IV- LE COûT DE LA RECHERCHE DE LA RENTE
L'Etat acteur principal du secteur public est donc
placé au centre de l'analyse et l'accent est mis sur l'efficacité
économique de l'intervention publique.
En fait, le paradigme de recherche de rente s'est fondé
sur une sorte de loi selon laquelle il y aura des agents qui déposeront
des ressources pour tenter de la capter. C'est « la rente potentielle
ou effective, si l'on restreint l'analyse au cas des rentes nées de
chois publics, l'ampleur de la recherche de rente doit être positivement
corrélée au degré d'intervention de l'Etat dans
l'économie47 ».Ces dépenses de
recherche de rente ont une valeur sociale négative dans le sens ou elles
constituent un gaspillage de point de vue social puisqu' elles induisent
nécessairement une perte des ressources disponibles. Alors, «
elles sont forcement nuisibles à la croissance (ce sont les
dépenses48 ». En plus, l'intervention publique
donne l'occasion de capter des transferts de richesses collectives. Nous
pouvons alors distinguer deux niveaux de recherche de rente en
«amont» et en «aval» de la décision publique.
1- La recherche de rente
*La recherche de rente «en
amont»:que nous qualifierons de recherche de la
Renteprimaire vise à faire de telle sorte qu'une mesure
particulière, qui a des conséquences rédistributives
favorables, soit prise.
L'exemple type de recherche de rente primaire est celui d'une
entreprise qui fait pression sur les pouvoirs publics de manière
à avoir un droit de monopole pour sa production. (L'instauration de
quota d'importation ou de taxes douanières relève d'une recherche
de rente primaire).
*La recherche de rente en «aval»
dite aussi secondaire consiste à essayer d'être parmi les
bénéficiaires d'une action publique donnée. L'exemple type
de recherche de rente induite par l'existence de quota d'importation
étudié par Krueger (1974) montre que « la
détention d'une d'importation donne droit licence à une partie de
la rente totale générée par le contingentement
». « Le versement de pot-de-vin aux fonctionnaires
chargés d'attribuer les licences peut être un moyen de capter les
rentes correspondantes49 ».
47P.Vornetti
(1998):« Rente seeking,
Economie efficiency, Political stability »the word developpement Tom
26N°102 48Shleifer et Vishney (1993): « Why in
rent-seeking so costly to growth »AEA papers and proceeding vol 83
n°2 mai 1993 49Krueger.Anne (1 974) « the
political economy of the rent-seeking society », American economic
review.
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CORRUPTION PUBLIQUE: APPLICATION SUR LE SECTEUR DE
LÉDUCATION ET LE SECTEUR DE LA SANTÉ
*L'économie de la
corruption50 : « Dans une étude de
1995 sur les données relatives
aux risques d'investissement et de crédit portant
sur 52 pays, Alberto Ades et Rafael Di Tellaont découvert que
si le revenu par habitant s'accroissait de 4 400 dollars, le classement d'un
pays s'améliorerait de deux points par rapport à un indice de
corruption (0 pour un pays totalement corrompu, 10 pour un pays parfaitement
intègre). Une plus forte exposition à la concurrence
entraînerait aussi une amélioration de ce classement. Ces
conclusions montrent non seulement les liens entre le sous-développement
et la corruption, mais elles mettent en évidence la dimension
économique de la corruption51 ».Pour la plupart des
économistes, la corruption plonge ses racines dans la
délégation de pouvoir. C'est l'usage discrétionnaire du
pouvoir et la position souvent monopolistique dont jouissent certains agents
publics lorsqu'ils passent des marchés qui rendent possible la
corruption. Les incitations à la corruption et ses occasions
dépendent de la taille des rentes ou du profit personnel que les agents
publics peuvent tirer de l'attribution de ces marchés.La corruption se
produit donc là où convergent les intérêts
politiques, bureaucratiques et économiques. Nous parlons de «
corruption législative » lorsque les politiciens trahissent
leurs électeurs en vendant leurs votes à des groupes de pression
et de « corruption administrative52 » lorsque des
fonctionnaires acceptent des pots-de-vin pour permettre à quelqu'un
d'emporter un marché ou de s'assurer l'immunité après
avoir fraudé le fisc. En fait, les occasions d'infractions existent
à tous les niveaux, de la grande corruption chez les hauts
fonctionnaires à la petite corruption tout en bas de
l'échelle.
A l'instar de n'importe quel marché, la corruption se
fonde sur un contrat passé entre différents
intérêts. Entreprises, groupes de pression et citoyens essaient de
maximiser leurs gains en versant des pots-de-vin, tandis que des agents publics
tentent de maximiser leurs revenus illégaux et les politiciens leur
pouvoir et leur fortune. Ceux qui versent les pots-de-vin peuvent chercher
à éviter ou à réduire des coûts en diminuant
illégalement l'impôt dû, en appliquant de
50Jean Cartier-Bresson 1997 "Quelques
propositions pour une analyse comparative de la corruption en Europe de
l'Ouest", Revue Internationale de Politiques Comparées, v.4,
n°2
51Alberto Ades et Rafael Di Tella
(1999):« Rents, Competition, and Corruption». The American Economic
Review, Volume 89, Issue 4
52Gerald E. Caiden and Naomi J.
