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Les reporters photographes professionnels du Sénégal. Une corporation sous-valorisée.

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par Amadou BA
CESTI-Université Cheikh Anta Diop - Maîtrise Sciences et Techniques Information et Communication 2011
  

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B/ La génération en activité

L'un des plus illustres est Boubacar Touré dit « Mandémory », 54 ans. Il réalise sa première exposition, en 1986, sur le thème des « fous de Dakar ». Se définissant comme « photodidacte », il rappelle avec un brin de fierté qu'il s'intéresse à la photographie depuis 1969, « à l'école primaire » déjà. Essentiellement reporter de rue, Mandémory tient à son statut de photographe free-lance. Car, « aucun organe de presse de la place ne peut me payer 500 000 francs CFA », justifie-t-il. Aussi, collabore-t-il, en sus de ses expositions au Sénégal, en Afrique et dans divers lieux parisiens, avec de grands journaux français comme Libération et Télérama.

Reporter photographe, il a travaillé pour Le Journal, Dakar Soir, des quotidiens dakarois aujourd'hui disparus. C'est lui qui a démarré le service photo de l'agence Panapress basée à Dakar. « J'ai été recruté à la Pana avec un salaire d'un million de francs CFA», révèle-t-il. Mais « je suis parti au bout de quelques mois, parce que je ne peux travailler sous l'autorité de personne.  Je ne suis pas du genre à recevoir des ordres, à être trimballé comme on le fait avec les photographes dans les rédactions. » 106(*) Par la suite, cette forte personnalité a collaboré avec l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) où il a travaillé sur de grands projets photographiques.

Reporter dans l'âme, Boubacar Touré dit « Mandémory » se consacre actuellement au grand reportage, effectuant des voyages auprès des groupes ethniques du Sénégal (Bassaris, Bedik, Diolas) et de la Sierra Léone (Timinis), etc. La photo de presse est sans aucun doute son domaine de référence. Son style est fait d'angles de prises de vues inhabituels dégageant des plans aux perspectives contradictoires. Il en résulte une image dynamique qui donne le meilleur de l'information dans son aspect anecdotique ou essentiel.107(*)

A l'image de Boubacar Touré dit « Mandémory », un autre photographe sénégalais a travaillé pendant cinq ans sur les fous et les laissés-pour-compte qui squattent les trottoirs de Dakar. Il s'agit de Bouna Médoune Sèye. Sous la forme d'une compilation de 51 photographies, cette oeuvre a fait l'objet d'une publication.108(*) Dans l'introduction, Jean Loup Pivin écrit : « Ces milliers de formes émergentes des trottoirs de poussière, ces groupes aux carcasses d'acier hurlantes sur le bitume, ces flingues et ces matraques, ces bras gourmettés d'or qui défilent à la hauteur des trottoirs de Dakar, Bouna M. Sèye les a photographiés pour ne plus avoir raison contre la folie, parce que la folie de sa ville est un trottoir sans autre dedans, sans autre pouvoir. » 109(*)

Grâce à la photographie, Bouna Médoune Sèye fait le tour du monde (Canada, Brésil, Portugal, France, Afrique du Sud, Allemagne, Mali, Suisse, etc.) Pouvant être défini comme un touche-à tout artistique, il tourne en 1994 son premier court-métrage, Bandits Cinéma, et s'oriente vers la réalisation cinématographique. Auparavant, il a collaboré comme directeur artistique à la réalisation de différents films et documentaires, dont Set setal Dakar de Moussa Sène Absa. Le chanteur sénégalais, Youssou N'dour ne s'y est pas trompé en lui confiant, en 1992, la direction artistique de ses clips Gorgui et Chimes of Freedom.110(*)

En digne héritier des précurseurs, Bouna Médoune Sèye s'est inspiré de l'oeuvre de Mama Casset qu'il a rencontré à maintes reprises en 1991, un an avant la mort du vieil homme, pour rendre hommage à son travail. Malheureusement, Mama Casset n'assistera jamais à cet hommage à lui rendu dans le cadre du « Mois de la Photographie de Dakar » de 1992. Médoune Sèye exposera quand même une trentaine des photos de Mama Casset, la même année à Paris, dans le cadre de l'exposition « Revue Noire et les photographes africains ».

