IV. DISCUSSION
1. Interprétation de
l'analyse de cycle de vie
Généralement, l'impact environnemental
estimé pour la production de l'eau potable est relativement très
faible. Dans le cas de cette étude, la production d'un mètre cube
d'eau entraine un impact potentiel sur l'environnement, estimé à
partir de la méthode IMPACT 2002+, à un éco-score
global de 3,05 Pt. Le calcul de cette valeur à partir de la même
méthode, pour le cycle de vie complet (fabrication, utilisation et
recyclage) de divers contenants de bière réalisés par une
étude du CIRAIG (Margaud et al., 2010) a conduit à des
scores d'impacts de 158,24 et 249,46 Pt (scores non pondérés et
non normalisés), respectivement pour une bouteille de 330 ml, en verre
et une canette en aluminium de même capacité. Ainsi, le
procédé de production d'un mètre cube d'eau par
l'unité étudiée, se révèle 82 à 52
fois moins impactant sur l'environnement qu'une simple bouteille en verre ou
qu'une canette en aluminium. Cet impact global négligeable est
corroboré par les travaux de Crettaz et al., (1999) et de Viale
et al. (2011), qui ont montré que même la
récupération des eaux de pluie pour l'alimentation des chasses
d'eau s'avère plus impactante sur l'environnement que l'utilisation
d'eau potable du réseau public en particulier lorsqu'un système
de désinfection des eaux de pluie est installé ou lorsque la mise
en place du système de récupération est prise en compte
dans l'analyse.
La véritable problématique de la production
d'eau potable réside dans le fait que son profil d'impact reste
très largement dominé par les dommages environnementaux
liés à l'exploitation des ressources naturelles, et dans une
moindre mesure, à l'influence de l'activité de production sur le
changement climatique. En effet, l'analyse du cycle de vie du processus de
production d'eau potable de l'unité industrielle SODECI Nord-Riviera
révèle que la consommation énergétique, notamment
l'utilisation d'électricité nécessaire au pompage de la
ressource hydrique souterraine, constitue la source principale d'impact du
système. L'étude attribue par ailleurs, un rôle secondaire
quoique mineur, aux impacts liés à la production en amont, des
réactifs (en l'occurrence l'hydroxyde de calcium) nécessaire
à l'étape de traitement de l'eau brute. Ces résultats sont
conformes aux constats de la majorité des études
antérieures, utilisant l'approche ACV dans l'analyse les aspects
environnementaux des systèmes de production d'eau potable, qui ont mis
en exergue le rôle prépondérant de la consommation
électrique dans l'impact environnemental généré par
ces systèmes indifféremment de leur nature, de leur
géographie ou du type de technologie de traitement utilisée
(Mohapatra et al., 1997 ; Sombeke et al., 1997 ;
Crettaz et al., 1999 ; Lundin et al., 2000 ;
Friedrich et al., 2001 ; Tarantini et Ferri, 2001 ;
Friedrich et Buckley, 2002 ; Rihon et al., 2002 ; Beavis
et al., 2003 ; Raluy et al., 2005 ; Friedrich
et al., 2006 ; Pillay, 2007).
Cette prépondérance se traduit par la
prédominance des dommages sur les ressources naturelles et le climat,
dans l'impact environnemental global généré par le
système considéré. L'intensité des dommages est en
outre, fortement modulée par le type de profil énergétique
adopté par l'état ou la région considérée
(Renou, 2006). Dans cette étude, la production électrique
majoritairement issue de sources fossiles, adjointe aux importantes
quantités énergétiques requises pour le pompage de l'eau
entrainent une pression d'exploitation considérable sur les ressources
naturelles, et subséquemment des impacts significatifs sur le
faciès climatique, notamment en raison de la production de divers gaz
à effet de serre contribuant potentiellement à
l'altération du climat.
