Section 3. Approche théorique
Dans cette section, nous avons évoqué deux
théories et un modèle qui expliquent la propriété
d'une chaîne de télévision dans sa réalisation.
D'une part, nous mobilisons le modèle dit « le sablier »,
modèle des phases 1 et 2, et d'autre part, la théorie sur «
la communication des mass média »50 de Pierre SCHAEFFER
et la théorie de programmation télévisuelle.
3.1. Le « sablier », modèle des phases 1
et 2
La filière " image et multimédia " est
organisée en trois couches : la production, qui comprend le financement
et la réalisation des programmes, l'édition ou la programmation
(fonctions d'assemblage du contenu), la distribution, qui comprend la diffusion
technique et la commercialisation (vente et contact client).
Dans les phases 1 et 2, le programmateur (service public ou
télévision commerciale) joue le rôle essentiel d'acheteur
et de sélectionneur d'images, ainsi que de collecteur de ressources
financières. La " chaîne " est le point de passage obligé
de l'ensemble du système audiovisuel, car elle collecte les ressources
financières (redevance et publicité). C'est le schéma du "
sablier ", dans lequel s'échangent des programmes contre du temps, le
temps des téléspectateurs transformés en audience pour les
annonceurs, selon le schéma suivant :
3.2.1. Théorie sur la communication des mass
média
50
http://www.google.fr
Pierre Schaeffer commence à réfléchir sur
les nouvelles relations entre les acteurs des nouveaux médias dès
les années 1960. Il publie en 1970 le premier tome d'une série de
trois ouvrages : Les machines à communiquer.
Il montre que la simplification des relations humaines dans
les mass média ne peut plus être cantonnée à une
relation entre l'émetteur et le récepteur. Il
résume ses positions dans le triangle de la communication :
La relation entre l'auteur et le public passe désormais
par un intermédiaire : le producteur. Celui-ci joue le rôle de
médiateur et, est en relation avec, d'une part le groupe de
programmation et d'autre part, le pouvoir politique (les milieux
autorisés).
Plus explicitement, ce triangle se double donc d'un second
triangle inversé révélant les relations complexes entre
les 5 groupes de protagonistes :
Ce carré peut-être découpé en 4
petits triangles (les 4 zones) mais aussi en 2 grands triangles (milieu
autorisé-public-auteur d'une part et milieu du
programmateur-auteur-public d'autre part) ou en deux carrés
révélant les milieux de la compétence et de pouvoir. Il
RDC, Mémoire inédit, FASIC, p. 10.
Référence électronique : mémoire on
line
51 LOCHARD, (G.) et SOULAGE, (J.C.), cité par
LIGODI, (P.), Télévision publique et
sous-développement en
ne faut pas négliger non plus les deux diagonales
(milieu autorisé-médiateur-public et milieu du
programmateur-médiateur-auteur) orientant des aller retour entre le
pouvoir et le public et entre la programmation et l'auteur.
Selon Pierre Schaeffer, le développement fulgurant de
la radio et de la télévision depuis les années 1960 l'a
poussé à énoncer l'équation ci après :
Création x Diffusion = constante ou C x D =
C
Cette équation explique comment la multiplication des
radios et des chaînes de télévision entraîne
inévitablement un nivellement de la production. La baisse constante de
qualité des émissions de radio et de télévision
sont particulièrement révélatrices des enjeux
économiques et politiques qui gouvernent la production.
En fait, nous retenons que le média, ici, la chaîne
de télévision est une machine à production des contenus.
Ces contenus produits sont l'oeuvre des producteurs que le programmateur
sollicite dans la réalisation de la politique de la chaîne. Sa
réussite est tributaire de la masse économique mobilisée
et de la politique qui gouvernent la production. 3.2.2. La
théorie de la programmation télévisuelle
La programmation vise à coïncider les contenus
à proposer avec la disponibilité du public. C'est ce que nous
appelons correspondre le « temps social » au temps
télévisuel. Elle poursuit des buts et des objectifs contenus dans
le cahier des charges et dans la ligne éditoriale de chaque entreprise
de radiodiffusion.