Parmi les héritiers, on peut également citer Djibril Sy. Né en 1950, ce photographe free lance a suivi une formation à l'école des Beaux-arts de Dakar en 1978 ainsi qu'à l'Université de Columbia, à Washington D.C, en 1989. Par la suite, il a participé à une dizaine d'expositions internationales et a pris part à plusieurs résidences artistiques au Sénégal, en France, en Suisse, en Angleterre et aux États-Unis. Il a travaillé de 1984 à 1994 à titre de photographe attaché au maire de Dakar et comme professeur de photographie dans son ancienne école (École de Beaux-Arts de Dakar, de 1993 à 1996). A son actif, Djibril Sy, comme on l'appelle dans la corporation, compte plusieurs expositions au Sénégal, au Mali, en Grande Bretagne, en France, etc., sur le recyclage des ordures (1998), la photo peinture, etc. Actuellement il travaille sur le thème des talibés ou enfants de la rue de Dakar, et sur celui de l'émigration des Sénégalais vers les grandes métropoles occidentales.111(*)

Né en 1956 à Diourbel, Matar Ndour commence la photographie en 1987 après des études de comptabilité. N'ayant pu trouver du travail, il se tourne vers la sculpture. « J'avais la chance de pouvoir faire des choses avec mes mains », confiait-il dans une interview.112(*) Deux ans plus tard, il trouve enfin un boulot de comptable et, faute de temps pour allier profession et passion, il laisse tomber la sculpture qui lui rapportait pourtant de l'argent. A cette époque, son neveu qui pratiquait la photographie, est arraché à son affection. Il hérite du matériel et s'exerce lui-même en photographiant sa femme et ses enfants. Parallèlement, il dévore revues spécialisées et encyclopédies qui traitent de la photographie. Autodidacte ayant une soif inextinguible de connaissances photographiques, Matar Ndour sillonne les expositions et suivait à la télévision comment se faisaient les cadrages, le travail sur la lumière, etc. «  J'étais très curieux et je prenais mon appareil pour faire des essais », dit-il. C'est ainsi qu'il réalise sa première exposition en 1995, au Centre culturel français de Dakar dans le cadre du « Mois de la Photo ». Il s'agissait d'une série de portraits d'un marchand ambulant, dont il aimait bien la "gueule" et qui chantait des airs d'opéras dans la rue pour attirer les passants et vendre ses mouchoirs ! Depuis lors, Matar Ndour s'est entièrement consacré à la photographie car, entre-temps, il avait perdu son travail. S'étant fait un nom dans la profession, il réalise des commandes pour le Port autonome de Dakar (PAD) et quelques sociétés de la place sur le thème de la photographie industrielle. Parallèlement, il réalisait des reportages dans le cadre de cérémonies familiales (mariages, baptêmes...). Ce qui lui rapportait une plus-value non négligeable qu'il réinvestissait dans d'autres projets photographiques, mais également dans la prise en charge de sa famille. Après avoir versé dans la photographie appliquée à ses débuts, il développe, à partir de 1995, une approche plus personnelle en s'intéressant notamment au patrimoine culturel sénégalais.113(*) « Je porte mon regard sur l'esthétique, le beau et ses attributs. Ensuite je traduis toute mon émotion et ma personnalité à travers mes images, parce que chaque photographie a une histoire qui appartient à la postérité. J'aime bien faire ressortir l'effet de dynamisme dans mes photos car j'estime que la vie n'est pas figée (....) A cet effet, j'ai travaillé sur un triptyque avec un auteur compositeur et des poèmes de Senghor comme « Femme noire ». Je suis parti de son concept enracinement et ouverture pour faire un synopsis », confiait-il au magazine dakarois, 221. 114(*) L'enfance, au-delà des clichés sur la pauvreté, les petits métiers ou comment les jeunes arrivent à économiser sous après sous pour se payer un visa, les mystères de la ville, « ce grand théâtre où chacun vient avec son histoire », sont autant de thèmes de prédilection de ce photographe artiste.115(*)

Reporter photographe au quotidien Le Soleil, Pape Seydi met son talent au service de son environnement. « Journée à Khar Yalla », « Levée du jour à Khar Yalla », « Journée d'une mère nourricière 1 et 2 », « Ma ville », « Grand Médine A et B », « Linge et bain de midi », « Levée du jour à Matam » sont autant de ses oeuvres qui « mettent l'être humain et son milieu au centre de ses pérégrinations. »116(*) Né il y a 45 ans à Kaolack, ses expositions sont aussi bien appréciées au Sénégal qu'à l'étranger. En 2008, lors de l'exposition « Off » de Biennale de Dakar, ses photos des lutteurs ont attiré l'attention des visiteurs. L'année suivante, c'est en Algérie, à l'occasion de la deuxième édition du Festival panafricain d'Alger (Panaf 2009) que « l'émotion, la vie et la lumière des lieux et des personnages »117(*) de son pays ont été portées sur les cimaises. Récemment, du 1er mai au 29 juin 2010, Pape Seydi a pris part à un projet d'échanges culturels entre Sénégalais et Américains au Bronx Museum of Arts de New York au cours duquel, outre des formations en écriture de projets artistiques et sur les droits d'auteur, il a présenté des oeuvres sur le monde de la presse, le tout-consumérisme des Sénégalais et sur l'encombrement du marché le plus populaire de son pays, Sandaga.118(*)

