturing LLP c/ OHMI, pt. 53.
* 139Com. 1er
mars 2011, n° 10-14.967, SARL Agatha diffusion c/ SA René
Martin.
* 140CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 78.
* 141 C. CARON, op.
cit.
* 142 F.-K. BEIER, Note
sous Bundesgerichtshof, 10 nov. 1965, GRUR 1966, p. 623.
* 143 D. BRANDT, op.
cit., p. 145.
* 144LONG (C.),
« Dilution », 106 Columbia Law Review 1029,
2006.
* 145 L. JOSSERAND, De
l'esprit des droits et de leur relativité - Théorie dite de
l'abus des droits, Dalloz, 2006, n° 237, p. 321.
* 146CJCE, 12 nov. 2002,
aff. C-206/01, Arsenal Football Club, Rec. 2002, I-10273.
* 147 CJCE, 31 oct. 1974,
aff. 16/74, Sté Centrafarm B.V et Adriaan de Peijper c/ Sté
Winthrop B.V, Rec. 1974, p. 1194, pt. 8.
* 148 J. PASSA,
Traité de droit de la propriété industrielle, op.
cit., p. 58.
* 149 F.I. SCHECHTER,
op. cit., p. 823.
* 150 B. BEEBE,
« A Defense of the New Federal Trademark Antidilution
Law », 16 Fordham Intellectual Property, Media and Entertainment
Law Journal 1143,2006, p. 1146 : « Uniqueness is an
absolute concept. A mark is either unique or it is not ».
* 151 A. BOUVEL, op.
cit., p. 123 et s.
* 152 CJCE, 22 juin 1976,
aff. 119-75, Terrapin c/ Terranova, op. cit.
* 153CJCE, 12 nov. 2002,
Arsenal Football Club, op. cit., pt. 48.
* 154 F.I. SCHECHTER,
« The Historical Foundations of the Law Relating to
Trademarks », New York, Columbia University Press, 1925, p.
166 : « This psychological element is in any event at best
an uncertain factor, and «the so-called ordinary purchaser changes his
mental qualities with every judge ».
* 155 F.I. SCHECHTER,
« The Rational Basis For Trademark Protection », op.
cit., p. 822 : « (...) the creation and retention of
custom, rather than the designation of the source, is the primary purpose of
the trademark today ».
* 156 F.I. SCHECHTER,
op. cit., p. 831 : « The preservation of the
uniqueness of a trademark should constitute the only rational basis for its
protection ».
* 157 B.W. PATTISHALL,
op. cit., p. 621.
* 158 Lanham Act §45,
15 U.S.C. §1127 : « The term `dilution' means the
lessening of the capacity of a famous mark to identify and distinguish goods or
services regardless of the presence or absence of (...) likelihood of
confusion, mistake or deception ».
* 159 Tiffany & Co. v.
Tiffany Prod. Inc., 147 Misc. at 682, 264 N.Y.S. at 461 ; Wall v. Rolls
Royce, 4 F.2d at 333 (3rd Cir. 1925).
* 160Haviland & Co. v.
Johann Haviland China Corp., 269 F. Supp. 928, 956-57 (S.D.N.Y. 1967) :
« Plaintiff cannot claim right to relief under the antidilution
statute, since it has failed to show likelihood of confusion ».
* 161 Hershey Co. v. Art
Van Furniture, Inc., 2008 WL 4724756.
* 162 V. pour plus
d'informations : R.-G. BONE, « Schechter's Ideas in Historical
Context and Dilution's Rocky Road », 24 Santa Clara Computer
& High Tech Law Journal, 2008.
* 163S.L. DOGAN & M.A.
LEMLEY, « What the Right of Publicity Can Learn from Trademark
Law », 58 Stanford Law Review 1161, 2005, p. 1198 ; D.
KLERMAN, « Trademark Dilution, Search Costs and Naked
Licensing », USC Law Legal Studies Paper No. 05-23, Dec.
