B - Exposé sur les contributions
antérieures relatives au financement du développement local
La question de financement du développement local a
été également abordée par plusieurs auteurs.
ALIBER J. (1998), a insisté sur l'importance des
structures décentralisées dans le développement des pays
africains au sud du Sahara et la nécessité de les renforcer. Il a
passé en revue les possibilités de renforcement des finances
locales et a abordé sans aller en profondeur les ressources propres aux
collectivités ; il parle des possibilités de revoir les
impôts locaux et identifie le problème des ressources humaines
comme le problème majeur des finances locales.
BOURVIER M. (1992), met un accent sur les différentes
formes de financement. Il en distingue quatre types : - le
financement par contribuable (l'impôt) ; - le financement
par concours de l'Etat (les subventions) ; - le financement
par institutions bancaires (l'emprunt) ; - le financement par la
gestion du patrimoine et des services ».
Il insiste sur la nécessité de contrôle et
de régulation de la gestion financière locale. L'auteur estime
que la participation est essentielle dans l'approche systémique parce
que chaque unité est en relation avec l'autre. Il pense que pour le bon
fonctionnement de la société, on doit recevoir l'adhésion
de la population qui la compose.
Cet auteur n'insiste pas sur la participation active mais
pense qu'elle doit être « au moins implicite et á tout
le moins être encouragée ».
HASSANE I. A. (1999), l'aborde dans le même sens que
BOURVIER en mettant, sans entrer dans les détails du budget des
collectivités territoriales, l'accent sur les ressources
budgétaires propres des collectivités locales et les ressources
externes qu'elles peuvent mobiliser. Il ajoute la
coopération décentralisée aux quatre types de financement
proposés par BOURVIER.
Le Partenariat pour le Développement Municipal (PDM
2000) donne l'exemple du Registre Foncier Urbain (RFU) des villes
béninoises élaboré par la Société d'Etudes
Régionales d'Habitat et d'Aménagement Urbain (SERHAU-SA) et
présenté comme un outil performant de mobilisation des ressources
fiscales. Cet outil permet : « de maîtriser,
d'accroître et de consolider les ressources fiscales locales et
subsidiairement, de fournir les données de base pour la mise en oeuvre
d'une reforme de la fiscalité locale ; d'améliorer la
connaissance du patrimoine foncier et immobilier et de mettre en place des
outils d'amélioration et de réformes des modes de gestion
foncière ; de produire et de gérer les données
urbaines nécessaires á la programmation et á la gestion
des infrastructures urbaines »
Pour la SERHAU-SA, le Registre Foncier Urbain(RFU) permet
d'améliorer sensiblement les émissions et les recouvrements et se
révèle être une approche durable. Dans ce contexte, le
besoin de financement du développement a entraîné la
création de la finance informelle qui répond aux sollicitations
en crédit des populations.
L'insuffisance du système des finances informelles et
la défaillance du système officiel vont donner naissance au
financement décentralisé mis en place par les bailleurs de fonds
et les ONG étrangères pour appuyer le développement des
PME.
Ce thème de financement décentralisé a
été un peu plus développé lors du séminaire
sur le « Développement local et gestion des ressources
naturelles en Afrique subsaharienne » tenu à Douala en 1998.
Les participants á ce séminaire ont analysé les limites et
les acquis du financement du développement local. Pour eux les acquis
sont de plusieurs ordres. On peut citer entre autres la contribution en
finances ou en nature pour les actions de développement ; le
développement des institutions de micro finance ; l'environnement
international favorable á la promotion du développement
local ; l'appui financier effectif des bailleurs et des ONG ; les
dispositifs législatifs et réglementaires favorables.
Quant aux limites, elles se résument en l'insuffisance
des ressources mobilisées ; la faiblesse des revenus ; les
difficultés d'accès au crédit surtout pour les
femmes ; la faible mobilisation de l'épargne ; l'insuffisance
du réseau bancaire ; le non-financement du développement
local par les banques classiques et la faible capacité des populations
à utiliser les épargnes mobilisées.
Ce séminaire de Douala a eu le mérite de faire
le diagnostic du financement du développement et de l'analyser en
fonction de l'expérience des différents pays. Mais ce niveau de
réflexion ne peut pas aborder des stratégies
« passe-partout ». Notre thème se propose de
réfléchir en profondeur sur le sujet dans un territoire communal
bien précis et de déboucher sur des stratégies pouvant
permettre d'obtenir des résultats concrets.
