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L'exigence démocratique en droit international

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par Zied AYARI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Droit international public 2012
  

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INTRODUCTION

Tout droit a pour fondement la nécessité sociale d'abord, l'utilité sociale ensuite,

parce qu'il ne s'agit pas seulement de vivre mais de progresser1(*).

George Scelle

Précis du droit des Gens

Le droit est éminemment un phénomène social, sa nature, son objet et ses procédés sont intimement liés à l'évolution de la société qu'il est censé régir. Le droit international, même s'il procède d'une logique différente du droit interne, reste tributaire dans ses développements des changements de l'environnement social dont il est issu.

C'est dans ce sens qu'à l'époque où l'Empire romain dominait le monde connu, la paix était le fruit d'une absence de concurrent à l'Empire romain on parlait de pax romana. Une limes était le nom attribué aux limites géographiques du territoire romain, au delà desquelles l'Empire ne pouvait pas (résistance) ou ne voulait pas s'étendre2(*).

Ainsi jusqu'au Moyen-âge le droit des gens résultait de la volonté des Empires qui, déterminaient la situation de leurs sujets mais aussi la situation des autres collectivités humaines soumises ou non à leur autorité.

Avec l'avènement du Christianisme en Europe, le droit des gens a été marqué par le droit canonique, et l'Eglise jouait un rôle de premier plan dans les relations entre différents royaumes.

A la fin du Moyen-âge les monarques européens contestaient la tutelle extérieure du Pape mais aussi les pouvoirs à l'intérieur du Royaume des seigneurs féodaux, ce qui conduisitaprès une lutte acharnée à la naissance de l'Etat moderne. L'Etat était un moyen pour les monarchies européennes d'affirmer leur souveraineté sur les territoires dont elles disposaient, comme l'illustre parfaitement l'adage du roi Philippe le Bel : « Le roi de France est empereur en son royaume ».

Les traités de Westphalie du 24 octobre 1648 ont formellement légalisé la naissance de nouveaux Etats, et ont marqué le point du départ du droit international classique. C'était un droit interétatique, qui se constituait en fonction de l'attitude des Etats. Tous se réclamaient d'une souveraineté absolue, indivisible et suprême3(*).

Le droit international classique était un droit interétatique, dans le sens qu'il régissait que les rapports entre Etats. Ces derniers, étaient ses auteurs, ses destinataires et ceux chargés de sont interprétation et application. De plus, le principe de la souveraineté absolue permettait aux Etats de recourir à la guerre comme moyen de règlement des différends. Ainsi l'ordre international semblait être un ordre anarchique.

La fin de la première guerre mondiale en 1919 s'est suivie d'une certaine évolution du droit international, avec l'établissement de la Société des Nations (SDN) et l'apparition de la première juridiction internationale permanente : La Cour permanente de justice internationale (CPJI). La guerre fut déclarée hors la loi en 1928 avec le pacte Briand Kellog4(*).

Toutefois, on était bien loin de la fin du caractère interétatique de la société internationale, la SDN n'avait aucun pouvoir de contrainte envers les Etats et le caractèrefacultatif de la justice internationale limitait l'action de la CPJI. Au final, le droit international est fondé sur la souveraineté des Etats qui ne sont liés que par leur propre consentement. Cela ressort clairement du dictum de la CPJI dans l'affaire du Lotus de 1927 : « Les limitations de l'indépendance des Etats ne se présument pas »5(*).

Un mouvement doctrinal important (l'objectivisme sociologique)initié par Léon Duguit et George Scelle,contestait le concept de souveraineté en soutenant que les normes du droit international sont le fruit de la solidarité sociale entre individus. Ces normes constituent le droit objectif qui est supérieur au droit positif. Ce dernier ne peut y déroger sans être considéré comme « anti-juridique ».

Scelle affirmait a ce titre : « Qu'une société internationale soit une collectivité d'individus, il semblerait inutile d'énoncer ce truisme, si la science traditionnelle du Droit des gens n'avait pris le contre-pied d'une notion si évidente et proclamé que la société internationale est composée uniquement de collectivités, d'Etats, seuls sujets de droit à l'exclusion des individus (...) Autant prétendre qu'une société nationale se compose uniquement de divisions administratives et que les individus sont des entités négligeables »6(*)

Même si cette doctrine a le mérite de mettre l'accent sur l'importance de l'individu en contestant le caractère absolutiste de la souveraineté, elle relève plus d'une construction cognitive. Le refus du concept de souveraineté des Etats est contredit par l'observation de la vie internationale.