Caiden(1977):» Administrative Corruption « Public Administration
Review Vol. 37, No. 3 (May - Jun.,), pp. 301-309
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CORRUPTION PUBLIQUE: APPLICATION SUR LE SECTEUR DE
LÉDUCATION ET LE SECTEUR DE LA SANTÉ
façon laxiste la réglementation, en
sous-estimant le loyer d'un logement social ou en renonçant à des
poursuites pénales. Les multinationales peuvent payer des pots-de-vin
justes pour passer devant tout le monde en cas de liste d'attente et obtenir
plus vite un local ou une ligne téléphonique. Même
l'obtention d'une bourse d'étude suppose souvent un pot-de-vin. Quant
aux corrupteurs, ils peuvent eux aussi se voir contraints de payer. C'est ce
qu'on appelle de l'extorsion de fonds.
Nous constatons que les primes incitatives, les pots-de-vin et
le trafic de fonds sont rares dans les pays développés, mais
fréquents dans les pays en développement. Bien entendu, les pays
développés ne sont pas épargnés par la corruption.
Le financement douteux des partis politiques en est un exemple ; de même,
avant que la Convention de l'OCDE ne voie le jour, « les
multinationales avaient plus de facilité qu'aujourd'hui à
recevoir de l'Etat des subventions à l'exportation. Mais tant que les
pays développés respectent les droits de propriété,
ont des institutions matures et rémunèrent bien leurs
fonctionnaires, nous ne pouvons guère dire qu'ils souffrent de
corruption systémique. L'offre est suffisamment abondante pour supprimer
l'incitation à passer devant tout le monde. En outre, les
contrôles dont fait l'objet la gestion des affaires publiques rendent
très difficile la pratique de la corruption la corruption dans la
plupart des pays de l'OCDE53 ».La situation n'est plus
différente dans beaucoup de pays en développement où la
faiblesse de l'administration publique est endémique et les droits
régulièrement bafoués. Les droits de
propriété sont au mieux en cours d'institutionnalisation et
laissent la porte ouverte aux abus, au moins pour quelque temps. « Les
jeunes démocraties ont souvent du mal à se libérer du
clientélisme, du patrimonialisme ou du corporatisme qui affligent les
régimes non démocratiques. Des pots-de-vin continuent
d'être encaissés, souvent pour venir grossir les poches des
élites et acheter un soutien politique. Le rattrapage économique
peut conduire à la corruption. S'il y a des ressources naturelles
à exploiter, comme au Mexique et au Nigeria après la
découverte de pétrole, il est probable qu'elles seront vendues
à des prix supérieurs aux prix du marché parce que des
pots-de-vin accompagneront généralement la vente de
concessions54».
53 Cartier-Bresson, J. (1997) :
"Quelques propositions pour une analyse comparative de la corruption en Europe
de l'Ouest", Revue Internationale de Politiques Comparées, v.4,
n°2
54Cartier-Bresson, J. (1997) :
"Quelques propositions pour une analyse comparative de la corruption en Europe
de l'Ouest", Revue Internationale de Politiques Comparées, v.4,
n°2
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CORRUPTION PUBLIQUE: APPLICATION SUR LE SECTEUR DE
LÉDUCATION ET LE SECTEUR DE LA SANTÉ
2- Prédominance de
monopoles
Corruption a été définie comme l'abus du
pouvoir conféré par une fonctionpublique à des fins
d'enrichissement. Mais, le terme « abus » peut s'élargir
àdifférentes interprétations. La section
précédente invoque les règles, établies parun
principal, qui sont faussées par un agent motivé par la recherche
de sonpropre intérêt.
Cette approche, ne fonctionne plus si le principal
lui-même se comporte demanière ;à promouvoir son propre
intérêt en s'associant avec d'autres partiesprivées. Nous
se plaçons, donc, à un niveau plus haut dans la hiérarchie
pour voircomment le principal (gouvernement), par son pouvoir,pourrait
intervenir dansl'économie pour privilégier les
intérêts des parties privées qu'ils paieraient pourses
services ? Et si ce comportement intentionnel ou non ?
Au totale, la recherche de la rente forme un passage assez
important, dans l'administration publique, pour créer la richesse avec
la distorsion économique et en dépassant quelques lois
pratiqués législatifs. Alors, la faiblesse réelle de
l'administration et la progression de l'utilisation des pot- de-vin entre les
différents agents économiques surtout entre un fonctionnaire
public et d'autres agents privés.
La mutation des déterminants de la corruption, dans ce
cas, peut nous conduire à
distinguer entre les déterminants
micro-économiques et les déterminants macro-économiques
qui seront l'objet de la section suivante.
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SANTÉ
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