En tant que processus, G. LOCHARD et J.C. SOULAGE51
trouvent dans la programmation et établissent des types de programmes
qui trouvent leur fondement dans des buts actionnels et des visées
énonciatives. Les deux auteurs conçoivent ces buts comme des
« contrats » que la chaîne tient avec son public.
Il s'agit, notamment du « faire savoir »
correspondant à une visée informative (Journal, bulletin, les
nouvelles, etc.) qui se rapporte au contrat informatif ; du « faire
comprendre » relatif à la visée explicative (documentaire,
débat, magazine, etc.) et qui relève du contrat explicatif ; au
« faire plaisir » la visée distractive (fiction, jeux,
variétés, etc.) correspondant au contrat distractif ; enfin, au
« faire faire », la visée factitive de laquelle découle
le contrat d'assistance (interprogramme, formules d'autopromotion, la mire,
etc.). Ces deux auteurs ont, par la suite, ajouté le contrat
pédagogique et le contrat commercial aux côtés de ceux
évoqués ci haut.
52 Ibidem
Ces buts et visées constituent, en fait dans leur
équilibre, l'ossature du flux télévisuel.
Notons également que ces deux critiques des contenus
médiatiques assignent pratiquement à ces contrats au moins deux
véritables missions, « informer » et « divertir ».
C'est ce que Gabriel THOVERON52 considère comme une double
vocation des médias, la réalité et la fuite de la
réalité, la participation à la vie sociale et la
compensation aux aléas qu'elle nous impose, ou plus
schématiquement, le sérieux et le divertissement [...]
3.2.2.1. Principes de la programmation
La programmation télévisuelle est l'art de
choisir et de planifier sur une grille horaire la diffusion des
différents programmes d'une chaîne
télévisée, en faisant en sorte de maximiser leur
audience, tout en respectant les contraintes auxquelles la chaîne est
soumise.
La grille des programmes est un outil technique, c'est un
« menu » de programmes, que la chaîne de
télévision est tenue de rendre publique au moins trois semaines
à l'avance. De ce fait, elle constitue un support de communication au
grand public.
Cependant, en tant que support de communication, elle renferme
deux fonctions purement pratiques. Celle qui détermine l'image de la
chaîne de télévision et constitue également
l'expression d'une politique...
Cycle de programmation
On distingue deux périodes dans le cycle d'une
programmation. D'une part, l'essentiel de la grille -Day time- et une
période relativement courte qui fédère un public
diversifié devant le téléviseur, le -Prime time-.
Cette dernière tranche est très décisive dans la
détermination de l'audience d'une chaîne. C'est là qu'il
faut se réserver des improvisations inopportunes et de
l'imprévisible, car une telle attitude sollicite l'usage de la «
mitrailleuse » en possession du public qui dit sa sentence (zapper), la
télécommande. Le véritable risque, c'est l'oubli de la
régularité que revêt une grille de programmes qui se
concrétise dans le respect des rendez-vous et, par elle se créent
les habitudes.
Généralement, la période est
située entre 19 et 23 heures. À Kisangani, elle peut être
située entre 19 et 21h30. Elle varie d'une société
à l'autre.
Comme évoqué chemin faisant dans cette
étude, programmer c'est jumeler le temps social (ma disponibilité
devant l'écran) et le temps télévisuel (l'agencement des
programmes sur les plages horaires de diffusion). En ce sens, il s'agit de
tenir compte des
saisons (été/hiver), du jour de la semaine et du
moment de la journée, tout en identifiant avec justesse le public cible
disponible devant son écran, à chacune de ces plages.
De toute évidence la logique de la programmation repose
sur l'observation des consommateurs. Il sied de déterminer les
potentielles personnes (éventuellement leur nombre) présentes au
foyer aux différents moments de la journée. Les variables
socioculturelles et le découpage de la journée en seraient les
composantes pertinentes, alors que l'âge, le sexe et le niveau
intellectuel ainsi que la typologie des tranches horaires en sont les
indicateurs.
3.2.2.2. Techniques de programmation
La grille constitue le référent central de la
conception d'une grille des programmes. C'est ce qui fait dire à Michel
Souchon : « la programmation est un art de la rencontre : elle consiste
à favoriser la rencontre du public et des émissions
»53.
Cette rencontre repose sur un certain nombre de principes, en
l'occurrence : - Programmer c'est connaître son public. Le programmateur
se doit de maitriser la sociologie des habitudes de vie du public : horaires de
travail, temps de transport, loisirs, etc.
- Le découpage de la journée. C'est diviser la
journée en plusieurs tranches, lesquelles tranches conçoivent les
programmes en fonction du public disponible. Une chose pour construire une
grille est de découper la journée, mais rester à
l'écoute du public - changement d'habitude et émergence des
problèmes nouveaux-, en est une autre d'autant plus qu'il faille
transformer ces changements en émissions.
En Europe et aux USA, les spécialistes de la sociologie
des médias ont divisé la journée en ce qu'ils ont
appelé « day parts », soit trois tranches principales
desquelles se déclinent des sous tranches. Ce tableau
européen54 en dit long.
- L'observation de la concurrence. Il faut prendre en
considération la présence des programmes des chaînes
concurrentes.
53 ELITE, (I.), op. cit., p. 14
54 Anonyme, op. cit., p. 58
En outre, construire une grille relève de trois
principes et qui permettent également la lecture de celle-ci. Il s'agit
des principes d'horizontalité, de verticalité et de participation
du public. L'horizontalité consiste en ce que le public connaisse les
différents rendez-vous afin de le fidéliser. Ensuite, la
verticalité tient au fait que la chaîne gère les publics
des programmes qui se suivent afin que ceux-ci soient suivis les plus longtemps
possible. Enfin, le dernier principe interprète la participation
à la vie de la chaîne par le mode d'animation qui doit inciter en
permanence le public à se manifester soit par courrier, au
téléphone ou dans le cadre d'une émission en direct.
3.2.2.3. Les déterminants d'une grille
Il sied de retenir que la construction de la grille et sa
réalisation passe par des facteurs que A. FONNET nomme «
contraintes ». Il faut y veiller pour optimiser les paramètres que
constituent l'audience, les revenus générés et l'influence
de l'état, des actionnaires. Ces contraintes sont d'ordre
législatif, technique et financier.
Contraintes (législatives) obligatoires
Chaque pays édicte un arsenal juridique pour
réguler et réglementer les contenus ou les produits
médiatiques. En RDC, c'est désormais le Conseil supérieur
de l'audiovisuel et de la communication (CSAC) qui remplace la Haute
autorité des médias (HAM). Les médias de la RDC doivent
actuellement s'enquérir du contenu des cahiers des charges qui viennent
d'être innovés en décembre 2010.
A ces obligations, nous juxtaposons également le projet
(ligne) éditorial, en fait, qui détermine la politique de
programmation de la chaîne.
Contraintes techniques
Il faut mentionner la nécessité de disposer de
moyens techniques pour réaliser directs, reportages ou émissions
sur plateaux, la gestion que nécessitent les décrochages locaux,
qui provoquent une démultiplication du contenu proposé, ou encore
les contraintes engendrées par les nouveaux canaux de diffusion comme le
web, la télévision sur mobile... Contraintes
financières
L'achat des programmes à diffuser est un enjeu majeur
pour les chaînes de télévision : les programmes les plus
chers (films, sports - notamment matches de football) sont aussi les plus
fédérateurs et ceux qui promettent les meilleures audiences. Il
est donc
nécessaire pour les programmateurs de trouver un juste
équilibre entre les coûts de grille et l'optimisation de
l'audience.