Les changements connus par le droit international depuis la fin de la seconde guerre mondiale sont aussi profonds et impressionnants, que ce qu'il a connu comme évolution durant les quarte siècles derniers. Cela revient en partie, aux deux atrocités quel'humanité a connu en l'espace d'une quarantaine d'années, mais aussi au développement techniques et technologiques, transports, commerce, la crise des frontières, les médias et les réseaux sociaux.

On retiendra que l'apparition de nouveaux sujets titulaires de droits et d'obligations (organisations internationales, individus, peuples) en vertu de l'ordre international ne pouvait que modifier sa physionomie.

On ne peut nier que l'Etat est encore le sujet primaire du droit international, et que le principe de souveraineté n'a nullement été frappé par la désuétude sauf que la reconnaissance d'une personnalité internationale à l'individu constitue un tournant dans l'évolution du droit international.

« La dynamique des droits de l'homme a introduit une tectonique des fondements du droit international public »7(*). En effet, on assiste aujourd'hui à un affrontement de principes, la souveraineté étatique a toujours une place centrale, mais elle fait face à une émergence croissante des droits de l'individu qui « interpelle l'Etat ».

Traditionnellement en effet, comme l'a affirmé la CPJI dans son avis célèbre de 1928, «selon un principe de droit international bien établi, un accord international ne peut, comme tel, créer directement des droits et des obligations pour les particuliers »8(*). Or, non seulement les normes internationales des droits de l'homme créent des droits dans le chef des particuliers, mais encore elles imposent des obligations à l'État

On reprend dans ce sens l'expression du professeur Pierre-Marie Dupuy, « Le droit international de la protection de la personne fait courir objectivement un risque aux États du seul fait qu'ils y affirment, par conviction, par tactique ou par mimétisme, un certain type d'idéologie humaniste (...). Les États se paient sans doute de mots, mais ils permettent du même coup aux individus ... de les prendre aux mots »9(*).

Ainsi, même les Etats récalcitrants à la thèse de l'universalité des droits de l'homme ne peuvent plus désormais tourner le dos à cette évolution remarquable. Ainsi, la révision de la constitution chinoise en 2004, a introduit un alinéa qui prévoit « The state respects and protects human rights ». La formule « droits de l'homme » a connu une histoire plutôt mouvementée en République populaire de Chine. Bien que certaines questions qualifiées communément de « relatives aux droits de l'homme » aient fait l'objet de débats animés, ce terme a rarement été utilisé dans le langage officiel. Toutes les Constitutions chinoises ont invariablement utilisé la formule « droits du citoyen » qui rejetait implicitement toute notion d'universalité des droits de l'homme10(*).

C'est dans cette optique des droits de l'homme qu'un concept aussi vieux que la démocratie a retrouvé une nouvelle jeunesse en droit international.

Epuisé par les totalitarismes, le siècle précèdent ne jurait plus que par le Dieu démocratie. Seule barrière contre de nouveaux excès, seul à pouvoir défendre les droits humains si souverainement bafoués11(*).

La démocratie a pour origine le mot latin dêmokratía composé de deux mots: demos qui signifie peuple et Kratos qui signifie pouvoir.

Déjà en l'an 430 avant notre ère, Périclès affirmait: «Notre constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d'une minorité, mais du peuple tout entier»12(*). En effet, c'est dans la Cité antique d'Athènes que la première forme de gouvernance démocratique a vu le jour. Le peuple se rassemblaitrégulièrement sur l'Agora pour décider des affaires publiques.

Les révolutions en Angleterre, en Amérique et en France au XVIIème et au XIIIème siècle, ont relancé l'attachement des peuples pour la démocratie13(*). Reste, que ça relevait de l'ordre interne des Etats comme c'était le cas aussi des droits de l'homme.

