Conclusion du chapitre
Les services funéraires ne datent pas d'aujourd'hui
mais récente est leur "marchandisation".116
Ainsi, depuis longtemps, alors qu'on annonçait une mort
aux voisins, aux amis et aux membres proches et éloignés de la
famille du défunt, tout le monde accourait pour offrir à ceux qui
venaient de perdre ce qu'il pouvait: des larmes, de la nourriture pour le deuil
(ibiryazagu) et adresser ses adieux à celui qui venait de
partir en voyage sans retour.
Aujourd'hui, une modernité est venue pour bouleverser
cette situation. Ce sont les services des pompes funèbres avec leur
caractère lucratif et mercantile. Le personnel des pompes
funèbres a inventé une autre philosophie pour attirer sa
clientèle: "celui qui vous aime vous cache le tien (mort)". Il s'agit
d'une phrase littéralement traduite du kirundi:"Uwugukunda aguhisha
uwawe". C'est un faux adage, une invention au but commercial.
Par contre, ces entreprises ont un apport positif dans la
conservation des morts sans la participation directe de la famille
frappée par la douleur de la perte. Il suffit que cette dernière
accepte, si elle en a les moyens bien sûr, de dépenser ce qui lui
reste comme épargne. Néanmoins, il n'est pas facile de
répondre aux demandes de ces entreprises funéraires, exploitant
de la mort, comme certains les appellent étant donné
116.
http://www.France-obseques.fr/étude-credoc/pompes-funebres-service-funeraire.html
67
que l'événement malheureux arrive d'une
façon inattendue. Le retour à l'esprit de solidarité
pourrait dans beaucoup de cas être une alternative à l'ambiance
mercantile qu'on rencontre chez les pompes funèbres.
Conclusion générale
Réfléchir sur le sujet « Mourir au Burundi
: gestion de la mort et pratiques d'enterrement... » suppose qu'on jette
un regard sur la thématique de la mort et de sa gestion dans une
société traditionnelle où les rites et les cultes occupent
une place de choix.
Il ressort de notre étude que l'évolution des
rites et sites funéraires s'est opérée dans un contexte de
contact de notre pays avec le monde extérieur, plus
précisément dans le contexte de la colonisation allemande, puis
belge. Mais, une question se pose à ce niveau: les changements
observés dans les pratiques funéraires ancestrales, incluant
l'usage des cercueils et d'autres objets modernes (draps, parfum,...) ainsi que
l'aménagement minutieux des espaces funéraires (cimetières
et tombes) ont-ils eu des conséquences sur le vécu
sociétal des Burundais ?
Nous pouvons proposer des réponses axées sur les
trois thèmes qui ont fait l'objet de notre étude. Avec
l'introduction d'autres cultures étrangères, on s'achemine «
vers une perte de l'identité burundaise »117, à
la fin du XIXème siècle. Le Burundais a connu des bouleversements
de tout ordre dont celui des funéraires. Le Murundi traditionnel qui
consultait le devin au moindre problème touchant sa vie et ses biens,
est condamné à une nouvelle croyance, celle apportée par
les Européens. Ces derniers le soumettent à une sorte de croyance
fatale et à une imposition qui pousse à la rupture de
l'héritage du passé, « caractérisé par le
départ de tous ceux qui représentaient l'aspect religieux du
pouvoir traditionnel ».118 La mort devient le salaire du
péché, une explication donnée par le prêtre pendant
que de l'autre, elle résultait par exemple de l'ensorcellement, du non
respect des ancêtres,... Cela est exploité à bon escient
par les missionnaires qui, pour faciliter la colonisation jouent un grand
rôle dans la façon de voir le monde.
117. J.Gahama, Le Burundi sous l'administration belge,
Editions Karthala, Paris, 2001, p407. 118 . J.Gahama, op.cit. p407
119. Ibid.
68
Les rites funéraires prennent une autre forme, celle
copiée par « une nouvelle génération de chefs
gagnés à la religion catholique et aux modes de vie à
l'occidentale ».119 Les cérémonies
funéraires traditionnelles dont le rôle est sans mesure
(rassembler les familles, renforcer les relations inter claniques et le pouvoir
de l'autorité,...) sont limitées à une simple
présence de l'homme de l'église avec son eau bénite.
Cependant, il est important de préciser que tous les
éléments apportés par le blanc n'étaient pas
mauvais. Il y a certaines choses qui méritaient le changement. C'est
notamment le temps long passé sans travailler que les funérailles
prenaient et qui étaient à l'origine des famines. Il était
contradictoire de perdre une main d'oeuvre et de rester dans le deuil sans
penser au travail. Mais, il n'était pas nécessaire à notre
entendement de jeter en bloc tout ce qui constituait notre culture étant
donné que chaque société a ses caractéristiques.
