Chapitre 2 : Le régime juridique des Etats
défaillants en droit international
Parce qu'il demeure l'acteur principal de la
société internationale, la crise de l'État doit être
un catalyseur du progrès de l'ordre juridique international et surtout
de sa capacité à trouver une réponse à cette crise.
Il faudrait alors voir de quelle manière le droit international
s'intéresse à cette question d'autant plus que la crise de
l'État peut, de l'avis de l'ex Secrétaire général
des Nations Unies, M. Boutros BOUTROS GHALI, remettre en cause le
progrès de tout le droit international lui-même105. En
filigrane à cette question, se pose surtout le problème de
l'application des règles du droit international à ces
entités qui ne seraient plus que, nominalement, les membres de la
communauté internationale. Si l'on doit considérer tout ordre
juridique comme le reflet du système politique qui le
façonne106, alors le droit international devrait
légitimement se préoccuper de la problématique des Etats
défaillants qui, jusque là, n'est explorée que sous
l'angle politique dans la doctrine politiste.
A cet effet, dans une perspective unitaire voulant primer la
technique juridique sur les considérations de fait, on serait
tenté de considérer que le droit international ne connaît
qu'un seul régime juridique statutaire qui s'applique aux Etats,
défaillants ou réussis (Section 1). Au demeurant, cette analyse
peut se révéler infructueuse pour appréhender ce qu'est
l'État aujourd'hui en droit international et surtout pour mieux
comprendre la dynamique du droit des gens à l'égard de cette
typologie d'Etats, à savoir les Etats défaillants. Mais si l'on
retient une approche fonctionnelle, en tenant compte de la qualité des
Etats et non pas en fonction des éléments qui conditionnent et
caractérisent traditionnellement l'État en droit international,
on peut se rendre compte de la nécessité d'une diversité
dans l'application du droit international. A ce niveau, le régime
juridique de l'applicabilité du droit international aux Etats
défaillants doit encore être inventé (Section 2).
Section 1 : Un régime juridique statutaire non
diversifié
De manière générale, un régime
statutaire est une situation établie par un ordre juridique en faveur de
l'un de ses sujets en raison de son appartenance « à une
catégorie dont les attributs sont définis de manière
collective et non au cas par cas »107. Ainsi, en droit interne,
on peut remarquer l'existence d'un statut juridique d'enfant légitime,
de salariés, ou de propriétaires, etc. En droit international,
l'État bénéficie aussi d'un statut « unique »
qui lui est attribué par l'ordre juridique international. Tout
État, quelles que soient, sa taille, sa superficie, sa puissance
économique, peut prétendre à ce statut qui lui est
systématiquement reconnu, sans considération de ses
particularités. L'État défaillant peut donc, au même
titre que tous ses pairs, bénéficier de ce statut et jouir des
attributs qui en découlent en dépit de sa
105 Agenda pour la paix, op. cit.
106 VERHOEVEN J., « L'État et l'ordre juridique
international. Remarques », R.G.D.I.P., 1978, p. 764
107 COMBACAU J. et SUR S., Droit international Public,
Paris, Montchrestien, 7e éd., 2006, p. 226
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Réflexions sur le concept d'Etats défaillants
en droit international
singularité. Cette jouissance doit néanmoins
s'apprécier au regard des pré-conditions matérielles qui
doivent concourir à l'effectivité de ce statut. A ce stade, le
régime juridique statutaire des Etats défaillants se trouve
considérablement biaisé en ce qui concerne la capacité
d'action internationale de ces Etats (Paragraphe 1) même si leur
qualité de sujets originaires du droit international demeure
protégée par, ce qui s'apparente vraisemblablement à une
fiction, à savoir leur souveraineté (Paragraphe 2).
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