1
Université de Reims Champagne
Ardenne
Mémoire d'Histoire en vue de l'obtention du Diplôme
d'Etude Approfondie Septembre 2003
Christophe LEON
Aspects d'un office du chapitre
de Notre-Dame de Paris :
les chanceliers de l'Université de
Paris
du milieu du XIIe au XVe
siècle.
Sous la direction de Monsieur Charles VULLIEZ.
(Université de Reims Champagne Ardenne)
2
Introduction.
« Depuis quelques décennies, se
dégageant d'une conception purement événementielle de
l'histoire, les historiens, à la suite de Lucien Febvre et de Marc
Bloch, accordent une attention particulière à l'observation du
milieu social et des mentalités. On a pris conscience qu'au-delà
même de la restitution du passé, l'histoire a pour
véritable objet de mieux faire connaître le comportement social de
l'homme. L'étude et la connaissance de l'origine familiale et sociale
des individus, de leur formation intellectuelle, de leur carrière, ont
permis, en effet, de rejeter bien des idées reçues et de mieux
saisir, à un moment donné de l'histoire, la place et le
rôle exacts occupés par ces hommes dans la société
de leur temps. Tel est le cas, notamment, des études qui ont
été consacrées pour le Moyen Âge, à l'examen
de différents groupes sociaux : parlementaires, avocats, universitaires
». Un peu plus de quinze ans après l'ouvrage de Robert
Gane1, il est possible de reprendre à notre compte son
constat tout en reconnaissant que les groupes sociaux universitaires ont, pour
leur part, été assez largement traités2.
Cependant, les groupes ecclésiastiques sont toujours peu
étudiés pour eux-mêmes, et, bien souvent, dans leur rapport
à l'autre ou à une partie de la société
médiévale. La tentative de Robert Gane, du fait de
l'étendue du groupe social, est restreinte au seul XIVe
siècle ; ce qui est déjà remarquable. Nous proposons une
démarche qui consiste à étendre le champ chronologique
tout en resserrant l'étude à un groupe canonial, celui des
chanceliers. Celui-ci se limite à une quarantaine de chanceliers qui se
sont succédés au sein du groupe canonial de Notre-Dame en charge
de l'Université de Paris. Mais, ce groupe couvre trois siècles,
du XIIe au XVe siècle.
C'est au tournant des XIe - XIIe
siècles que les structures scolaires de l'Occident se modifient sous
l'effet de l'essor urbain et du renouveau moral et spirituel de l'Eglise. A
côté des écoles cathédrales qui prennent de
l'ampleur et se multiplient, les écoles collégiales apparaissent
qui acquièrent pour certaines une grande réputation, telle celle
de Saint-Victor à Paris. Enfin, à côté de ces
écoles ecclésiastiques apparaissent des écoles
particulières, ouvertes par des maîtres, laïcs ou clercs, qui
enseignent aux adolescents qu'on leur confie
1 GANE, Robert, Le chapitre de Notre-Dame de
Paris au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985,
[15], Introduction.
2 Notamment grâce aux travaux récents
de Jacques Verger, dont l'Histoire des Universités en France,
Bibliothèque Historique [41], et Le chancelier et
l'université à Paris à la fin du XIIIe
siècle, in Les universités françaises au
Moyen Âge, [44].
3
moyennant finances, et attirent parfois des étudiants
nombreux en raison de leur réputation. Les écoles
cathédrales et canoniales relevaient de l'Eglise. Maîtres et
étudiants étaient généralement des clercs.
L'évêque ou l'abbé qui dirigeait, mais pas toujours, les
chanoines instituait, parmi eux un écolâtre - appelé
scolasticus ou cancellarius, chancelier, à Chartres ou
Paris, magister scolarum à Orléans, ou encore caput
scolae dans le Midi. Celui-ci contrôlait l'activité scolaire,
enseignait souvent, mais peut être pas toujours, et se faisait aider dans
les plus importantes écoles par des maîtres libres. Les
succès des écoles et l'importante circulation des maîtres
posèrent très vite la question de leur recrutement et de son
contrôle. A partir des années 1160, une licence d'enseigner,
« licentia docendi » fut instituée. Un maître
désirant enseigner devait se faire agréer par
l'évêque du lieu ou son représentant,
l'écolâtre ou le chancelier. Ce système fut
généralisé par le Concile de Latran III, sans concerner,
dans un premier temps, ni la médecine ni le droit, dont l'Eglise ne
pouvait contrôler l'enseignement. Rappelant la nécessité
pour chaque chapitre cathédral de tenir une école dispensant un
enseignement gratuit, le même concile statua sur la question de la
rétribution de l'écolâtre, auquel on devait attribuer une
prébende. Pourtant, durant tout le XIIe siècle, une
grande partie des revenus du chancelier provint de sommes versées pour
la collation du diplôme par les étudiants et leurs familles, ce
qui aboutit parfois à des excès auxquels le Concile de Latran III
avait justement tenté de mettre un terme. L'octroi de la licentia
docendi déboucha sur un conflit récurrent entre le
chancelier de Notre-Dame et l'Université de Paris.
Durant une première période, le conflit s'est
localisé dans la juridiction du chancelier de Notre-Dame et concernait
les moyens et les circonstances réunis pour la délivrance de la
licentia docendi. Durant une seconde période, la dispute s'est
centrée sur les modalités de l'examen des candidats avant leur
admission dans la société des maîtres ; cette dispute
recouvre en fait le problème de la distribution des licences et de leur
paiement. Cette seconde période, qui va jusqu'au XIVe
siècle, est également marquée par la confrontation entre
les deux dignitaires de l'Université, le chancelier et le recteur,
à propos de la question pour savoir lequel des d'entre eux était
supérieur à l'autre : « qui eorum major est. »
Au XVe siècle, la confrontation se termina par une
coexistence pacifique. Cependant, à la fin du Moyen Âge, la charge
de recteur est fragilisée à cause de l'influence du chancelier,
renforcée par un accroissement de leurs connaissances et de leur
réputation. Les qualités de direction des chanceliers ont
nettement renforcé l'aura de leur charge. Survivant à ces
conflits, ils sont
4
apparus comme la personnification de la dignité
scolastique dans la vie du « Studium Parisiense. »
Ce groupe des chanceliers est généralement
étudié pour le problème qu'il pose sur sa
compétence à délivrer la licentia docendi, alors
que ces lettrés sont, eux-mêmes, issus de l'Université, et,
pour la plupart, sont docteurs en droit. Ce problème de
compétence a été étudié à travers les
conflits qui opposent le chancelier et l'université, dès sa
constitution, mais aussi dans l'opposition entre le chancelier et le recteur.
Il parait nécessaire de reprendre cette étude tout en envisageant
un élargissement de la réflexion aux relations des chanceliers
avec l'ensemble de la société médiévale pour tenter
d'y mesurer leur place et leur influence.
Pour mener l'étude, un traitement statistique des
informations peut être utile. C'est pourquoi notre travail ébauche
une base prosopographique pour les chanceliers de l'Université de Paris.
Si l'étude des carrières ecclésiastiques et des
productions littéraires de quelques chanoines du chapitre de Notre-Dame
a donné lieu à de nombreux travaux, notamment sur Pierre le
Mangeur, Pierre d'Ailly, ou Jean Gerson3 ; l'établissement
d'une base prosopographique sur les chanceliers de l'Eglise Notre-Dame, en
raison de l'importance du corpus, ne peut être intégralement
réalisé dans un travail de DEA. Il faut envisager
l'élaboration complète de cette base dans un travail de
thèse en ne négligeant aucun aspect de la vie des chanceliers
retenus.
Dans le cadre du DEA, nous exposerons quelles sont les sources
à notre disposition pour le corps des chanceliers dans son ensemble,
quel cadre prosopographique4 il est possible d'envisager, pour
réaliser une étude plus systématique dans le cadre d'une
thèse et expliquer le fonctionnement de la charge de chancelier en
tentant de répondre à des questions aussi simples que : qui ?
comment ? quoi ? pourquoi ? où ? quand ?5 Nous proposerons un
extrait de cette base à travers deux études de cas : les
carrières de Philippe le Chancelier, chancelier
3 Cf. notamment, pour Pierre d'Ailly,
l'étude de Bernard Guénée ; GUENEE, B., Entre l'Eglise
et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du
Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21],
Paris, 1987.
