Section 2. Situation de la santé en RDC
2.1. Historique du système de santé en
RDC
L'historique du système de santé de la RDC comme
celle d'autres Etats africains se distingue par le caractère
institutionnel et par l'initiative des pouvoirs publics.
La RDC a hérité d'un système de
santé basé essentiellement sur des hôpitaux et des
dispensaires appuyés par des équipes mobiles de lutte contre les
grandes endémies. Les multiples crises politiques que connaîtra le
pays immédiatement après, et qui se sont accompagnées de
l'effondrement progressif de l'économie, ne vont pas épargner le
secteur de la santé. C'est ainsi que très vite, les nombreux
hôpitaux et dispensaires du pays vont se retrouver démunis de
leurs équipements, et la chaîne d'approvisionnement en
médicaments connaîtra plusieurs ruptures entre le niveau central
et les points d'utilisation. L'arrière-pays sera le plus
touché.
Le besoin de restructuration du système de santé
pour faire face à la situation sera clairement souligné dans le
Manifeste de la Santé et de Bien-être publié en 1968. Et en
vue de matérialiser cette orientation, il sera créé en
1973, le Conseil National de la Santé et du Bien-être. Cette
structure qui se voulait inter sectoriel, était chargée de la
conception, de l'orientation et du contrôle de la politique sanitaire
nationale. En plus de grandes orientations politiques, les années 70
sont caractérisées par le développement des
expériences en médecine communautaire, respectivement à
Bwamanda (province de l'Equateur), à Kisantu (province du Bas-Congo),
à Kasongo (province du Maniema) et Vanga (province de Bandundu). Ces
expériences vont être déterminantes et vont influencer
d'une manière caractéristique la politique de santé de
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
la RDC. C'est en effet de ces expériences que sont
nées les premières unités décentralisées
associant la population à leur fonctionnement : les Zones de
Santé (ZS).
Quoique plusieurs réflexions soient menées, et
alimentées de surcroît par des expériences de terrain, il
n'existe pas à proprement parler jusqu'en 1984 des documents
spécifiquement consacrés à la politique sanitaire. La RDC
achèvera effectivement en 1984 de définir sa politique et sa
stratégie dans le domaine de la santé, concrétisant ainsi
son adhésion à la charte de développement sanitaire en
Afrique. Ce processus commencé en 1975, à l'instigation du
Ministre de la Santé Publique (MSP), avec l'organisation de la
première conférence nationale sur la médecine
communautaire, sous l'impulsion de deux réseaux confessionnels
impliqués dans l'offre des soins (catholique et protestant), attendra le
Plan d'Action sanitaire 1982-86 et parallèlement le Programme de
Réhabilitation Economique de 1983-86 pour voir apparaître les
préoccupations des autorités politiques vers les soins de
santé primaires et voir consacrer la ZS comme unité
opérationnelle de planification et de mise en oeuvre de la nouvelle
politique axée sur la stratégie des soins de santé
primaires (Min. de la Santé, 2010).
L'année 1985 sera celle de l'achèvement de la
délimitation du pays en zones de santé mais aussi l'année
de la fin des actions mues par une vision du système de santé.
Cette année sera aussi celle de la restructuration du FONAMES (Fonds
National Médico-Sanitaire), dont la mission n'est plus celle de
combattre les endémo-épidémies mais devient celle de
coordonner au nom du MSP, l'aide des partenaires aux ZS. Malheureusement, le
FONAMES ne jouera jamais ce rôle, laissant ainsi continuer le manque de
coordination efficace de l'aide des partenaires aux ZS.