Aujourd'hui, on assiste à un engouement sans précèdent pour la démocratie, elle occupe une place de premier plan dans le discours des Etats, organisations internationales, politiciens, médias, juristes (...).Certes, le passage de cet attachement du niveau interne des Etats au niveau mondiale, n'est pas sans poser des problèmes. Il est légitime de savoir comment la démocratie, mode de gouvernance interne des Etats, a acquis cette importance au niveau de la politique internationale ?

C'est sous la plume d'Emanuel Kant qu'a été mis l'accent pour la première fois sur le volet international de la démocratie, en avançant un constat que les Etats démocratiques ne faisaient pas la guerre entre eux14(*).

La thèse de « la paix démocratique » a été reprise par l'ancien président des Etats Unis Wilson.Ce dernier affirmait que«  no peace can last, or ought to last, which does not recognize and accept the principle that governments derive all their powers from the consent of the governed, and that no rights anywhere exists to hand people about from sovereignty to sovereignty as if they were property »15(*).

Toutefois, ça ne demeuraitqu'au niveau du discours politique, sans avoir aucune incidence en droit international. Une tentative fut menée, pourtant, par les Etats d'Amérique centrale désireux d'établir une légitimité démocratique en droit international. La « doctrine  Tobar »16(*) réclamait la non reconnaissance d'un gouvernement qui viendrait s'établir suite à un coup d'Etat, tant que la représentation du peuple librement élue, n'aurait pas réorganisée le pays dans la forme constitutionnelle. Cette doctrine à été consacrée dans deux traités (de 1907 et 1923) entre cinq Etats d'Amérique centrale (Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Salvador). Elle a également influée sur l'approche des Etats Unis en matière de reconnaissance d'Etat17(*).

Mais cette doctrine n'a pas pu donner naissance à une pratique suffisante en droit international. Après quelques tentatives d'application, les Etats sont revenus à la doctrine classique basée sur la reconnaissance des gouvernements qui ont la capacité de factode remplir leurs obligations à l'égard des autres Etats.

Dés la fin de la deuxième guerre mondiale, il y avait une « occasion manquée » selon les termes du Doyen Jean Salmon d'instaurer le principe démocratique dans les relations internationales, puisque les concepts démocratiques étaient présents dans les accords de Yalta, de Potsdam et de Moscou18(*).Le début de la guerre froide a tenu en échec ce projet.

L'opposition entre les deux blocs s'étendait même sur le concept de démocratie. Face à une démocratie libérale soutenue par les Etats Unis et les Etats d'Europe occidentale, se développait une démocratie socialiste adoptée par l'URSS et les pays de l'Est de l'Europe.

La démocratie libérale traduit une prise en compte des volontés individuelles, la liberté et la dignité de l'homme libre dans l'exercice du pouvoir politique. La volonté populaire constitue son fondement et sa source de légitimité permanente. A la liberté politique, elle associe une liberté de participation confirmant ainsi la définition « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C'est un démocratie pluraliste qui postule une concurrence pacifique, par des

élections libres, transparentes à intervalles réguliers, en vue de l'accession aupouvoir et également le respect des droits et libertés.

Quant à la démocratie socialiste ou populaire, elle est une sorte de traduction des idéaux marxiste léninistes prônant le dépérissement de l'Etat et la gouvernance du prolétariat. Ladémocratie populaire n'est nullement basée sur une véritable concurrence à traversdes élections libres et transparentes et non plus sur le respect des droits des droits etlibertés individuels considérés comme d'origine capitaliste et bourgeoise. Ladémocratie socialiste constitue une utopie, une sorte de religion de transformation del'homme et du monde. Elle est basée sur une concentration des pouvoirs, une unitédes pouvoirs entre les mains du Parti ou du pouvoir politique, qui, il faut le rappeler,est plus important que l'Etat regardé comme agent d'exploitation de la classe la plusfaible et majoritaire. C'est donc un régime de classe et de hiérarchie dans lequel leParti assure véritablement un rôle dirigeant19(*).

La dictature du prolétariat qui se voudra universelle devra créer à long terme une véritable société communiste. Comme l'affirme Raymond Aron, la démocratie socialiste est un « régime qui se définit essentiellement par son avenir : non pas par ce qu'il est mais par ce qu'il sera»20(*).