4 Les fiches biographiques tirées de
l'étude prosopographique tiennent compte des éléments
suivants n° de réf., nom vedette (le plus usité) (le latin
est accolé au nom vedette), dates fonction de chancelier, dates de
naissance et de mort, lieu d'inhumation, rang dans les ordres sacrés
(dont offices occupés au chapitre), origine sociale, origine
géographique, informations sur la parenté, carrière
bénéficiale (nom du diocèse, titre, dates d'attestation
dans ce titre), formation, carrière non bénéficiale dont
universitaire, références bibliographiques et sources ; cf.
chapitre 1.2.
5 Cf. comme guide pour la méthode la
collection des fasti ecclesiae gallicanae, t. 3, Diocèse de
Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols : Répertoire
prosopographique des évêques, des dignitaires et des chanoines des
diocèses de France de 1200 à 1500, [10].
5
de juin 1218 au 23 décembre 1236, et de Grimaud
Boniface, chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370. Puis,
nous présenterons les cadres institutionnels dans lesquels
évoluait le chancelier du fait de sa double appartenance au milieu
universitaire et canonial. Enfin, nous donnerons des essais de
définitions et nous observerons les évolutions de la fonction de
chancelier.
6
1. Critique des sources et méthodologie.
1.1. La critique des sources pour l'établissement
de la base prosopographique.
La constitution de notices prosopographiques est un exercice
difficile non seulement à cause des éléments constitutifs
de la base de donnée, mais également à cause de la
variété des sources qui peuvent être utilisées pour
l'étude. Il s'agit de se demander quels sont les renseignements qui, sur
un personnage donné, vont nous permettre de comprendre quelle sorte de
chancelier il a été. La base prosopographique doit amener
à la constitution d'une sorte de typologie des différents types
de chanceliers à travers leurs origines, leurs formations, leurs
carrières, leurs relations à l'intérieur du
chapitre6, mais aussi à l'extérieur de
celui-ci7.
La constitution de la base de donnée repose
également sur la pertinence et l'accessibilité des sources
retenues, ce qui pose un problème pratique. En effet,
l'accessibilité des sources se fait le plus souvent à travers des
compilations de lettres éditées à la fin du
XIXe siècle ; nous avons, pour le moment, retenu
essentiellement la collection des Chartularium Universitatis
Parisiensis8. Les sources sont, malheureusement, rarement
disponibles directement. Il est matériellement mal aisé de s'y
reporter car, pour certaines, leur conservation a été mal
assurée au cours du XXe siècle.
La seconde approche des sources provient d'études
réalisées sur les chanceliers au cours du XXe, qui se
réfèrent elle-même bien souvent au Chartularium
Universitatis Parisiensis. Il s'agit notamment d'études
réalisées par Astrik L. Gabriel, Robert Gane et Jacques Verger.
Leur intérêt pour les chanceliers est motivé dans les
relations de ces prélats avec l'université et il n'y a que Robert
Gane qui ait établi une base prosopographique, mais pour l'ensemble des
offices du chapitre de Notre-Dame. Il serait cependant nécessaire de
rendre compte de la vie des chanceliers non seulement à travers leurs
relations avec l'Université de Paris, mais aussi avec le reste de
l'Eglise et la société du temps, sans oublier
6 i. e. l'Eglise.
7 i. e. la société
médiévale dans son ensemble. Le problème de
l'Université est que celle-ci propose un cadre transversal à la
fois dans l'Eglise et dans la société du temps. Cette position
est d'ailleurs source de convoitises pour son contrôle de la part des
pouvoirs religieux et temporels, et les chartes garantissant l'autonomie des
universités, dont celle de 1205, ont dû être constamment
réaffirmées.
8 Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium
Universitatis Parisiensis, [IV], Paris, 1889 - 1896, t. I et
II.
7
de s'intéresser à la formation et à
l'origine de ces personnages et sur un temps long, c'est-à-dire au moins
du XIIe au XVe siècle9.
« Il est possible d'admettre sans difficulté,
j'estime », écrivait Langlois, « que les documents
les plus précieux pour l'histoire du Moyen Âge sont les lettres,
les lettres envoyées, à la fois les correspondances officielles
et privées ». Cette considération peut apparaître
quelque peu obsolète à la première lecture, cependant il
est difficile dans les faits de penser à l'existence d'un autre type de
source qui apporte autant d'éclairage dans une étude biographique
et l'établissement d'une base prosopographique. Les remarquables
adaptabilité et forme du genre lui permettent de toucher presque tous
les aspects de la vie et de ce qui concerne le Moyen Âge. Mais il faut
bien se garder d'étendre ce genre de considération en dehors de
ce qu'il faut appeler les vraies lettres et non celles fabriquées,
notamment au XIIIe siècle, pour servir de modèle au
dictamen. L'utilité de ces vraies lettres en tant que source
historique réside précisément dans le fait que celles-ci
sont les reflets de faits réels et vécus10.
Les documents tirés du Chartularium Universitatis
Parisiensis sont des lettres des chanceliers ou adressées aux
chanceliers et non des histoires de leurs vies ; mais il ne s'agissait pas pour
les auteurs de cette collection de réaliser des notices
biographiques11. Ils
9 Dans la perspective d'un travail de thèse,
il est possible d'envisager de travailler sur l'ensemble des chanceliers qui se
sont succédés à ce poste de Odon jusqu'au moins le
XVIe siècle inclus afin de bien saisir l'évolution de
la fonction sur le long terme.
10 Si ces lettres fictionnelles constituent
néanmoins un corpus intéressant pour l'étude de
l'histoire médiévale, ce n'est pas le propos de cette
étude.
11 « His collectis (documenta chartularia), facile
intelligas Cancellarium Parisiensem tempore interposito multa amisisse : primum
in actione in magistros et scholares exercita, ut supra demonstrauimus, deinde
in aemulatione nata cum abbate, postea cum Cancellario S. Genouefae, denique
emergente Rectoris auctoritate, ut breui exponemus. Nihilominus tamen saeculo
XIII Cancellarius Parisiensis, ut nemo alius, in Uniuersitate Parisiensi summum
imperium retinuit. Anno 1234 decanus ecclesiae Parisiensis in quadam causa
contra Cancellarium Paris, duos iudices « habebat ea ratione suspectos,
quod cum Parisienses scolares existerent, ratione iurisdictionis ordinarie,
quam obtinet in eisdem, subiecti erant Cancellario memorato ». Magister
Artium Iohannes de Garlandia circa medium saeculum de Cancellario Parisiensi
sic loquitur : « Parisius studii directas ducit habenas ». Eandem
fere locutionem hic notemus quam de scholastico Aurelianensi anno 1301
adhibebat pontifex Bonifatium VIII : « Ad quem studii gubernatio et
dispositio (...) pertinet ». Etiam anno 1283 tametsi plurinum Rector
Uniuersitatis potestatem suam auxerat, Cancellarius se caput Uniuersitatis esse
contendebat, « in quem ipsa potestatem non haberet sicut nec inferior un
superiorem. Quanquam procurator Artistarum Iohannes de Malignes contre nisus
est et Rectorem caput esse declarauit, summus pontifex, apud quem ea causa
pendebat, Cancellario Parisiensi satisfecit, ut patet ex epistolis an. 1284 et
1286. Cancellario Parisiensi hoc saeculo maximas partes in Uniuersitate
tributas esse eo quod Cancellarius ecclesiae Parisiensis esset atque in Insula
sub eius iuridictione Uniuersitas formata foret, agnoscendum ; nihil mirum quod
nomina omnium, inter quos celeberrimi numerantur, ad nos peruenerunt, cum
Cancellarii S. Genouefae, quorum institutio posterior fuit, ut occasione tantum
data, uix rari in scriptis appareant Seriem Cancellariorum Parisiensium illius
temporis, cum uulgo male nota sit, describendi occasionem arripiemus, initium
capiendo ab illo qui primus in nostro Chartulario occurit usque ad ultimum.
Manca neque errorum expers est nomenclatura apud HEMERAEUM, De Academia
Parisiensi, pag. 105 sqq., sicut et une Registro (saec. XVIII) Arch. Nat., LL
189 ; fol. 23. -Terminos a quo et ad quem non semper pro certo definire
possumus.
8
sont des témoignages directs de l'action de ces hommes
à un moment donné, et, par conséquent, ils restent
fragmentaires dans une perspective d'ensemble d'une carrière.
Le Chartularium Universitatis Parisiensis est
constitué de quatre volumes classant chronologiquement des documents
épistolaires ayant pour objet l'Université de Paris et ses
membres, parmi lesquels les chanceliers du chapitre de Notre-Dame, depuis
l'année 1163 jusqu'au XVIe siècle.
