Paragraphe troisième : L'avenir de la
neutralité de l'ONU
Il est notable que la neutralité pourra faire l'objet
d'une remise en cause. La mondialisation des conflits, aujourd'hui, a
marqué ce siècle. Les conflits ne sont plus une affaire interne
des Etats, c'est tout à fait le contraire. La multiplicité des
acteurs rend les enjeux politiques plus complexes. Il parait impossible pour
cette organisation de rester neutre.
Entre autre, «en pratique, bien sur, l'action d'une
organisation peut tout aussi bien résulter de la position
hégémonique d'un ou deux Etats membres de
celle-ci142 ». De ce fait, on ne peut pas fermer les yeux
sur l'absence de l'équilibre des forces au sein de cette
organisation.
Le rôle joué par les Etats Unis
d'Amérique, plus précisément, dévoile un
déséquilibre flagrant dans les relations internationales, en
général, et au sein de l'ONU, particulièrement. «
La réalité est que les Etats Unis d'Amérique restent
convaincus qu'ils doivent exercer leur leader ship sur la politique
internationale et que les moyens militaires ,techniques ,et économiques
dont ils disposent leur permettent de le faire » 143.
Mis à part tous facteurs politiques, l'ONU est
obligée de modifier son attitude traditionnelle de neutralité. Il
est indispensable, suite à la nouvelle conception onusienne pour le
respect des droits de l'homme et de la démocratie, de changer sa
position face aux régimes politiques.
L'ONU n'est plus le seul acteur sur la scène
internationale. En réalité, les organisations européennes
(Conseil de l'Europe, l'Union Européenne et l'Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe) constituent «
un
142 Martin (Pierre Marie ), ...op.cit, p51.
143 Bertrand (Maurice), l'ONU, Paris, LA DECOUVERTE,
3ème édition, 2000, p115.
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concurrent » en matière de la promotion du respect
des droits de l'homme et le renforcement de la démocratie et l'Etat de
droit.
Le conseil de l'Europe, par exemple, a dépassé
la rigidité de la neutralité pour former une conception plus
souple à savoir la neutralité démocratique.
La cour européenne des droits de l'homme dans son
arrêt du 30 janvier 1998 sur l'affaire du Parti Communiste Unifié
de Turquie et autres c. Turquie, a déclaré que « la
démocratie apparait l'unique modèle politique envisagé par
la convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle»
144. Une telle affirmation qui se situe aux antipodes du principe de
la neutralité politique et idéologique. La CEDH a affirmé,
dans cette affaire, que le seul régime politique légitime pour
elle est le régime politique démocratique.
Ajoutant que le conseil de l'Europe peut retirer ou suspendre
un Etat-membre qui ne respecte pas les exigences démocratiques.
L'ONU ne peut pas retirer ou suspendre un Etat membre car une
telle hypothèse n'est pas conforme avec les dispositions de la charte
des NU.
La seule condition citée par cette charte concernant
les membres de l'Organisation est consacrée par l'article 4 : «
Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres Etats pacifiques qui
acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de
l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le
faire.
L'admission comme Membres des Nations Unies de tout Etat
remplissant ces conditions se fait décision de l'Assemblée
générale sur recommandation du Conseil de
Sécurité. »
144 Parti communiste unifié de Turquie et autres c.
Turquie, 30 janvier 1998, § ..., Recueil des arrêts et
décisions 1998-I.
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La neutralité traditionnelle est un obstacle qui
paralyse l'action de l'ONU et en plus elle a causé un retard de
réaction face à des situations des violations graves des droits
de l'homme.
L'arme qui est entre les mains de l'ONU à savoir
l'usage de la force est à double tranchant pour la neutralité.
« L'usage de la force remettait en question les principes de
neutralité et d'impartialité respectées depuis toujours
par l'ONU et s'inscrivait en contravention des dispositions du droit
international inscrites dans la charte de l'Organisation (respect de la
souveraineté de l'Etat, non intervention dans leurs affaires
intérieurs) »145.
Par ailleurs, pour lancer un processus démocratique, il
faut dépasser des obstacles politiques et des entraves
économiques.
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