IV. SYSTEMES DE PRODUCTION
D'EAU POTABLE ET PRESSION ENVIRONNEMENTALE
L'intérêt de la communauté scientifique
vers l'évaluation des impacts environnementaux subséquents aux
processus de production et de distribution de l'eau connait, depuis 2003, en
Europe, une significative augmentation attestée par l'accroissement du
nombre de publications sur les analyses de cycle de vie des systèmes de
production d'eau potable, notamment dans le domaine de la désalinisation
(Vince et al., 2008). A l'opposé en Afrique, l'analyse des
impacts environnementaux de la filière de production d'eau potable
demeure encore très peu documentée. En effet, en dehors de
l'impressionnant volume de travaux produits sur les systèmes de
production d'eau potable exclusivement, en Afrique du sud (Friedrich,
2001 ; Friedrich et Buckley, 2002 ; Friedrich, 2002 ; Leske,
2003 ; Leske and Buckley, 2004a ; Leske and Buckley 2004b ;
Leske and Buckley, 2004c ; Friedrich et al., 2006 ; Landu
and Brent, 2006 ; Friedrich et al., 2007 ; Friedrich et
al., 2009a ; Friedrich et al., 2009b ; etc...), le
faciès bibliographique africain relatif à ce secteur demeure dans
son ensemble, globalement vide.
La majorité des études sud-africaines
résumées au sein des revues réalisées par Friedrich
et al. (2007) et Buckley et al. (2011),
révèlent que les phases de construction et de
démantèlement des infrastructures de production et de
distribution, se traduisent par des impacts environnementaux
négligeables par rapport aux phases d'exploitation proprement dites (en
moyenne moins de 15% de l'impact total pour les étapes de construction,
et moins de 1% pour celles de démantèlement). Elles identifient
par ailleurs, la consommation énergétique nécessaire
à la production d'eau potable comme la contribution la plus importante
à la charge environnementale du système. En effet, les travaux
publiés par Friedrich (2001), Friedrich et Buckley (2002) et Friedrich
(2002), ont montré à partir d'une approche
généraliste, comparant divers types de traitements (traitements
conventionnels et procédés membranaires d'ultrafiltration) que
même en prenant en compte le cout environnemental lié aux phases
de construction et de démantèlement des infrastructures, les
deux procédés de traitement se caractérisaient par des
impacts relativement égaux. Ces études ont montré
qu'environ 80% de l'impact total dérivait de la consommation
énergétique, quel que soit le type de technologie de traitement
utilisée. A un niveau plus spécifique, les conclusions de ces
études indexent l'ozonation et la gestion des résidus de
traitements comme les étapes les plus polluantes de toute la chaine de
production. Les résultats des travaux sud-africains s'avèrent en
grande conformité avec ceux émanant des études
menées en Europe où l'évaluation des impacts
environnementaux des activités de production d'eau potable
bénéficie d'un bien plus vif intérêt.
En effet, des patterns similaires ont été mis en
évidence par Raluy et al. (2005), dans une étude
conduite en Espagne et comparant les impacts de différents types d'usine
de désalinisation (distillation rapide multi-étage, distillation
à effets multiples et osmose inverse). Ces auteurs ont montré
qu'indifféremment de la méthode de calcul d'ACV utilisées
(Eco-Indicator 99, Eco-Points 97 ou CML), les phases de construction et de
démantèlement des infrastructures de traitement se
révélaient toujours négligeables par rapport aux phases
d'exploitation, en termes d'impacts environnementaux. Stokes et Horvath (2005)
et Raluy et al. (2004) font également état dans leurs
études respectives, de la contribution négligeable des phases
précitées dans la charge environnementale totale liée au
traitement et à la production d'eau potable.