Cette compilation repose elle-même sur le travail d'un
érudit du XVIIe siècle, César Egaste sieur Du
Boulay, qui a rédigé une Historia Universitatis
Parisiensis, en six volumes, entre 1665 et 1673 ; il s'appuyait
lui-même essentiellement sur les archives de l'Université de
Paris. Le Chartularium Universitatis Parisiensis propose de reprendre
ce travail et d'en corriger les erreurs. Les corrections ou les
compléments d'informations s'appuient sur les archives de
l'Université de Paris proprement dite, sur celles des collèges
voisins de l'Université, comme Sainte-Geneviève, sur celles du
Vatican, sur celles de différentes institutions religieuses de plusieurs
régions françaises, soit qu'elles confirment ou qu'elles
infirment les renseignements donnés. Ces archives régionales sont
notamment conservées par les services départementaux de la
Côte d'Or, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône, du Loiret. Ils
s'appuient également sur les chartes de l'Eglise de Paris, notamment
celles de Notre-Dame de Paris, telles qu'elles ont été
éditées par Guérard, en quatre volumes, en 1850. Ainsi,
l'observation de l'origine des différentes archives propose une
idée assez précise de l'influence de l'Université de Paris
et des enjeux qu'elle représentait, tant dans la capitale du royaume
qu'au niveau du royaume lui-même et de la chrétienté
occidentale, puisque l'Europe ne connaissait d'autre principe d'unité
que la foi qui l'animait et que la pensée se manifestait tout
entière sur le plan chrétien. Outre l'origine, la nature des
différentes lettres proposées dans le Chartularium
Universitatis Parisiensis doit permettre, en classant les
différents types d'auteurs et de destinataires de celles-ci,
d'appréhender spatialement l'importance de l'Université de Paris,
en distinguant les privilèges, qu'ils soient royaux ou pontificaux,
des
Odo fuit saltem anno 1164 usque ad annum fere 1168. Petrus
Comestor, 1168 usque ad annum fere 1180. Hiduinus, 1180 ... 1193 (?). Petrus
Pictauensis, circa 1193 usque 1205. Bernadus Chabert, 1205. Prepositinus, 1206
usque ad an. Fere 1209. Iohannes de Candelis, 1209 usque 1214 uel 1215.
Stephanus Remensis, 1214 uel 1215-1218. Philippus de Grèue, 1218-1236.
Guiardus, 1237-1238. Odo de Castri Radulphi, 1238-1244. Petrus Paruus, 1244
usque ad an. Fere 1263. Galterus, 1246-1249. Heimericus de Ueire, 1249 usque ad
an. Fere 1263.
Stephanus Tempier. Nicolaus, 1268-1271. Iohannes
Aurelianensis, 1271-1280. Philippus de Thoriaco, 12801284. Nicolaus de
Nonancuria, 1284 ssq. Cancellariorum S. Genouefae duorum tantum nomina inuenire
potuimus ».
Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis
Parisiensis, [IV], Paris 1889 - 1896, t. I, p. XIX - XX.
9
simples suppliques, des bulles, des recommandations, tout en
recentrant constamment l'étude autour du chancelier. Mais ce travail,
long et laborieux, n'est pas envisageable dans le cadre d'un DEA, et il
paraît plus raisonnable de l'intégrer à un travail de
thèse. Il est en effet indispensable de prévoir, dans la base
prosopographique des chanceliers, l'établissement d'une base de
données détaillée dévolue aux seules sources, en
commençant par le Chartularium Universitatis Parisiensis, ce
que nous ne faisons pas ici. L'établissement d'une typologie des lettres
par leurs auteurs, leurs destinataires et leur origine géographique doit
permettre, en les croisant avec d'autres sources, de s'assurer de
l'authenticité de chacun des documents. Il faudra ensuite se
référer directement à la source originale, si elle est
encore disponible, pour contrôler le contenu de chacun des documents.
Outre les lettres et des collections comme celle du Chartularium
Universitatis Parisiensis, nous disposons également des autres
productions littéraires des chanceliers comme les sermons et qui, pour
certains comme Jean Gerson, ont été édités. Pour ce
type de document également, il paraît souhaitable d'avoir la
même démarche euristique que pour les lettres. Mais nous ne
saurions nous contenter que de ces types de documents et nous devrons
rechercher tous ceux ayant un rapport avec la figure du chancelier.
Néanmoins, les différentes catégories
retenues pour constituer la base prosopographique doivent, dans un premier
temps, s'appuyer sur ce qu'il y a d'immédiatement disponibles, les
études, ou, comme nous l'avons dit, plus difficiles à atteindre,
les sources elles-mêmes. Ceci permet de constater une carence de
renseignements que seuls un recensement et sa publication de l'ensemble des
sources pourraient palier, par la suite, puisque, en effet, le Chartularium
Universitatis Parisiensis n'est pas, non plus, comme les ouvrages du
même type qui l'ont précédé, exempt d'erreur
d'identification des documents sur lesquels il s'appuie. Nous ne pouvons
ignorer aucune source même si elles n'ont pas nécessairement un
rapport direct avec notre sujet, comme pour les sermons. Mais, si nous ne
voulons pas nous fourvoyer dans leur exploitation, nous devons connaître
et rappeler les caractères spécifiques de chaque genre et ainsi
établir une typologie perfectible, sur un même modèle pour
chaque source, afin de croiser les informations, comme nous l'avons
indiqué ci avant. Celle-ci doit exposer la nature propre de chaque genre
de sources et arrêter les règles spéciales de critiques
valables pour chacune. Cette typologie est alors intégrée
à la base prosopographique complète. En étudiant,
notamment, la carrière et la filiation de personnages, elle peut
permettre d'approcher la vie de ceux-ci, et ici des prélats, dans tous
les domaines,
10
également social, afin de tenter de mieux cerner leur
personnalité en tant que chancelier. Il ne s'agit donc pas, comme c'est
le cas ici, d'en rester à une simple description d'une personne, au sens
étymologique, mais il doit nous permettre de tenter de dresser pour
chaque chancelier un profil psychologique.
Dans l'approche des chanceliers du chapitre de Notre-Dame, il
est également nécessaire d'envisager l'étude de ces
personnages à travers les cadres dans lesquels ils évoluent,
c'est-à-dire le chapitre et l'Université. Ces deux institutions
sont le sujet de nombreuses études mais sont aussi à l'origine de
la constitution de collections de documents comme les lettres du
Chartularium Universitatis Parisiensis, évoquée plus
haut, ou les registres capitulaires de la collection Sarasin12.
Celle-ci est constituée d'une centaine de volumes et est aujourd'hui
conservée aux Archives nationales sous les cotes LL. 253 à 354 et
LL. 80 à 82. Cependant, certains volumes sont en mauvais état et
leur communication au public est très limitée13. La
première série, qui a retenu notre attention, est
constituée de quatre-vingt-huit volumes14. Outre des volumes
portant le titre de Varia, se rapportant aux objets divers dont le
chapitre a eu à s'occuper accidentellement, elle comporte des volumes
qui s'intercalent alphabétiquement et qui sont tout entier
consacrés aux matières qui touchent directement le chapitre.
Ainsi les séries LL. 265 et LL. 266, intitulées dignitates et
personatus ecclesiae parisiensis, comportent, respectivement pour chaque
volume, des feuillets 239 à 303 et 232 à 294, des indications
à propos des De Cancellario et Cancellaria15. Ces
feuillets nous ont permis de trouver rapidement des renseignements
biographiques sur quelques-uns des chanceliers qui nous
intéressent16.
A l'issue de cette présentation sommaire des sources
consultées, nous souhaitons exprimer une dernière mise en garde.
Parmi les événements qui ponctuent la vie de nos chanceliers, il
en est un qui revient d'une manière récurrente pour nombre
d'entre eux. Il s'agit, nous l'avons dit plus haut, des conflits qui ont
opposés ce dignitaire du chapitre à
12 Cf. Bibliographie.
13 Nous tenons ici à remercier monsieur
Ghislain Brunel, conservateur en chef de la section latine des Archives
nationales, qui nous a permis d'accéder aux volumes LL. 265 et LL. 266,
[XII], qui ne sont plus en consultation à cause de leur mauvais
état de conservation.
14 La seconde série, dite topographique,
comporte une vingtaine de livres et fournit des renseignements sur les
localités qui font partie du domaine du chapitre.