Le développement local est l'un des objectifs majeurs
poursuivis par la décentralisation. Le constat est que la qualité
des partenariats locaux conditionne la capacité des agents à
s'étendre et à s'organiser bref, à se coordonner pour
atteindre des objectifs de long terme. On souligne ainsi le poids des
expériences d'apprentissage collectif et de coopération dans le
développement des territoires (Greffe, 2002).
Le paradigme du développement local repose sur la
capacité d'acteurs locaux à s'organiser autour d'un projet
c'est-à-dire à se fédérer autour d'un objectif de
développement commun en mobilisant les potentialités et les
ressources existant sur un territoire. Cette définition revêt
trois dimensions :
Elle souligne le caractère localisé,
territorialisé des activités et des actions.
Elle invite à considérer la
précarité de ces actions. En effet, les actes finalisés
rendent compte de la faculté des agents à concevoir un avenir
commun. Dans le cadre du développement territorial, cet objectif commun
repose sur la valorisation des ressources.
Enfin, elle aspire que le territoire résulte des
interactions entre acteurs impliquées dans une démarche
collective.
L'approche macroéconomique explique le
développement local par une autre forme de développement, une
forme d'économie qui soit plus près des populations locales et
dont la définition et la maîtrise relève largement d'eux.
Un développement qui s'insère dans les interstices de
l'économie dominante et qui procède de la volonté et de la
capacité des collectivités à devenir maître d'oeuvre
de leur destinée.
Depuis les années 70, nous assistons à
l'émergence d'une sensibilisation nouvelle, au développement des
communautés et des quartiers défavorisés, marquée
par le développement « local » et « micro
régional ». C'est dans ce contexte qu'interviennent les
théories du développement endogène et de toutes celles
identifiées sous le vocable du développement par le bas. Nombre
de responsables et de théoriciens du développement
régional et local estiment qu'il convient désormais de promouvoir
la mise en valeur systématique des atouts que possède
déjà le milieu pour le développement d'entreprises
locales.
Denis Maillat, professeur de l'université de
Neuchâtel en suisse, résume bien ce transfert de la dynamique
territoriale aux acteurs du milieu : la constatation a été
faite qu'il fallait placer les ressorts du développement à
l'intérieur même des communautés locales et
régionales. Il importe donc de s'interroger sur la capacité
qu'ont les acteurs au niveau territorial de susciter et de nourrir le
développement. La notion de « milieu » permet de
comprendre ces phénomènes et de les formaliser. En effet, par
rapport au paradigme du développement impulsé de
l'extérieur et qui débouche sur une problématique de
déplacement des activités, la notion de milieu indique qu'il
existe une autre logique de développement, une logique qui part des
territoires, ou plutôt des systèmes socio territoriaux. On peut
ainsi montrer qu'il existe des dynamiques territoriales spécifiques qui
fonctionnent de telle manière que le développement d'une
région ou d'un secteur urbain n'est pas subordonné à sa
seule capacité d'attraction d'établissements ou de filiales de
grandes entreprises, mais qu'il dépend de son aptitude à susciter
des initiatives locales, à générer un tissu de nouvelles
entreprises et à mettre en oeuvre une dynamique territoriale de
l'innovation.
Magnus Saxegaard (2006) a affirmé que du point
de vue financier, la mobilisation des ressources internes est possible, mais
manque souvent la volonté politique des gouvernants et des acteurs
privés. L'image de pays pauvres manquant de ressources
financières est largement répandue alors que les
établissements financiers de nombre de ces pays sont en situation de
surliquidité. Une étude menée par le Fonds
monétaire international en 2004 en Afrique subsaharienne a montré
que, à l'exception de la Gambie, du Malawi et de la Sierra Leone,
l'ensemble des pays africains subsahariens connaissaient une situation de
surliquidité. La même observation peut être faite pour un
grand nombre des pays en développement. Au niveau
microéconomique, cette surliquidité est une contrainte pesant
lourdement sur les populations les plus démunies pour faire face aux
risques de l'existence, d'où la nécessité de services
d'épargne et d'assurance ainsi que de transferts pour ces populations.
