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Etude de la dépression chez l'adolescent haà¯tien devenu handicapé

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par Mario MARCELLUS
Universite d'Etat d'Haiti, Faculte des Sciences Humaines - Licence en psychologie 2005
  

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2.5.1.3- Sexualité et relation avec les parents

La puberté fait entrer l'adolescent dans la sexualité adulte. En effet le corps devient sexué, ce qui veut dire que l'adolescent est physiologiquement mature pour avoir des rapports sexuels et est apte à la procréation. Cela change littéralement son rapport à l'autre, notamment à ses parents. Son regard change sur les autres, mais les autres aussi changent de regard sur lui. Cette sexualisation du corps remet en question ce que l'on appelle le complexe d'Oedipe, questionnement endormi pendant la phase de latence.

2.5.2- Le complexe d'Oedipe

Le complexe d'OEdipe est cette période entre 3 et 5 ans où généralement l'enfant « s'éprend » du parent du sexe opposé et entre en rivalité avec le parent du même sexe. La petite fille dévore son père des yeux et veut se marier avec lui. Le petit garçon écarte le père quand il veut embrasser la mère. Le rôle des parents à cette période est de rappeler l'impossibilité de cette union contre-nature (poser ce qu'on appelle « l'interdit de l'inceste »). A l'adolescence, la question de l'OEdipe se pose à nouveau, avec une nouvelle donne : la maturité sexuelle. La proximité avec les parents qui rassurait l'enfant va devenir rapidement insupportable (tension interne) pour l'adolescent. Ainsi, les gestes de tendresse jusque là vécus comme anodins deviennent embarrassants pour l'adolescent (et pour les parents). Soudain, l'adolescent refuse les bisous, parfois le moindre contact. L'agressivité éclate souvent.

Ainsi, l'adolescent, du fait de sa maturité sexuelle, est amené à prendre des distances par rapport à ses parents.

2.6- L'importance du corps à l'adolescence

En 1990, Françoise DOLTO qualifie l'adolescence de « complexe du homard »22(*), se référant à la fragilité de l'animal qui a perdu sa carapace et pas encore acquis la nouvelle. L'adolescence est en effet un passage entre l'enfance et l'âge adulte, et est lié à de nombreux remaniements tant physiques que psychiques. L'apparition de la puberté entraîne des modifications du corps et s'impose au psychisme de l'adolescent. Celui ci subit passivement les transformations du corps : les règles, les premières éjaculations, les caractères sexuels secondaires et il doit réapprendre à assimiler ce corps. Il sait qu'il n'est plus un enfant puisque son corps s'est modifié, qu'il est désormais capable de procréer. L'équilibre est précaire entre le corps de l'enfant et celui de l'adulte qu'il n'est pas encore. « L'adolescent devient gauche, maladroit, ingrat. S'installe l'inquiétude que les dimensions et les formes du corps ne soient pas standards. Les bonnes manières laissent la place à la grossièreté, à l'agressivité et au refus du rangement, ce qui occasionne des disputes au sein de la famille. En fait, l'adolescent a des difficultés à habiter ce corps nouveau dont la puberté l'a affublé, il se sent dysharmonique. Son refus de l'horaire des repas ou d'une séance de baignoire peut alors traduire un refus du corps »23(*). Pour les psychanalystes, « l'adolescence peut se définir par le travail psychique rendu nécessaire par les bouleversements pubertaires, où se joue le devenir de l'organisation psychique infantile antérieur »24(*). C'est Sigmund FREUD le premier, dans le domaine de la psychanalyse, qui s'est intéressé à la question de l'adolescence et a souligné l'importance de la puberté.25(*) Il semble en effet que les changements physiologiques de cette période vont avoir un impact sur la vie pulsionnelle de l'adolescent, puisque le complexe d'OEdipe va, sous l'influence hormonale réapparaître à ce moment là.
Tout le processus de l'adolescence vise à surmonter la résurgence du complexe d'OEdipe en luttant contre ses représentations et en se détachant des parents.
Cela peut expliquer le comportement de nombreux adolescents qui rejettent leurs parents. Cette transformation va être, à la fois source d'angoisse, de fierté et d'affirmation. Ici les réactions de l'entourage seront primordiales. Jalousie paternelle ou maternelle, jeu de séduction, accession à la pudeur, etc.... Autant de réactions qui influeront sur l'adolescent. Nous voyons donc que le phénomène physiologique de la puberté a une incidence sur le psychisme de l'adolescent, sur son identité.  

