Faculté de Médecine de Grenoble
Université joseph Fourier
Mémoire
Pour le diplôme inter-universitaire
« Soins palliatifs et accompagnement »
L'instant d'après
Isabelle Gaillard, infirmière libérale.
2011-2013
L'instant d'après
Remerciements
Je tiens à remercier Anne- marie Labastrou, qui a eu la
gentillesse d'accepter de me guider dans chaque étape.
Mille mercis pour ses précieux conseils, son regard plein
de bienveillance et sa formidable passion pour notre métier
d'infirmière.
Merci à ma soeur Nathalie, qui m'a aidé à
mettre en page mon travail, malgré mes modifications incessantes.
Merci à mes deux filles, Elise et Marie, pour leurs
sourires et leur patience durant ces deux années.
Merci à la vie, aux rencontres, aux expériences, et
aux épreuves, qui m'ont menée jusqu'à cette recherche, et
cette réflexion.
Ce mémoire est dédié à ma
mère, qui s'est éteinte en 2008, avec qui j'ai eu la chance de
partager un instant d'après qui restera dans mon coeur à
jamais.
Sommaire
1/ Introduction
2/ Problématique
3/ Cadre conceptuel
4/ Méthodologie
5/ Questionnaire
6/ Présentation des réponses
7/ Un instant
8/ Discussion
9/ Conclusion
10/ Bibliographie
11/Annexes
Un foyer comme les autres, quelque part, non loin d'ici
Il fait nuit, nous sommes en automne.
Le vent souffle dans les arbres.
Un souffle.....
Le souffle éteint d'un être cher, dans un dernier
adieu,
Le souffle court d'un proche, face à l'inacceptable.
En un instant, la vie, fragile, a basculé.
Derrière la vitre, le temps semble suspendu.
L'ambiance est lourde, pesante.
Un certain flottement, impalpable, est perceptible.
Le monde du soin, doucement, va se retirer, laissant place au
monde du rituel.
Entre temps, cet instant, « entre
deux ».
Il est éphémère, intense, intime, difficile
sans doute, mais si précieux.
Cet instant, je le connais, il m'interpelle, il me questionne,
depuis toujours.
Je suis infirmière à domicile, depuis 14 ans
maintenant.
Ni débutante, ni ancienne, j'en suis juste là, dans
un cheminement qui est le mien.
J'approche du perron, marque une pause, hésitante.
Je connais bien cette maison, et chacun de ceux qui
l'habitent.
Ce seuil, je l'ai franchi tellement souvent.
Ces derniers jours, mes visites étaient si
fréquentes, et si longues.
Avec ce que je sais, ce que j'ignore,
Mes connaissances, mais aussi mes doutes,
Je vais entrer.
Faire ce qui me semble être juste, en m'imprégnant
de cette situation si singulière.
Puis, je rentrerai chez moi, riche d'une expérience
nouvelle, pouvant certainement m'enseigner quelque chose.
Apprendre de cet instant.
Oui, intuitivement, je le pense, il a quelque chose à me
dire.
Savoir faire, savoir être.
Ai-je seulement su ?
Ce mémoire se propose d'être un parcours : entrer
dans ce temps particulier, essayer d'en saisir l'essence, ressentir sa
portée.
Traverser le vécu des proches, croiser le regard des
soignants.
Un mémoire, une recherche.
Tel un voyage intérieur afin de savoir mieux franchir de
prochains seuils, en d'autres foyers, en d'autres saisons.
Tel est le voeu qui habite ces pages
Problématique
L'infirmier libéral est amené à suivre de
nombreux patients dans le cadre de soins palliatifs.
Pour certains d'entre eux, le projet est de demeurer au
domicile, et ce jusqu'au dernier souffle.
Portés par ce désir, les proches vont
s'investir, accompagnés au quotidien par l'équipe
infirmière, jusqu'au terme de la prise en charge, le décès
du patient.
Bien qu'attendu, il n'en demeure pas moins brutal, les proches
étant parfois désemparés, perdus,
sidérés.