15 Il existe aussi une collection de feuillets
ayant pour sujet la faculté de décret et celle de
théologie, référencée LL. 283, [XII].
Varia. f). 137 et f). 138, que nous n'avons pas consulté.
16 Notamment des renseignements à propos du
conflit qui oppose le recteur au chancelier ; cf. infra note 138.
11
l'Université. Cependant, la reconstitution de cette
longue querelle n'est pas facile car nous ne disposons, nous avons tenté
de le montrer, que de documents indirect. Pour la plupart, il s'agit, si l'on
s'en tient essentiellement au Chartularium Universitatis Parisiensis,
de privilèges octroyés par les papes et leurs légats.
S'ils nous renseignent précisément sur les arbitrages
imposés par le pouvoir pontifical, ils ne nous donnent que peu
d'indications quant à la chronologie du conflit17, ni
n'indiquent clairement les initiatives et les motivations propres des
adversaires. Il serait nécessaire dans un travail plus approfondi
d'éclaircir ce point.
La liste des chanceliers que nous retenons est celle
établie par Denifle et Chatelain18, reprise et
complétée par Astrik L. Gabriel19, et celle
établie par l'anonyme du manuscrit d'Ajaccio20,
complétée par celle de la collection Sarasin21, en
ayant pris soin de replacer chacun à sa date (tableau 1). Elle est
suivie de la réflexion que nous avons entrepris pour
l'élaboration de la base prosopographique afin de réaliser une
étude de la fonction de chancelier du chapitre Notre-Dame de Paris et
pouvoir répondre à la question suivante pour chaque individu
retenu : quel type de chancelier a-t-il été ?
17 Même si nous semblons en donner une assez
précise dans la troisième partie sur le chancelier.
18 CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op. cit..
19 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the
chancellor and the University of masters and students at Paris during the
middle ages, [14], 1976.
20 MS Ajaccio, [III], BM I38, fol. 71 - 135.
21 LL. 265, [XII], f°. 239-303 ; LL. 266, [XII],
f°. 232-294.
12
Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université
de Paris du XIIe au XVe siècle.
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Années de chancellerie
|
Siècle
|
1
|
Eudes, Odon, Odo.
|
de 1164, ou plus tôt, à 1168.
|
XII
|
2
|
Pierre le Mangeur, Petrus Comestor (Manducator).
|
de 1168 à 1178.
|
3
|
Alduin, Hilduinus.
|
de 1180 (?) à 1193 (?), mentionné, pour la
première fois, en 1185 et, pour la dernière fois, en 1191.
|
4
|
Pierre ou Petrus Pictavensis.
|
de 1193 à 1205 (?), mentionné pour la
dernière fois en 1204.
|
XIII
|
5
|
Bernard ou Bernadus Chabert.
|
de 1205 à 1206 (?).
|
6
|
Prévôtin, Prepositinus.
|
de 1206 à 1209.
|
7
|
Jean de la Chandeleur, Johannes de Candelis.
|
de 1209 à 1214 ou 1215.
|
8
|
Etienne de Reims, Stephanus Remensis.
|
de 1214 ou 1215 à 1218.
|
9
|
Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.
|
de juin 1218 au 23 décembre 1236.
|
10
|
Guiard ou Guiardus (Wiard, Willard, Guiardinus) de Laon.
|
de 1237 à 1238.
|
11
|
Eudes de Châteauroux, Odo de Castro Radulphi.
|
avant juin 1238 jusqu'à 1244.
|
12
|
Pierre le Petit, Petrus Parvus.
|
de 1244 à 1245 ou 1246.
|
13
|
Gautier de Château-Thierry, Galterus de Castello
Theodorici.
|
d'août 1246 à juin 1249.
|
14
|
Hamery de Vaire, Haimericus (Heimericus) de Veire.
|
de 1249 jusqu'après le 23 juin 1262, mais avant mars
1263.
|
15
|
Etienne Tempier, Stephanus Tempier.
|
avant le 23 juin 1262, mais avant mars 1263 à octobre
1268.
|
16
|
Nicolas d'Orléans. Maître Nicolas, Magister
Nicolaus.
|
de 1268 à octobre 1271.
|
17
|
Jean d'Alleux d'Orléans, Johannes de Allodio,
Aurelianis.
|
de 1271 au 20 avril 1280.
|
18
|
Philippe de Thory, Philippus de Thoriaco.
|
après le 20 avril 1280 jusqu'avant le 24 octobre 1284.
|
19
|
Nicolas de Nonancourt, Nicolaus de Nonancuria.
|
de 1284 jusqu'à la fin de 1288.
|
20
|
Berthault de Saint Denis, Bertaudus de S. Dionysio.
|
de la fin de 1288 à la fin de 1295.
|
21
|
Pierre de Saint-Omer, Petrus de S. Audomaro.
|
du 17 juin 1296 jusqu'avant le 8 juillet 1303.
|
22
|
Simon de Guiberville, Simon de Guibervilla.
|
d'avant le 8 juillet 1303 aux environs de 1309.
|
XIV
|
23
|
Francesco Caraccioli, Franciscus Caraccioli.
|
D'environ 1309 au 31 mai 1316.
|
24
|
Thomas de Bailly, Thomas de Bailliaco ou de Baillaco.
|
D'avant le 27 septembre 1316 jusqu'au 9 juin 1328.
|
13
Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université
de Paris du XIIe au XVe siècle.
|
|
25
|
Jean de Blois, Johannes de Blesis.
|
D'avant le 13 décembre 1328 jusqu'avant le 15 septembre
1329.
|
26
|
Guillaume Bernard de Narbonne, Guillelmus Bernardi de
Narbona.
|
du 15 septembre 1329 jusqu'avant le 7 mars 1336.
|
27
|
Robert de Bardis, Robertus de Bardis.
|
du 7 mars 1336 jusqu'avant le 26 octobre 1349.
|
28
|
Jean d'Assiaco, d'Acy, Johannes de Aciaco.
|
d'avant le 26 octobre de 1349 jusqu'aux environs d'octobre
1360.
|
29
|
Grimaud Boniface, Grimerius Bonifaci.
|
du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.
|
30
|
Jean de Calore, Johannes Petri de Calore.
|
du 20 octobre 1370 jusqu'aux environs de 1380.
|
31
|
Nicolas de Saint Saturnin, Nicolaus de Sancto Saturnino.
|
de 1380 jusqu'avant le 15 juillet 1381.
|
32
|
Jean Blanchart, Johannes Blanchart (Blanchardi, Blancard,
Blankaert, Blankart).
|
du 15 juillet 1381 jusqu'avant le 28 septembre 1386.
|
33
|
Jean de Guignecourt, Johannes de Guignecourte (ou
Guignicourt).
|
du 28 septembre 1386 jusqu'au 7 octobre 1389.
|
34
|
Pierre d'Ailly, Petrus Alliacus (d'Ailly). Petrus de Alliaco.
|
du 7 octobre, 1389 jusqu'après le 13 avril 1395.
|
35
|
Jean Gerson, Jean Charlier dit, Johannes Gerson (Iohannes
Iarsonne).
|
d'après le 13 avril 1395 jusqu'au 12 juillet 1429.
|
XV
|
36
|
Gérard Machet. Gerardus Macheti.
|
de janvier 1415 à mai 141822
|
37
|
Jean de Courtecuisse. Johannes Breviscoxae.
|
autour du 1er mai 1419 à 142122
|
38
|
Régnauld de Fontaines. Reginaldus de Fontanis.
|
de 1421 à 142222
|
39
|
Jean Chuffart. Johannes Chuffart
|
du 20 mai 1433 au 8 mai 1451.
|
40
|
Robert Ciboule
|
entre le 18 et 21 mai 1451 jusqu'au 12 août 1458
|
41
|
Jean de Oliva. Johannes de Oliva
|
vers 1459 au 24 février 1471
|
42
|
Denis Cytharedi, le Harpeur. Dionysius Herpeur.
|
du 3 mars 1471 à septembre 1482
|
43
|
Ambroise de Cambrai. Ambrosius de Cameraco
|
du 25 octobre 1482 au 11 avril 1496.
|
22 Ces trois prélats ont été
nommés par le pape comme vice-chancelier, ils sont également
cités dans le MS Ajaccio, [III], avec d'autres, fol. 131 : «
Pendant l'absence de Jean Gerson. Gérard Machet, que Gerson avait
nommé son vice-chancelier, exerça la chancellerie, il
était chanoine de Paris. Gérard n'ayant pu exercer longtemps, le
chapitre nomma. 1°. Regnault de Fontaines en 1423 qui était
chanoine. 2°. Dominique Parui, aussi chanoine. 3°. En 1427, Pierre de
Dirrhei, doyen de la faculté et chanoine de la Sainte Chapelle. 4°.