2.7- L'image du corps

2.7.1- Approche de la psychologie génétique

Selon Henri Wallon, pour que l'enfant arrive à avoir une notion de son corps cohérente et unifiée, il faut qu'il distingue ce qui doit être attribué au monde extérieur et ce qui peut être attribué au corps propre. Le schéma corporel va devoir se constituer selon les besoins de « l'activité ; c'est le résultat et la condition de justes rapports entre l'individu et le milieu ; celui des rapports entre l'espace gestuel et l'espace des objets, celui de l'accommodation motrice au monde extérieur » (Wallon, 1954)26(*).

2.7.1.2- Approche psychanalytique : Paul Schilder

Selon Schilder. L'image du corps, c'est l'image de notre propre corps que nous formons dans notre esprit, autrement dit la façon dont notre corps nous apparait à nous

Mêmes. Schilder définit ce dernier comme «l'image tridimensionnelle que chacun a de soi-même. Il voit donc le schéma corporel comme un « standard » spatial, qui nous permet d'avoir une connaissance de la posture, du mouvement, de la localisation de notre corps dans l'espace et de son unité. Ce modèle postural du corps n'est pas une entité statique, fixe, elle est dynamique, c'est-à-dire, changeante, en croissance, « en perpétuelle auto-construction et autodestruction interne. (Schilder, 1968)27(*)

2.7.1.3- Jacques Lacan

Pour Lacan, l'immaturité proprioceptive du nourrisson lui fait apparaître son corps comme morcelé, ce manque d'unité du corps ayant un effet anxiogène. La relation fusionnelle avec sa mère semble être le seul moyen de satisfaire les données proprioceptives éparpillées et ainsi d'atténuer l'angoisse de morcellement. Ce n'est qu'aux environs de 6 mois, que la perception visuelle a une maturation suffisante pour permettre la reconnaissance d'une forme humaine. Ceci ne manque pas d'entraîner une modification dans l'éprouvé affectif et mental du corps : « en prolongement, en fusion plutôt avec les données proprioceptives morcelées, viendront s'inscrire les données visuelles liées au corps de l'Autre ; soudainement s'unifiera, sous la forme de la `'représentation inconsciente'', ou Imago, cette image de l'Autre, et à travers elle, la proprioceptivité qui lui était liée » (Lacan, 1966). A ce moment, on peut observer l'enfant qui jubile devant le miroir. Cette expérience féconde et riche, liée à l'apparition de l'imago de l'Autre, est identifiée par Lacan comme le « stade du miroir ». Cette identification primordiale va permettre la structuration du « Je », l'expérience d'un corps unifié, et va mettre un terme à ce vécu psychique du fantasme du corps morcelé.28(*)

2.7.1.4- Françoise Dolto

Pour Dolto, l'image du corps du sujet est faite des superpositions des images passées de son corps et de l'image actuelle. Cette image est le lieu d'intégration des zones de ce corps investies par des échanges structurants et créatifs. Dans cette optique, le corps devient un lieu de langage archaïque, non-verbal, une forme dynamiquement structuré d'un système de significations. Dolto insiste pour « ne pas confondre image du corps et schéma corporel » (1984, )29(*) elle en propose une distinction systématique :

Shema Corporel

Image du corps

Le schéma corporel est le même pour tous les individus

Le schéma corporel est en parti inconscient mais aussi préconscient et conscient

L'image du corps est propre à chacun, elle est liée au sujet et a son histoire.

L'image du corps est éminemment inconsciente, elle peut devenir en partie préconsciente quand elle s'associe au langage conscient.

