I.4. Historique de la
pratique
I.4.1. Des débuts
à une professionnalisation vers la fin des années 80
A l'origine, le placement d'un produit dans un film
n'entraînait pas de compensation commerciale et était
considéré comme une technique opportuniste basée sur une
relation gagnant-gagnant, où l'industriel se contentait de prêter
son matériel au producteur en l'échange d'une visibilité
dans l'oeuvre finale (Balasubramanian, 1994).
Jusqu'à la fin des années 1970, la pratique
n'est que très peu organisée et connaît une croissance
quasi-nulle. Elle est alors considérée comme un simple
dérivé d'initiatives de relations publiques isolées
où l'annonceur, bien souvent un industriel de l'automobile, fait marcher
ses relations afin de profiter du potentiel commercial d'un film (Marketing
Communications, 1981). Lehu (2001) explique que « les experts
présentent tous l'industrie automobile, pourtant encore naissante, comme
celle qui la première perçu l'intérêt de la
démarche dès le début du 20ème
siècle, alors que le cinéma était encore
muet ». L'agent 007 passera ainsi du volant d'une Aston Martin
pour Goldfinger en 1964 à celui d'une Citroën, puis d'une
Bentley, d'une Audi, et d'une BMW pour retrouver enfin la marque de ses
débuts avec l' Aston Martin de Die Another Day en 2002.
I.4.2. Un bouleversement
des rapports entre annonceur et producteur
La méthode s'est peu à peu
développée et constitue de nos jours un véritable
marché organisé, dans lequel la concurrence se fait sentir. Pour
exemple, dans le film Wall Street (1987), avant que l'acteur Charlie
Sheen n'explique au cours d'une discussion que le magazine Fortune est
la bible de Wall Street, les producteurs avaient organisé un appel
d'offre entre les deux magazines concurrents Fortune et
Forbes, le plus généreux remportant le droit
d'être cité (Balasubramanian). En effet, dès le
début des années 1980, le placement de produits évolue
rapidement pour revêtir ses caractéristiques actuelles.
Aujourd'hui les annonceurs paient donc régulièrement les
producteurs de films afin que leurs marques soient intégrées, car
l'investissement est considéré comme un canal d'accès
intéressant en termes d'impact sur l'image, face à la saturation
des méthodes de communications plus conventionnelles.
Par conséquent, cette évolution dans les
rapports annonceur/producteur, et donc le fait que la présence d'une
contribution financière soit presque devenue systématique, a
permis aux industriels d'exercer davantage de contrôle sur le message mis
en place. On est donc de moins en moins surpris de constater que pour des films
de grande ampleur, le script soit modifié par l'annonceur pour s'assurer
de la mise en avant du produit. Ainsi le scénario de Rocky III
s'est-il vu modifié afin d'inclure une scène ou Sylvester
Stalone, personnage principal de la saga, déguste des
céréales de la marque Wheaties en expliquant que c'est le
« petit-déjeuner des champions » (Maslin
1982). Suite à la requête de l'industriel, une scène de
petit-déjeuner du film Cocoon : The Return (1988) a
également du être reprise afin que les céréales
Quaker Instant Oatmeal soient davantage mises en évidence. (Reed
1989).
A l'inverse, si une fois le contrat signé, le
producteur a la mainmise sur le contenu des scènes dans lesquelles ses
produits apparaissent, tant que le dit contrat n'est pas signé, c'est la
maison de production qui dirige les évènements. En 2005, lors de
l'ajout de trois ou quatre opportunités de placements
supplémentaires pour la série à succès
Desperate Housewives, vinrent se présenter quelques 250
annonceurs potentiels, ce malgré des prix très
élevés.
En définitive, ce qui relevait d'un accord très
simple, voire d'une ordinaire poignée de mains hier encore, s'est
progressivement étoffé. Ainsi le placement de produits
s'apparente à présent de plus en plus à un processus de
communication complexe à mettre en place si l'on souhaite s'assurer
d'atteindre un objectif précis (DeLorme 2005).
Conséquence de ces incertitudes, on a vu
l'émergence de nouveaux intermédiaires spécialisés,
les agences de placement de produits, qui jouent à la fois le rôle
de démarcheurs et celui de conseil. Ce sont donc de plus en plus eux qui
vont intervenir lors de litiges, soit en amont en s'assurant que les contrats
sont complets et prévoient de telles éventualités, soit en
aval en jouant le rôle de négociateurs entre l'annonceur et la
société de production (Brée J. 1996).
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