Analyse sociopolitique de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso: Cas de l'université de Ouagadougou( Télécharger le fichier original )par SIDI BARRY Université de Ouagadougou (UO) - DEA Droit Public: Option: Science Politique 2011 |
D. Conditions socio-économiques des étudiants et enseignantsAnalysant les raisons de la participation des étudiants à l'espace syndical universitaire, Gabin KORBEOGO16(*) articule son argumentation autour de l'hypothèse selon laquelle : « l'origine sociale et les conditions sociales d'existence déterminent les rapports des étudiants à l'espace syndical universitaire ». Pour lui, la précarité de la condition étudiante, le système de valeurs cristallisé par l'instance familiale, les trajectoires scolaires et géographiques déterminent les rapports des étudiants à l'espace syndical universitaire. Par ailleurs, l'auteur analyse «les événements sociaux qui ont occasionné un processus d'intériorisation des valeurs, d'attitudes ou de réceptivité de messages symboliques ». Dans ce mémoire de maitrise, les mouvements de grèves de 1991-1992 et celle dite de «52 jours » (1997) furent revisités avec à l'appui les expériences individuelles des acteurs ayant vécu directement ou indirectement les temps forts de ces turbulences à l'université de Ouagadougou. Cependant, cette analyse purement sociologique aborde essentiellement le processus d'intériorisation des valeurs et des normes à travers les trajectoires familiales, scolaires et géographiques des étudiants. Cette façon d'aborder le sujet nous parait réductrice car ne prenant pas suffisamment en compte les conditions socio-économiques des étudiants et surtout des enseignants qui seraient les principales causes de la colère et de l'engagement syndical de ces derniers. Pascal BIANCHI17(*), dans une analyse de la crise des systèmes d'enseignement et des reformes au Sénégal et au Burkina Faso (1960-2000) estime que cette crise s'explique par la place qu'a pris le diplôme dans la construction bureaucratique et qui permet à l'individu d'accumuler le pouvoir social et économique afin de s'intégrer au système socio-économique en place. Par ailleurs, l'auteur soutient que cette conflictualité autour de l'enseignement supérieur et les résistances développées par les différents acteurs ne sont pas étrangers à la montée en puissance de « l'ajustement éducatif » prôné par le FMI et la Banque mondiale vers la fin des années 1980. En effet, la crise économique ayant entrainé le dérèglement des économies Africaines dans les années 1980 a eu un impact sérieux sur la capacité des Etats à répondre aux fortes demandes sociales notamment en matière de santé et d'éducation. Ainsi les mesures de redressement ou de revitalisation «hyper-interventionniste» des institutions de Bretton Woods ont brisé le lien qui existait entre le diplôme et l'emploi en tarissant la source de financement et de promotion sociale que conférait l'enseignement supérieur aux couches sociales intermédiaires et inférieures. Au Burkina Faso, « l'ajustement éducatif » a rencontré de farouches résistances de la part des étudiants et des enseignants. Ces derniers se sont mobilisés autour de la thématique de la défense des libertés académiques, de l'amélioration de leurs conditions de vie et d'étude, de la valorisation du statut d'enseignant du supérieur, contre l'austérité budgétaire mais aussi contre l'impunité et l'injustice. Cette vague de contestation sans précédent des acteurs du monde éducatif a abouti à l'invalidation de l'année académique 1999-2000 et à la refondation de l'Université de Ouagadougou. Fernand SANOU18(*) constate que « contrairement aux discours officiels, les politiques éducatives suivies par le Burkina Faso depuis son indépendance ne laissent pas percevoir une foi réelle en l'éducation comme moteur du développement économique et social ». Il estime que « la dégradation du statut social et des conditions de vie et de travail des enseignants du supérieur est une conséquence directe de la politique prônée par la Banque mondiale, celle de mettre l'accent sur le primaire et de faire supporter le poids des autres ordres d'enseignement à leurs bénéficiaires ». Cette situation contrasterait avec le discours officiel des autorités sur l'importance de la valorisation du capital humain en vue du développement du pays. Ainsi, les enseignants et étudiants cachent mal leur mécontentement et constatent avec amertume que l'enseignement supérieur est devenu au fil des ans le parent pauvre du financement interne et extérieur. * 16 KORBEOGO Gabin, Logiques sociales et participation à l'espace syndical étudiant : cas de la FLASHS, mémoire de maîtrise en sociologie, Université de Ouagadougou, Département de Sociologie, 1997 * 17 BIANCHINI Pascal, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat, Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm * 18 Fernand SANOU, Maryvonne CHARMILLOT : L'éducation supérieure dans les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009, P4 |
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