Non plus, il ne fallait pas adopter les pratiques occidentales sur les morts en
faisant fi aux nôtres qui nous distinguent des autres. Malheureusement,
avec la force et l'habileté que les Européens sont venus, il
était difficile de résister à l'invasion culturelle. Les
cimetières et leur gestion ont dû eux-mêmes s'adapter aux
changements introductifs par le temps et par les civilisations d'ailleurs
(européenne surtout). Les morts, vont de plus en plus être
éloignés des vivants.
La sépulture dans l'enclos ou dans les environs
cède la place aux obsèques dans des lieux publics connus de
l'administration. Le prêtre s'invite au domicile du défunt pour le
mettre en contact avec Dieu, gestionnaire de la vie de l'au-delà. Ces
évolutions forcées de mentalités ont sans doute
entraîné des changements de comportement des Burundais dans la
gestion des morts.
L'argent dégomme la solidarité d'antan; les
services funéraires exonèrent la famille du défunt du
travail de préparer le mort autrefois conçu comme l'expression
d'un dernier attachement au sien que la mort venait de hacher. Les
cimetières, comme les tombes vont progressivement prendre l'allure de
cités qui, au milieu urbain, reflète le niveau de vie
matériel de la famille du défunt. A cette
ségrégation économique s'est ajoutée durant ces dix
dernières années la différenciation ethnique des
cimetières. Il s'agit d'une dérive déplorable dont les
ressorts méritent d'être identifiés à travers une
recherche de type sociologique ou anthropologique.
69
Les cimetières, comme patrimoine social, pourraient
faire l'objet de beaucoup d'attention, en proposant des stratégies de
leur protection et de leur réhabilitation.
Face à la pression démographique sur les terres
cultivables, une réflexion sur de nouveaux modes de conservation des
morts (exemple de l'incinération) se révèle à notre
avis nécessaire.
70
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIES
I. LES SOURCES ECRITES
I.1. Les ouvrages
1. Alliance Biblique Universelle, La Bible, TOB, Nouvelle
édition revue, Société Biblique et Edition du Cerf, Paris,
1988, 1861p.
2. ARIÈS, P., Essais sur l'histoire de la mort en
Occident. Du Moyen Age à nos jours, Paris, Seuil, 1975, 522p.
3. ARIÈS, P., L'Homme devant la mort, Paris,
Seuil, 1977, 641p.
4. BELLON, R. et Delfosse, P., Codes et lois du Burundi,
Maison Ferdinand Larcier, Bruxelles, 1970, 1092p.
5. BOURDEAU, L., Le Problème de la mort ; ses
solutions imaginaires et la science positive, Paris, 1904, 355p.
6. CAZENEUVE, J., Sociologie du rite, PUF, Paris, 1971,
334p.
7. CHESTON, L., Les révélations de la mort,
Plon, Paris, 1942, 230p.
8. CHRETIEN, J.P. (dir.), L'invention religieuse en Afrique.
Histoire et religion en Afrique noire, ACCT- Karthala, Paris, 1993,
487p.
9. CHRETIEN, J.P., Burundi. L'Histoire retrouvée : 25
ans de métier d'historien en Afrique, Karthala, Paris, 1993,
509p.
10. COLLART, R., Les débuts de
l'évangélisation au Burundi, EMI, Bologna, 1981, 407p.
11. COLLIN, J. De Plancy, Dictionnaire infernal, Slatkine
Reprints, Genève, 1980, 723p.
12. Dictionnaire Larousse, Ed. Françaises, Paris,
1995, 767p.
13. DUBOIS, J. et WIJNGAERT, L. V. D, Initiation
philosophique, Editions du C.R.P, Kinshasa, 1981, 248p.
14. DUFOUR, L., X., Face à la mort, Jésus et
Paul. Parole de Dieu., Seuil, Paris, 1979, 315p.
15. FAVRE, R., La mort dans la littérature et la
poésie françaises au siècle des lumières, Lyon,
P.U.L., 1976, 640p.
16. GAHAMA, J., Le Burundi sous l'administration belge: la
période du mandat 19191939, Karthala, Paris, 1983 Bujumbura,
465p.
17. HARDY, C., L'après-vie à l'épreuve
de la science, Ed. Du Rocher, Monaco, 1986, 305p.
18. JANKELEVITCH, V., La mort, Flammarion, Paris, 1977,
474p.
71
19. MANRAN, R., Batouala, Albin Michel, Paris,
1921.
20. MEHL, R., Le vieillissement et la mort, PUF,
Paris, 1956, 136p.
21. MERAND, P., La vie quotidienne en Afrique noire,
Harmattan, Paris, 239p.
22. MEYER, H., Les Barundi: une étude ethnologique
en Afrique orientale, 1984, 274p.
23. MORIN, E., L'homme et la mort, Seuil, Paris, 1970,
372p.
24. MUSANIWABO, T.M.L., Les chemins de la sagesse. Imana
et le Murundi, Centre d'Histoire des Religions, Louvain-la-Neuve, 1979,
231p.
25. MWOROHA, E., Peuples et rois de l'Afrique des Grands
Lacs, Les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, 352p.
26. NGAYIMPENDA, E., Histoire du conflit politico-ethnique
burundais. Les premières marches du calvaire (1960-1973), Ed. de la
Renaissance, Bujumbura, 2004, 629p.
27. NTAHOMBAYE, P., Des noms et des hommes. Aspects
psychologiques et sociologiques du nom au Burundi, Karthala, Paris, 1983,
281p.
28. POUPARD, P. (dir.), Dictionnaire des religions,
P.U.F, Paris, 1984, 2218p.
29. ROZIER, R., Le Burundi, pays de la vache et du
tambour, les Presses du Palais Royal, Paris, 1973, 582p.
30. SABATIER, R., Dictionnaire de la mort, Paris,
Albin Michel, 1967, 540p.
31. SAMI A. ALDEEB ABU-SAHLIEH, Les Cimetières,
normes et pratiques chez les musulmans et leur implication en Suisse,
L'Harmattan, Paris, 2001, 96p.
32. SOUSBERGHE, L. de, Pactes de sang et pactes d'union
dans la mort de quelques peuplades du Kwango, Académie Royale des
Sciences d'Outre-Mer, Bruxelles, 1960, 160p.
33. THIBAUT, O., Maîtrise de la mort, Ed.
Universitaires, Paris, 1975, 22p.
34. THIBON, C., Histoire démographique du
Burundi, Karthala, Paris, 2004, 438p.
35. THOMAS, L-V., Anthropologie de la mort, Paris,
Payot, 1976, 540p.
36. THOMAS, L-V., Rites de mort. Pour la paix des
vivants, Fayard, Paris, 1985, 285p.
37. VAN NOTEN, F. L, Les tombes du roi Cylima Rujugira et
de la reine-mère Nyirabuhi Kanjogera: description archéologique,
Musée Royal de l'Afrique centrale, Tervuren, 1972, 82p.
72
38. VIDAL, R., Guide pratique de législation
funéraire, Librairies techniques, Paris, 1985, 383p.
39. ZUGLER, J., Les vivants et la mort : une investigation
médicale, Laffont, Paris, 1982, 314p.
I. 2. Les mémoires
40. BARANSANANIYE, A., La mort et l'après-mort, (
traduit dans la littérature rundi), Bujumbura, E.N.S, 1976, 75p.
41. GAHAMA, A., La reine mère et ses prêtres
au Burundi, ENS, U.B, 1976, 92p.
42. IMWIYITIRIRE, C., Bukeye, fin du domaine royal et
réalisations missionnaires (1915-1962), U. B., Bujumbura, 1982,
89p.
43. MANIRAKIZA, Z., Guerre et paix dans le Burundi
traditionnel. Une étude anthropologique et sémiotique de la
poésie guerrière. D'après une enquête menée
en commune Mpinga-Kayove. Bujumbura, U.B, 1991, 158p.
44. MUJAWAHA, M., Le rituel à travers quelques romans
négro-africains et
d'expression française, U.B., FLSH, LLF,
Bujumbura, 1971, 70 p.
45. MULAGO GWA CIKALA, M., La religion traditionnelle des
Bantu et leur vision du monde, BCRA, Faculté de théologie
catholique, Kinshasa, 1980, 211p.
46. NGAYIMPENDA, E., La Transition démographique en
situation coloniale: le cas du Burundi: environ 1930-1960, Bujumbura, U.B,
FLSH, 1984, 221p.
47. NGENDAKUMANA, I., Etude de quelques aspects
psycho-sociaux du deuil au Burundi: enquête menée dans la
région de Mubuga dans la commune de Ngozi, Bujumbura, U.B, FPSE,
1983, 165 p.
48. NSABIMANA, L., La peine de mort en droit
pénal, Bujumbura, U.B, F.D, 1983, 93p.
49. NTAMAHUNGIRO, E., Le thème de la vengeance
à travers les contes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1980, 225p.
50. TUZAGI, H., La Conception traditionnelle de la mort
à travers des proverbes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1985, 128p.
73
I. 3. Articles de revues
51. CHRETIEN, J.P., " Les arbres et les rois, sites
historiques au Burundi", Culture et société, revue de
civilisation burundaise, Ministère de la Jeunesse, des sports et de
la culture, Bujumbura, 1978, 124p.
52. GIRUKWISHAKA, E., « Nangayivuza au Burundi»,
QVES? n°7, 1969.
53. HAKIZIMANA, S., « La superstition au Burundi »,
QVES? n°37, 1979
54. NTABONA, A., « Le Monde des Esprits dans l'âme
du Murundi », QVES? n°7, 1969.
55. NDIGIRIYE, E., « Le lever de deuil chez les Barundi
», ACA, Bujumbura, 1972.
56. NDIGIRIYE, E., « Les funérailles chez les
Barundi », ACA, Bujumbura, 1969.
57. NTABONA, A., « Recherche d'harmonie, gage de la paix
dans l'axiologie burundaise traditionnelle», Au Coeur de l'Afrique,
n°2-3, Les Presses Lavigerie, Bujumbura, 1999, 208p.
58. NTABONA, A., « Le phénomène du burozi
», QVES? n° 22- 23, 1975.
59. NYANDURUKO, M.-J., « Burundi: de la lumière
à l'obscurité. La question lancinante du retour à la
Religion Traditionnelle », Au coeur de l'Afrique, Les Presses
Lavigerie, Bujumbura, 1999, 164p.
60. VYUMVUHORE, A., « Efficacité de la magie noire
au Burundi », QVES? n°2223, 1975
I. 4. Les sources inédites
61. Archives nationales, Kitega AA 152, 1933-1960,
liasse 1 (1954-1956), Cimetières pour indigènes, lettre
n°1446/just du 17/4/54 de Résident n°211/1928/997 du 6/4/54 de
V.G.G.
I.5. Sites web : Moteurs de recherche
http://www.google.com
http://fr.wikipedia.org/wiki
http://yahoo.fr
74
II. LES SOURCES ORALES Liste des informateurs
Nom et prénom
|
Age
|
Localité
|
profession
|
date d'enquête
|
1. Ndimubandi Dismas alias Makumba
|
50
|
Muyange(Gitanga)
|
Notable
|
Août 2005
|
2. Congera Abdatien
|
45
|
Kanyererwe(Giharo)
|
Représentant des notables et
secrétaire paroissial
|
12/08/05
|
3. Gahungu André
|
74
|
Bukemba
|
Cultivateur
|
18/07/05
|
4. Nahimana Pierre
|
64
|
Gifunzo
|
Notable
|
11/08/05
|
5. Mpfaguhora Sébastien
|
62
|
Mpinga-Kayove
|
Enseignant
|
Août 2005
|
6. Ngendabanyi-kwa Joseph
|
55
|
Musongati
|
Chef de secteur
|
Août2005
|
7. Mukerangabiro Salomé
|
34
|
Muyinga(Quartier Gasenyi)
|
Percepteur des taxes communaux
|
Août 2005
|
8. Nzeyimana Vincent
|
50
|
Gasorwe(Gishuha)
|
Chef de secteur
|
20/09/05
|
9. Macumi Boniface
|
52
|
Gasorwe(Nyungu)
|
Chef de secteur
|
Août 2005
|
10. Gahungu Claver
|
51
|
Gasorwe(Kagurwe)
|
Chef de secteur
|
Août 2005
|
11. Gahungu Jean
|
54
|
Gasorwe(Masasu)
|
Chef de zone
|
Août 2005
|
12. Mukankima Delphine
|
27
|
Gasorwe
|
Comptable communal
|
Juillet 2005
|
13. Bayubahe Chantal
|
24
|
Bururi
|
Observateur des droits de l'homme
|
Août 2005
|
14. Habarugira Immaculée
|
30
|
Muramvya
|
Secrétaire à la province de Muramvya.
|
Août 2005
|
15. Bizindavyi Emmanuel
|
30
|
Bujumbura
|
Etudiant U.B
|
Août 2005
|
16. Sheh YUSUFU
|
45
|
Buyenzi
|
Religieux (imam)
|
Août 2005
|
17. Wakora
|
50
|
Gitanga
|
cultivateur
|
Juillet 2005
|
18. Ntahondi
|
70
|
Gitanga
|
cultivateur
|
Juillet 2005
|
19. Ntahompagaze Jean de Dieu
|
37
|
Gitanga
|
enseignant
|
Juillet 2005
|
20. Nkeshimana Gabriel
|
20
|
Bujumbura
|
élève
|
01/08/05
|
21. Bimenyimana Ernest
|
35
|
Bubanza
|
enseignant
|
Août 2005
|
22. Mathias Habimana
|
37
|
Rugombo
|
Observateur des droits de l'homme
|
01/09/05
|
23. Niyonkomezi Salomon
|
35
|
Buyengero
|
Observateur des droits de l'homme
|
Août 2005
|
75
|
|