1.3. L'étude démographique et spatiale de la
ville de N'djamena
L'urbanisation est un phénomène universel qui a
connu ces dernières décennies une accélération
particulière. Elle se définie comme « processus
de développement des villes en nombre d'habitants, en extension
territoriale et en terme de mode de vie ; au sens de l'extension des espaces
urbanisés. Le concept d'urbanisation englobe plusieurs aspects de
l'occupation du sol et de la consommation d'espace tels que le
développement de l'habitat, la mise en oeuvre de zones
d'activités, la réalisation d'équipement nouveaux ou
desserte » (Dobingar Allassembaye, 2005). En Afrique
subsaharienne, la croissance urbaine s'est faite dans un contexte
économique marqué par des politiques de rigueur nées des
programmes d'ajustement structurel qui ont amplifié les
26
mutations des structures et des comportements
démographiques, ainsi que l'évolution des structures familiales.
Depuis sa création, N'djamena a connu de profondes mutations d'ordres
démographique et spatiotemporel.
1.3.1. Une ville à forte croissance
démographique
Les villes d'Afrique au sud du Sahara connaissent une forte
croissance démographique et une urbanisation rapide. Cette croissance
urbaine est en partie due à l'accroissement démographique
naturel, mais elle est surtout le résultat d'une migration des campagnes
vers les villes.
N'djamena, capitale du Tchad, concentre 40% de la population
totale urbaine et connaît un taux de croissance annuelle
élevé de 7%. Sur le plan démographique, la ville a connu
une évolution très importante. Sa population qui était
d'environ 10 000 habitants en 1937 a presque doublé en dix ans pour
avoisiner les 20 000 âmes à la fin des années 1940. Dans
les premières années de l'indépendance, la population de
la ville a vite accru : elle a quintuplé en 20 ans pour approcher les
130 000 habitants à la fin des années 1960. La plus importante
évolution s'est opérée entre les années 1970 et
1990 (N'garessem, 1998). En effet, cette époque marque un tournant
décisif dans l'histoire récente de la ville, et de tout le pays.
La sécheresse de 1973-74, le coup d'Etat militaire du 12 avril 1975
ainsi que la guerre civile qui a suivi quatre ans plus tard ont
été à la base d'importants mouvements de population venant
autant des régions méridionales et septentrionales du pays,
renforçant davantage le cosmopolitisme de la ville3.
Cet afflux massif de réfugiés a permis
l'installation dans les années 1980 de nouveaux arrivants dans les zones
dépressionnaires inondables et marginales, accessibles sur le plan
foncier mais défavorables aux établissements humains. De sorte
que N'djamena, qui se localisait sur seulement quelques dizaines d'hectares
à sa création, s'étend aujourd'hui sur environ 25 km
(Mairie de N'djamena).
3 N'garessem Goltop, 1998. Croissance urbaine et
problématique de l'habitat à N'djamena. Thèse de doctorat
3è cycle. Université de Cocody (Abidjan).
27
Avec son taux actuel de croissance urbaine voisin de 7 % par
an, N'djamena pourra doubler son effectif tous les 10 ans. Elle atteindra donc
environ 2 000 000 d'ici 2020 (par projection). C'est là un
véritable motif de préoccupation quand on sait que rien n'est
prévu en termes de développement des infrastructures et des
équipements énergétiques populations.
Tableau 3. Evolution et taux d'accroissement
annuel de la population (19212009)
ANNEES
|
POPULATION
|
TAUX D'ACCROISSEMENT ANNUEL EN %
|
OBSERVATION
|
1921
|
2 100
|
|
Estimation
|
1925
|
3 200
|
11,1
|
Estimation
|
1927
|
3640
|
11
|
Estimation
|
1930
|
9 540
|
24,4
|
Estimation
|
1937
|
9 976
|
24,4
|
Statistique nationale
|
1940
|
12 100
|
2,4
|
Estimation
|
1945
|
17 800
|
8,02
|
Recensement administrative
|
1947
|
18 375
|
8,5
|
Statistique nationale
|
1948
|
20 400
|
4,64
|
Recensement
|
1950
|
22 940
|
6,04
|
Estimation
|
1954
|
34 600
|
10,82
|
Estimation
|
1960
|
64 997
|
11,08
|
Estimation
|
1962
|
88 160
|
16,46
|
Recensement I.N.S.E.E
|
1964
|
99 000
|
5,96
|
Estimation
|
1968
|
132 502
|
7,55
|
Sondage administrative
|
1970
|
157 000
|
8,85
|
Estimation
|
1972
|
180 000
|
7,07
|
Estimation étude S.M.U.H
|
1975
|
224 155
|
7,58
|
Estimation
|
1978
|
317 959
|
12,35
|
Estimation
|
1979
|
110 000
|
-65,40
|
Estimation
|
1980
|
133 442
|
21,31
|
Estimation
|
1984
|
289 000
|
21,31
|
Estimation Groupe Huit
|
1990
|
425 600
|
6,66
|
Estimation D.S.E.E.D
|
1993
|
530 965
|
7,65
|
RGPH-BCR
|
1995
|
600 000
|
7,66
|
Estimation
|
2000
|
800 000
|
7
|
Estimation
|
2007
|
838 531
|
7
|
Annuaire des statistiques sanitaires du Tchad.
|
2009
|
993 492
|
7,5
|
RGPH-INSEED
|
Source: INSEE, SMUH, DSEED, BCR, INSEED (2009)
28
Tableau 4. Accroissement de la population de
N'djamena par rapport au Tchad (1968- 2009)
Années
|
1968
|
1986
|
1993
|
1995
|
2000
|
2002
|
2009
|
Population de
N'djamena
|
132 000
|
289 000
|
531 000
|
600 000
|
800 000
|
1 300
000
|
993 492
|
Population du Tchad
|
3 536
067
|
5 140
245
|
5 945
166
|
6 197
484
|
6 876
131
|
8 464
505
|
11 175
915
|
Taux d'évolution N'djamena
|
5%
|
5,7%
|
6%
|
6%
|
7,1%
|
7,2%
|
7,5
|
Taux d'évolution Tchad
|
1%
|
2,1%
|
2%
|
2,1%
|
2,2%
|
4,4%
|
5,2%
|
Source : GROUPE HUIT, 1996 et complétée en 2009
Une étude rétrospective de la population du
Tchad par rapport à celle de N'djamena nous permet de constater que
pendant la décennie allant de 1968 à 1986, la population de
l'ensemble du pays évolue de manière constante, alors que celle
de N'djamena a presque doublé. La même tendance s'observe
aujourd'hui si on remonte entre 1993 à 2000, la population de N'djamena
qui était de 531 000 habitants en 1993 a passé à 800 000
habitants en 2000. Cette évolution de la population de la ville de
N'djamena est due aux différents mouvements migratoires que la ville a
connus juste après les indépendances précisément
vers les années 19604. Ainsi, la population urbaine s'accroit
de 40000 à 50000 nouveaux habitants chaque année. Cette
croissance rapide et continue de la population s'est accompagnée d'une
extension spatiale considérable.
1.3.2. Une ville à forte extension
spatiale
Située sur la rive droite du fleuve Chari, au sud du
lac Tchad, la ville de N'djamena est à la fois le plus important centre
administratif, universitaire, industriel et commercial du pays.
L'évolution spatiale de la ville s'est faite par vagues concentriques
autour du centre-ville, noyau originel constitué du quartier
administratif appelé quartier résidentiel. Cette
4 N'garessem Goltop, 1998. Croissance
urbaine et problématique de l'habitat à N'djamena. Thèse
de doctorat 3è cycle. Université de Cocody (Abidjan).
29
évolution s'est faite avec une forte tendance vers le
nord et le sud-est, l'aéroport constituant une barrière à
l'ouest et le Logone, une barrière à l'ouest.
Créée en 1900, il a fallu attendre la fin de la
Seconde Guerre Mondiale pour que la ville prenne son essor. Eloignée de
1500 km du port maritime le plus proche, Douala (Cameroun), N'djamena, ainsi
que toutes les villes du pays, est très enclavée. A sa
création, l'occupation du sol s'est faite dans les anciens villages
autochtones. A l'ère coloniale, l'administration favorisa l'installation
des premiers fonctionnaires tchadiens originaires des autres contrées du
pays, occupant les quartiers proches du quartier résidentiel. Puis, une
deuxième vague de peuplement a commencé à se faire tout au
long du fleuve, surtout à travers la sédentarisation des
pêcheurs venus essentiellement des régions sud du pays.
Les quartiers dits traditionnels sont organisés suivant
un plan quadrangulaire sur l'axe Sud-Nord avec la grande mosquée, comme
point central. Le point actuel de la ville de N'djamena résulte de la
mise en application du plan d'urbanisme conçu par l'administration
coloniale en 1945. Ce plan prévoit la division de N'djamena en «
zone industrielle, résidentielle, administrative, militaire, comprise
entre le Chari et la rive occidentale d'un marigot baptisé Saint-Martin
par les européens. La ville indigène dont une faible partie
(Bololo et Djambalbarh) est comprise entre la ville européenne et le
canal (qui en saison sèche n'est pas qu'un large fossé),
s'étend sur l'autre rive. Les anciens quartiers ont disparus
(Garouangakoumadji, Labito ...) ou ont été déplacé
(Mardjandafak, Paris-congo) en conservant leur nom pour la plupart »
(Leboeuf, cité par Yémadji, 1995, p.40).
Tableau 5. Evolution spatiale de la ville de
N'djamena de 1927-2007
Années
|
1927
|
1960
|
1971
|
1984
|
1995
|
2007
|
Superficie (en ha)
|
570
|
1480
|
2840
|
4500
|
5900
|
15000
|
Source :mhtm
:file//c/documents%20setting/personnel/mes%20documents analyse
30
Les tableaux 4 et 5 montrent que l'accroissement de N'djamena
s'est fait de manière successive. Chaque étape correspond
à une croissance démographique et à une exploitation de
l'habitat. L'extension de la ville est passée de 570 ha en 1927 à
1480 en 1960, 2840 ha en 1971, 4500 en 1984, 5900 en 1995 (N'garessem, 1998),
puis 15000 ha en 2007 (service SIG de la mairie de N'djamena).
L'augmentation de la population et l'extension spatiale de la
ville de N'djamena résultent en grande partie des
phénomènes migratoires que la ville a connus.
Cependant, dans la réalité, on remarque à
N'djamena une occupation effective lâche de l'espace, surtout dans les
quartiers périphériques où le nombre de terrains
appropriés mais non bâtis donc inhabités est
impressionnant. La densité moyenne brute globale de
l'agglomération est très faible: 58 habitants à l'hectare
(N'garessem, 1998).
|