L'image du corps est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles. Elle peut être considérée comme l'incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant. Elle est à chaque moment mémoire inconsciente de tout vécu relationnel.

C'est grâce à notre image du portée par, et croisée à, notre schéma corporel que nous pouvons entrer en communication avec autrui.

 

L'image du corps est le support du narcissisme.

Le schéma corporel est évolutif dans le temps et l'espace

Dans l'image du corps le temps se croise a l'espace. Le passé inconscient résonne dans la relation présente

le schéma corporel réfère le corps actuel dans l'espace à l''experience immédiate. Il peut être indépendant du langage

l'image du corps réfère le sujet du désir à son jouir médiatisé par le langage mémorisé de la communication entre sujets.

2.8- L'identité et les identifications

L'adolescence est aussi l'âge ou le sujet s'aperçoit plus ou moins consciemment à quel point il était jusque là tributaire du rêve de ses parents, déplacé sur lui. Et qu'il doit remettre en cause ce qui lui servait alors de repère. Ce qui anime son désir n'est plus un idéal à accomplir, et les parents doivent comprendre son intransigeance et ses attitudes d'opposition non comme des attaques dirigées contre eux mais plutôt comme des tâtonnements qui l'aident à mieux cerner et faire valoir ce qu'il désire.
Comme nous l'avons vu, il y a un besoin chez l'adolescent de se détacher des parents mais aussi de faire le deuil du lien aux parents de la petite enfance. Pour Peter BLOS il s'agirait d'un « second processus de séparation-individuation ».30
(*) Pour Peter BLOS, l'adolescent devrait donc, pour grandir, se séparer des représentations internes parentales pour leur substituer de nouveaux objets d'investissement. L'adolescent cherche alors de nouveaux modèles d'identification.
L'identification est « le processus généralement inconscient par lequel un individu assimile l'aspect, la propriété, l'attribut d'un autre et se transforme en partie ou parfois même en totalité suivant le modèle de celui-ci ».31(*) En ce qui concerne l'identité, il semble qu'elle soit étroitement liée aux identifications. Pour KESTEMBERG « Identité et identification sont pratiquement un seul et même mouvement. On retrouvera dans l'adolescence et à la faveur du remaniement biologique et avec une acuité particulière, cette constante communication anxieuse entre l'autre et soi-même, entre l'identification et l'identité.32(*) A l'adolescence, la constitution de l'identité du sujet s'appuie donc de plus en plus sur des modèles extra familiaux. Mais comme le souligne Alain BRACONNIER et Daniel MARCELLI : « L'adolescent intègre peut être encore plus profondément qu'avant une partie identificatoire aux deux parents et en particulier au parent du même sexe. Nous pouvons dire ici « plus profondément » en raison de la nécessité de se reconnaître comme différent et autonome de ce parent tout en s'appuyant au plus profond de soi sur ce qui a pu s'intérioriser de l'image parentale ».33(*)

Tout se passe comme si l'adolescent devait se séparer de ceux auxquels il doit s'identifier. Marcelli souligne l'intérêt du groupe, de la bande dans cette quête identitaire. Elle donne à l'adolescent à la fois « une protection, une possibilité de régression mais aussi un étayage identificatoire de transition (...) qui permet au jeune de se différencier de l'image paternelle en cherchant à prélever des fragments d'identité sur les différents

membres de la bande tout en s'affirmant lui même porteur de traits paternel mais à l'extérieur du cadre familial : au milieux des copains, il peut laisser parler le père qui est en lui sans que cet aveu soit source de soumission, de faiblesse ou d'allégeance ».34(*)

Cet anticonformisme exalté étant d'ailleurs plus le fait du sexe masculin plus enclin à des réactions tournées vers l'extérieur.

