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La primauté du droit communautaire de l'UEMOA ( Union Economique et Monétaire Ouest Africaine ) sur le droit des états membres

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par Ahmed Rémi OUOBA
Université Saint Thomas d'Aquin de Ouagadougou Burkina Faso - Mémoire de maitrise en droit public 2012
  

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SECTION II: LA PREEMINENCE DU DROIT COMMUNAUTAIRE

DERIVE

La reconnaissance de la primauté du droit originaire a eu pour corollaire celle du droit dérivé. Cela se traduit d'une part par la supériorité absolue du droit dérivé dans son ensemble (§I), d'autre part par son caractère d'applicabilité directe70(*) et immédiate (§II).

§ I: LES TYPES DE NORMES

La production normative des organes de l'UEMOA laisse apparaitre deux types d'actes dérivés que sont le droit dérivé unilatéral ou droit dérivé non conventionnel (A) et le droit dérivé conventionnel (B).

A : LE DROIT DERIVE UNILATERAL

Cette production est l'oeuvre principale et exclusive des organes de l'UEMOA émanant de l'activité juridique de l'Union. Le droit dérivé unilatéral est composé des actes obligatoires (il s'agit du règlement, de la directive, de la décision et de l'acte additionnel) et des actes non obligatoires (ce sont les avis et recommandations).

Dans cette partie l'accent sera mis sur le règlement, la directive et l'acte additionnel.

Le règlement est un acte adopté soit par le conseil des ministres sur proposition de la commission, soit par la commission sur délégation du conseil des ministres71(*).

La supériorité des règlements communautaires pose peu de problèmes. Ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans les Etats sans aucune intervention de ces derniers72(*). Tout ressortissant de l'Union peut ainsi se prévaloir immédiatement devant l'administration comme devant le juge national de leurs dispositions sans qu'il faille opérer une transposition préalable, ou de mesure d'exécution interne.

Le règlement s'applique à des situations déterminées objectivement. Il édicte des prescriptions impersonnelles et abstraites dotées d'une valeur "ERGA OMNES".

Le règlement prescrit ainsi non seulement une obligation de résultat mais également une obligation de moyen dans la mesure où il peut imposer des obligations extrêmement détaillées. « C'est un moyen radical d'uniformiser les droits internes des Etats membres73(*) ». Dès lors, "on ne peut appliquer que le règlement, tout le règlement, et rien que le règlement."

Le caractère obligatoire et absolu du règlement signifie notamment qu'il écarte toute possibilité de réserve qui pourrait être formulée lors de son adoption.

A coté du règlement communautaire existe le règlement d'exécution adopté par la commission sur délégation du conseil des ministres pour l'exécution des actes édictés par le dit conseil. Ces règlements d'exécution ont la même force juridique que les actes pour lesquels ils ont été pris74(*).

Quant à la directive, elle est un acte de portée générale et abstraite qui « lie les Etats membres quant au but à atteindre »75(*). Toutefois elle allie à cette rigueur une certaine souplesse, permettant aux Etats de choisir en fonction des impératifs de leur ordre juridique national, le moyen le plus adapté pour parvenir au but recherché.

Elle a pour unique destinataire les Etats membres auxquels elle fixe un résultat à atteindre en leur laissant libre choix des moyens et formes en matière d'exécution de la directive afin d'assurer l'effet utile de la directive. Cependant les Etats disposent d'un délai limite impératif76(*) pour la mise en oeuvre et la transposition dans leur droit interne de la directive. Cette mise en oeuvre est surveillée par la commission de l'UEMOA.

Une fois la directive adoptée, les Etats ont l'obligation de communiquer à la commission les mesures nationales d'exécution. L'acte de transposition doit fournir des garanties de transparence et de sécurité pour le particulier. En effet les directives doivent être transposées en droit interne par l'intermédiaire d'une loi, ou de tout autre acte de droit interne, que l'Etat adopte en tant que mesures nécessaires pour atteindre le résultat fixé par la directive. La loi de transposition doit fixer les moyens à mettre en oeuvre pour l'exécution de la directive au plan interne.

A l'issue du délai requis pour la transposition, le défaut de transposition est constitutif d'un manquement de l'Etat à ses obligations. C'est à l'expiration de ce délai que la directive non transposée bénéficie d'une applicabilité directe.