Jean Beaupère pulchripater. 5°. Jean Barroy. 6°. Jean Sannier.
». Seuls ces trois vice-chanceliers sont retenus car les autres ne
sont donnés que dans le MS Ajaccio et ne sont cités par Denifle
et Chatelain que comme des personnages n'ayant jamais pris leur fonction, CUP,
[IV], IV, p. XXXII.
14
1.2. La base prosopographique des chanceliers du
chapitre de Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au
XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le
Chancelier et Grimaud Boniface.
« La prosopographie n'est pas une compilation de vies
courtes ou simplement une collection de biographies, telles qu'elles peuvent
être identifiées dans la littérature occidentale au moins
depuis Plutarque. L'utilisation de la prosopographie, comme toutes les autres
méthodes historiques, varie selon le contexte d'étude. Celle-ci
dépend généralement de deux facteurs distincts mais qui
sont reliés : la disponibilité de différents types de
sources matérielles et la catégorie de questions que l'historien
considère comme la plus significative, et ce qu'il y a de plus terrible
à tenter de résoudre dans ce contexte particulier. Il est
possible de clarifier la méthode prosopographique en retenant deux types
extrêmes de sources la collection d'un nombre relativement restreint de
documents concernant un grand nombre de personnes ou la collection d'un nombre
important de documents sur un petit nombre de personnes. La prosopographie
n'est pas une sorte méthode de l'histoire à part entière.
Elle n'est ainsi pas comparable à l'histoire constitutionnelle,
politique, ecclésiastique, sociale, culturelle, économique ou
démographique, mais elle peut être utilisée en relation
avec celles-ci, avec patience et application, et aussi beaucoup de
précaution et de recul. » C'est cette mise en garde de
Jean-Philippe Genet23 que nous avons eu en mémoire lors de la
réflexion pour la constitution de notre base de donnée. Nous
sommes dans le cas où le nombre de personnes est relativement restreint
et le nombre de documents y faisant référence est très
important24. La méthode prosopographique soulève de
nombreuses interrogations dans un premier temps plus qu'elle ne donne des
éléments pour étudier un groupe de personnage. Il ne
s'agit pas d'une simple étude statistique mais de donner la
définition d'une population et de rechercher des renseignements
homogènes25. Ces renseignements permettent ensuite de
23 GENET, Jean-Philippe & LOTTES, Günther,
L'Etat moderne et les elites, XIIIe - XVIII e
siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique,
Actes du Colloque international CNRS-Paris I, 16-19 octobre 1991, Histoire
moderne n° 36, Publications de la Sorbonne, Université de Paris I,
[16], 1996, Introduction.
24 Dans cette première approche et dans le
cadre du DEA, nous n'avons pas jugé utile de remonter au-delà des
sources déjà imprimées, en dehors du manuscrit
d'Ajaccio.
25 Définition donnée par Mme H.
Millet au cours d'un entretien et à qui nous exprimons ici nos
remerciements pour ses conseils, ainsi qu'à Mme E. Mornet ; cf. [33].
15
retracer une histoire sociale globale d'un groupe
définis26. Dans le cas des chanceliers, il s'agit notamment
de réaliser, à partir de l'ensemble des monographies, une
description de l'évolution du cancellariat du XIIe au
XIVe siècle. Cette évolution est visible à
travers le comportement de chacun des chanceliers durant la période de
sa charge. Si l'on part du principe que le chancelier est avant tout un membre
du chapitre de Notre-Dame, la fiche d'identité d'un
ecclésiastique peut se décomposer selon son profil culturel
(études, grades universitaires, possession de livres, production
intellectuelle27), sa carrière ecclésiastique et sa
carrière professionnelle. En ce qui concerne notre groupe, chaque fiche
contient les critères suivants :
- n° de réf. : ce numéro
est celui de l'ordre chronologique ;
- nom vedette (le plus usité) (le
latin est accolé au nom vedette) ;
- carrière universitaire dont dates fonction de
chancelier28 : les dates exactes varient selon les auteurs
et nous retenons, dans un premier temps, celles posées dans le
Chartularium Universitatis Parisiensis, modifiées par celles
données par Astrik L. Gabriel29, et celles du MS d'Ajaccio
;
- origine géographique (avec les dates
de naissance et de mort ; lieu d'inhumation) ;
- origine sociale : ce sont les informations
sur la parenté ;
- carrière ecclésiastique ou
bénéficiale : rang dans les ordres sacrés ;
offices occupés au chapitre nom du diocèse, titre, dates
d'attestation dans ce titre. La carrière de chancelier pourrait
également être placée dans cette catégorie.
- carrière administrative ou politique :
offices occupés en dehors de l'Eglise.
- formation universitaire : en ce qui
concerne la formation des chanoines, le Chartularium Universitatis
Parisiensis apporte les renseignements sur ceux qui ont
fréquenté l'Université de Paris - dont la chancellerie est
sous la direction du chancelier de Notre-Dame - et ont obtenu leurs grades
universitaires dans une des quatre grandes facultés : la faculté
des Arts qui
26 Dans sa thèse sur La
société politique et la crise de la royauté sous Philippe
de Valois, [6], Cazelles est largement tributaire des méthodes
prosopographiques ; il y étudie les origines locales, sociales et
intellectuelles du personnel politique, ainsi que la qualification, la
nomination et la carrière des membres.
27 Cet aspect peut être plus
précisément étudié dans une base de données
complémentaire distinguant les différents types de production,
comme les sermons, les recueils de poèmes, les exemplae, les
manuels d'ars dictaminis.
28 Nous n'avons pas voulu pour le moment dissocier
la fonction chancelière du cadre universitaire où elle trouve
l'essentiel de son expression et de sa raison.
29 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the
chancellor and the University of masters and students at Paris during the
middle ages, [14], 1976, p. 146-151.
16
dispense la culture générale et l'apprentissage
du raisonnement (grammaire, rhétorique, dialectique...) et ouvre la
porte aux trois autres facultés : celle de Théologie, dont les
études sont très longues, celle de Médecine et celle de
Droit canon ou de Décret. La carrière de chancelier pourrait
également être placée dans cette catégorie.
- oeuvres littéraires :
catégorie recensant toutes les productions du personnage.
- références sources
éditées ou non : sources dans lesquelles soit il est
fait mention du personnage ;
- références études
éditées : études dans lesquelles il est fait
mention du personnage.
Lorsque l'on construit une base prosopographique, la
première difficulté est d'avoir suffisamment de matériau
pour alimenter toutes les catégories retenues dans la base. Mis à
part la difficulté d'accès direct aux sources et leur dispersion,
il faut savoir, avant d'effectuer ces recherches, quels sont les renseignements
que l'on souhaite sérier. Cela n'empêche nullement de
redéfinir par la suite les catégories retenues dans la base de
donnée et, le cas échéant, de consulter à nouveau
les sources. Il y a donc tout un travail empirique au départ afin
ensuite de répondre dans l'ordre aux trois grandes phases de tout
travail prosopographique : recensement des individus, identification des
individus, traitement des informations.
Dans la phase de recensement, la confection d'un
répertoire des chanceliers à travers une base prosopographique
doit concerner l'ensemble des membres de la population retenue30.
Même si nous nous sommes ici essentiellement appuyés sur des
sources littéraires et universitaires afin d'étudier les
chanceliers, il ne faut cependant pas oublier que les membres du chapitre
cathédral, quelque soit leur rang dans l'Eglise, appartiennent à
un groupe possédant des archives où ils apparaissent à la
fois de façon collective et individuelle.
Aussi les documents comportant les listes de chanoines, comme
celles établies par Sarasin, qu'ils soient ou non juridiques,
constituent dans le cadre d'une étude systématique un
matériau à privilégier. Cependant, ils ne sont, bien
souvent31, que parcellaires et ils ne répondent
qu'imparfaitement à cet objectif de recensement. Après la phase
de recensement des documents à portée collective, il est
nécessaire d'envisager l'appel aux sources concernant les individus.
Cependant, ces sources sont diverses et dans le cas des chanceliers aussi
bien
30 C'est pourquoi il serait bon d'ouvrir dans un
travail de thèse la période de recensement après le
XVe siècle pour obtenir une vision d'ensemble de
l'évolution de la fonction.
