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Analyse sociopolitique de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso: Cas de l'université de Ouagadougou

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par SIDI BARRY
Université de Ouagadougou (UO) - DEA Droit Public: Option: Science Politique 2011
  

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PARAGRAPHE 2 : LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D'ÉTUDE

La massification de l'enseignement supérieur au Burkina a entraîné un déséquilibre entre les capacités d'accueil et l'augmentation du nombre d'étudiants non compensée par une augmentation du budget. En effet, construite en 1974, l'université de Ouagadougou qui abritait 500 étudiants se voit obliger de faire face à la forte demande sociale en besoin d'éducation. Par exemple, l'année académique 2003-2004 enregistre un effectif de 19202 étudiants malgré le faible taux d'inscription au niveau de l'enseignement supérieur estimé à 1,65 %.

Cette situation a largement contribué à la dégradation des conditions d'étude. En effet, cela a pour conséquence, la faible capacité d'accueil des amphithéâtres, le manque d'équipements dans les laboratoires, l'absence dans les bibliothèques des ouvrages de qualité, l'absence de sorties d'étude, de travaux pratiques et dirigés dans certaines filières, le manque d'enseignants, l'absence de sonorisation dans les Amphithéâtres et l'ambiguïté des modules d'enseignement. Cette dégradation des conditions d'études à contribuer à la baisse de la qualité de l'enseignement et à l'élargissement du fossé scientifique et technologique.

Ces dernières années, le Gouvernement a entrepris la construction de plusieurs amphithéâtres de grandes capacités (A600 places, C300 places, B350 places, D libyen 1200 places, F 1500 places, G 1500 places et le `'Hangar' avec 1700 places). A ces installations, il faut ajouter la location pour les cours d'un des grands pavillons du Salon International de l'Artisanat de Ouagadougou (SIAO).

Mais selon Albert OUEDRAOGO et Abdoulaye TRAORE48(*) : « Si de telles infrastructures permettent de relever le défi du déficit de places assises dénoncé maintes fois par les associations d'étudiants, il n'empêche pas que le confort d'écoute et de visibilité laisse à désirer. Qu'il s'agisse des micros fixes qui tombent constamment en panne ou des coupures intempestives de l'électricité qui plongent les salles dans la pénombre et arrêtent les brasseurs d'air encore fonctionnels, les enseignants et les étudiants éprouvent un véritable malaise dans des amphithéâtres de plus de 1000 places ! Non seulement, il est impossible d'y tisser une relation humaine, mais c'est la porte ouverte à des comportements grégaires de défiance de l'autorité de l'enseignant. Plongés dans l'anonymat d'une foule, certains étudiants n'hésitent pas à laisser filtrer le diable qui est en eux à travers des propos désobligeants et irrespectueux vis-à-vis des enseignants ou du personnel de soutien ».

Donc, cette faiblesse des investissements dans le secteur de l'enseignement supérieur a été encouragé par les institutions monétaires, notamment la Banque Mondiale, qui estime que «les étudiants des universités africaines coûtent trop cher, ils sont trop nombreux par rapport aux capacités d'absorption du marché du travail, ils sont insuffisamment orientés vers les disciplines utiles pour le développement, leurs diplômes sont de qualité insuffisante et finalement ils consomment des ressources publiques dont l'allocation n'obéit ni à des critères d'équité ni à des critères d'efficacité»49(*).

Isolés, vulnérables, devenus une sorte de «lumpen Intelligentsia»50(*) car n'ayant ni capital économique, ni capital social, les étudiants fondent tous leurs espoirs dans les oeuvres universitaires sensées être un outil d'intégration et d'épanouissement socio-économique et culturel.

L'extrême précarité des conditions matérielles et pédagogiques à l'université de Ouagadougou aboutit à la réalité suivante : «Les chimistes qui n'ont jamais effectué un tirage, les biologistes qui n'ont jamais mesuré un courant électrique, les agronomes qui n'ont jamais réalisé des essais sur le terrain, les ingénieurs qui n'ont jamais démonté de machines, les étudiants en sciences sociales qui n'ont jamais effectué une analyse sur des données directement collectées, les juristes qui n'ont jamais eu accès aux jurisprudences récentes»51(*).

Il apparait clairement que le rythme de réalisation des infrastructures d'accueil des étudiants n'a pas suivi celui de l'accroissement des effectifs comme en témoigne Amadou Ouédraogo étudiant au département de biologie à l'Université de Ouagadougou 52(*): « En physiologie végétale, nous avons le même matériel depuis 1974, un seul labo pour 400 à 500 étudiants qui n'ont plus qu'une séance toutes les deux semaines ».

Ainsi, face à la détérioration des infrastructures devenues vétustes et dépassées faute de maintenance suffisante, de nombreux étudiants développent un discours critique vis-à-vis de l'Etat et n'hésitent pas à prendre part aux manifestations en vue d'une amélioration de leur cadre d'étude.

Nous convenons avec KASONGO Ngoy53(*) qu': «Au moment où l'université cumule tous les effets pervers d'une université en déperdition ou de masse à savoir : détérioration de la condition estudiantine, dévaluation des diplômes, amenuisement des perspectives professionnelles liées aux études, voire chômage croissant des diplômés universitaires, n'est-il pas systématique qu'elle demeure encore la pièce maîtresse de la stratégie de positionnement et de survie des acteurs sociaux ? ». 

Malheureusement, les mesures drastiques des institutions financières à travers l'ajustement éducatif ont eu pour effet de briser le lien jusqu'alors maintenu entre diplôme et emploi, surtout au niveau supérieur. Elles ont aussi contribué à tarir la source de promotion sociale par le biais de l'enseignement supérieur surtout des couches intermédiaires et inférieures, conduisant ainsi à la montée de la contestation estudiantine ayant abouti à l'invalidation de l'année académique 2000 et la « refondation » de l'université.

Les questions liées à l'hébergement, la santé, au transport, la restauration, et l'augmentation des allocations d'études ont toujours mobilisé les étudiants et ont constitué les principaux points des plates-formes revendicatives des syndicats estudiantins.

La masse estudiantine confrontée aux problèmes sociaux se sent délaissée par les autorités qu'elle accuse de multiplier les dépenses de prestige avec l'organisation des grands sommets internationaux et des manifestations culturelles coûteuses (FESPACO, SIAO, KORAS, Cinquantenaire de l'indépendance).

Selon le Cadre des Partis d'Opposition (CPO)54(*), « Les crises universitaires qui secouent les universités du Burkina Faso sont devenues récurrentes ces dix dernières années : en 1997, on a frôlé de très près une année blanche ; en 1999 ce fut l'année invalidée. On l'aura remarqué, les crises de ces dix dernières années ont toujours opposé des étudiants au gouvernement à propos de leurs conditions de vie et d'étude ».

Au terme de notre analyse, il est pertinent de remarquer que la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso s'est aggravée sous l'effet des politiques de redressement économique à travers l'application des plans d'ajustements structurels. Ainsi la crise de l'enseignement supérieur depuis plus de dix ans révèle une évidence : il existe un lien entre la crise de l'Etat et la crise universitaire en général. Face à cette dégradation des conditions de vie et d'études, les organisations estudiantines accusent l'Etat de développer une politique de démission vis- à- vis de l'enseignement supérieur et vont revendiquer de meilleures conditions d'étude.

De nombreux étudiants partagent l'avis de cet ancien responsable d'un syndicat étudiant55(*) qui affirme que : « le pouvoir en place ne marche que quand il y a des revendications et des crises. Quand la pression est suffisante, il concède quelque chose mais quand le mercure baisse, il commence à remettre en cause les acquis».

Donc, à travers leurs syndicats respectifs, les étudiants vont développer des actions, des plates-formes revendicatives pour se faire entendre et amener ainsi les autorités à améliorer leurs conditions de vie et d'étude.

* 48 Albert OUEDRAOGO, Abdoulaye TRAORE : Etude crises Universitaires: Etat des lieux et perspectives, rapport provisoire, 2010, P32.

* 49In Institut de Développement Economique, Banque Mondiale, «coûts, financements, et efficacité des universités de l'Afrique subsaharienne francophone»... La place de l'enseignement ...

* 50 Selon l'expression de Pascal Bianchini (1997)

* 51 Education in sub -Saharan Africa. A World Bank Policy study, Washington, 1988, p 77. In le financement de l'éducation dans les pays en développement. « Les options », Banque Mondiale, 1986

* 52 Le Monde du 5 février 2009, Les universités africaines saturées et démunies, P3.

* 53 KASONGO Ngoy Makita Makita : Capital scolaire et pouvoir social en Afrique : à quoi sert le diplôme universitaire, Paris, l'Harmattan, 1958, 215p

* 54 Déclaration du Cadre des Partis d'Opposition, dans l'Observateur Paalga; le 13 juin 2009

* 55 Entretien avec AT ancien responsable de l'ANEB ; le 20/02/2011

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery