IV.5.1.2-.Taille de première maturité
sexuelle (L50)
Nous avons orienté notre discussion sur la
L50 qui permet une étude comparative de la taille de
première maturité sexuelle d'une espèce vivant dans des
environnements distincts. La L95 est surtout utilisée pour
l'évaluation du potentiel halieutique de l'espèce.
Plusieurs auteurs ont montré que la taille de
première maturité sexuelle varie en fonction des conditions
environnementales chez les tilapias (Lowe McConnell, 1982 ; Eyeson, 1983 ;
Legendre & Ecoutin, 1996 ; Duponchelle, 1997).
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Tableau 24 : Synthèse de différents
résultats obtenus sur la fécondité relative, le
diamètre ovocytaire et la L50 de Sarotherodon
melanotheron heudelotii et de Tilapia guineensis.
|
Fécondité relative
|
Diamètre ovocytaire
|
L50
|
Localisation
|
Références
|
SME
|
6172
|
1,7 #177; 0,27
|
139
|
Casamance
|
Présente étude
|
|
2,61 #177; 0,06
|
78
|
Saloum
|
Gueye, 2006
|
|
|
131
|
Saloum
|
Panfili et al, 2004b
|
|
|
176
|
Ebrié naturel
|
Legendre & Ecoutin
|
|
|
140
|
Ebrié enclos
|
Legendre & Ecoutin, 1989
|
|
|
150
|
Casamance
|
Albaret, 1987
|
TGU
|
|
|
159
|
Ebrié naturel
|
Legendre & Ecoutin, 1989
|
|
|
154
|
Ebrié enclos
|
Legendre & Ecoutin, 1989
|
|
71
Les plus faibles L50 en amont qu'en aval du
barrage de S. m. heudelotii et de T. guineensis sont
liées surtout au fort stress causé par le passage de l'eau
salée en amont du barrage au mois de mai, par la forte
température enrégistrée à Diana Malary pendant ce
mois et par la faible profondeur des eaux en amont de Diana Malary. Cette
dernière situation aurait entraînée les poissons vers les
zones situées plus en aval de l'estuaire (comme Diana Malary), ce qui
peut causer un manque d'espace à ces poissons pour accomplir leurs
activités bioécologiques, d'où une plus forte
agressivité des individus. Ce fait est bien confirmé par les
faibles L50 observées à Diana Malary (106 mm pour
S. m. heudelotii, 117 mm pour T. guineensis) au mois de mai.
Tous ces résultats illustrent les réponses de ces espèces
lorsqu'elles sont exposées de façon brusque à des
salinités élevées après avoir vécu longtemps
en eau douce mais aussi à de fortes températures. Comme l'a
montré l'étude de Watanabe & Kuo (1985), ces tilapias
deviennent plus sensibles à l'augmentation de la salinité que
ceux qui étaient préalablement exposés. Gilles et al,
(2004) affirment que les adultes peuvent être
transférés sans acclimatation de l'eau douce à l'eau mer
et inversement. Mais cela n'exclut pas des variations de leurs traits
biologiques aux conditions changeantes du milieu. De plus, lors de cette
étude les salinités avaient atteint même des valeurs
supérieures à 36 (75). Des variations de la L50 entre
différentes populations ont été déjà
démontrées chez plusieurs espèces tropicales dans tous les
écosystèmes aquatiques ouest africains : en lagune (Guyonnet
et al., 2003), en estuaire (Panfili et al., 2004b) en eau
douce de lac (Duponchelle & Panfili, 1998) et en rivière (Paugy,
2002). La taille à la première maturité sexuelle est un
paramètre biologique particulièrement sensible aux variations
environnementales (Panfili et al., 2006). Les variations temporelles
de la L50 observées au cours de cette étude
suggèrent que ces espèces sont sensibles aux fluctuations de la
salinité et de la température. Des variations sur la taille
à la première maturité sont fréquentes chez les
tilapias (Faunce, 2000). Mais la question qui reste encore à
déterminer est de savoir si ces changements sont dus à une
maturité précoce ou à un phénomène de
nanisme (Eyeson, 1983). Certains auteurs prétendent que ceci pourrait
être une conséquence d'une précocité des individus
(Panfili et al., 2006 ; Gueye, 2006). En revanche une
différence de croissance entre les populations de l'estuaire du Saloum
et de la Gambie a été montrée (Panfili et al.,
2004b). De plus ces auteurs également ont constaté que la
croissance de S. m. heudelotii était inhibée par les
très fortes ou très faibles salinités. D'autres auteurs
ont montré l'effet réducteur de la salinité sur la taille
de T. guineensis et de S. m. heudelotii (Pandaré
et al., 1997) et sur divers poissons en générale (Boeuf
& Payan, 2001) Nos résultats obtenus sur la variation temporelle des
tailles moyennes et maximales
72
appuyés par l'existence de la relation: taille
maximales/croissance (Lauzanne, 1978 ; Legendre & Albaret, 1991),
expliquent ces changements de L50 par une par une différence
de croissance des poissons en réponse au stress de salinité en
particulier. Mais à cause de l'abence de variation significative des
tailles des individus entre l'amont et l'aval du barrage, nous ne pouvons pas
exclure définitivement la précosité des
individus.
Nos résultats ont également
montré que l'augmentation de la salinité et de la
température entraine chez ces tilapias une réduction de la taille
du plus petit individu mature. Cette taille a été plus petite
dans les stations aval que dans celles d'amont du barrage. Mais
également elle a été plus faible en mai qu'en
février et octobre. Ces résultats confirment celles de Panfili
et al., (2006) au Saloum, qui remarquent que le plus petit individu
mature (PPIM) était un bon indicateur de la L50
trouvée dans un environnement donné.
La taille de première maturité sexuelle
trouvée (L50) chez S. m. heudelotii dans cette
partie de l'estuaire (139 mm) peut être rapprochée à celle
trouvée par Panfili et al, (2004b) dans le Saloum (131 mm).
Elle peut également être rapprochée à celle
déterminée en enclos d'élevage en Lagune Ebrié (140
mm) par Legendre & Ecoutin (1989) qui notent une diminution de la
L50 par rapport à celle obtenu en milieu naturel (176 mm).
Quant à la L50 de T. guineensis (125 mm), elle est
inférieure aux L50 déterminées en enclos
d'élevage (154 mm) et en milieu naturel (159 mm) dans la lagune
Ebrié (Legendre & Ecoutin, 1989). Ceci peut être lié au
faible nombre d'invidus matures capturés pour cette espèce au
cours de notre étude. Ces observations révélent que les
populations de S. m. heudelotii et de T. guineensis vivant
dans cette partie de l'estuaire de la Casamance sont plus stressées que
celles d'en milieu naturel de la lagune Ebrié, mais de manière
similaire aux populations vivant dans le Saloum et en enclos d'élevage
pour S. m. heudelotii en particulier. La différence
notée sur la L50 de S. m. heudelotii par rapport
à celle trouvée par Albaret (1987) en Casamance (150 mm)
s'explique par une différence numérique (de femelles matures
capturées) et spatiale d'échantillonnage. Cet auteur a
travaillé sur pratiquement tout le long de l'estuaire, alors que notre
étude a été menée sur un espace plus restreint
(Tableau 24).
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