3.2.2.4. Le futur de la programmation
télévisuelle
Les récentes évolutions techniques remettent en
cause certains principes de la programmation télévisuelle. La
diversification des canaux d'accès à la télévision
complexifie la tâche des programmateurs : aujourd'hui, la
télévision est accessible par Internet, par les
téléphones mobiles, avec des modalités de diffusion
nouvelles tel le catch-up TV, VOD,...
Il devient également nécessaire de prendre en
compte les changements de modes de vie des téléspectateurs, qui
se conforment de moins en moins à des schémas réguliers et
sont soumis à des stimulations de plus en plus nombreuses : il est donc
de plus en plus difficile de les fidéliser.
3.2.2.5. Confection de la grille
La confection ou mieux la construction d'une grille de
programmes est un processus systématique relevant de l'art et de la
science. Artistique, dans la mesure où ce travail demande un sens
perspicace et tactique se rapportant à la vocation du responsable de la
programmation. Scientifique, en ce sens que cette vocation fait appel aux
méthodes de la science (enquête des habitudes d'écoute, la
Médiamétrie, étude du marché,...) qui
précise les axes d'entreprise de manière objective.
Cette construction passe les étapes suivantes :
L'observation préalable
Cette toute première étape consiste à
analyser la situation selon quatre axes : la situation des audiences, des
programmes, des chaînes et de la concurrence. Grâce aux
études du département marketing, le programmateur connaît
les forces et les faiblesses des grilles précédentes.
La définition des grands axes
stratégiques
En fait, les observations préalables décrivent
le panorama de l'écologie. Ce qui permet au programmateur de
définir et/ou d'affiner la politique éditoriale. Il se basera sur
certaines volontés des dirigeants, voire des obligations légales.
Ces programmes « valorisés » trouvent leur place dès le
départ, selon des principes totalement arbitraires, parfois même
au détriment de l'audience.
La grille type
Une fois la politique (éditoriale), les grands projets
et les obligations fixées, le programmateur traduit tous ces
éléments dans une grille dite « grille type ». Cette
grille détermine toutes les cases horaires avec les genres
d'émissions à programmer.
La sélection des programmes
Après l'étape précédente, chaque
case de la grille type correspond à de nombreux programmes
différents. Il appartient au programmateur de sélectionner des
programmes auxquels il définit méticuleusement les objectifs sur
la cible en partenariat avec les producteurs et selon la possibilité
d'achats.
La grille concrète
L'ultime étape, c'est celle qui vient
immédiatement après celle de la sélection des programmes.
Dans cette étape, on établit la grille dite « grille
concrète ». C'est la version réelle de la grille. Elle
contient les noms de vrais programmes à diffuser bien agencés de
manière à ce qu'ils soient le mieux exposés que possible
(au public).
3.2.2.6. Choix des programmes
Au cours du processus de confection, il est impérieux de
faire un choix des programmes. Il s'agit, là, de discriminer deux types
de programmes : les programmes de stock et les programmes de flux. Les premiers
concernent une catégorie des programmes qui peuvent être
rediffusés, c'est à l'instar de fictions et documentaires ;
tandis que les seconds renvoient au x programmes
éphémères, c'est-à-dire qui ne peuvent être
qu'une et une seule fois diffuser. Par exemple, les journaux
télévisés, les jeux, etc.
Le schéma suivant montre un aperçu non exhaustif
de ces programmes, encore que la télévision en propose une large
palette.
Ce chapitre nous a permis d'organiser et d'installer
les assises conceptuelle et théorique relatives à
l'appréhension de la politique de programmation. C'est un fil
conducteur qui cristallise les impressions dans la manipulation des
termes principaux et associés au thème d'étude et qui ont
été situés dans un cadre théorique
précis.
Cependant, clarifier les concepts opératoires
et le cadre théorique ne suffit pas à expliquer
le phénomène. Surtout que ces concepts sont usités dans un
milieu d'étude où ils prennent tout leur sens qu'il faille
explorer. C'est ce qui constitue la substance du chapitre suivant.
55 Ecologie historique développé par LIGODI,
(P.), Télévision publique et sous développement en
RDC, Mémoire inédit, IFASIC, pp. 14-16
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