Enfin pour ce qui est de l'acte additionnel, l'examen de la procédure d'adoption dudit acte, permet d'affirmer qu'il suit la procédure suivie pour l'adoption du droit primaire. En effet, tout comme les traités et les protocoles additionnels qui sont élaborés à la suite de la convocation d'une conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement, l'acte additionnel, est pris par la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UEMOA. En outre, les actes additionnels sont pris à l'unanimité de la conférence ; c'est ce même quorum qui est exigé pour les traités constitutifs et leurs protocoles additionnels. Sur ces deux points (identité d'organes et identité de quorum), l'acte additionnel côtoie le droit primaire. Cependant les normes de droit dérivé sont des normes prises « en application et pour l'application d'un Traité »77(*). Les actes de cette catégorie de normes sont donc pris sur la base du droit primaire. Deux éléments militent en faveur de la classification des actes additionnels dans la catégorie des actes dérivés.

D'abord par rapport au premier élément, pour qu'une norme relève du droit dérivé, il faut qu'elle émane des organes communautaires, c'est-à-dire des organes prévus par le Traité constitutif ; on parle alors de droit issu de l'activité normative des organes78(*).

Il est clair que l'acte additionnel dans le droit de l'UEMOA est pris par un organe de la communauté à savoir la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement ; celle-ci étant citée par l'article 16 du Traité parmi les organes de l'Union ; l'article 42 le confirme en énumérant parmi les actes de la communauté, et en première place, les actes additionnels.

Ensuite, le second élément concerne les caractères du droit dérivé. Le droit dérivé est caractérisé par son applicabilité immédiate et directe. L'applicabilité immédiate signifie que le droit communautaire dérivé s'impose dans l'ordre juridique national sans qu'il soit besoin d'une réception dans le droit interne des Etats membres. La seule exigence est la publication des actes communautaires afin de les porter à la connaissance des ressortissants de l'Union. Les actes additionnels font partis des actes communautaires soumis à cette formalité, d'où il ressort des dispositions du Traité, que les actes additionnels sont d'application immédiate79(*).

Pour ce qui est de l'effet direct de la norme dérivé, c'est affirmer qu'elle crée des droits et des obligations pour les particuliers ainsi que pour les organes étatiques des différents Etats membres.

Peut-on considérer que l'acte additionnel est d'application directe ?

Une analyse du droit matériel créé par les actes additionnels pourrait amener à conclure que ceux-ci sont d'application directe si leurs dispositions sont suffisamment claires, précises et univoques80(*) et s'il s'agit d'acte additionnel à portée individuel81(*).

Concernant la recevabilité des dits actes, une analyse des dispositions du traité82(*) laisserait croire que les actes additionnels ne sont pas justiciables de la Cour de Justice, tant en raison de la compétence d'attribution de la Cour que de la nature d'actes de gouvernement desdits actes. Toutefois depuis les trois arrêts de l'affaire YAÏ (arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, arrêt 01/2006 du 05 avril 2006 et arrêt 01/2008 du 30 avril 2008), la Cour de Justice a affirmé et réaffirmé sa compétence à connaître des actes additionnels faisant grief83(*).

* 70 Le fondement de l'applicabilité directe des normes communautaire de l'UEMOA est à rechercher dans le Traité et plus particulièrement à l'art 4. Cf. P. MEYER et L. M. IBRIGA, « La place du droit communautaire UEMOA dans le droit interne des Etats membres », op. cit., p. 56.

* 71 Art 26 et 42 du Traité de l'UEMOA.

* 72 Art 43 al 1 du traité de l'UEMOA.

* 73 J. I. SAYEGH, « la production normative de l'UEMOA : essai d'un bilan et de perspective », in OHADATA D-03-18, p. 6.

C'est dans l'arrêt Boisdet du 24 septembre 1990 que le juge administratif français décide, en tirant les conséquences de l'arrêt Nicolo, que les lois doivent être compatibles avec les règlements communautaires. En l'espèce il s'agissait d'une incompatibilité entre un règlement du Conseil en date de 1972 et une disposition législative votée en 1980 (qui avait conduit à l'illégalité d'un arrêté ministériel pris sur la base de cette disposition).

* 74 Art 24 du traité de l'UEMOA.

