L'insertion d'une nouvelle population étrangère
dans la médina de Fès et l'extension des types d'investissements
entrepris par ces touristes résidant dans l'espace traditionnel confirme
l'ancrage spatial d'un processus de mise en tourisme dans la médina. La
multiplication des achats de maisons pour en faire des résidences
secondaires et des maisons d'hôtes vient compléter ce
phénomène.
L'installation récente des étrangers dans la
médina s'opère selon des logiques de localisation relatives
à des critères d'accessibilité, de sécurité,
de bonne situation et de convenance du prix au pouvoir d'achat. En effet,
l'habitat traditionnel a été, en l'espace de quelques
années, très sensiblement réévalué sur le
marché immobilier. D'autre part, selon qu'il s'agisse d'une maison
privée ou d'une maison à usage commercial (maisons d'hôtes,
restaurant, café...), les choix d'installation suivent, en
préconisant les lieux à haute fréquentation touristiques
ou les lieux à vue panoramique.
Il existe en outre, un mélange très
intéressant de nationalités et de profils socioculturels dans la
médina. Ces habitants étrangers ont toutefois, tous pour point
commun la pratique et l'expérience d'un nouvel espace de vie qui leur
est étranger. Ils participent ainsi par leur présence à un
côtoiement plus resserré entre les deux communautés,
étrangère et marocaine habitant la médina. De nouveaux
rapports s'établissent ainsi, entre l'étranger et son nouvel
espace de vie, et entre les habitants locaux et ce nouveau venu.
Ce travail de recherche est une interrogation menée
sur le processus de la mise en tourisme de la médina de Fès,
à travers le phénomène d'acquisition des demeures
traditionnelles par les étrangers. En effet, dans un contexte
d'ouverture du Maroc aux investissements étrangers, soutenu par une
volonté nationale pour le développement du secteur du tourisme au
pays, la médina en générale, et ses demeures anciennes en
particulier acquièrent un nouveau statut parmi les produits touristiques
proposés aux touristes. Ces derniers sont devenus, de plus en plus,
demandeurs d'authenticité et d'exotisme, qu'ils trouvent
désormais dans le centre historique marocain.
A travers ce travail de recherche, nous avons cherché
à mettre l'accent sur la mise en valeur patrimoniale et touristique de
la médina de Fès à travers l'achat des riads et
anciennes demeures par les étrangers. Nous avons à cet effet,
rappelé le contexte de l'apparition de ce phénomène dans
les villes de Marrakech et d'Essaouira, étant donné que c'est par
ces deux médinas qu'il a commencé. La médina de Fès
a ainsi suivie et est devenue de plus en plus vécue par des Occidentaux
qui décident d'y investir, d'y concevoir leur travail, d'y
séjourner en vacances dans une résidence secondaire ou d'y vivre
au quotidien.
Dans la ville ancienne de Fès, le développement
économique est basé essentiellement sur le tourisme qui repose
sur la valorisation du patrimoine. Ceci est illustré par le poids des
investissements occidentaux, appuyés par une souplesse des pouvoirs
locaux dans la gestion de ce dernier.
Tout au long de ce mémoire nous avons essayé
d'apporter des réponses aux questionnements et aux hypothèses que
nous nous étions posés au début de ce travail de
recherche. Nous avons ainsi pu connaître de près,
différents aspects liés aux acquisitions des demeures anciennes
dans la médina de Fès. La médina redevient, en fait, un
lieu à habiter et à vivre par des étrangers de
nationalités très variées et de profils
différents.
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Nous avons cherché à appliquer le concept de la
mise en tourisme sur le cas de la médina de Fès qui, selon nos
recherches, est entrain d'être mise en tourisme par le bon vouloir de
pouvoirs publics et d'acteurs privés souvent étrangers. Les
politiques de sauvegarde et de valorisation largement menées dans la
médina sont soutenues par des acteurs locaux à travers des
planifications strictes, appuyées par des programmes et des actions
volontaristes pour le soutien au développement d'un tourisme culturel
à Fès, dans le but d'en faire une destination touristique
à part entière. Parallèlement à cela, la grande
mobilité des étrangers depuis la fin des années 1990,
investissant en médina en achetant des habitations anciennes, participe
à la restauration du patrimoine domestique et à la
touristification de la médina. Ils constituent des acteurs essentiels
dans la valorisation du centre ancien de Fès, en l'utilisant, plus
encore, comme un patrimoine-ressource. L'élan pour la médina
confirme ainsi le choix fait par ces nouveaux "touristes-résidents" de
considérer ce lieu comme un espace touristique qu'ils consomment
autrement que le temps d'un voyage ou d'un séjour.
Parmi ces nouveaux venus, nombreux sont ceux qui se sont
installés dans la médina de Fès, pour le
différentiel de revenus qui leur permet de vivre mieux à moindre
coût. Cependant, beaucoup y sont dans la quête d'une
authenticité perdue ailleurs et une nouvelle façon de vivre
à l'ancienne.
Dans une moindre mesure que dans la ville historique de
Marrakech, ou même celle d'Essaouira, si nous prenons en compte la taille
de la médina, mais généralement dans le même
contexte, pour les mêmes raisons, et d'après une même
organisation du marché de l'immobilier, les maisons anciennes de
Fès se font vendre à des étrangers, pour entre autres en
faire des lieux de commerce en maisons d'hôtes, en cafés, en
restaurants, ou en galerie d'exposition d'art. Ce qui soutien la mise en valeur
touristique du tissu urbain ancien. Cependant, à l'inverse de Marrakech
ou d'Essaouira où le phénomène a pris une grande ampleur,
les autorités locales à Fès semblent plus vigilantes quand
il s'agit d'accorder aux investisseurs étrangers des facilités
d'investissement. En effet, le respect de l'héritage culturel de la
médina chez les fassis et la volonté de mieux la
préserver sont très présents.
A l'issu de cette première recherche sur les
acquisitions des anciennes demeures par les étrangers dans la
médina de Fès, et pendant l'avancement de nos investigations, il
nous est apparu que ce thème est un vrai chantier à explorer. En
effet, nous avons, à travers ce mémoire essayé d'apporter
des éclaircissements sur ce phénomène récemment
apparut à Fès,
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en établissant une sorte d'état des lieux de la
question. Nous nous sommes ainsi intéressés au contexte
lié à l'apparition de ces nouvelles dynamiques, les principaux
acteurs en présence, les modalités d'acquisition des demeures,
leur répartition dans l'espace 'médinal', ainsi que les
différents usages qui en sont fait. Toutefois, il serait en effet
intéressant de s'attarder sur les aspects relatifs aux pratiques de
cette nouvelle communauté étrangère et les relations de
celle-ci avec son nouvel espace de vie, en mettant l'accent sur les effets de
cette mise en tourisme sur l'espace et sur la vie sociale dans les quartiers
historiques de la médina, qui deviennent un espace de rencontre et de
sociabilité transformés avec l'insertion d'une population
étrangère par son identité, ses pratiques et ses
perceptions de l'espace et de la société. Il serait
également utile de s'interroger sur la perception de la population de la
médina de ce nouveau phénomène et ses relations avec ses
nouveaux voisins. Enfin, le devenir même du contenu social des anciennes
médinas serait digne d'intérêt avec une interrogation quand
à une nouvelle société en gestation.