La plupart des études attribue en
réalité, l'impact environnemental le plus important à la
consommation énergétique liée aux phases d'extraction et
de traitement de l'eau brute, ceci indifféremment des techniques et
procédés utilisés. Ainsi, la comparaison entre un
système conventionnel de traitement utilisant la filtration sur charbon
actif granulaire, et un procédé de traitement par nanofiltration
sur membrane, a montré un score identique pour les deux
procédés, avec les étapes les plus polluantes
identifiées par ordre d'importance, au niveau de la consommation
énergétique, de l'adoucissement et de la production du charbon
actif (Sombeke et al., 1997). Les analyses comparatives menées
par Mohapatra et al. (1997), entre le même système de
traitement conventionnel (filtration sur charbon actif) et deux autres
alternatives de filtration par osmose inverse, ont également mis, en
lumière la similarité relative des scores d'impacts
calculés pour les différents procédés. Elles ont
identifié de même, les étapes susmentionnées
(consommation énergétique, adoucissement et
régénération du charbon actif), comme les étapes
les plus polluantes de l'ensemble des procédés
étudiés.
A des échelles plus spécifiques,
focalisées sur le type de traitement utilisé, Beavis et
al. (2003), en comparant différentes techniques de
désinfection utilisées pour la production d'eau potable et le
traitement des eaux usées (irradiation par ultra-violets, injection de
chlore, et d'hypochlorite ), à l'aide de la méthode CML, ont
montré que l'élimination des micro-organismes par irradiation aux
ultra-violets s'avérait être le procédé au plus fort
coût environnemental dans la majorité des catégories pris
en compte (écotoxicité, eutrophisation, réchauffement
climatique global, etc.), notamment en raison de sa grande consommation
énergétique. Tarrantini et Ferri (2001) indique à l'aide
d'une étude conduite sur les systèmes d'approvisionnement en eau
de la ville de Bologne (Italie), que même lorsque le traitement de l'eau
s'appuie sur les procédés les plus conventionnels, ses impacts
s'avèrent significativement plus importants que ceux découlant
des stations d'épuration d'eaux usées. Ces auteurs ont
attribué la majeure partie de l'impact estimé à la
consommation énergétique nécessaire à l'extraction
de la ressource.
L'impact environnemental de la production d'eau potable
apparait de fait modulé par un facteur principal : sa consommation
énergétique. Ce facteur est estimé comme le
paramètre le plus sensible et la principale source d'impact des
systèmes de production d'eau. L'importance de sa contribution à
la charge totale du système est susceptible d'induire des transferts de
pollution, lorsqu'une technologie de traitement est remplacée par une
autre considérée comme « plus propre ». Un
tel scénario est illustré par le cas du traitement par
irradiation aux UV qui réduit les volumes d'intrants chimiques
potentiellement polluants, mais entraine une consommation plus importante
d'énergie d'où une augmentation de la charge environnementale
totale du système. Adjoint à la consommation
énergétique, il est également utile de souligner le poids
relativement important (bien que secondaire) des impacts liés à
la production de réactifs, au traitement des résidus de
traitement (Lundie et Morrison, 2002), et aux systèmes de distribution
(Lundie et al., 2004).
Bien que les analyses de cycle de vie des systèmes de
d'approvisionnement en eau potable possèdent un rôle substantiel
pour les distributeurs d'eau, dans la mesure où elles mettent en
évidence la prépondérance des technologies et
procédés utilisés dans le bilan écologique de l'eau
potable, et permettent d'identifier les sources de pollution et les
alternatives plausibles d'optimisation ; il apparait utile de relever que
la production ou la consommation d'eau potable provenant de
« systèmes industriels » joue en
réalité, un rôle relativement marginal dans
l'écobilan global. Jungbluth (2006) révèle en effet,
qu'une consommation annuelle de 2 litres d'eau par personne et par jour, en
Suisse, correspondrait en termes d'équivalence énergétique
à un trajet de 2 km en voiture, contre 1791 km pour une eau
minérale en bouteille. Ainsi, selon l'auteur, seul l'effet
multiplicateur des recommandations de consommation appliquées au niveau
individuel et celles formulées en vue de l'optimisation du
système de production, sont susceptibles d'aboutir à un effet de
portée significative sur l'environnement.
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