2005 ; S. RIERSON, « The Myth and Reality of
Dilution », Duke Law & Technology Review, p. 23,
2012.
* 164 C.-A. MAETZ, op.
cit., p. 113.
* 165CJCE, 23 oct. 2003,
Adidas-Salomon et Adidas Benelux, op. cit., pt. 30.
* 166 A. BOUVEL, op.
cit., p. 123 et s.
* 167CJCE, 27 nov. 2008,
Intel Corporation Inc., op. cit., pt. 29.
* 168 A. BOUVEL, op.
cit., p. 123 et s.
* 169 TPIUE, 22 mai 2012,
Environmental Manufacturing LLP c/ OHMI, pt. 50.
* 170CJCE, 12 nov. 2002,
Arsenal Football Club, op. cit., pt. 51 : « (...) cas
dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte (...) aux fonctions
de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir
aux consommateur la provenance du produit ».
* 171 J. PASSA,
« Les nouvelles fonctions de la marque dans la jurisprudence de la
Cour de justice : Portée ? Utilité ? »,
Propr. ind., n°6, juin 2012, étude 11 ; Y. REBOUL,
« L'arrêt de la Cour de justice du 18 juin 2009 -
L'Oréal-Bellure : comment résister à la rançon
de la gloire ! », Legicom 2010, n° 44, p. 13.
* 172 F. POLLAUD-DULIAN,
Droit de la propriété industrielle, op. cit.,
p. 1067 ; J. PASSA, Traité de droit de la
propriété industrielle, op. cit.,n° 363, p. 503.
* 173RUIZ-JARABO COLOMER,
concl. 13 juin 2002, aff. C-206/01, Arsenal Football Club, pt. 46.
* 174TPICE, 22 mars 2007,
aff. T-215/03, SIGLA c/ OHMI, Rec. 2007, II-711, pt. 35.
* 175CJCE, 18 juin 2009,
aff. C-487/07, L'Oréal c/ Bellure, Rec. 2009, I-05185, pt. 58.
* 176 Pour reprendre
l'expression de L. MARINO, op. cit., p. 180.
* 177CJUE, 23 mars 2010,
aff. jointes C-236/08, C-237/08 et C-238/08, Google France et Google, Rec.
2010, I-02417, pt. 91.
* 178CJUE, 22 sept. 2011,
aff. C-323/09, Interflora e.a, pt. 59.
* 179 H. ISAY, Die
Selbständigkeit des Rechts an der Marke, GRUR 1929, p. 26.
* 180CJUE, 22 sept. 2011,
Interflora e.a, op. cit., pt. 60.
* 181CJUE, 22 sept. 2011,
Interflora e.a, op. cit., pt. 61.
* 182 F.I. SCHECHTER,
op. cit., p. 825, cité par l'avocat général
M.F.G. JACOBS, Concl. 10 juillet 2003,aff. C-102/07, Adidas et Adidas Benelux,
pt. 37.
* 183 J. PASSA,
« Les nouvelles fonctions de la marque dans la jurisprudence de la
Cour de justice : Portée ? Utilité ? »,
op. cit.
* 184CJCE, 18 juin 2009,
L'Oréal c/ Bellure, op. cit., pt. 79.
* 185 Y. BASIRE, op.
cit.
* 186 P. MALAURIE & L.
AYNÈS, Droit civil, Les biens, Defrénois,
4ème éd., 2010, n° 28, p. 15.
* 187 Y. BASIRE, op.
cit., p. 411.
* 188 V. théorie de
KOHLER in P. ROUBIER, Le droit de la propriété
industrielle, t. 2, Sirey, 1954, n° 250, p. 505.
* 189 Y. BASIRE, op.
cit., p. 379.
* 190 C. DE HAAS, op.
cit., p. 141.
* 191 J.-N. KAPFERER,
Les marques, capital de l'entreprise, Eyrolles, 2007, p. 534.
* 192 Y. BASIRE, op.
cit., p. 433.
* 193 M.-A.
PÉROT-MOREL, op. cit., p. 40.
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