31 Ainsi la liste des chanceliers proposée
dans le MS Ajaccio, [III], ne recoupe qu'incomplètement celle
proposée par Sarasin ; de même pour la liste proposée dans
le CUP, [IV], I, p. XIX-XX.
17
d'ordre administratif, lettres, suppliques et autres, que
scolastique, notamment avec les traités de dictamen,
théologique, universitaire et, même pour certains d'entre eux,
littéraire. Lorsqu'il s'agit de documents officiels, comme ceux
émanant des autorités ecclésiastiques, comme les lettres
ou les suppliques, il n'y a généralement pas de problème
pour les recenser32.
En ce qui concerne l'identification des individus, la
principale difficulté provient du fait qu'un même individu peut
avoir plusieurs dénominations et que pour chacune d'entre elles il peut
y avoir des variantes anthroponymiques. Outre les orthographes
fantaisistes33, il convient de reconnaître les surnoms,
l'utilisation du nom latin et du nom en langue vernaculaire. Cependant, au
moment de la constitution de la base prosopographique, il est impossible de
retenir toutes les dénominations, c'est pourquoi nous n'avons,
généralement, retenu que la traduction vernaculaire la plus
courante, nom de vedette, et son équivalence latine. Ainsi si un
individu possède à la fois un patronyme avec un toponyme, comme
Jean d'Orléans ou Johannes de Allodio, ou un surnom, comme
Pierre le Mangeur ou Petrus Comestor ou Petrus Manducator,
toutes ces appellations ont été intégrées en
fonction de la place disponible dans la base de données. Cette
pluralité des dénominations a pour but de faciliter les
identifications selon les sources étudiées et leur édition
partielle dans cette étude. Cependant, il ne faut pas considérer
que seul le critère homonymique a été retenu pour attester
qu'une source traitait d'un individu en particulier. C'est par une datation
scrupuleuse des faits rapportés que cette identification a
été le plus généralement établie.
L'identification de chaque chancelier est enfin réalisée dans la
base par l'attribution d'un numéro de 1 à 4334. Cette
numérotation est totalement empirique puisque le numéro 1 est
attribué au plus ancien chancelier identifié, Eudes ou
Odon, jusqu'au dernier apparaissant dans les sources retenues,
Ambroise de Cambrai ou Ambrosius de Cameraco. Ce travail
préliminaire d'identification était nécessaire afin de
pouvoir établir une chronologie exacte afin d'écarter tous les
événements concernant nos chanceliers en dehors de cette fonction
universitaire et ecclésiastique précise35, et pouvoir
proposer des définitions de cet office.
32 En ce qui concerne les chanceliers, on ne
rencontre pas les mêmes problèmes qu'avec les chanoines qui ne
sont pas toujours titulaires effectifs de leurs charges quand, notamment,
certains courriers pontificaux leurs sont adressés. Le chancelier est
normalement un chanoine à part entière, c'est-à-dire
prébendé.
33 Mais le concept d'orthographe correcte est lui
même une invention récente.
34 Et non 40, si l'on considère qu'il faut
intégrer dans l'étude les trois vice-chanceliers qui
officièrent sous le cancellariat de Gerson.
35 Parmi les chanceliers étudiés quatre
chanceliers devinrent évêques et quatre cardinaux.
18
Ce travail prosopographique pose cependant le problème
de la brièveté des informations qui sont livrées, car il
ne s'agit pas d'un travail encyclopédique comme celui proposé
pour Pierre d'Ailly par Bernard Guenée36, par exemple. Les
personnages qui possèdent les notices biographiques les plus fournies
sont généralement ceux qui sont le plus présent dans les
sources. Cependant, l'exiguïté des catégories de la base de
donnée peut être un motif d'insatisfaction dans la mesure
où les informations concernant certains chanceliers débordent
largement ce cadre. C'est pourquoi dans un travail plus approfondi, il faudra
envisager d'établir des notices biographiques plus complètes,
tenant compte du fait que pour certains chanceliers les informations restent,
à l'inverse de ce qui vient d'être dit, très lacunaires.
Les renseignements donnés dans les notices proviennent donc des sources
retenues mais pas seulement. Il nous a semblé bon de produire
également celles tirées de la bibliographie la plus
récente, laquelle fait d'ailleurs bien souvent référence
aux sources utilisées ici. Ces études récentes sont
généralement indiquées dans leur globalité, les
références plus précises étant
réservées aux sources elles-mêmes. Enfin, pour les
productions des chanceliers eux-mêmes, elles ont été
recensées même si elles n'avaient pas un lien direct avec leur
fonction de chancelier, puisque nous n'en sommes encore qu'à une phase
dégrossissage des sources. Ainsi, les suppliques adressées par
Jean Blanchart contre l'Université de Paris ont autant d'importance
à nos yeux que les sermons de Jean Gerson pour les collations de la
licence. Dans le cadre d'un travail de DEA, l'utilisation de ce type de source
a été, le plus souvent, réalisée en fonction des
études et des publications qui leur ont été
dédiées37.
A partir de toutes les remarques qui viennent d'être
faites, voici un extrait des résultats
issus de la base prosopographique des chanceliers de
l'Université de Paris à travers les exemples de Philippe le
Chancelier et de Grimaud Boniface (tableau 2).
36 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre
vies de prélats français à la fin du Moyen Âge
(XIIIe - XVe siècles), [21].
37 Il en va ainsi pour les suppliques de Jean
Blanchart à travers le travail de BERSTEIN, A. E., Pierre d'Ailly and
the Blanchard Affair. University and the Chancellor of Paris at the Beginning
of the Great Schism, [3], Leyde, 1978, et, notamment, pour les sermons de
Jean Gerson, à travers leur publication réunie dans GERSON, Jean,
OEuvres complètes, par GLORIEUX, P., en 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973
: vol. V : l'oeuvre oratoire (207253), 1963, [IX].
19
Tableau 2 : extrait de la base prosopographique des
chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de
|
Philippe le Chancelier.
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Origine géographique
|
Origine sociale
|
Carrière politique et administrative
|
Carrière universitaire dont années de
chancellerie
|
9
|
Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.
|
Né à Paris autour de 1160. Mort en décembre
1236.
|
Famille parisienne influente.
Neveu de Pierre de Nemours, évêque de Paris.
Fils de Philippe de Grève ( ?)38.
|
Administrateur.
|
Maître en théologie à l'Université de
Paris en 1206.
Chancelier de juin
1218 au 23 décembre 1236.
|
Formation universitaire
|
Carrière ecclésiastique
|
OEuvres littéraires
|
Références sources
éditées
|
Références études
éditées39
|
Maître en théologie en 1206.
|
Archidiacre de Noyon jusqu'en 1211.
|
Philippi Cancellarii Summa de bono. N. Wicki, ed. Berne:
Francke, 1985 ;
Histoire de Saint Clou ; Histoire de Saint Denis
Distinctiones super psalterium, édité par Josse Bade,
Philippus
|
CUP, I, p. XIX-XX; ep. 27, p. 85, n. 3 ; ep. 33,
p. 93 ; ep. 45, p. 102-104 ; ep. 55, p. 111 ; ep. 56, p. 112 ; ep. 75, p.
133-134, n. ; ep. 96, p. 148 ; ep. 97, p.148-149; ep. 98, p. 150. MS
Aj., f° 98 - 99.
|
BERIOU, N., « La prédication de croisade de Philippe
le Chancelier et d'Eudes de Châteauroux en 1226 », in La
prédication en pays d'Oc (XIIe XIVe
siècle), Cahier de
|
Fanjeaux, n° 32, avril 2000.
CALLUS, D. A., O. P. "Philip the Chancellor and the De anima
ascribed to Robert Grosseteste." Medieval and Renaissance Studies
1: 105-27 ;
DALES, R. C. Medieval Discussions of the Eternity of the
World. Leiden: E. J. Brill, 1990 ;
DRONKE, P., "The Lyrical Composition of Philip the Chancellor,"
Mediaeval Studies, third series, vol. 28 (1987):
|
563-592 ;
GRACIA, J. J. E. "The Transcendentals in the Middle Ages: An
Introduction." Topoi 11: 113- 20 ;
KENT, B., Virtues of the Will: The Transformation of Ethics
in the Late Thirteenth Century. Washington, D.C.: Catholic University of
America Press, 1995 ;
KOROLEC, J. -B. "Free will and free choice." The Cambridge
History of Later Medieval Philosophy. Kretzmann et al, eds.
Cambridge: Cambridge University Press: 1982, pp. 629-641 ; LOTTIN, O.,
Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles.
|
|
de Greve
|
|
cancellarii
|
|
Parisiensis in
|
|
psalterium
|
|
Davidicum
|
|
CCCXXX
|
38 Philippe le Chancelier était le fils de
Philippe de Grève et n'ont pas une seule et même personne, comme
l'indique par erreur le Chartularium. L'auteur du MS Ajaccio, [III],
f° 98-99, indique ses doutes quand à penser que Philippe le
Chancelier et Philippe de Grève puissent être une seule et
même personne : « Georges Coluenevius dans ses notes sur
Cardepré, Hemere dans son traité sur l'université nomment
ce chancelier Philippe de Grève, de greva. Du Boulay en son histoire de
l'université le nomme en 1225 de Rheims de Remis et en 1238 de
Grève, de greva. Je suis fâché de ne pouvoir être du
sentiment de ces auteurs quant au nom de Greva qu'ils lui donnent et cela
fondé sur l'ancien nécrologue qui distingue parfaitement Philippe
le chancelier dont il fait mention le 23 décembre et Philippe de Greva
chanoine dont il fait mention le 14 mai. Je doute qu'en 1208 il y avait un
chanoine nommé Philippe de Greva. Si le Philippe chancelier était
le même pourquoi ne lui en donne ton pas le même nom et pourquoi se
trouvent-ils distinguer dans les nécrologes comme deux bienfaiteurs
différents. »
39 Les références bibliographiques
données dans ce tableau viennent en supplément de celles
données dans la bibliographie générale.
20
|
|
sermones. Paris,
|
|
Gembloux, Belgium: J. Duculot, S.A. Editeur, 1957 ;
|
|
|
1523, BM
|
|
MacDONALD, Sc., Being and Goodness: The Concept of
the
|
|
|
Troyes, 0953.
|
|
Good in Metaphysics and Philosophical Theology.
Ithaca:
|
|
|
|
|
Cornell University Press, 1991 ;
|
|
|
|
|
MacDONALD, Sc., "Goodness as Transcendental: The Early
|
|
|
|
|
Thirteenth-Century Recovery of an Aristotelian Idea."
Topoi
|
|
|
|
|
11: 173-86 ;
|
|
|
|
|
McCLUSKEY, C., "The Roots of Ethical Voluntarism."
|
|
|
|
|
Vivarium 39: 185-208 ;
|
|
|
|
|
PAYNE, Th. Blackburn II, Poetry, Politics, and
Polyphony:
|
|
|
|
|
Philip the Chancellor's Contribution to the Music of the
Notre
|
|
|
|
|
Dame School, vol.1, ch.1, "The Life of Philip the
Chancellor."
|
|
|
|
|
Ph.D., University of Chicago, 1991 ;
|
|
|
|
|
POTTS, T., Conscience in Medieval Philosophy.
Cambridge:
|
|
|
|
|
Cambridge University Press, 1980 ;
|
|
|
|
|
POUILLON, (Dom) H., O. S. B, "Le premier traité de
propriétés transcendantales. La 'Summa de bono' du Chancelier
|
|
|
|
|
Philippe." Revue Néoscolastique de Philosophie
42:40-77 ;
|
|
|
|
|
REINHARDT, E., «El dualismo del siglo XIII y sus
consecuencias antropológicas, especialmente en Felipe el
|
|
|
|
|
Canciller (1236), in Scripta Theologica (Facultad de
Teología, Universidad de Navarra), 30, 3 (1998), pp. 873-879 ;
|
|
|
|
|
WICKI, N. Philippi Cancellarii Summa de bono, vol.1,
ch.1
|
|
|
|
|
"Vie de Philippe le Chancelier." Berne: Francke, 1985
|
Tableau 2 : extrait
|
de la base prosopographique des chanceliers de
l'Université de Paris : l'exemple de Grimaud Boniface.
|
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Origine géographique
|
Origine sociale
|
Carrière politique et administrative
|
Carrière universitaire dont années de
chancellerie
|
29
|
Grimaud Boniface de Rouen, Grimerius Bonifacii de
Rothomago.
|
Rouen en Normandie.
Mort le 1er octobre 1370 et inhumé en la
chapelle de Saint Rigobert.
|
Frère de Bertrand et Matthieu Boniface. Oncle de
Roland.
|
Député de la cité de Rouen aux Etats
généraux d'Octobre 1356. Procureur de la nation normande.
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Chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.
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Formation universitaire
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Carrière ecclésiastique
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OEuvres littéraires
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Références sources
éditées
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Références études
éditées
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Docteur en théologie, Docteur en droit canon et en droit
civil. maître ès arts.
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Curé de Saint Jean de Grève 1358 ; chanoine de
Paris; chanoine puis archidiacre de Bourges.
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CUP, II, p. XV, ep. 1065, p. 533-534 ; ep. 1104,
p. 560-562, n.
6 ; ep. 1126, p. 590-591 ; ep. 1131, p. 594-597, n. 16 ; ep.
1165, p. 632-637, n. 9 ; ep. 1177, p. 656-657, n.3 ; ep. 1189, p. 696 ;
CUP, III, ep. 1259, p. 76-77, n. 2 ; ep. 1268, p. 94, n. ; ep.
1270, p. 95-97 ; ep. 1271, p. 98, n. ; ep. 1273, p. 101, n. ; ep. 1274, p. 102
; ep. 1277, p. 103, n. ; ep. 1281, p. 106, n. ; ep. 1282, p. 106, n. ; ep.
1286, p. 107 ; ep. 1287, p. 108 ; ep. 1289, p. 109 ; ep. 1292, p. 111 ; ep.
1295, p. 112-113 ; ep. 1297, p. 114 ; ep. 1297a, p. 114 ; ep. 1298,
p. 114-120 ; ep. 1299, p. 120-122 ; ep. 1300, p. 122-123 ; ep. 1301, p. 124 ;
ep. 1303, p. 125-126, n. ; ep. 1314, p. 139 ; ep. 1319, p. 143-148, n. 28 ; ep.
1328, p. 157 ; ep. 1331, p. 158 ; ep. 1343, p. 176 ; ep. 1344, p. 176 ; ep.
1353, p. 186 ; ep. 1355, p. 187 ; ep. 1362, p. 193-194, n. 1, p. 194.
AN, LL 106 A, p. 125; LL 107, p. 577; LL 385
GUERARD, B., (Epitaphier) p. 54 ;
MS Aj., f° 116 - 117.
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En ce qui concerne les carrières des différents
chanceliers, et notamment les deux retenus ici, nous remarquons que celles-ci
posent des difficultés pour un traitement statistique. Mis à part
la production littéraire de chacun d'eux, et si nous en restons
strictement à leur carrière de chancelier dans le
Chartularium40, celle-ci propose pour Grimaud Boniface un
ensemble de trente lettres dont dix-sept de l'autorité pontificale pour
lesquelles il est destinataire en tant que chancelier, de la part des papes
Innocent V puis Urbain V. Aucun de ces courriers ne fait l'objet de
réprimandes particulières contre le chancelier. En ce qui
concerne Philippe le Chancelier, nous comptons qu'une petite dizaine de
lettres, dont deux seulement lui sont adressées directement par les
papes Honoré III et Grégoire IX. Les autres sont des demandes
d'arbitrages, principalement de Grégoire IX, à des tiers dans le
conflit qui oppose Philippe aux maîtres de l'Université de Paris.
Contrairement à Grimaud Boniface qui semble s'être toujours tenu
en réserve de tous conflits, Philippe fut confronté à des
difficultés qui nécessitèrent un arbitrage
extérieur. Les principales difficultés auquel un chancelier
pouvait être confronté portent généralement autour
de la lutte d'influence qui l'opposait au recteur d'une part, et d'autre part,
autour des nombreux conflits qui l'opposèrent aux maîtres de
l'Université dans leur désir d'autonomie à travers le
problème de la collation de la licentia docendi. A ce titre,
Philippe est le premier chancelier qui connaît une grave crise avec la
corporation des maîtres, même si le problème est
soulevé avec son prédécesseur, Etienne de Reims. Ainsi, si
l'étude de la carrière de chancelier reste intéressante
pour connaître la manière dont était organisé la
collation de la licentia docendi, elle est aussi pour connaître
à travers les pressions pontificales41 ou royales auxquelles
le chancelier pouvait être confronté, dans sa mission d'examen de
certaines candidatures, l'histoire sociale du chapitre Notre-Dame, de
l'Université et, à travers ces deux institutions, d'une partie de
l'élite de la société
40 La collection des lettres du Chartularium
ne prétend pas, en outre, à l'exhaustivité de toute
la correspondance concernant les chanceliers, et c'est pourquoi il est
nécessaire de rechercher d'autres types de sources pour obtenir un
ensemble représentatif et cohérent permettant un traitement
statistique. Une telle recherche demande qu'on ne néglige aucun des
travaux émanant ou portant sur chacun des chanceliers du corpus et une
telle recension n'est envisageable que dans le cadre d'une thèse. Cette
recension pose la question du nombre d'individus à retenir. En effet, si
pour certains chanceliers, comme Grimaud Boniface, la recension est
brève, il n'en est pas de même pour des personnages comme Pierre
d'Ailly ou Jean Gerson qui, outre une carrière chancelière,
connurent une grande notoriété intellectuelle et spirituelle.
41 CUP, [IV], III, ep. 1268, p. 94: «
Urbano V supplicat frater Johannes Trisse, baccalareus in theologia et
procurator generalis Ord. Fratrum Beatae Mariae de Carmelo, quod, cum ipse
habeat ante se plures baccalareos dicti Ordinis in eadem facultate ad gradum
magisterii juxta dicti Ordinis statuta et studii Parisiensis consuetudinem
promovendos, cancellario Parisiensi [quid est Grimerius Bonifacii]
mandare dignetur ut se ipsum infra unum mensem cancellarius licentiare
debeat et ad magisterii gradum admittat. [1362, Decembris
7].
42 Notamment ceux contenus dans le MS Ajaccio,
[III], et les informations données par N. GOROCHOV, dans son ouvrage sur
le collège de Navarre, [20], notamment.
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médiévale du XIIe au XVe
siècle. Ces deux chanceliers proposent des figures sociales bien
différentes et surtout des réponses bien différentes
à la question qui sous-tend notre base prosopographique et, à
travers elle notre étude : quel type de chancelier a-t-il
été ?
A partir des informations collationnées dans la base
prosopographique, de nos remarques et de quelques commentaires
annexes42, il est possible de proposer les notices biographiques
suivantes pour Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.
Philippe le Chancelier (1160-1236) était maître
en théologie à l'université de Paris en 1206, c'est le
fils de Philippe de Grève. En 1211, il devient archidiacre de Noyon,
puis chancelier de Notre-Dame en juin 1217. Il cumule les deux
bénéfices. Dans le conflit qui oppose les séculiers aux
Mendiants pour la gestion de l'Université, il prend parti pour ces
derniers. Opposé à l'indépendance universitaire, il se
retrouve mêlé à tous les conflits doctrinaux et
administratifs possibles, surtout en 1229-1231. Il est convoqué par le
pape qui lui exprime son mécontentement. Philippe est certainement
né à Paris autour de 1160, mais la date exacte est inconnue. Il
est issu d'une famille parisienne influente puisque plusieurs de ses parents
ont eu des postes importants auprès de rois français ou de
l'Eglise. Il est le fils de Philippe de Grève. Plusieurs membres de sa
famille ont été évêques, comme son oncle, Pierre de
Nemours, qui était évêque de Paris de 1208 à 1218,
et qui a peut être joué un rôle dans la carrière de
son neveu. Philippe a étudié à, ce qui à
l'époque, était la récente Université de Paris. Il
est mort le 26 décembre 1236.
Lorsque Philippe devint chancelier en juin 1218, les
maîtres de nombreuses écoles parisiennes avaient commencé
à prendre leur autonomie vis-à-vis du chapitre cathédrale
et avait obtenu un nombre important de concessions par des décrets
pontificaux. En 1215, le légat du pape, Robert de Courçon,
établit un certain nombres de statuts, codifiant des pratiques
déjà en cours comme les examens concernant la licence
d'enseignement, le comportement et la robe admise, le programme d'étude
et la discipline des étudiants. Au final, la fonction de chancelier, au
moment de l'accession à ce poste de Philippe, tendait à
être considérablement réduite, même en ce qui
concerne la délivrance de la licence d'enseignement. Ainsi, si le
chancelier conservait le pouvoir d'attribution de ces licences et les statuts
précisaient qu'il ne pouvait refuser quiconque que les maîtres
avaient jugé digne
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d'enseigner. Un long conflit était né entre les
maîtres et le chancelier, qui souhaitait préserver son pouvoir,
qui continua bien après l'office de Philippe. Mais avec lui, la
situation devint critique avec le départ des maîtres sur la rive
gauche de la Seine. Philippe, sûr de ses prérogatives, n'admettait
pas qu'il puisse être remis en cause dans sa fonction même de
chancelier par la corporation des maîtres et des étudiants, aussi
il l'attaqua violemment43. Finalement, à la fin des
années 1220 et au début des années 1230, Philippe fit la
paix avec les maîtres, qui avaient déclenché une
grève et s'étaient installés sur la rive gauche de Paris
avec plusieurs de leurs étudiants en réponse à
l'intransigeance des autorités séculaires. Il ne fait aucun doute
qu'un tel départ était dommageable pour le prestige de Paris
comme centre d'éducation, et que les autorités pontificales
réagirent promptement contre cela ; aussi Philippe travailla dur pour
convaincre les dissidents de revenir dans la ville, ce qui fut fait en 1231.
Finalement, c'est tout autant, et peut-être même
plus comme philosophe, avec son Summa de bono, que comme chancelier,
que Philippe a marqué son époque et l'ensemble du
XIIIe siècle. Philippe le Chancelier fut une des grandes
figures intellectuelles de la première moitié du XIIIe
siècle. S'il eut une longue carrière ecclésiastique, qui
fut agitée, il fut renommé pour ses sermons et sa poésie
lyrique. Dans le domaine de la philosophie et de la théologie, le
Summa de bono, composé dans les années 1220-1230,
était l'aboutissement de réflexions qui entraînèrent
beaucoup de ruptures. Philippe a été le premier à
réaliser une somme autour d'un principe fondamental et central, la
notion de bon. La Summa de bono a été beaucoup
commentée durant le XIIIe siècle, notamment par Albert
le Grand.
Après Philippe, observons maintenant un chancelier qui
n'a sans doute pas connu la même célébrité
intellectuelle que son illustre prédécesseur.
Grimaud Boniface est originaire de Rouen, en Normandie, et
c'est au sein de la nation normande qu'il effectua une grande partie de ses
études à l'Université de Paris dont il sortit docteur en
théologie, mais aussi ensuite docteur en droit civil et canon. Cela
indique qu'il a fait une partie de ses études à Orléans
puisque c'est là qu'était enseigner le droit civil et non
à l'Université de Paris. Sa date de naissance est inconnue mais
on peut supposer qu'il est né entre 1300 et, au plus tard, 1320,
puisqu'il faut au vingt-cinq ans pour accéder au poste de chancelier et
compte tenu de ses études, et il est mort en octobre 1370. On lui
connaît deux
43 Cf. Chapitre III sur les définitions de la
fonction de chancelier.
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frères, Bertrand, lui-même chanoine de
Notre-Dame, et Matthieu, et un neveu Roland, qu'il a aidé à
entrer au collège de Navarre. Il a été le procureur de la
Nation normande. En octobre 1356, il a représenté la commune de
Rouen aux Etats généraux. Il a été nommé
archidiacre de Bourges et chanoine de Notre-Dame de Paris au poste de
chancelier le 15 octobre 1360 jusqu'en octobre 1370. Il était
curé de Saint-Jean-de-Grève. Il semble qu'il a cumulé les
bénéfices ecclésiastiques. Au moment de la réforme
des statuts de l'Université de Paris de 1366, il a eu un rôle
direct dans la rédaction de ceux-ci puisqu'il en est le coauteur avec le
cardinal légat du pape et quelques maîtres de l'Université.
Ainsi pour tenter de régler le problème de la compétence
dans la collation de la licentia docendi, qui a été la
source de nombreux conflits entre l'Université et le chancelier, il
propose la création d'une commission de quatre maîtres, choisis
par lui, pour l'aider dans l'examen des candidatures44. Il fut
ensuite pénitencier avec Gérard de Vervins, lui aussi chanoine
à Notre-Dame, en cours pontificales de Rome et d'Avignon pour la
réunification de l'Université.
L'exposition des sources et des outils utilisés
réalisée, nous pouvons maintenant tenter de définir la
fonction de chancelier en commençant par les cadres dans lesquels il
exerçait son office, l'université de Paris et le chapitre de
Notre-Dame.
44 CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.
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