Ainsi le Concept de démocratie souffrait d'un « excès de signification » et « d'une surcharge sémantique »21(*). Pour Georges Burdeau, la démocratie « n'est pas seulement une formule d'organisation politique ou une modalité d'aménagement de rapports sociaux, elle est une valeur »22(*). Les différentes, voir les contradictoires conceptions de la démocratie, proviennent en fait du contenu que l'on donne à cette valeur.

Cette opposition a conduit l'Organisation des Nations Unies (ONU) à adopter une position de neutralité vis à vis des régimes politiques des Etats membres. En vue de remplir sa mission première, à savoir, garantir la paix et la sécurité internationales. Et cela malgré la prolifération en parallèle d'instruments des droits de l'hommeet la consécration du droit des peuples à disposer d'eux mêmes.

En effet, le discours largement dominant aux Nations Unies pendant plus de quatre décennies, affirmait que les instruments des droits de l'homme étaient politiquement et idéologiquement neutres23(*).

Quant au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, sa portée fut limitée au départ pour les peuples coloniaux, il y a eu un élargissement aux peuples dont le territoire est occupé et aux peuples soumis à un régime de discrimination raciale (infra). Le droit des peuples constitués en Etats était problématique, par peur de consacrer un droit de sécession qui pouvait menacer l'intégrité territoriale des Etats.

Dans ce sens, le Professeur Michel Virally remarquait que:« La place de la population dans l'appareil d'Etat, est extrêmement variable. Elle dépend, essentiellement, des institutions internes et va de la sujétion pure et simple dans les régimes autoritaires ou dictatoriaux, là où un homme, ou une famille, appuyé sur une clique, ou une minorité, confisque le pouvoir à son profit, à une participation générale à la désignation des gouvernants, voire à certaines décisions essentielles, là où a été instauré un régime démocratique. Ce problème a été traditionnellement exclu de l'emprise du droit international, parce que interne à l'appareil étatique. Une évolution d'une portée considérable, puisqu'elle tend à un renversement de cette situation, a toutefois été amorcée par le développement de la protection internationale des droits de l'homme, lies eux-mêmes, de la façon la plus étroite et la plus directe, à la définition du régime politique »24(*).

Certains auteurs considèrent que ramener la question de la démocratie au droit des peuples est plutôt une question politique. « Il est important de rappeler que le droit à l'autodétermination était avant tout un droit à la décolonisation et un droit à échapper à toute forme de domination étrangère.

Aujourd'hui que certains peuples n'arrivent même pas à profiter de cette signification primaire, devant une communauté internationale indifférente, et nous pensons essentiellement au peuple palestinien, il serait, à notre sens hypocrite de défendre un droit à la démocratie en l'absence d'un droit à l'existence toujours au nom du même titulaire25(*) ».

Certaines organisations régionales ont mis en lumière le lien entre droits de l'homme et démocratie dés leur création, tel fut le cas du Conseil de l'Europe et des Communautés européennes (infra). A l'époque il s'agissait encore d'une exception régionale, mais ils ont déjà encadré le début de la « troisième vague de démocratisation »26(*)entamée dans les pays du sud de l'Europe(Espagne, Portugal, Grèce).

Le années 80 marquent un tournant décisive dans la propagation de la démocratie. D'abord avec la transition démocratique de nombreux Etats américains et certains Etats asiatiques. Puis avec la fin de la guerre froide et la victoire du modèle libérale.

L'hégémonie américaine a fortement contribué à la propagation de la démocratie. Comme l'a déclaré Joshua Muravchik : « La promotion de la cause démocratique peut constituer la politique étrangère la plus efficace de l'Amérique, non seulement en termes de bonnes actions, mais aussi d'intérêt propre (...)

Un monde dans lequel la prolifération des démocraties conduit à une diminution des conflits armés serait le résultat d'une véritable Pax Americana »27(*)

La démocratisation des Etats d'Europe centrale et orientale qui faisaient partie du bloc soviétique a érigé la démocratie libérale en modèle de référence. Le processus a commencé en Pologne à partir de 1980 avec le syndicat Solidarnosc qui contestait le régime communiste polonais et réclamait le libéralisme et la démocratie. Ce mouvement a été soutenu par la plupart des Etats occidentaux qui envoyèrent non seulement des vivres et des médicaments, mais aussi des ressources financières. Pour le professeur Maurice Kamto : « il s'agissait à l'évidence d'une ingérence directe consistant en un soutien non voilé par des Etats indentifiables à un mouvement subversif constitué en parti d'opposition de fait, puisque Solidarnosc était sorti du cadre des revendications syndicales pour s'attaquer au système politique lui-même »28(*).