Par ailleurs, les établissements bancaires ne souhaitent pas prendre le
risque de prêter aux particuliers ne fournissant pas de solides
garanties, ni aux micros et petites entreprises. Ils font plus volontiers
crédit aux Etats.
Selon Malika Berak, l'exploitation des matières
premières représente une importante source de devises
étrangères et de recettes fiscales qui devraient permettre de
financer tout ou partie des efforts de développement.
La conférence des Nations Unies du 18 au 22 Mars 2002
réalisée aMonterrey (Mexique) a permis l'adoption
d'un accord international sur le financement du développement. Depuis,
l'accord de Monterrey s'est imposé comme une référence
pour les acteurs de la coopération au développement.Deux
principales avancées peuvent être retenues. La première est
sans doute d'avoir abordé la question du financement du
développement par une approche large, en identifiant les
principaux domaines d'action : mobilisation des ressources
financières intérieures ; investissements directs et autres
apports de capitaux privés étrangers ; commerce
international ; aide publique au développement ;
allègement de la dette ; et, enfin, révision des
systèmes monétaire, financier et commercial internationaux. Sans
nier l'importance de l'aide publique au développement (APD), la
conférence a posé le constat qu'aucun soutien extérieur,
aussi massif soit-il, ne pourra jamais remplacer les réformes
fondamentales nécessaires aux économies nationales. Le
deuxième résultat consiste à partager la
responsabilité du financement du développement par un partenariat
entre pays industrialisés et pays en développement. Ce
nouveau partenariat global engage les pays en
développement à prendre leurs responsabilités sur le plan
des réformes politiques et de la bonne gouvernance et
les pays industrialisés à augmenter le volume de l'APD et
améliorer la qualité de l'aide. Un des engagements centraux du
Consensus de Monterrey concerne l'ouverture des marchés des pays
industrialisés aux produits des pays du Sud.
Financer le développement local implique,
évidemment, rechercher des fonds pour mettre en place des
stratégies et pour réaliser des projets locaux. Mais la
disponibilité de capitaux n'est qu'un aspect de la question. En effet,
il faut souligner un élément encore plus important : la
façon dont le développement local est financé est
très étroitement liée aux objectifs du
développement local et à la durabilité de ses
résultats. On peut donc affirmer qu'il existe plusieurs types de
développement local suivant les sources de financement. De nos jours, le
financement du développement local n'est plus seulement lié
à la disponibilité de finances publiques, mais aussi à
celle des finances privées et concerne aussi de multiples acteurs. Le
secteur bancaire est l'un d'entre eux. Le secteur du crédit mutuel et
coopératif représente un segment important du secteur
bancaire. Toutefois sa contribution au développement local et
à son financement n'a pas encore été suffisamment
étudiée. Si, de manière générale, le
développement économique d'un territoire est fortement
influencé par l'action et les stratégies des banques qu'y
opèrent, certaines d'entre `elles, comme les banques mutualistes et
coopératives, ont une vocation explicite à soutenir le
développement local, car cela correspond à leur mission
statutaire.
Par ailleurs,Dans leur article sur la micro
finance, Isabelle Guérin et ses
coauteurs, Cyril
Fouillet,IsabelleHillenkamp, Olivier
Martinez, Solène Morvant-Roux et Marc
Roesch, prennent le contre-pied des louanges apportées, souvent
sans nuance, à la micro finance. Tout en mettant en évidence
certains avantages et progrès réalisés sur des points
précis, il leur est cependant difficile d'affirmer que la micro finance
est un outil généralisable pour lutter contre la pauvreté.