Nous pouvons aussi citer dans ce lot de reporters photographes sénégalais Mamadou Seylou Diallo et Mamadou Gomis. Agé de 42 ans, Seylou, comme on l'appelle communément dans le milieu de la presse, s'intéresse à la photographie depuis l'âge de 19 ans, en 1987. Son amour pour l'image le pousse d'abord à l'apprentissage de la caméra, mais il finit par trouver sa vocation pour la photographie. Reporter photographe pour la presse locale, notamment à Sud Quotidien, il sert aujourd'hui à l'Agence France Presse où il est l'adjoint au chef de la région ouest-africaine en plus du Tchad. Au total, Cellou supervise quatorze pays.119(*)

Agé de 34 ans, Mamadou Gomis est un jeune reporter photographe, qui officie au quotidien dakarois Walf Grand'Place. Il a auparavant travaillé avec des journaux sénégalais comme l'Evénement du Soir, puis effectue des reportages pour Le Quotidien, Stades (quotidien de sport), Le Journal, Thiof et Nouvel horizon mai aussi des Ong comme Plan International, Pam, Fao. Il a aussi collaboré avec des agences de presse internationales, dont l'Agence France-Presse (AFP), Panapress, et Reuters. Aussi fut-il, après le départ de Mandémory, le responsable du département photographique du quotidien Le Journal à Dakar en août 2004 où il publiait quotidiennement une photo sous la rubrique «Arrêt sur image... ».Ces clichés choisis à cause de leurs éloquences reflètent le quotidien de la capitale sénégalaise. Depuis 2005, il collabore avec le groupe de presse Wal fadjri où il réédite la même rubrique sous une autre appellation : «Clin D'oeil ». Ses photographies ont été exposées en 2006 lors de Snap Judgments à New York. Le reporter photographe a aussi participé au projet « Africalls » en 2007 en Espagne. De même qu'il a pris part à l'exposition African Now à Washington DC avec la Banque mondiale. En 2008, Gomis est primé meilleur photographe lors du concours organisé par Goethe institute de Dakar. Ses images ont illustré le livre écrit par un journaliste sénégalais intitulé, El hadji Diouf le footballeur et rebelle.120(*)

* 106 Entretien réalisé avec lui le 7 avril 2010.

* 107 Biographie Babacar Touré Mandémory (www.africinfo.org/index.asp ?navig=personnalité&no=4736&table=personnes&code=SN) consulté le 26 mai 2008.

* 108 Cf. Les Trottoirs de Dakar. Paris : Editions Revue Noire (Collection Soleil), 1992, 96p..

* 109 ID., op. cit.

* 110 Biographie Bouna Médoune Sèye ( www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=4462) consulté le 19 février 2010

* 111 Biographie Djibril Sy, ( www.agencetopo.qc.ca/dakarweb/dakar/bio/Djibril_fr.html) consulté le 19 février 2010.

* 112 Entretien accordé à Maram Nour Goni, « Ndour Matar, des photographies pour interpeller la société » ( www.tendancefloue.net) consulté 13 août 2010.

* 113 ID., ibidem.

* 114 I. Thiombane, « Matar Ndour : Objectif humain » ( www.au-senegal.com/Matar-Ndour-objectif-humain.html) consulté le 13 août 2010.

* 115 ID., ibidem.

* 116 M. M. Faye, « Photographie et bandes dessinées- Pape Seydi et TT Fons se sont illustrés à Alger », Le Soleil, du 23 juillet 2009, p. 7.

* 117 ID., ibidem.

* 118 El. H. M. Diouf, « Résidence photographique- Pape Seydi bénéficie d'une bourse de deux mois », Le Soleil du 30 avril au 2 mai 2010, p. 19.

* 119 Entretien avec lui à Dakar le 13 avril 2010.

* 120 Biographie Mamadou Gomis ( www.actuphoto.com/photographes/biographies/mamadou-gomis-10449.html) consulté le 27 novembre 2010.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery