L'arbitrage dans le système de règlement des différends de l'OMC( Télécharger le fichier original )par Diane Horélie PALGO Université de Bourgogne - Master Juriste d'affaires internationales 2011 |
CHAPITRE II : L'ARBITRAGE DE L'ARTICLE 25 : UNE ALTERNATIVE AU MODE DE REGLEMENT PAR LE GROUPE SPECIAL ET L'ORGANE D'APPELLe Mémorandum d'accord permet aux Etats membres de recourir à un arbitrage ad hoc prévu à l'article 25 pour le règlement de leurs différends. La brièveté du texte qui consacre l'arbitrage en tant que procédure à part entière montre qu'il s'agit d'un moyen secondaire de règlement des différends par rapport à la procédure classique des groupes spéciaux195(*). L'article est ainsi rédigé : 1. Un arbitrage rapide dans le cadre de l'OMC, conçu comme un autre moyen de règlement des différends, peut faciliter la solution de certains différends concernant des questions clairement définies par les deux parties. 2. Sauf disposition contraire du présent mémorandum d'accord, le recours à un arbitrage sera subordonné à l'accord mutuel des parties qui conviendront des procédures à suivre. Les accords sur le recours à l'arbitrage seront notifiés à tous les Membres assez longtemps avant l'ouverture effective de la procédure d'arbitrage. 3. D'autres Membres ne pourront devenir parties à une procédure d'arbitrage qu'avec l'accord des parties qui sont convenues d'avoir recours à l'arbitrage. Les parties à la procédure conviendront de se conformer à la décision arbitrale. Les décisions arbitrales seront notifiées à l'ORD et au Conseil ou Comité de tout accord pertinent, où tout Membre pourra soulever toute question s'y rapportant. 4. Les articles 21 et 22 du présent mémorandum d'accord s'appliqueront mutatis mutandis aux décisions arbitrales Il offre aux parties une autonomie plus grande que celle dont elles jouissent dans d'autres procédures d'arbitrages offertes dans des cadres institutionnels196(*). Ainsi contrairement aux arbitrages qui sont prévus lors de la phase de mise en conformité des décisions et recommandations de l'ORD, ce sont les parties qui vont préciser la question à soumettre à l'arbitrage. En effet la rédaction même du texte est très imprécise « l'arbitrage......peut faciliter la résolution de certains différends concernant des questions clairement définies par les parties ». On constate que le champ d'application de l'arbitrage ne fait pas l'objet d'une détermination précise197(*). Cela signifie que l'on peut recourir à cet arbitrage pour tous types de différends. Il faut remarquer également qu'il n'y a pas de surveillance multilatérale de la procédure198(*). Il appartient en effet aux arbitres de veiller au respect des règles et principes régissant le système de règlement de l'organisation. Aucune décision n'est nécessaire de la part de l'ORD. Les parties doivent simplement l'informer. Cette procédure qui avait déjà été introduite dans le cadre du GATT pour la résolution des différends entre Etats n'avait pas fait l'objet d'une utilisation effective199(*). A ce titre c'est le Canada et la CE, qui avaient décidé en 1990 de régler par la voie de l'arbitrage leurs différends concernant l'exportation de céréales canadiennes vers la CE. La CE avait souligné à cette époque le « caractère positif de cette expérience » et déclarait respecter les prescriptions données par l'arbitre. Difficile d'affirmer ce caractère positif puisque les Etats n'auront plus recours à cette procédure. Mode alternatif à la procédure des groupes spéciaux au sein de l'OMC, on aurait pu attendre que l'arbitrage soit plus fréquemment utilisé par les Etats membres pour résoudre leurs différends. Mais le constat est tout autre. Les Etats membres de l'OMC n'ont pas généralement recours à cet arbitrage pour la résolution de leurs différends. Pourtant l'appréciation de l'efficacité ou de l'inefficacité d'une procédure suppose au préalable que cette procédure soit utilisée en pratique. Il est donc nécessaire de comprendre avant tout les raisons de cette mise à l'écart de l'arbitrage principal par les Etats (section 1), mais également d'analyser le seul différend qui a été résolu par cette procédure d'arbitrage dans le cadre de l'OMC afin de comprendre pourquoi cette expérience n'a pas été convaincante (section 2). Section 1 : Une procédure oubliéeDix sept (17) ans après l'entrée en vigueur des Accords de Marrakech, et du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, les Etats n'ont eu recours à cette procédure que dans un seul différend. De plus la procédure a été mise en oeuvre après le rapport d'un groupe spécial. Cela confirme une fois de plus que même l'arbitrage ad hoc, a un caractère subsidiaire au sein de l'OMC. La procédure a été utilisée de façon subsidiaire après le rapport du groupe spécial. Ce n'est pas le litige principal qui a été résolu, mais un désaccord connexe qui n'affecte pas la solution principale déjà rendu par le groupe spécial. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le non recours des Etats à l'arbitrage ad hoc prévu à l'article 25 du Mémorandum d'accord. Il faut remarquer que c'est une procédure qui doit être actionnée d'un commun accord, donc il faut le consentement de toutes les parties au différend. Alors que la demande d'établissement d'un groupe spécial peut se faire de façon unilatérale. Les Etats préfèrent dans ces circonstances demander l'établissement d'un groupe spécial, que de négocier le consentement de l'autre partie pour recourir à l'arbitrage. Concurrencé ainsi par la procédure du groupe spécial, l'arbitrage ad hoc n'aura presque plus d'intérêt avec la mise en place de l'OA. En effet, lorsqu'une partie à un différend n'est pas satisfaite du rapport établi par le groupe spécial, elle peut porter le litige devant l'OA qui examine à nouveau les questions de droit. Ce qui n'est pourtant pas possible pour les décisions arbitrales. Ces décisions sont obligatoires et ne peuvent en aucun cas faire l'objet d'appel. Certes c'est un point très important, car cela pourrait encourager certains pays comme ceux en voie de développement à recourir à la procédure du groupe spécial, ce qui leur permettra de saisir l'OA pour faire valoir à nouveau leurs droits. Enfin, le Mémorandum d'accord prévoit l'application de l'article 21 concernant la détermination du délai raisonnable et l'article 22 pour la demande de compensations et suspension de concessions à la décision arbitrale. Cela ne fait que dénuer d'importance la décision arbitrale et contribuer à déprécier la fonction arbitrale au sein de l'OMC200(*). Grâce à la possibilité de négocier des compensations ou de demander la suspension de concessions ou d'obligation, la décision arbitrale est dénuée du moindre effet de droit201(*). En principe qui dit arbitrage, dit décision obligatoire et contraignante. En prévoyant l'application de ces procédures de mise en conformité, le caractère obligatoire de la décision est anéanti. L'article 25 prévoit pourtant que les « parties à la procédure conviendront de se conformer à la décision arbitrale »202(*). Avec l'application de ces procédures, la contrainte de mettre immédiatement en oeuvre la décision arbitrale est remise en cause. Par exemple l'Etat condamné peut décider de ne pas se mettre immédiatement en conformité afin de pouvoir négocier des compensations, ce qui lui permettra de maintenir sa mesure qui est contraire aux règles de l'organisation. Le recours des parties à la procédure arbitrale traduit pourtant une volonté d'obtenir une décision obligatoire203(*). De plus ces procédures sont également applicables à la décision du groupe spécial et de l'OA. Les parties n'ont donc pas d'intérêt à enclencher et utiliser cet arbitrage204(*). Comme précisé plus haut cette procédure d'arbitrage a été utilisée dans un seul différend ayant opposé deux grandes puissances mondiales : les Etats-Unis et la CE. Utilisation qui s'est faite dans des conditions bien particulières. Après cette première expérience, les Etats n'ont plus déclenché cette procédure pour régler un différend. Pourquoi cette première expérience n'a-t-elle pas été convaincante ? Cela a-t-il été l'occasion de constater l'inefficacité de la procédure ou des arbitres en l'espèce ? * 195 PACE Virgile, l'organisation mondiale du commerce et le renforcement de la réglementation juridique des échanges commerciaux internationaux, Paris, L'Harmattan, 2000, 480 p., p.234 * 196 RUIZ FABRI Hélène, « Le règlement des différends de l'OMC : une forme d'arbitrage », Archives de philosophie du droit (Tome 52), l'arbitrage, Paris, éditions Dalloz 2009, pp. 97-119, p. 103 * 197 Op.cit., note 195, p. 233 * 198 Op.cit., note 196 * 199 Décision du 12 avril 1989 sur les améliorations des règles et procédures de règlement des différends du GATT : http://www.wto.org/french/tratop_f/dispu_f/disp_settlement_cbt_f/a3s1p1_f.htm : Les Etats parties avaient consacré dans leur décision du 12 avril 1989 concernant les améliorations des règles et procédures du règlement des différends du GATT, instauré pour la première fois, de façon expresse une procédure d'arbitrage. La section E de la décision était ainsi rédigé « un arbitrage rapide dans le cadre du GATTT, conçu comme un autre moyen de règlement des différends, peut faciliter la solution de certains différends concernant des questions clairement définies par les deux parties ». * 200 BARBOU DES PLACES Ségolène, « L'arbitrage interétatique », Droit de l'économie internationale, CEDIN Paris X, Éditions A. Pedone, 2004, pp.1003-1011, p. 1007 * 201 CARREAU Dominique, JUILLARD Patrick, Droit international économique, Paris, Dalloz, 2010, 770 p., p. 104, paragraphe 245 * 202 Article 25.3 * 203 Op.cit, note 195, p.231 * 204 LORENZO Ludovic, Une nouvelle juridiction internationale : le système de règlement des différends interétatique de l'OMC, Université Lumière Lyon 2, 18 décembre 2003, p.54 |
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