La période 1987-1991 est celle du fléchissement
de l'enthousiasme des partenaires pour l'extension de la couverture en ZS
fonctionnelles. Quelques éléments pour essayer de comprendre le
phénomène :
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
- le projet de formation des cadres des ZS
(PNUD-OMS) mis en oeuvre par le FONAMES met l'accent sur le Médecin Chef
de Zone de Santé (MCZS) comme représentant du MSP et non comme
membre de l'équipe de la ZS;
- les décisions unilatérales du
MSP de permuter les MCZS problématiques (qui ont mal géré)
vers des ZS fonctionnelles au mépris du principe de
méritocratie;
- les décisions unilatérales du
MS de transférer les MCZS formés en santé publique des ZS
fonctionnelles vers les fonctions administratives aux niveaux
intermédiaire et national.
La période de 1993 à nos jours se
caractérise par des aides humanitaires et des opportunités
manquées. En effet, cette période a été
marquée sur le plan national par le changement en mai 1997 du
régime politique avec une opportunité de remise en question de
l'ensemble de la vie nationale. Plusieurs rendez-vous sont à mentionner
sur le plan sanitaire :
- L'organisation des Etats
Généraux de la Santé en décembre 1999 ;
- La tenue du colloque SANRU en
février 2003 avec comme thème « rebâtissons les soins
de santé primaires en RDC » par le fondement communautaire, la
gestion améliorée, le leadership dynamique et
l'intégration aussi bien des programmes, des partenaires que des autres
secteurs sociaux ;
- Et enfin, la tenue en mai 2004 de la Table
Ronde de la Santé.
Mais qu'est ce qui fait que le système de santé
soit moins performant qu'il ne l'a été avant 1985 ? Et pourtant,
le flux financier dans le secteur de la santé, quoique toujours
insuffisant, n'a jamais été aussi important qu'aujourd'hui (Min.
de la Santé, 2010).
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Pauvreté des ménages et accès aux soins
de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
2.2.
|
Caractéristiques du système de
santé congolais
|
Le tableau ci-dessous, donne la configuration des districts et
zones de santé en RDC. Ceci donne une idée sur le fonctionnement
du système de santé congolais.
Tableau 3 : Répartition des Zones de Santé
par province
N°
|
Province
|
Districts Sanitaires
|
Zones de Santé
|
1
|
Bas-Congo
|
5
|
31
|
2
|
Bandundu
|
6
|
52
|
3
|
Equateur
|
8
|
69
|
4
|
Kinshasa
|
6
|
35
|
5
|
Kasaï Oriental
|
4
|
43
|
6
|
Kasaï Occidental
|
6
|
49
|
7
|
Katanga
|
7
|
67
|
8
|
Maniema
|
4
|
18
|
9
|
Nord-Kivu
|
4
|
34
|
10
|
Sud-Kivu
|
5
|
34
|
11
|
Province Oriental
|
10
|
83
|
|
Total
|
65
|
515
|
Source : Plan National du
Développement Sanitaire (PNDS) 2011-2015
Le tableau ci-dessus reflète les insuffisance
constatées dans le fonctionnement du système de santé de
la RDC. En effet, les différents effectifs de districts et zones de
santé repris ci-haut ne correspondent pas à la demande de soins
de santé par une population congolaise en pleine croissance. Cette
croissance démographique n'est fort malheureusement pas
accompagnée des actions ciblées dans le secteur de la
santé car, beaucoup de facteurs entravent la bonne marche du
système et donnent lieu à des interventions un peu disparate.
La situation d'urgence, consécutive aux troubles
sociopolitiques que connaît le pays depuis 1990, a balisé la route
à des interventions humanitaires dont l'approche a été
essentiellement une approche sélective des problèmes de
santé. Ces interventions qui, avec la normalisation de la situation
socio-économique, devaient au fur et à mesure laisser la place
aux interventions de développement, passent
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
malheureusement à la chronicité et
démasquent au fil de temps leur vrai visage : un outil de
déstructuration du système de santé de la RDC.
L'approche sélective des problèmes de
santé avec une priorité accordée aux interventions de
lutte contre certaines maladies, dites les plus meurtrières, a atteint
son point culminant avec l'adoption en septembre 2000, lors du sommet du
millenium des Nations Unies, des Objectifs du Millenium pour le
Développement (OMD) dans le but d'accélérer la
réduction de la pauvreté. Ceci s'est traduit par la
création au niveau international d'une série des programmes
sélectifs et des fonds d'appui aux problèmes spécifiques
de santé.
A l'évidence, sur le plan interne de la RDC, le bon
sens suffit pour dire que l'organisation actuelle du niveau central du MSP en
13 Directions Centrales et 52 Programmes Spécialisés rend
très difficile la fonction de coordination intra sectorielle qui doit
être assurée par le Secrétaire Général
à la Santé, et conduit inévitablement aux chevauchements
dans les missions et attributions des Directions et Programmes
spécialisés. Cet état des choses n'est pas sans
conséquence sur l'offre des soins au niveau opérationnel. De
plus, les stratégies de survie individuelle et institutionnelle depuis
des décennies, et qui au fil de temps sont devenues des
caractéristiques de fonctionnement des institutions (MSP &
éducation notamment) ont conduit à une multiplication des
structures aussi bien de formation que de prestation des soins. C'est ainsi
qu'on dénombre actuellement plus d'une soixantaine des facultés
et institut de niveau supérieur offrant une formation dans le domaine de
la santé.
Depuis 1998 le nombre d'ITM (Instituts des Techniques
Médicales) a augmenté d'environ 15% par an. Il y a en ce moment
362 ITM offrant des formations d'infirmiers ou d'autres professions
auxiliaires. Parmi celles-ci, 241 ont été officiellement
agrées, et 121 en attente d'agrément. Ces chiffres ne prennent en
compte que les structures enregistrées au MSP à Kinshasa. Le
nombre réel est sans doute encore plus important.
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
Subsidiairement à ce qui se passe au niveau central,
une tendance se dessine pour le niveau intermédiaire, la multiplication
des bureaux dans une logique de reproduction des tâches des Directions
centrales et la création des Coordinations et Points focaux des
Programmes spécialisés. Les deux échelons du niveau
intermédiaire à savoir, l'Inspection Médicale Provinciale
et l'Inspection de District, tirent ainsi leurs priorités du niveau
central.
Au niveau opérationnel, outre le fait qu'un nouveau
découpage des ZS est intervenu, l'intégration des structures dans
celle-ci pose problème (l'hôpital évolue à part et
fait concurrence aux centres de santé). La plupart des Programmes
subsidiés par des bailleurs des fonds étendent leurs
activités jusqu'au niveau périphérique. Le Paquet Minimum
d'Activités (PMA), au lieu d'être mis en oeuvre de façon
intégrée par une équipe polyvalente, devient un PMA
sélectif mis en oeuvre par du personnel spécialisé (Min.
de la Santé, 2006).
Le système de santé est
caractérisé ainsi par la désintégration qui se
traduit par la désarticulation de ses éléments, l'exercice
anarchique des activités de santé, la production de services de
santé de qualité douteuse et la déshumanisation des
services de santé.
2.3.
|
Problèmes du système de santé
congolais
|
Les problèmes identifiés dans le secteur de
santé en RDC peuvent être regroupés comme suit :
2.3.1. Facteurs imputables à des situations
d'urgence
Les situations d'urgence qui ont prévalu ces
dernières années avec la préoccupation de faire tout et
tout de suite ont été un prétexte pour faire des
interventions de façon disparate, sans suivre une démarche
cohérente. Une des conséquences de cette façon de faire
est la multiplication des infrastructures qui ne répondent à
aucune logique de rationalisation de la couverture sanitaire. Dans la logique
de rapprocher les soins de santé des bénéficiaires, nous
assistons à la création
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
des Centres de Santé de Référence (CSR)
pratiquant des interventions chirurgicales et postes de santé (PS) dans
les aires de santé.
Outre le fait que la création des CSR et PS ont une
influence néfaste sur la qualité des soins, ces dérives
ont également eu comme conséquence, par leur inefficience, des
effets à long terme sur la durabilité du système, d'un
point de vue économique, mais aussi d'un point de vue technique.
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