Elle peut même créer des inégalités (entre zones
rurales et urbaines) et avoir un impact néfaste sur la création
d'emplois. A l'aide d'exemples provenant du Bénin, de la Bolivie, de
l'Inde et du Mexique, les auteurs arrivent à la conclusion que la micro
finance peut être considérée avant tout comme un filet de
sécurité pour la frange de la population qui a accès aux
microcrédits afin de faire face à des situations
d'irrégularité et d'imprévisibilité des revenus et
d'inadéquation entre revenus et dépenses. Les auteurs soulignent
cependant que « la micro finance peut être un filet de
sûreté pour les plus démunis, mais elle ne peut
qu'exceptionnellement être un facteur de lutte contre la pauvreté
par accroissement des revenus et diminution des
inégalités » et concluent sur la
nécessité de recentrer le débat sur la situation du client
et la qualité des services. Aussi, l'accès au crédit
est-il un vrai problème ou une fausse solution ? Si l'accès
au crédit semble être une des clés de voûte du
financement du développement, Christophe Gironde, à
l'exemple du Vietnam, relativise cette assertion. Après avoir
brièvement présenté l'organisation du financement des
activités agricoles pendant la période de l'économie
planifiée et des coopératives, l'auteur aborde les
réformes importantes qui eurent lieu à la fin des années
1980 et au début des années 1990. L'introduction progressive de
l'économie de marché a transformé radicalement les
mécanismes de financement des activités agricoles :
suppression des subventions, nécessité de s'autofinancer, manque
d'institutions bancaires spécialisées pour financer les
activités non étatiques... La période
d'« ouverture » fut ainsi d'abord marquée par un
manque crucial en capital. Des efforts considérables furent entrepris
pour injecter des crédits dans l'économie rurale. L'analyse de C.
Gironde montre cependant que, quinze ans après la réhabilitation
de l'exploitation familiale, les paysans doivent aujourd'hui faire face
davantage à un problème d'écoulement, que de financement,
de leur production. L'unique préoccupation de l'accès au
crédit ne résout pas tout ; les problèmes actuels de
la paysannerie vietnamienne sont de l'ordre de la compétitivité
et de la rentabilité.
La conférence a mis en lumière la contribution
des banques coopératives au développement économique local
à travers une analyse de leurs caractéristiques identitaires, de
leur mission de service aux territoires, des différences de ce secteur
par rapport au secteur du crédit commercial, de ses relations avec les
finances alternatives et solidaires. Elle a voulu aussi s'interroger sur la
validité du modèle coopératif par rapport aux autres
modèles existant dans le secteur bancaire et financier, ainsi que sur
les défis que le secteur doit relever pour trouver un équilibre
entre efficacité économique et mission sociale, entre dimension
de proximité et positionnement sur les marchés internationaux.
Plusieurs autres auteurs ont
abordé le même thème. Dans l'ensemble, ils estiment que
l'étude du financement du développement local ne peut faire
l'économie d'une réflexion sur le personnel communal
chargé de la mobilisation et surtout de l'exécution du
financement obtenu. Selon eux, une politique de formation efficiente mettra
á la disposition des collectivités du personnel apte a
inventé le développement et á mettre en place les
mécanismes de financement pour enclencher et entretenir le
développement.
Ils ont aussi abordé le recours á l'emprunt
comme une option pour renforcer sensiblement les capacités
d'investissement afin de permettre aux collectivités africaines de faire
face aux besoins financiers liés à leur développement.
Aubry (2000) a montré que le recours aux aides et aux
dons même s'il est nécessaire et utile n'est pas une solution. Il
réduit á terme la mobilisation des fonds nécessaires et il
répond plus à la logique des différents bailleurs et peut
conduire á un gaspillage d'investissement. Pour cet auteur
« la capacité d'endettement est un élément
majeur des finances locales, la seule opportunité de financement de
l'urbanisation au niveau de l'aménagement et des services
urbains ». Il a aussi mis en garde contre
l'endettement mal maîtrisé qui réduit la confiance des
marchés et des capacités d'endettement. Selon cet auteur,
l'accès aux crédits exige une discipline très rigoureuse
de gestion municipale et le renforcement des capacités du gestionnaire
des collectivités locales.
Nous pensons que l'inventaire des ressources probables est
exhaustif de même que le diagnostic fait sur le financement du
développement local. Mais pour notre part, nous estimons qu'il faut
confronter ces théories á la réalité d'une
commune ; Etant donnée qu'elles ont abordées des notions sur
le développement local et sur son financement, en passant par la
décentralisation qui appelle l'exercice du pouvoir local et la
participation des autres acteurs à cet exercice. Notre contribution
á la réflexion sera de voir dans quelle mesure ces
théories peuvent être appréciées sur le terrain,
notamment dans la commune d'Abomey- Calavi, et de faire des suggestions qui
s'imposent.
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