2.9- La crise à l'adolescence

L'adolescence apparaît avec la puberté lorsque les bouleversements hormonaux entraînent des changements aussi bien physiologiques que psychologiques. La crise est le témoin d'un moment critique du développement humain et en même temps l'expression d'un travail psychique au service de ce développement. C'est pourquoi on parle de crise d'adolescence, qui est aujourd'hui bien admis, voire considéré comme un passage obligé, une période transitoire de la vie. Ce terme de « crise » suppose que l'on reconnaît une spécificité adolescente, mais qu'il s'agit d'une période sensible, une période d'affrontement. Il ne s'agit pas de considérer toutes les manifestations de l'adolescence comme pathologiques dès lors qu'elles sont conflictuelles et perturbantes. Il ne s'agit pas non plus de banaliser ou de sous estimer les manifestations de désarroi les plus violentes
La différence entre normal et pathologique est parfois difficile à faire par l'entourage.

2.10- Situation des adolescents en Haïti

En Haïti certains enfants, au cours de leur période d'adolescence, travaillent ou se retrouvent en situation de domesticité ; certains d'entre eux vivent dans les rues et essuient les voitures. Certains d'entre eux ne jouent pas assez pour leur âge, d'autre ne font presque pas de sport. Dans les pays occidentaux, on devient adultes quand on travaille ; en Haïti, le taux de chômage est très élevé, il atteint 65% de la population active. Cette situation de pauvreté affecte également les adolescents. Passés l'âge d'adolescence, certains vivent encore chez leurs parents. Ils sortent difficilement de l'adolescence. Et même quand ils prennent femme, ils vivent encore sous le toit des parents.

Dans son mémoire intitulé «  Domesticité et estime de soi à l'adolescence »35(*), Evenson Lizaire, parlant des adolescents qui vivent en situation de domesticité en Haïti, croit que le plus souvent ces adolescents commencent à travailler lorsqu'ils ont quitté le foyer de leurs parents biologiques pour s'installer dans la famille d'accueil. Généralement les adolescents qui vivent en domesticité sont astreints à des travaux divers ; alimenter la maison en eau, assurer la vente de petits commerces, accompagner les enfants à l'école, accomplir d'autres tâches ménagères comme la lessive et la vaisselle. Jean Robert Cadet, dans son livre, Restavek36(*), affirme que très souvent certains d'entre eux se lèvent de bonne heure et dorment très tard en raison du volume de travail qu'ils ont à accomplir.

Parfois, poursuit-il, l'enfant ou l''adolescent peut être prêté par un(e) ami(e) de sa personne responsable pour accomplir ces mêmes taches.

* 22 DOLTO Françoise, Paroles pour adolescents ou le complexe du homard, Hatier. Paris 1990, 107p.

* 23 RICHARD François, Les troubles psychiques a l'adolescence. Dunod, Paris 1998. P26

* 24 Id

* 25 FREUD Sigmund, Trois essaies sur la théorie sexuelle. Folio essays, Ed Gallimard. Paris 1987, 165p.

* 26 WALLON H, « Kinesthésie et image visuelle du corps propre chez l'enfant », Bulletin psychologique. 1954, vol VII p.239-246

* 27 SCHILDER Paul, L'image du corps. Gallimard. 1968, P 35.

* 28 LACAN Jacques, Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu'elle nous est révélée dans l'expérience psychanalytique. Ecrits. Paris 1966, Seuil, p. 93-100.

* 29 DOLTO Françoise, L'image inconsciente du corps. Paris : Editions du Seuil, 1984, P 17

* 30 BLOS Peter, Les adolescents, Stock. Paris 1967, 208 p.

* 31 BRACONNIER Alain, MARCELLI Daniel et al L'adolescence aux 1000 visages. Edition Odile Jacob. Paris, 1991, p55

* 32 KESTEMBERG Evelyne, Les troubles psychiques à l'adolescence, in François Richard, Dunod, Paris. 1998. p42

* 33 Ibid P 55

* 34MARCELLI Daniel, « Les copains, l'amie» in Le lien groupal à l'adolescence, Dunod, Paris 2000. P 219

* 35 LIZAIRE Evenson, Domesticité et estime de soi à l'adolescence. P Port-au-Prince, UEH, Fasch, 2007. 103p, pp78.

* 36 CADET Jean Robert, Restavek, enfants esclaves en Haïti, University of Texas, Austin 1997.106p.

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