En structure de soins, le moment qui suit le
décès répond à une organisation précise, et
les proches sont guidés par l'équipe soignante. Celle-ci sera
présente auprès d'eux, jusqu'au départ du corps.
A domicile, les proches sont seuls, et l'infirmier est souvent
le premier appelé suite au décès.
Des soins au corps du défunt, de l'aide apportée
aux proches pour les démarches administratives, du soutien, de
l'écoute, des gestes au choix des mots, les initiatives de l'infirmier
lors de cet instant ont sans doute une portée non négligeable.
Comment peut-il être au plus près des besoins de
ceux qui restent ?
Les attitudes, les mots, les gestes, peuvent ils avoir un
impact sur les proches en cet instant bien particulier ?
Quel peut être le soutien apporté par
l'infirmier libéral, juste après le décès du
patient, à domicile ?
Je propose d'aborder ce questionnement par une recherche
théorique, en portant mon regard sur trois angles distincts :
Le premier se propose d'explorer les particularités et
l'intensité de cet instant qui suit le décès, ainsi que la
spécificité du domicile, coeur de l'intimité du foyer.
Saisir ce lieu, ce temps, si particuliers.
Le second sera celui des proches. Mettre en lumière
leur parcours en tant qu'accompagnants, afin de comprendre l'épuisement
physique et moral qui peut être le leur en cet instant.
Approcher leurs ressentis lors de cette confrontation à
la mort, essayer de saisir cette relation si particulière qui se tisse
avec le défunt, empreinte de rites et de croyances. Nombre de gestes en
cet instant sont teintés de ritualité.
Reconnaître pleinement le choc qu'est le
décès, ses répercussions psychologiques et physiques
immédiates. Explorer cette étape permettrait sans doute
d'accompagner les proches au plus près de leurs besoins.
Enfin, envisager l'empreinte que peut laisser la vision du
défunt, au domicile. La mémoire pourrait-elle imprimer d'une
manière plus ou moins durable l'ambiance, les images, les odeurs qui
sont associés à cette scène de l'après
décès ?
Le troisième angle propose de se pencher sur les
infirmiers. Comprendre dans quelle mesure leur place auprès des familles
est particulière. Envisager l'incidence que peuvent avoir les soins
portés au défunt et à ses proches.
Se questionner concernant l'accompagnement qu'ils peuvent
proposer aux familles, le discernement face aux mots, aux gestes pouvant
être associés à cette situation si intense et
délicate.
Mettre en évidence l'empreinte que peuvent laisser
parfois de multiples détails semblants, à tort, insignifiants.
Au coeur des émotions, des pleurs, de la peine, les infirmiers sont en
immersion dans les profondeurs d'une intimité bien douloureuse.
Evoquer leur présence en cet instant suppose une
recherche de la juste place, qui se veut étrangère à
l'indifférence ou l'indiscrétion.
Je propose donc de parcourir ces différents
thèmes, afin de mieux saisir l'enjeu de cet instant.
Quelle serait la juste attitude, face à celui qui n'est
plus, et face à ceux qui restent ? La recherche de justesse sera
sans doute empreinte de subtilité.
Loin de penser ou vouloir tout maitriser, je suppose et
formule l'hypothèse que les gestes, les attitudes, si modestes soient
ils, peuvent adoucir certains aspects dont la portée nous échappe
parfois. Ce travail n'a pas pour objectif de dire comment s'y prendre, ou
d'établir le détail des attitudes adaptées ou non à
cet instant. Il est bien évident qu'aucune notion de protocole ou de
gestion technique ne saurait approcher avec finesse et respect la
singularité d'un instant si fragile, si précieux, sans en
écarter toute la richesse et l'humanité.
Il se veut juste être un questionnement, une recherche,
permettant de mettre en lumière la subtilité de l'approche
infirmière.
Au delà de la recherche théorique, qui se veut
être le point de départ de mon travail, je propose dans la partie
exploratoire d'interroger les infirmiers libéraux, afin de
découvrir le regard qu'ils portent sur cet instant. Enfin, une
discussion sera envisagée en fin de travail, afin de mettre en lien
l'apport théorique et l'expérience infirmière.
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