* 75 Art 43 al 2 du traité de l'UEMOA.

* 76 C'est à ce titre que la CJUEMOA dans son avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 où elle affirma la primauté du droit communautaire de l'UEMOA conclu que «la Directive n°02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant adoption du Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l'UEMOA, doit, dès son entrée en vigueur, être pleinement appliquée en République du Mali ; il appartient donc à l'Etat malien de prendre toutes les dispositions nécessaires à l'application de cette directive en la transposant immédiatement dans son droit positif interne, le délai de transposition prévu étant épuisé, au risque d'encourir un recours en manquement ». Selon Joseph Issa SAYEGH, « la directive est un moyen souple d'harmonisation des législations », ibid.

* 77 G. ISAAC, Droit Communautaire Général, 3ème éd, Paris, Masson, 1983, p. 115.

* 78 Dans le cas de l'UEMOA, l'article 16 du Traité de Dakar énumère cinq (5) organes constitués comme suit :

- La conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui est l'organe suprême et définit les grandes orientations de la politique de l'Union. Elle tranche toute question n'ayant pu trouver de solution par accord unanime du Conseil des Ministres. Elle prend des actes additionnels (art 42).

- Le conseil des ministres qui assure la mise en oeuvre des orientations générales définies par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Il arrête le budget de l'Union, édicte des règlements, des directives et des décisions. Il édicte des règlements, des directives et des décisions ; ainsi que formuler des avis et recommandations (art 42).

- La commission qui est l'organe exécutif de l'Union, exécute le budget, prend des règlements d'exécution pour l'application des actes du conseil des ministres. La commission est composée de huit commissaires et dirigée par un président désigné parmi les huit commissaires par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Elle prend des règlements et peut formuler des avis et recommandations (art 42).

- La cour de justice, elle veille au respect du droit dans l'interprétation et l'application du Traité de l'Union et des dispositions juridique communautaire. La cour comprend huit membres nommés par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement pour un mandat de six ans renouvelable.

- La cour des comptes qui assure le contrôle des comptes des organes de l'Union. Elle est également compétente pour connaitre de la fiabilité des données figurant dans la loi de finance des Etats membres lorsque ceux-ci la saisisse à cet effet.

* 79 Art. 45 du Traité de l'UEMOA.

* 80 La Cour des Communautés Européennes retient le principe de l'applicabilité directe « (...) dans tous les cas où les dispositions (...) apparaissent comme étant du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises » cf. CJCE, 19 janvier 1982, BECKER C/ FINANZAMT MÜNSTER-INNENSTADTS, Aff. 8/81 Rec. 53.

* 81 La CJUEMOA distingua deux (2) catégories d'actes additionnels : les actes additionnels à portée générale et cita à titre d'exemple, le statut de la CJUEMOA (ACTE ADDITIONNEL N° 10/96 DU 10 MAI 1996 portant statuts DE LA CJUEMOA) et les actes additionnels à portée individuelle et comme exemple elle cita les actes de nominations. Ces derniers sont susceptibles de recours en annulation car ayant un effet juridique obligatoire. Cf. avis n°003/2005 de la CJUEMOA.

* 82 Art 19 et 42 et de certains actes de droit dérivé (article 27 - 2ème tiret) de l'Acte additionnel n°10/96 portant statut de la Cour de Justice.

* 83 Cf. Y. BATCHASSI et R. YOUGBARE, « Les actes additionnels de l'UEMOA (analyse juridique) », in Cahiers du CEEI, n° 1 de juin 1999. En effet, dans son arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, la Cour affirme: « Il est de doctrine et de jurisprudence constante que Øle recours en annulation peut être dirigé de manière générale, contre tous les actes ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, quelle que soit leur dénomination«  [...]. En l'espèce, il est évident que la nomination de Monsieur Jérôme Bro GREBE est de nature à porter grief à Monsieur Eugène YAÏ et qui a eu pour conséquence sa révocation. En tout état de cause, la compétence de la Cour en matière de contrôle de légalité ne saurait se limiter aux seuls actes cités par le Protocole additionnel n°1 et par le Règlement de procédures. Enfin, il résulte de l'ensemble de ces considérations, que la Cour de Justice est compétente pour apprécier la légalité de l'Acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 ».

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