5.2. Interaction entre progrès de la
santé et croissance économique
Les relations entre la croissance et les progrès en
matière de santé font l'objet d'une controverse à la fois
théorique et empirique entre les économistes. On observe assez
naturellement qu'il y a une corrélation entre les niveaux de vie, tels
que mesurés par le PIB en parité de pouvoir d'achat et les
niveaux de santé. Pour une part, les travaux portant sur la
macroéconomie et la croissance visant à montrer
l'intérêt des investissements dans la santé pour le
développement économique, avaient souvent pour point de
départ cette relation entre les performances économiques et
l'amélioration de la santé. On estime que la causalité
entre ces deux variables est probablement bidirectionnelle. Il existe plusieurs
analyses qui expliquent pourquoi la santé peut influencer les
performances économiques, et pourquoi en retour le progrès
économique entraîne celui de la santé.
Concernant le premier point, on sait tout d'abord que, au
niveau microéconomique, l'état de santé des individus
influence leurs capacités productives. Strauss et Thomas (1998) ont
rassemblé un ensemble convergeant d'observations montrant le lien entre
santé et productivité et, ce qui est intimement lié, le
lien entre nutrition et productivité. Dans différents pays on
observe un lien positif entre, d'une part, la stature et l'indice de masse
corporelle des individus et, d'autre part, leurs salaires. Un lien existe aussi
entre ces indicateurs et la participation des individus au marché du
travail. De même, un lien négatif a été
trouvé, notamment en Afrique, entre la prévalence de certaines
maladies comme la bilharziose ou l'anémie et la productivité des
agriculteurs.
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
L'état de santé peut exercer une influence sur
les performances économiques également par des canaux plus
indirects. D'après Bloom et Canning (2000), une meilleure santé
et une espérance de vie plus longue sont autant d'incitations à
investir dans l'éducation, dont les rendements sont alors
mécaniquement plus élevés. DEL ROSSO et MAREK (1996),
s'appuyant sur l'expérience d'un grand nombre de projets menés
par la Banque Mondiale, en Afrique et ailleurs, montrent que les conditions de
nutrition et de santé des enfants améliorent les taux de
scolarisation et les résultats scolaires et réduisent
l'absentéisme des enfants à l'école. Un autre exemple de
ce lien entre santé et éducation est fourni par MIGUEL et KREMER
(2004), qui ont montré à partir d'une évaluation
randomisée menée au Kenya que l'administration de vermifuges aux
enfants pouvait constituer une action efficace pour l'amélioration et le
rendement du système scolaire.
D'autres canaux ont été étudiés.
BLOOM et CANNING (2000) indiquent qu'une plus grande longévité
conduit à un accroissement de l'épargne, nécessaire pour
couvrir les besoins des individus au-delà de l'âge de la retraite.
Il y aurait également un « dividende démographique »
associé à l'amélioration des conditions de santé,
la réduction de la mortalité infantile jouant le rôle de
facteur déclenchant de la transition démographique à
travers son effet de réduction de la fécondité. BLOOM,
CANNING et MALANEY (2000) ont parfaitement illustré ce point sur le cas
de l'Asie.
Il peut y avoir enfin une complémentarité entre
capital humain et capital physique : les entreprises investiront d'autant moins
que leur personnel peut être affecté par des problèmes de
santé. SALA-i-MARTIN (2005) donne l'exemple du Botswana, où les
firmes multinationales auraient réduit leurs investissements depuis la
propagation de l'épidémie du VIH/SIDA.
A l'inverse, le progrès économique peut
lui-même être à l'origine d'amélioration des
conditions de santé. De manière évidente, des individus
pauvres ne peuvent pas faire face aux dépenses en médicaments et
en soins de santé qui seraient nécessaires pour faire face
à des maladies. L'effet du revenu sur la santé passe aussi
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
par le statut nutritionnel. La relation
revenu-nutrition-santé est connue en économie du
développement depuis les travaux de LEIBENSTEIN (1954).
Par ailleurs, le développement des services de
fourniture d'eau potable et d'assainissement exerce un effet positif sur les
conditions de santé de la population, comme montré par ISELY
(1985) sur le cas de l'Afrique. La fourniture de tels services doit faire
l'objet de programmes de développement des services publics, mais ces
politiques sont entravées par la faiblesse des revenus et des ressources
économiques. Les fluctuations économiques peuvent avoir aussi des
conséquences négatives à long terme sur la santé,
comme l'a montré BHALOTRA (2007), en s'appuyant sur des données
indiennes.
Ainsi, le progrès en matière de santé et
la croissance économique sont liés et peuvent faire l'objet de
développement des nombreuses politiques visant à améliorer
la situation socioéconomique des populations. Les décideurs
politiques en RDC peuvent investiguer d'avantage cette piste dans une optique
d'enclencher un processus de développement économique dans le
pays.
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