Ainsi, le changement de l'ordre politique international ne pouvait qu'entrainer une transformation de l'ordre juridique international. S'agissant de l'obligation d'avoir un régime démocratique, ce qui relevait d'une exception régionale propre au Conseil de l'Europe et à la Communauté européenne est devenu le principe, aujourd'hui, dans la majorité des organisations régionales.

Le fait le plus marquant reste la mutation à la fois conceptuelle mais aussi opérationnelle qu'a connue l'ONU29(*). La déclaration du Secrétaire général des Nations Unies sonne la fin de la neutralité de l'organisation mondiale quant aux régimes politiques des Etats : « Le vieil ordre international a été emporté par le flux irrésistible de la démocratisation, la soif de démocratie a constitué l'un des principaux facteurs de changement »30(*).

C'est la doctrine anglo-saxonne dite « libérale » qui la première, s'est interrogée sur l'état du droit international à cet égard. Un ensemble d'auteurs libéraux américains ont en effet défendu, l'émergence dans l'ordre juridique international d'un principe de démocratie emportant la transformation « révolutionnaire » d'un grand nombre de règles internationales. Ces auteurs soutiennent notamment que la coopération économique la qualité de membre aux organisations internationales, l'accréditation des délégués au sein des organisations internationales, les pouvoirs de représentation d'un gouvernement sont désormais subordonnés au respect du principe de démocratie31(*). Certains même ont avancé que les règles relatives au recours à la force armée permettaient désormais un usage «pro démocratique » de la violence dans les relations internationales32(*).

Même si le discours politique semble témoigner d'un consensus s'agissant de la supériorité de la démocratie comme modèle d'organisation politique, il ne traduit par contre aucune unanimité quant au contenu du concept de démocratie. Cela n'étonnera sans doute personne. Force est de constater que « le concept de démocratie est si ancien, appliqué à des régimes si variés et de nos jours, si communément revendiqué pour couvrir des politiques diverses, voir antagonistes, qu'il décourage souvent une pensée quelque peu soucieuse de rigueur »33(*).

S'il est admis que le consentement populaire, la participation des citoyens et le caractère représentatif du gouvernement sont des éléments nécessaires pour la mise en place d'un régime démocratique, ils n'en constituent pas les seules composantes. En effet rien n'empêche un gouvernement démocratique de ne plus recueillir le consentement du peuple. Inversement on peut concevoir qu'un gouvernement non démocratique jouisse du consentement du peuple. Idem pour la participation des citoyens et leur représentativité34(*). Si on considéré que l'élection est le meilleur moyen de participation et de représentation des assujettis, elle ne constitue qu'un moyen35(*). Mais l'impossibilité matérielle d'établir une démocratie directe, où les citoyens décident de leurs affaires comme c'était le cas dans la Cité d'Athénes, a imposé les élections comme un moyen incontournable pour l'expression de la volonté du peuple.

Toutefois, il est intéressant de rappeler que le parti national socialiste d'Adolf Hitler a accédé au pouvoir en Allemagne àtravers les élections parlementaires de mars1933.

Beaucoup d'auteurs critiquent le fait d'assimiler la démocratie à des élections fussent-elles libres, honnêtes et périodiques. « Often democracy is identified as elections. Some, what I would call, formalistic or superficial approaches to democracy even claim that Governments produced by elections may be inefficient, corrupt, short-sighted, irresponsible, dominated by special interest, and incapable of adopting policies demanded by the public goods are nevertheless democracies »36(*).

De plus, le Document final du sommet social de 2005 prévoit que : « il n'existe pas de modèle unique de démocratie et que la démocratie n'est pas l'apanage d'un pays ou d'une région »37(*)

Sauf que comme l'a souligné Boutros Boutros-Ghali dans son Agenda pour la démocratisation de 1996 : « la résistance antidémocratique cherche parfois à mettre l'autoritarisme au compte de l'exception culturelle »38(*).