Ces répercussions négatives ne sont toutefois
pas prises en compte dans les calculs privés de l'entreprise, alors
qu'elles constituent des externalités susceptibles de modifier en aval,
les coûts de production de l'eau potable, comme l'ont montré
Stokes et Horvath (2005). Ces auteurs grâce à une approche
combinant l'ACV avec une analyse économique entrant-sortant (EIO-LCA),
appliquée sur différents systèmes d'approvisionnement en
eau, indiquent que les coûts associés aux externalités
négatives du processus de production d'eau potable peuvent engendrer des
augmentations de l'ordre de 1 à 8 % des coûts de production de
l'eau, prouvant ainsi qu'une pollution à une étape, même
lointaine de la chaine de production est susceptible de se traduire par des
conséquences économiques directes ou indirectes sur le produit
final. Cet argument économique milite en faveur de la prise en compte de
ces externalités dans les mécanismes décisionnels de la
SODECI. De plus, la notion de « responsabilité
environnementale » qui impose l'extension du processus de gestion
environnementale à toutes les activités et aux biens pour
lesquels une incidence environnementale directe, indirecte ou potentielle a
été définie, quelle que soit la portée de la
législation en cours, constitue également une motivation
supplémentaire pour l'élaboration et la mise en place d'un plan
d'action global visant l'amélioration de la performance environnementale
associée à l'activité de production d'eau potable.
La présente analyse lève également, un
coin de voile sur l'une des problématiques environnementales majeures du
processus de production de l'eau potable par la SODECI, relative à la
production et à la gestion des boues de traitement. En effet, l'analyse
de sensibilité réalisée sur ce paramètre
démontre qu'il induit quelle que soit sa magnitude, des impacts
environnementaux négligeables, par rapport à la charge
environnementale globale du système. Ce résultat pourrait
découler du volume relativement faible et de la nature des effluents et
boues de traitement, générés par le processus de
production (« incuits » de chaux principalement
composés de carbonate de calcium et de chaux).
Ces composés en dehors des risques sanitaires mineurs
(irritations cutanées et respiratoires, lésions oculaires),
qu'ils sont susceptibles d'entrainer, présentent un très faible
risque nocif, non significatif pour l'environnement, ou pour l'homme. Par
ailleurs, ces risques se trouvent considérablement réduits par
les mesures de sécurité établis pour la manutention de ces
réactifs (gants, masques et lunettes). L'absence d'incidence
significative sur l'environnement, s'observe également au niveau des
émissions aériennes de la station de traitement (principalement
des particules d'hydroxyde de calcium de moins de 10 um de diamètre).
Elle peut vraisemblablement être attribuée à des causes
similaires à celles énoncées précédemment,
en l'occurrence les caractéristiques des rejets (émissions
localisées et confinées au point de rejet), leur faible
nocivité, ainsi que les faibles volumes de produits émis d'autant
plus réduits par la présence de dépoussiéreurs
permettant la récupération par aspiration de la poudre de chaux
rejetée dans l'air ambiant.
Toutefois, il demeure important de souligner que l'analyse ne
décrit ici que l'impact relatif de ces paramètres par rapport
à l'impact total de l'activité de production. De plus, les
conclusions en émanant restent limitées autant par la
capacité et la robustesse du modèle mathématique
utilisée par la méthode d'évaluation (IMPACT
2002+), pour décrire et quantifier la voie d'impact de la chaux et
de ses dérivés dans l'écosystème, que par la
fiabilité des hypothèses émises. En effet, bien que
l'analyse n'attribue qu'un impact négligeable aux rejets d'incuits et de
poudre de chaux dans le milieu naturel, certaines données
consignées en annexes de ce document, font état de l'occurrence
d'un risque potentiel de nocivité associé aux rejets de doses
massives de chaux dans l'environnement, notamment pour certains compartiments
de la biocénose des milieux aquatiques. Les quantités de chaux
rejetées dans l'environnement demeurent toutefois, relativement
inférieures aux valeurs indiquées par ces données.
Cependant, l'analyse de cycle de vie n'établit qu'une image
instantanée des impacts potentiels générés par le
procédé, sans s'intéresser aux risques sécuritaires
(déversements accidentels, etc.) qui lui sont associés. De fait,
l'existence de telles éventualités conduit à agréer
cette conclusion, moyennant une certaine réserve.
Cette même réserve doit également
être appliquée à l'influence évaluée de
l'occupation du sol par les activités de traitement et de captage, sur
le bilan écologique global. En effet, l'étude en indiquant que ce
paramètre ne constitue pas une source d'impact majeur, permet de
conclure qu'il est possible d'accroitre les surfaces et
périmètres de protection des forages sans modifier
conséquemment pour autant, l'impact environnemental
généré. Toutefois, elle ne tient pas compte des
considérations sociales et économiques inhérentes à
l'accroissement d'espaces au sein d'environnement urbain, qui constituent
pourtant des dimensions primordiales du concept de développement
durable.
|
|