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Redevance incitative et gestion des déchets en habitat social

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par Victor Bailly
Université de Franche-Comté - Master 2 Analyse et gestion des politiques sociales 2012
  

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Chapitre 4 - Le rôle des gardiens dans la gestion des déchets

ménagers

Les résultats de recherches sociologiques sur la mise en place du tri en habitat collectif, parfois repris sous forme de conseils aux collectivités par l'ADEME, insistent sur le rôle prépondérant des gardiens dans la réussite des collectes sélectives108. En effet, ceux-ci constituent un point nodal dans la chaîne du tri puisqu'ils sont en lien avec l'ensemble des autres maillons mobilisés : usagers, collectivité, ambassadeurs du tri, ripeurs et bailleurs sociaux. Surtout, ils sont chargés de faire respecter les règles du vivre-ensemble au sein de l'immeuble, de réguler les comportements liés aux modes d'habiter, ce qui nous permet de présumer que les résultats des collectes sélectives en habitat collectif ne dépendent pas uniquement du seul bon vouloir des usagers mais découlent également de la posture et des possibilités d'intervention des gardiens.

I. Les gardiens-concierges : une mission historique de contrôle social

Historiquement, l'invention de la fonction de concierge dans la première moitié du XIXème siècle résulte d'une volonté de contrôle social des classes laborieuses : « C'est durant le Premier Empire que les promoteurs immobiliers opérant à Paris installent massivement des concierges en vue de rassurer les classes aisées peu enclines à vivre dans des immeubles collectifs où la présence des pauvres dérange et effraie. »109. Parallèlement, les propriétaires d'immeubles avaient jusqu'alors l'habitude de déléguer la gestion locative de leurs biens à des locataires principaux alors chargés de louer les appartements et de récupérer les loyers. Cette solution montrant ses limites, notamment sur le plan de la rentabilité économique, l'invention de la fonction de concierge permet aux bailleurs de s'assurer le paiement des loyers en temps et en heure grâce à l'intervention de ce nouvel intermédiaire. Quant à l'appellation

108 Pour des travaux sociologiques, cf : TAPIE-GRIME Muriel, « Coopération et régulation dans les collectes sélectives des ordures ménagères », in Sociologie du travail, 1998 : vol. 40, n°1, p. 65-87 ; BOUSSARD Valérie, MERCIER Delphine, TRIPIER Pierre, « La dégradation du tri sélectif des déchets... ou les frontières du cercle du tri », in L'aveuglement organisationnel ou comment lutter contre les malentendus, Paris : Editions CNRS Sociologie, 2004, p. 17-31 ; ETIcs/Université François-Rabelais et Etéicos, DETRITUS / DEchets, TRI eT Usages Sociaux. Gestion des déchets et tri sélectif en habitat collectif HLM, Etude réalisée pour le compte de l'ADEME, Avril 2012, 81 p.

Pour des conseils de l'ADEME, cf : ADEME, Habitat collectif et tarification incitative. Pourquoi ? Comment ?, ADEME Éditions, Angers : 2012, 148 p.

109 MARCHAL Hervé, Le petit monde des gardiens concierges. Un métier au coeur de la vie HLM, Paris : L'Harmattan, Logiques sociales, 2006, p. 28.

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« gardien », elle apparaît en même temps que la construction des premières habitations à bon marché110 au début du XXème siècle et s'inscrit dans les enjeux d'hygiénisme et de moralisation des classes populaires de l'époque : « Le mot gardien exprime clairement le fait qu'il est nécessaire de garder les locataires afin qu'ils ne dévient pas des chemins tracés en fonction des découvertes relatives à l'hygiène. »111. Cependant, c'est à partir de la création des ZUP112 en 1959 que naissent les grands ensembles à travers des programmes de construction de masse et que le besoin de gardiens s'amplifie pour l'entretien de cette pléiade de nouveaux immeubles.

La crise de 1973 marque les débuts du processus de relégation qui caractérise ces grands ensembles jusqu'à aujourd'hui. D'abord espace de transition destiné à accueillir des populations se trouvant dans les premières étapes de leur ascension sociale et de leur parcours résidentiel, les cités deviennent peu à peu des zones de relégation qui interdisent à la plupart de leurs habitants tout espoir de promotion sociale et de mobilité résidentielle. Face à ce constat auquel s'ajoute la dénonciation de la piètre qualité du cadre bâti et des infrastructures urbaines, les bailleurs sociaux passent « d'une phase d'équipement et de construction à une phase de gestion de l'existant en vue d'améliorer la qualité du cadre de vie. »113. De façon concomitante, la sociabilité néo-urbaine fantasmée par les architectes qui ont conçu ces espaces résidentiels prend plutôt la forme d'un repli progressif sur la sphère privée. La proximité spatiale propre à ce mode d'habitat s'accompagne d'une distance sociale croissante entre les résidents114. Dans ce contexte, les objectifs des bailleurs sociaux s'orientent vers une revitalisation du tissu social des grands ensembles et les gardiens tendent à être investis d'une mission de médiation. Au début des années 1990, la fonction de gardien, qui ne nécessitait auparavant aucune compétence ni aucun apprentissage particulier, se formalise légèrement avec l'apparition de formations, bien que celles-ci restent relativement sommaires et sporadiques. Cette démarche répond à l'adoption des « principes du néolibéralisme gestionnaire »115 par les organismes logeurs (rentabilité économique, logique de marché, idéologie managériale) qui souhaitent rationaliser le métier de gardien dans le cadre de leurs programmes de modernisation.

110 Les habitations à bon marché (HBM) correspondaient, jusqu'en 1949, aux actuelles HLM (habitations à loyers modérés).

111 Ibid., p. 32.

112 Zones à Urbaniser en Priorité

113 Ibid., p. 35.

114 CHAMBOREDON Jean-Claude, LEMAIRE Madeleine, « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement », in Revue française de sociologie, n° 11-1 : 1970, p. 3-33.

115 MARCHAL Hervé, op. cit., p. 37.

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Aussi, les premières émeutes urbaines accentuent le rôle de médiation sociale conféré aux gardiens qui doivent désormais tenter d'impliquer au maximum les habitants dans une coproduction de la sécurité. Le décret du 18 décembre 2001 consacre ce rôle en instaurant une obligation de gardiennage ou de surveillance dans les immeubles ou groupes d'immeubles « de plus de 100 logements situées dans des zones urbaines sensibles ou dans des communes dépassant 25 000 habitants. Que ce soit par les décideurs politiques, par les acteurs du Mouvement HLM ou même par des chercheurs en sciences sociales, les gardiens-concierges sont désormais considérés comme l'une des solutions aux problèmes rencontrés dans de nombreuses cités d'habitat social de banlieue. »116. Finalement, qu'il s'agisse du concierge de l'immeuble bourgeois du XIXème siècle ou du gardien d'HLM d'aujourd'hui, c'est toujours une même mission de contrôle social des populations indigentes et/ou déviantes qui se situe au coeur de la mission de gardiennage. Toutefois, il est nécessaire de prendre du recul avec la définition institutionnelle de la fonction de gardien qui reste, somme toute, théorique et largement idéalisée pour tenter de comprendre le rapport singulier à leur métier qu'adoptent ces travailleurs.

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