Introduction
Ce mémoire de Master 2 s'inscrit dans le prolongement
de celui que nous avions réalisé dans le cadre de notre Master 1.
Ce dernier portait sur la gestion des déchets ménagers en milieu
urbain et s'intéressait plus particulièrement aux
opérations de compostage collectif bisontines mises en place par le
SYBERT (Syndicat mixte de Besançon Et de sa Région pour le
Traitement des déchets) avec l'appui de l'association Trivial Compost.
Notre étude des représentations et pratiques des guides
composteurs1 avait mis à jour la façon dont ce public
renversait la symbolique mortifère habituellement attachée au
déchet. En effet, la connaissance de la provenance des déchets
organiques traités et l'acquisition de compétences
spécifiques sur le compostage permettent d'annihiler les
représentations négatives et la charge émotive
liées à la manipulation de la matière en
décomposition. La symbolique de l'ordure est donc inversée
grâce à sa réintégration au cycle des
matières : ce n'est plus un objet innommable et répugnant dont il
faut à tout prix se débarrasser mais, au contraire, un
sous-produit valorisable par le biais d'un processus de transformation
maîtrisé. L'immondice passe ainsi d'un pouvoir destructeur
associé à la mort à un pouvoir fécond
associé à la vie. Cette étude nous avait donc permis
d'observer le rapport au déchet d'une population qui répond le
« mieux » aux prescriptions émises par les politiques
publiques, notamment à travers le Grenelle de l'environnement. Pour
élargir notre vision des logiques des usagers, nous avons choisi cette
année d'inverser notre angle d'approche en nous focalisant sur la
gestion des déchets ménagers en habitat social collectif, type
d'habitat où les performances des collectes sélectives sont les
moins élevées. Ainsi, le choix de ce sujet d'étude
répond à trois enjeux principaux qui sont à la fois
théoriques et pratiques.
Tout d'abord, au niveau théorique, nos travaux
cherchent à s'inscrire dans la réflexion transversale relative
aux conditions de fabrication de la ville durable. Malgré le
consensus qui prend forme autour de la nécessité d'un
développement durable urbain, il n'est pas toujours évident de
traduire cette position discursive partagée en actions concrètes
et, même lorsque c'est le cas, des difficultés se posent pour
juger de la « durabilité » de ces actions. Le
développement durable reste un concept flou, une notion théorique
qui est pourtant supposé pouvoir se matérialiser par des
réalisations pratiques. Ainsi, le meilleur moyen pour saisir ses
modalités d'application concrètes reste l'étude empirique
des politiques environnementales mises en oeuvre à l'échelle d'un
territoire. Telle est notre ambition avec l'étude du cas de la
1 Les guides composteurs sont les habitants
référents au sein d'un immeuble qui, après avoir suivi une
formation d'une journée, assurent le « bon » fonctionnement de
leur site de compostage.
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Communauté d'Agglomération du Grand
Besançon (CAGB). Aussi, la gestion des déchets s'inscrivant dans
un cadre domestique, nous souhaitons apporté notre maigre contribution
aux recherches sociologiques sur les modes d'habiter et les formes de
régulation de l'espace résidentiel en les mettant en perspective
avec les performances des collectes sélectives.
Ensuite, le choix de notre terrain d'étude n'est pas
anodin : la CAGB fait figure de ville pionnière en matière de
gestion des déchets ménagers puisqu'elle est la première
collectivité française à dimension urbaine à avoir
instauré une redevance incitative pour le financement de son
système public d'élimination des déchets (SPED). Par ce
biais, elle a même anticipé les prescriptions du Grenelle de
l'environnement qui préconise à l'ensemble des
collectivités territoriales compétentes l'instauration d'une
tarification incitative à l'horizon 2014. Cette tarification incitative
peut revêtir deux formes : celle d'une redevance ou celle d'une taxe.
Dans tous les cas son montant varie en fonction de l'utilisation réelle
du service d'enlèvement des ordures ménagères par l'usager
(principe pollueur-payeur), c'est-à-dire généralement en
fonction du poids de déchets produits et/ou du volume du bac et/ou du
nombre de ramassages. Jusqu'alors, c'est surtout le système de la
redevance incitative qui a été expérimenté et qui a
largement fait ses preuves en milieu rural2. En revanche, la
question de son application en milieu urbain reste en suspens du fait de la
prépondérance de l'habitat vertical. Or, ce mode d'habitat ne se
prête pas à une individualisation de la facture logement par
logement puisque les conteneurs poubelles et les coûts afférents
au service public d'élimination des déchets ménagers sont
partagés par tous les résidents sur la base d'une
répartition au tantième qui ne traduit donc pas l'utilisation
réelle du service de chaque ménage. Face aux nombreuses
interrogations persistantes quant à la portée d'application de la
RI en milieu urbain, de nombreuses collectivités rechignent à
instaurer un tel mode de financement du SPED. Notre recherche prétend
donc contribuer à la production de retours d'expériences sur la
RI en habitat collectif afin d'aider à alimenter la réflexion des
collectivités qui s'interrogent sur l'opportunité d'adopter ce
système.
Enfin, notre travail s'inscrivant dans le cadre d'un stage
à la Communauté d'Agglomération du Grand Besançon,
il est bien évidemment destiné à produire de l'expertise
en direction des techniciens et des agents de la direction gestion des
déchets (DGD). Par une logique de distanciation, l'analyse sociologique
remet en cause certains présupposés et permet aux acteurs
institutionnels de saisir avec davantage de profondeur les logiques qui guident
les comportements des usagers. Alors que les discours institutionnelles
construisent une figure de
2 Cf. l'exemple de la Communauté de Communes de
la Porte d'Alsace.
l'usager chimérique et singulière
(l'éco-citoyen, le consomm'acteur, l'usager
trieur), l'investigation du sociologue est en mesure de mettre
à jour la variété des profils et des logiques des
usagers3.
Pour répondre à ces différents enjeux
nous avons adopté une problématique plurielle qui se
décline dans les différentes parties de notre mémoire.
Après avoir présenté le cadre méthodologique dans
lequel s'inscrit notre enquête, nous commencerons par contextualiser
notre objet d'étude, préalable indispensable pour la
compréhension des enjeux à la fois techniques et sociaux que
sous-tendent la problématique de la gestion des déchets
ménagers et les différentes politiques publiques
afférentes. Ensuite, nous verrons comment se construisent les politiques
de développement durable au niveau local à travers le cas de la
gestion des déchets ménagers à Besançon. Puis, nous
nous intéresserons de façon plus spécifique à la
gestion des déchets ménagers en milieu urbain
relégué en nous focalisant sur le rôle d'un acteur
clé dans les opérations de collecte sélective en habitat
collectif : le gardien. Enfin, nous tenterons de saisir l'articulation entre
les représentations et les pratiques des usagers en habitat social
collectif.
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3 Nos travaux s'adressent donc à
différents publics qui ont peu ou prou l'habitude de dialoguer, c'est
pourquoi j'espère que la lecture de ce document ne sera pas trop «
technique » pour le sociologue, trop « sociologique » pour le
technicien et trop ennuyeuse pour le néophyte.
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