Conclusion.
 la charnière de deux mondes, le chapitre et
l'Université, le chancelier est sans doute l'un des personnages les plus
importants de son époque. Jaloux de ses prérogatives, il n'eut de
cesse de les préserver du XIIe au XVe
siècle face à une Université, que les rois et les papes
souhaitaient voir prendre de plus en plus d'importance dans une
société occidentale en pleine reformation.
Si certains chanceliers, comme Pierre le Mangeur, Pierre
d'Ailly ou Jean Gerson, sont restés célèbres, c'est parce
qu'ils ont aussi été des auteurs célèbres, des
maîtres renommés, continuant à enseigner durant leur
cancellariat, et qu'ils ont souvent proposé des modèles à
suivre. D'autres, comme Philippe le Chancelier ou Jean Blanchart et, dans une
moindre mesure Pierre le Mangeur, ont marqué cet office
ecclésiastique par leur volonté d'en tirer profit et par leur
refus de céder sur les avantages qu'il leur procurait. Les exceptions
sur le paiement du droit à la licence, alors qu'au départ elle
devait être délivrée gratuitement, sont devenues ainsi une
coutume dont il a été ensuite bien difficile de combattre les
abus. D'autres encore, comme Grimaud Boniface, n'ont pas laissé de
traces remarquables ou critiquables de leur passage dans la fonction
chancelière mais ils ont participé tout autant que leurs
prédécesseurs ou ceux qui les ont suivi à son
évolution.
Nous avons pu également constater que le chancelier
reste un universitaire puisque tous sont passés par la faculté
où, pour la plupart ils ont obtenus un doctorat en théologie.
Mais il est aussi un homme d'Eglise et cette fonction canoniale a
représenté pour quelques-uns, comme Pierre d'Ailly, une sorte de
tremplin vers d'autres fonctions ecclésiastiques supérieures,
sinon, elle a apporté un appoint financier conséquent par le
cumul des bénéfices. Ainsi de nombreux chanceliers, tels Philippe
le Chancelier ou Grimaud Boniface que nous avons plus particulièrement
étudiés, ont cumulés les offices canoniaux étant
titulaires de plusieurs prébendes.
Cette fonction apporte donc, avec la prébende qui lui
est attachée, un complément conséquent de revenus, mais
aussi un accroissement d'honneurs et de prestige pour, éventuellement,
aller plus loin, mais le chancelier a aussi conscience que sa fonction est
importante et qu'il a un rôle à jouer dans une
société en mutation.
Le chapitre de Notre-Dame, dont il est dignitaire, est
consulté sur des questions dogmatiques dont il est le fervent
défenseur de l'orthodoxie, rejetant violemment les
hérésies,
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n'hésitant pas à s'opposer parfois au pape.
L'Université de Paris est aussi un lieu de débats et de
controverses que le pouvoir pontifical a parfois du mal à
tempérer ou, à tout le moins à arbitrer.
Interlocuteur privilégié des autorités
pontificales qu'il représentait avec l'Université, le chancelier,
sûr de son bon droit, n'a pas toujours voulu voir la place de plus en
plus importante que lui disputaient les maîtres, et le recteur, dans leur
volonté d'autonomisation vis-à-vis de tout pouvoir politique ou
spirituel ; peut-être avait-il peur de raviver des rancoeurs
récurrentes, comme celles autour de la collation de la licentia
docendi.
À la fois « fille aînée du roi
» et fer de lance de la théologie, car formatrice des docteurs
savants dont l'Eglise a besoin, l'Université représente donc une
personne bien difficile à manoeuvrer pour un homme, le chancelier, dont
l'autorité est très souvent contestée. Mais l'importance
de cette fonction chancelière est également liée de
façon étroite à cette place de l'Université de
Paris dans l'Occident chrétien ; ainsi, avec la fin de la guerre de Cent
Ans et avec la naissance d'autres universités, qui vont bientôt
concurrencer l'université parisienne, il convient de se demander si le
chancelier de Notre-Dame de Paris n'a pas alors, lui aussi, perdu non seulement
en prestige, mais surtout en influence, à la fois au sein de l'Eglise,
de l'Université mais aussi auprès des autorités qu'il
représentait ou qu'il conseillait, et, d'une manière
générale, dans la société dans son ensemble ? Mais
tenter de répondre à cette question, c'est proposer de faire
l'étude exhaustive de tous les chanceliers qui du XIIe au
milieu du XVIe siècles vont se succéder à ce
poste, pour savoir comment a évolué la fonction à travers
le type de chancelier que chacun a été.
Nous avons, pour notre part, donner quelques
éléments de réponses à cette problématique,
à travers l'ébauche d'une base prosopographique qui permet la
recension de l'ensemble des sources et des études concernant ces
personnages. Cette étude prosopographique est donc incomplète et
ne demande qu'à être étendue à l'ensemble des
chanceliers ; nous avons tenté dans notre étude de définir
un corpus, des cadres et des outils, il reste désormais à s'en
servir.
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