Les révolutions dans les pays arabes au début de l'année 2011, et le déclenchement d'une transition démocratique en Birmanie démontrent que la démocratie constitue désormais une valeur universelle.Ils ont remis, entre autre à l'ordre du jour l'impératif démocratique dans l'ordre international, qui après avoir fait une entrée en force dans les années 90 a connu quelques infléchissements.

On rejoint la définition proposée par le Professeur Maurice Kamto de la démocratie : « A la lumière des expériences concrètes des régimes politiques généralement reconnus comme démocratiques, on peut dire que la démocratie est un mode d'organisation de la société fondé sur le pluralisme politique, le principe des élections libres et honnêtes, le respect des droits de l'homme et l'instauration de l'Etat de droit. Cette énumération n'obéit à aucun ordre ni à aucune hiérarchie »39(*). C'est une définition assez large mais les droits de l'homme, la démocratie et l'Etats de droitsont des principesinterdépendants et se renforcent mutuellement.

Dans le cadre de notre étude, sans omettre de mettre en lumière le lien entre ces trois notions, l'exigence démocratique consiste en l'obligation qu'ont les Etats de permettre à leurs populations d'exercer effectivement le pouvoir par le biais d'élections libres, honnêtes et périodiques dans le cadre d'une concurrence loyale des partis politiques, dans le respect des droits de l'homme.

Peut on affirmer qu'il y a émergence d'une norme en droit international prescrivant l'établissement d'un régime démocratique par tous les Etats?

Malgré que la norme reste encore contestée et que certains auteurs soulignent le fait que l'état actuel de la société internationale ne permet pas de parler d'une quelconque exigence démocratique, et que la souveraineté des Etats fait obstacle au pouvoir du peuple,les évolutions sur le plan régional et universel permettent de soutenir qu'on assiste à l'émergence d'une exigence démocratique comme norme de droit international général. Nonobstant, les effets de la norme ne sont pas clairement définis et restent dans une grande partie tributaires de la pratique des Etats.

C'est ainsi que l'on traitera dans une première partie de la propagation de l'exigence démocratique dans l'ordre international (I). Pour s'intéresser dans une deuxième partie aux effets variables de cette norme (II).

* 1 SCELLE (G),  Précis des droit des gens, 1932 - reproduction du vol. I, Dallloz, Paris 2008, p. 5.

* 2 LAGHMANI (S), Histoire du droit des gens. Du jus gentium impérial ou jus publicum europaeum,Paris, Pedone, 2003

* 3 Jean Boudin dans son ouvrage les six livres de la république traite de cette souveraineté absolue.

* 4Pacte de Paris signé le 27 août 1928

* 5 CPJI, Affaire du Lotus, arrêt de 1927, série A, n° 10, p. 18.

* 6 SCELLE (G), op cit., p. 28.

* 7 DUPUY (P-M), KERBRAT (Y), Droit international public, Paris, Dalloz, 10ème éd, p. 29.

* 8Compétence des tribunaux de Dantzig, 3 mars 1928, série B, n°15, p. 18.

* 9DUPUY (P-M), « Situation et fonction des normes internationales », in Mario Bettati et Bernard Kouchner eds., Le devoir d'ingérence, Denoël, Paris,1987, p. 159.

* 10 JIANFU (Chen), « La dernière révision de la Constitution chinoise », in Perspectives chinoises ,n°82 mars-avril 2004, mis en ligne le 01 mai 2007, par. 22, article disponible sur internet: http://perspectiveschinoises.revues.org/1322

* 11 ZOURABICHVILI (S),  L'exigence démocratique : Pour un nouvel idéal politique, Paris, François Bourin Editeur, 2011, p. 29

* 12 Il s'agit de l'oraison funèbre que, dans la guerre du Péloponése (II, 37-46), Périclès prononce en l'honneur des Athéniens morts au cours de la première année de la guerre dite d'Archimados (431-421 a.v j-c)

* 13 La Déclaration d'indépendance américaine du 4 juillet 1776 : « Tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur »

* 14 Défendue dans le livre d'Emanuel Kant « vers une paix perpétuelle » publié en 1795, cité par RICH (R), « L'Organisation des Nations Unies et la promotion de la démocratie », in Le Monde des Parlements, n° 31,Septembre 2008. Article disponible sur internet :

* 15 Discours devant le sénat américain, 64 Cong. Rec.1741-1742 (1917).

* 16 Au nom de Carlos Tobar ministre des affaires étrangères de l'équateur

* 17LEBEN (CH), « Les révolutions en droit international : Essai de classification et de problématique générale », in Révolution et droit international, SFDI, Paris, Pedone, 1990, pp. 3-48, p. 11-12

* 18 SALMON (J), « Vers l'adoption d'un principe de légitimité démocratique ?», in Association droit des gens (Ed), A la recherche du nouvel ordre mondial - I. Le droit international à l'épreuve, Bruxelles, Editions Complexe, 1993, pp. 59-89, p. 72.

* 19TIEREAUD (S), «  Le droit international et la pratique de l'ingérence armée démocratique depuis 1945 », thèse de doctorat, Université de Nancy 2, 2009, pp. 40-44. Disponible sur internet : http://cyberdoc.univ-nancy2.fr/htdocs/docs_ouvert/doc406/2009NAN20002.pdf

* 20ARON (R), Introduction à la philosophie politique, démocratie et révolution , Livre de poche,1997, p. 141

* 21BURDEAU (G), «  Démocratie », in. Encyclopedia Universalis, corpus 5, Paris, 1988, p. 1081.

* 22Ibid.

* 23SICILIANOS (L-A), « L'ONU et la démocratisation de l'Etat : systèmes régionaux et ordre universel », Paris, Pedone, 2000.

* 24VIRALLY (M), «  Panorama du droit international contemporain », RCADI, vol. 183,1983, pp. 9-382, p. 49-50.

* 25 HAMROUNI (S), « Souveraineté et démocratie », in Mélanges en l'honneur du Doyen Iyadh Ben Achour, Tunis, CPU, 2008, pp. 1331-1358, p.1341.

* 26 HUNTINGTON (S), « The third wave : Democratization in the late Twentieth Century », Norman, University of Okllahoma Press, 1991. L'auteur établie trois vagues de démocratisation selon un ordre chronologique, la premiére a commencé au 19ème siécle, la seconde avec la fin de la 2ème guerre mondiale et la 3ème aurait commencée avec la démocratisation en Portugal

* 27 MURAVCHIK (J),  Exporting Democracy - Fulfilling America's Destiny , Washington DC, The AEI Press, 1991, pp. 6-9.

* 28KAMTO (M), « Constitution et principe de l'autonomie constitutionnelle », Recueil des cours de l'Académie Internationale de Droit Constitutionnel, volume VIII « Constitution et Droit International », Tunis, Centre de Publication Universitaire 2000, pp. 157-158

* 29SICILIANOS (L-A), L'ONU et la démocratisation de l'Etat : systèmes régionaux et ordre universel, Paris, Pedone, 2000.

* 30Rapport Secrétaire généralsur l'activité de l'organisation, 18 décembre 1992,Doc. A/47/668.

* 31D'ASPREMONT (J), L'Etat non démocratique en droit international - Etude critique du droit international positif et de la pratique contemporaine, Paris, Pédonne, 2008, p.2.

* 32REISMAN (W M), « Coercion and Self-Determination: Construing Charter Art. 2 (4) », AJIL, n° 78, 1984, p. 642

* 33 LEFORT, « Pour une sociologie de la démocratie », in J-L Seurin (dir), La Démocratie pluraliste, Economica, 1981, p. 43

* 34D'ASPREMONT (J), « L'Etat non démocratique en droit international - Etude critique du droit international positif et de la pratique contemporaine », op cit., pp. 39-42

* 35 En Chine on parle de démocratie centralisée qui s'exerce au sein du parti communiste chinois.

* 36 MÜLLERSON (R), « Democracy Promotion: Institutions, International Law and Politics », RCADI, 2008, vol 333 p. 33

* 37A/RES/60/1 (60e session), 24 octobre 2005, par. 135.

* 38 Doc. A/51/761, 17 janvier 1997, par. 4.

* 39KAMTO (M), « Constitution et principe de l'autonomie constitutionnelle », op cit., p. 162.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway