L'exigence démocratique en droit international( Télécharger le fichier original )par Zied AYARI Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Droit international public 2012 |
§2. Les sanctions non-militairesL'attribution du fait internationalement illicite à un sujet de droit international est une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité internationale. Il est bien admis que les autorités et les agents étatiques engagent la responsabilité de l'Etat. Mais une évolution croissante en la matière consiste à attribuer le comportement illicite aux dirigeants personnes physiques. De ce fait on abordera les sanctions contre les Etats non démocratiques (A) et les sanctions contre leurs dirigeants (B) A- Les sanctions contre les Etats non démocratiquesL'absence d'une autorité en droit international détenant le monopole de la contrainte comme c'est le cas en droit interne, fait que les sanctions en droit international révèle un caractère décentralisé et intersubjectif. Depuis que l'emploi de la force a été mis hors la loi, les Etats ont la faculté, pour sanctionner un Etat qui aurait violé une obligation internationale, d'adopter une panoplie de mesures destinées à exercer une pression sur d'autres Etats. La summa division de cette sanction consiste en les mesures de rétorsion ou les contres mesures. Les mesures de rétorsion sont des « mesures inamicales, licites en elles-mêmes, prises par un sujet de droit international en général un Etat, en riposte à un comportement inamical d'un autre sujet de droit international, que ce comportement soit ou non licite »435(*). Ainsi un Etat peut décider de ne reconnaître un gouvernement, ou de ne pas entretenir des relations commerciales ou diplomatiques, de rompre ses relations diplomatiques comme une réaction à un fait internationalement illicite commis par un autre Etat. Il peut adopter ces mesures même en cas de non violations d'une obligation par un autre Etat, puisqu'il s'agit en principe d'actes licites qui peuvent constituer au plus un comportement inamical. Néanmoins, le seuil de licéité de ces mesures peut poser des problèmes436(*). Dans ce cas, ils peuvent engager la responsabilité de l'Etat qui les adopte, s'ils ne rentrent pas dans le cadre des contre-mesures. Les contre-mesures sont « des mesures prises par un Etat en vue de faire respecter et de protéger ses intérêts au cas où ceux-ci seraient lésés par un autre Etat »437(*). Les contre-mesures sont in abstracto des comportements illicites, mais leur adoption en tant que sanction à un fait internationalement illicite, exclu leur illicéité. Il n'est pas contesté que l'Etat lésé par un fait illicite peut adopter des contre-mesures à l'encontre de l'auteur de celui-ci en vue cesser la violation ou pour obtenir réparation d'un dommage qu'il a subi causé par le comportement illicite. Ainsi, L'article 22 du projet d'articles de la CDI sur la responsabilité des Etats, prévoit que : « L'illicéité du fait d'un Etat non conforme à l'une de ses obligations internationales à l'égard d'un autre Etat est exclue si, et dans la mesure où, ce fait constitue une contre-mesure prise à l'encontre de cet autre Etat conformément au chapitre II de la troisième partie » S'agissant de la violation des obligations erga omnes la CDI même si elle admet le principe de l'invocation par tout Etat de la responsabilité de celui qui la commet (supra), elle ne se prononce pas sur la possibilité ou non d'adopter des contre-mesures par les Etats non lésés directement par cette violation. La CDI n'a pas tranché une question controversée depuis longtemps celle des contre-mesures dits « d'intérêt général »438(*). L'article 54 du projet d'articles de 2001 sur la responsabilité relatif aux mesures prises par un Etat autre que l'Etat lésé, prévoit la possibilité pour ce dernier d'adopter des « mesures licites » c'est à dire des mesures de rétorsion pour exiger de l'Etat de cesser la violation d'une obligation qui est due à la Communauté internationale. Toutefois, la faculté d'invoquer la responsabilité de l'Etat pour violation d'une obligation erga omnes, laisse sous entendre qu'il peut s'agir aussi d'une faculté d'adopter des contre-mesures et la pratique confirme ce postulat. Concernant la possibilité d'adopter des contres mesures pour non respect de l'exigence démocratique, il faut distinguer deux niveaux ; Le premier concerne les sanctions expressément organisées dans les traités d'une organisation internationale ; régionale ou universelle (supra). Il s'agit dans ce cas de dispositions spéciales relevant d'un régime autonome, ne représentant pas de contre-mesures. Les sanctions adoptées en dehors des cas prévues dans les traités de l'organisation peuvent constituées comme des contre-mesures, mais sont souvent considérées comme des moyens relevant des compétences implicites de l'organisation. Le deuxième niveau concerne le type de violation de l'exigence démocratique. S'il s'agit d'une atteinte à la démocratie par un changement inconstitutionnel d'un gouvernement démocratiquement élu, il est désormais admis que les Etats ont la faculté de prendre des contre-mesures pour exiger le retour de la démocratie (supra). Pour ce qui est du défaut de démocratie, les Etats ne peuvent en principe adopter légalement des contre-mesures s'il n'y a pas violation des principes relevant du jus cogens (tenue des élections, droits de l'homme ...) ou réclamation par la population (supra). Toutefois les Etats usent couramment de leur politique économique pour promouvoir ou sanctionner les principes de la démocratie. La pratique est trop abondante pour que l'on puisse sérieusement analyser, in concerto, la licéité intrinsèque de chacune des mesures économiques rapportées ci - dessus et adoptées par des Etats démocratiques aux fins de sanctionner ou promouvoir la démocratie.439(*) Il s'agit généralement de l'inexécution d'obligations contenues dans des traités bilatéraux ou multilatéraux. Ce sont souvent les obligations découlant du l'Organisation mondiale de commerce ou d'accords sur le transport aérien qui sont, à ce titre, méconnues. Idem, pour la coopération militaire ou le commerce des armes. Par exemple, parmi les sanctions de l'Union européenne décidées à l'encontre de la Birmanie, un embargo sur les armes, une interdiction d'importation sur le bois, les métaux, les minerais et les pierres précieuses ou semi-précieuses. Les Etats Unis quant à eux ont décidé le gel des avoirs détenus dans des entreprises américaines. * 435 Dictionnaire de droit international public, op cit., p. 1007. * 436 Voir Dallier, Forteau, Pellet, p. 1056-1057 * 437 Dictionnaire de droit international public, op cit., p. 259. * 438 Voir ALLAND (D), « Les contre-mesures d'intérêt général », in P-M Dupuy (dir), Obligations Multilatérales, Droit impératif et Responsabilité internationale des Etats, Paris, Pedone, 2003, pp. 167-187. * 439 D'ASPREMONT (J), « l'Etat non démocratique en droit international », op cit., p. 300-301. |
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