Mourir au Burundi: gestion de la mort et pratiques d'enterrement (de la période pré- coloniale à nos jours )( Télécharger le fichier original )par Emmanuel NIBIZI Université du Burundi - Licence en histoire 2005 |
II.2. Leur réglementationPour revenir au Burundi, les premiers textes réglementant les cimetières datent de l'époque coloniale, vers la fin de la colonisation allemande, en 1909. Il s'agit essentiellement de deux Ordonnances: celle du Gouverneur général du 4 septembre 1909 en rapport avec le "Service des inhumations et police des cimetières en milieu coutumier" et l'ordonnance du 14 février 1914 réglementant le "Service des inhumations et police des cimetières dans les agglomérations". Ces deux Ordonnances ont été rendues exécutoires au Burundi par l'O.R.U (Ordonnance du Ruanda-Urundi) n°36 du 2 juin 1925. Ainsi, lesdits textes constituent un repère de création des cimetières bien qu'elles aient connu toute une série de modifications. A ces deux ordonnances est ajouté le décret-loi de 1982, portant code de la santé publique et d'autres mesures de protection des cimetières. Déjà, récemment, en décembre 2004, le Ministère de l'intérieur a rendu public un document intitulé: «Instructions permanentes aux administratifs en matière des cimetières". La réglementation des cimetières en cette période coloniale, comprend aussi des concessions créées par l'arrêté du Gouverneur général du 16 mai 1907. La législation burundaise sur les cimetières avait préconisé à cette même période, la pratique de 89. http://www.chez.com/nassimit/prehistoire.htm 90 . http://www.advitam.fr/advitam_vref-193.MD-1vdoc.html 91. A.A.SAMI, Les cimetières, normes et pratiques chez les Musulmans et leur implication en Suisse, L'Harmattan, Paris, 2001, p.37 47 l'incinération, l'exhumation et translation de restes mortels à l'intérieur du pays comme vers l'étranger. En vertu de l'ordonnance du 4 septembre 1909 de l'initiative du Gouverneur général, elle a été rendue exécutoire au Burundi par l'O.R.U n°36 du 2 juin 1925 et elle a été par après modifiée par l'Ordonnance n°336/J. du 29 octobre 1947 rendue exécutoire par l'O.R.U n°91/29 du 16 mars 1948.92 Remarquons que certaines prescriptions légales relatives au service des inhumations étaient loin d'être respectées; elles étaient des mesures "très impopulaires" comme l'a fait remarquer R.P. Dubois, le Père Supérieur de la Mission de Kiganda qui parlait de l'exemple des cimetières de sous chefferies rendus obligatoires. Dans sa lettre du 22 avril1955, adressée à l'Administrateur de Muramvya, il disait: "(...) Je me permets de vous faire remarquer que cette mesure les obligeant à faire enterrer leurs morts dans ces cimetières de sous chefferie, est très impopulaire : certains sous-chefs m'ont déjà fait savoir que leurs gens ne s'y résignaient pas (...)".93 Les réticences n'ont pas été faciles à vaincre: le 30 avril 1957, le Vice-Gouverneur Général du Ruanda-Urundi, par le biais du Secrétaire à l'intérim I. REISDORF, a adressé une correspondance aux Administrateurs de territoires pour qu'ils procèdent à la vérification du respect de cette mesure. Rien ne vaut cet extrait de sa lettre: " Monsieur le Résident, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir vérifier si les prescriptions légales de l'Ordonnance du 14 février 1914 du Gouverneur Général applicable au Ruanda-Urundi et relative au service des inhumations et à la police des cimetières dans les centres d'occupation de l'Administration et dans les endroits désignés (...) sont respectées dans votre Résidence".94 Cette démarche, certes policière, porta des fruits. Ainsi, par exemple, la chefferie Buyenzi-Bweru du territoire de Ngozi, comprenant 19 sous-chefferies, comptait déjà en 1960, 37cimetières correspondant aux 37 collines.95 Le tableau suivant donne leur répartition. Tableau n°2: Les cimetières de la chefferie Buyenzi-Bweru
95. Archives nationales, Ngozi B4 1960-1963, liasse1 Cimetières de chefferie avec plans. 96 .Archives nationales, lettre n°211/4632/1.705, au Résident de l'Urundi à Kitega, Usumbura, 1954. 97. R. Bellon et P. Delfosse, Codes et lois du Burundi, Ferd. Larcier, Bruxelles, 1970, p.620. 48
Les dimensions de ces cimetières variaient entre 100m sur 100m et 25m sur 50 mètres suivant la densité de la population environnante. Selon l'ordonnance du 4 septembre 1909, dans son article 2, il est stipulé qu'aucune inhumation ne pouvait être effectuée hors de l'endroit déterminé, si ce n'était pour des motifs exceptionnels.96 Chaque inhumation devait avoir lieu dans une fosse séparée dont la profondeur était de 1,50 mètres et deux mètres de longueur. La distante exigée entre deux fosses devait être au moins d'un mètre sur tous les côtés.97 Toute inhumation était portée, sans retard, par l'intermédiaire du chef « indigène », à la connaissance du chef de poste qui mentionnait sur un registre spécial l'identité du 49 décédé, la date et la cause du décès ainsi que le lieu de la sépulture. A cette fin, l'emplacement des tombes pouvait être, autant que possible, repéré sur le plan des cimetières.98 L'on comprend que ce texte a été mis sur pied pour bouleverser les pratiques d'inhumation ancestrales existantes. Comme les Burundais pratiquaient le culte des ancêtres, ils avaient un grand intérêt à inhumer leurs disparus dans un lieu non public. Remarquons que le souci d'hygiène a été à l'origine de la création et de la consolidation des cimetières. Le décret-loi n°1/16 du 17 mai 1982 portant code de la santé publique stipule qu'aucune inhumation ne peut avoir lieu en dehors des terrains affectés à cet usage sauf dérogation motivée de l'administrateur communal (article 26). Le Ministère de la Santé publique a un grand rôle à jouer dans l'exécution du projet de création d'un cimetière. Il doit mener des enquêtes pour vérifier si les conditions sont réunies. Parmi ces conditions, on peut citer entre autres la distance entre le cimetière et les habitations les plus proches d'une part et la distance entre le cimetière et les sources d'approvisionnement en eau, d'autre part. Ainsi, si ces critères ne sont pas respectés, ledit Ministère peut refuser l'autorisation d'exécuter le projet de cette création. Mais joue-t-il réellement son rôle dans ce domaine précis? Ce n'est pas notre sujet. |
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